La suffisance de l’Écriture
Définition
L’Écriture est suffisante. En effet, au regard de la foi et de la piété, il n’y a pas d’autre autorité définitive pour le chrétien, car elle seule est inspirée et inerrante. Les autres sources d’autorité sont subordonnées à l’Écriture.
Résumé
La doctrine de la suffisance de l’Écriture est attaquée sur plusieurs fronts. Depuis la Réforme, Rome remet en question cette doctrine en avançant qu’on ne peut interpréter avec justesse la Parole sans faire appel à la tradition et au magistère pontifical. Les réformateurs, eux, répondent que l’Écriture est suffisante en tout ce qui a trait à la foi et à la piété, et qu’elle n’est pas tenue de faire appel à une autre autorité. Néanmoins, cela ne signifie pas que l’Écriture est coupée des autres ressources ou autorités. En réalité, toutes les sources d’autorité sont subordonnées à l’Écriture, et celle-ci les domine en sa qualité d’autorité définitive inspirée de Dieu.
Toute Écriture est utile…
« Toute Écriture est inspirée de Dieu, et utile pour enseigner, pour convaincre, pour corriger, pour instruire dans la justice, afin que l’homme de Dieu soit accompli et propre à toute bonne œuvre » (2 Ti 3.16,17). C’est ainsi que Paul encourage Timothée. Non seulement les Écritures dont il a hérité sont d’origine divine, mais elles sont également suffisantes pour son ministère. Il est donc justifié d’être reconnaissant pour la suffisance des Écritures. Dieu n’a pas seulement parlé ; il a parlé de façon définitive. L’Écriture guide la foi et la conduite de l’Église de sa main sûre, même quand survient la tempête.
La renaissance de la doctrine de la suffisance de l’Écriture
Toutefois, la doctrine de la suffisance de l’Écriture a été attaquée sans relâche depuis la Réforme. Rome l’a remise en question en alléguant que la tradition infaillible et le magistère pontifical sont nécessaires si l’on veut parvenir à la seule interprétation juste possible de l’Écriture. Cette conclusion découle du présupposé selon lequel la tradition constitue une seconde source infaillible, ou un canal de la révélation divine. Selon cette pensée, la Bible n’est pas la seule autorité ultime, inspirée et inerrante pour l’Église. Hélas, sans le principe sola scriptura, la doctrine de la suffisance de l’Écriture ne peut survivre.
La Réforme a donné lieu à une résurgence de la doctrine de la suffisance de l’Écriture, elle-même due à un renouveau de la reconnaissance de son autorité. Par exemple, en 1561, les auteurs de la Confessio Belgica déclarent : « Nous croyons que cette Écriture Sainte contient parfaitement la volonté divine, et que tout ce que l’homme doit croire pour être sauvé y est suffisamment enseigné. » Un siècle plus tard, en 1646, la confession de foi rédigée par les théologiens de l’assemblée de Westminster comprend également la doctrine de la suffisance de l’Écriture : « Tout le Conseil de Dieu, c’est-à-dire tout ce qui est nécessaire à la gloire du Seigneur ainsi qu’au salut, à la foi et à la vie de l’homme, est expressément consigné dans l’Écriture ou doit en être déduit comme une bonne et nécessaire conséquence ; rien, en aucun temps, ne peut y être ajouté, soit par de nouvelles révélations de l’Esprit, soit par les traditions humaines » (voir Ga 1.8,9 ; 2 Th 2.2 ; 2 Ti 3.15‑17). Considérons aussi l’exemple du Petit catéchisme de Westminster, qui capture bien l’essence de cette doctrine en exposant une question suivie de sa réponse :
Q : Qu’est-ce que les Écritures enseignent principalement ?
R : Les Écritures enseignent principalement ce que l’homme doit croire par rapport à Dieu, et quel devoir Dieu requiert de l’homme.
Comme ces confessions de foi le montrent, la doctrine de la suffisance de l’Écriture est l’élément distinctif des protestants évangéliques. Ces derniers considèrent que la Bible contient tout ce qui est nécessaire au salut et à la piété.
Les ressources extrabibliques : aides ou maîtres de l’interprétation ?
La doctrine de la suffisance des Écritures rejette-t-elle les ressources extrabibliques ? Non. Le faire reviendrait à mélanger sola scriptura et nuda scriptura. Gardons en tête que sola scriptura n’écarte pas l’existence d’autres sources d’autorité pour l’Église, notamment les credo, les conciles, les dirigeants de l’église locale, les théologiens et la tradition. La doctrine de la suffisance stipule plutôt que l’Écriture est la seule autorité qui soit inspirée, inerrante et, par le fait même, définitive. Bien qu’il existe plusieurs sources d’autorité importantes, chacune d’entre elles est subordonnée à l’Écriture, qui est la seule autorité inspirée de Dieu, exempte d’erreurs, pleinement digne de confiance et suffisante pour la foi et la conduite du chrétien. L’Écriture est notre seule autorité magistrale ; toutes les autres sont auxiliaires.
Par conséquent, le chrétien ne doit pas hésiter à utiliser les ressources extrabibliques. D’ailleurs, il ne devrait pas hésiter à apprendre de ces ressources, à les citer ou à les exploiter. Plusieurs d’entre elles sont de véritables cadeaux qui émanent de la révélation générale de Dieu, suivant la structure du monde qu’il a créé. La philosophie, la médecine, la littérature, les mathématiques et la science sont tous des fruits de l’arbre de la grâce commune de Dieu pour le bien de l’humanité.
Néanmoins, il est justifié de s’inquiéter lorsqu’une source extrabiblique prétend avoir préséance sur la vérité de l’Écriture ou qu’elle s’oppose au christianisme biblique. Notre appréciation des sources extrabibliques ne change rien au fait qu’elles servent d’auxiliaires à notre seule autorité inspirée et inerrante : l’Écriture. Bien utilisées, elles sont un outil d’interprétation et peuvent ainsi être d’un grand secours. Cependant, on ne doit jamais les laisser diriger notre interprétation et reléguer de fait Dieu et sa Parole à des fonctions subordonnées.
La doctrine de la suffisance : un enjeu important pour l’Église
Premièrement, la doctrine de la suffisance implique des enjeux importants pour l’Église d’aujourd’hui. Tout d’abord, bien que les chrétiens affirment généralement croire en la suffisance de l’Écriture, leur vie démontre souvent le contraire, notamment lorsqu’ils privilégient leur propre expérience au détriment des enseignements bibliques. Quant à la foi et à la conduite chrétienne, trop de chrétiens acquiescent à l’enseignement de la Bible pour le mettre finalement de côté et vivre selon ce qu’ils pensent ou ressentent être le mieux pour eux. Ces chrétiens admettent intellectuellement la doctrine de la suffisance de l’Écriture, mais se laissent guider par leur propre expérience. Les paroles de Dietrich Bonhoeffer sont encore d’actualité : « On soumet les Écritures au crible de l’expérience, et l’on secoue tous les éléments qui ne s’y conforment pas, puis on les jette avec mépris ; on taille le message biblique ici et là, on l’émonde jusqu’à ce qu’il cadre avec nos désirs ; on coupe les ailes d’un aigle pour qu’il ne puisse plus voler, puis on l’exhibe comme la pièce maîtresse d’une collection d’animaux domestiques. »
Deuxièmement, l’ensemble de l’Église a désespérément besoin de se réapproprier la doctrine de la suffisance de l’Écriture. Trop de pasteurs adoptent la mentalité consumériste de la culture ambiante. Pour eux, la Bible n’est plus prioritaire ; ce sont les considérations pragmatiques qui le sont. L’identité et le mandat de l’Église ne sont plus dictés par la Parole de Dieu, mais déterminés par les soi-disant « besoins » de la culture environnante. On ne garde que ce qui retient les visiteurs et on met l’Église au goût du jour, quel qu’en soit le prix. Ce sont là les règles qui déterminent la façon dont on approche l’adoration et le ministère. Ainsi, dans sa volonté d’assouvir à tout prix les désirs de divertissement de l’assistance, l’Église vend son âme à la culture ambiante.
C’est le monde à l’envers. On devrait plutôt se réunir chaque semaine sous l’invitation de Dieu lui-même et écouter ce qu’il a à nous dire. Puisqu’il nous parle au moyen de sa Parole, on devrait donner à cette Parole – consignée dans les Écritures et inspirée par Dieu – la place d’honneur. Tous les chants et sermons devraient aller dans ce sens. Après tout, n’est-ce pas la raison pour laquelle Paul écrit à Timothée : « […] prêche la parole, insiste en toute occasion, favorable ou non, reprends, censure, exhorte, avec toute douceur et en instruisant » (2 Ti 4.2) ?
Sans la Parole, non seulement l’Église meurt de faim, mais elle ne peut rien donner au monde qui soit durable et salutaire. La Parole de Dieu est une lampe en ce monde de ténèbres, une lumière sur notre sentier (Ps 119.93,105), de sorte qu’elle permet aux chrétiens et à l’Église de connaître Dieu et de savoir comment vivre dans ses voies en tant que peuple de l’alliance.
Lectures complémentaires
- BARRETT, Matthew, « God’s Word Alone: The Authority of Scripture ». Voir une entrevue avec l’auteur ici et ici.
- BARRETT, Matthew, « Ten videos on the doctrine of Scripture».
- BARRETT, Matthew, « Twenty-one lectures», basé sur God’s Word Alone.
- LILLBACK, Peter, Richard Gaffin Jr., éd., Thy Word Is Still Truth: Essential Writings on the Doctrine of Scripture from the Reformation to Today
- SWAIN, Scott, Trinity, Revelation, and Reading: A Theological Introduction to the Bible and Its Interpretation
- WHITAKER, William, Disputations on Holy
Cet essai fait partie de la série « Concise Theology ». Tous les points de vue exprimés dans cet essai sont ceux de l’auteur. Cet essai est gratuitement disponible sous licence Creative Commons avec Attribution Partage dans les mêmes conditions (CC BY-SA 3.0 US), ce qui permet aux utilisateurs de le partager sur d’autres supports/formats et d’en adapter/traduire le contenu à condition que figurent un lien d’attribution, les indications de changements et que la même licence Creative Commons s’applique à ce contenu. Si vous souhaitez traduire notre contenu ou rejoindre notre communauté de traducteurs, n’hésitez pas à nous contacter.