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Définition

La doctrine de l’imputation enseigne que si le péché d’Adam nous est imputé parce qu’il est notre représentant naturel, Dieu impute ou attribue aussi la justice et la souffrance de Jésus à ceux qui sont en lui, et inversement, il impute au Christ les péchés des rachetés.

Résumé

La doctrine de l’imputation enseigne que si le péché d’Adam nous est imputé parce qu’il est notre représentant naturel, Dieu impute ou attribue aussi la justice et la souffrance de Jésus à ceux qui sont en lui, et inversement, il impute au Christ les péchés des rachetés. L’imputation est basée sur les modèles sacrificiels de l’Ancien Testament, que l’on retrouve dans des événements tels que le jour de l’Expiation, où un bouc émissaire est chargé des péchés du peuple. Les prophètes Jérémie et Ésaïe clarifient encore davantage les fondements de la doctrine sur lesquels les auteurs du Nouveau Testament s’appuient. C’est l’apôtre Paul qui alimente le plus l’enseignement du Nouveau Testament sur l’imputation, en précisant qu’elle a trois modes opératoires : le péché d’Adam est imputé à l’ensemble de l’humanité ; le péché du chrétien est imputé au Christ ; et la justice du Christ est imputée aux chrétiens. Ce sont les deux derniers éléments de l’imputation que Martin Luther a nommés le « glorieux échange », celui de notre péché contre la justice du Christ. Une telle vérité est un baume au cœur pour le chrétien qui craint de se tenir en présence d’un Dieu saint, alors qu’il ne porte rien d’autre que des vêtements tachés de péché.

La doctrine de l’imputation enseigne que dans la doctrine de la justification, Dieu impute ou attribue la justice et la souffrance de Jésus à ceux qui sont en lui, et inversement, impute au Christ les péchés des rachetés. Martin Luther, réformateur protestant du xvie siècle, a appelé cette double imputation le « glorieux échange ». Ce qui est à nous revient à Christ et ce qui est à Christ nous revient. Cette doctrine trouve ses racines dans l’Ancien Testament et se déploie pleinement dans le Nouveau Testament, notamment dans les épîtres de l’apôtre Paul.

L’Ancien Testament fournit plusieurs passages importants qui constituent le fondement de la doctrine. L’un des plus importants est celui de Lévitique 16 au sujet du jour de l’Expiation. Ce jour-là, le grand prêtre devait offrir un taureau expiatoire en son propre nom, pour s’assurer qu’il était cérémoniellement pur et exempt de souillure afin de pouvoir entrer dans le Saint des saints et offrir les sacrifices nécessaires au nom du peuple (Lé 16.6). En plus du taureau expiatoire, le grand prêtre prenait deux boucs : il en sacrifiait un et procédait ensuite à une cérémonie où il posait les mains sur l’autre : « Aaron posera ses deux mains sur la tête du bouc vivant, et il confessera sur lui toutes les iniquités des enfants d’Israël et toutes les transgressions par lesquelles ils ont péché ; il les mettra sur la tête du bouc, puis il le chassera dans le désert, à l’aide d’un homme qui aura cette charge. Le bouc emportera sur lui toutes leurs iniquités dans une terre désolée ; il sera chassé dans le désert » (Lé 16.21,22). Dans cette cérémonie et cette gestuelle des mains, on peut relever trois éléments : (1) Aaron pose ses mains sur la tête du bouc, ce qui représente un transfert (voir No 27.18 ; De 34.9 ; 1 Ti 4.14) ; (2) en l’occurrence, le grand prêtre transfère les péchés de la nation au bouc émissaire, ce qui est mis en évidence par le fait qu’il confesse les péchés d’Israël en posant ses mains sur le bouc ; et (3) le bouc porte les péchés du peuple et les emporte hors du camp.

Les protocoles du jour de l’Expiation font allusion au sacrifice du Messie à venir et à la façon dont il rachètera son peuple. Plus on avance dans l’Ancien Testament, plus les ombres cèdent leur place à la lumière naissante du Messie. La prophétie du Serviteur souffrant annonce que les ténèbres cèderont leur place à une grande lumière. La prophétie d’Ésaïe est marquée par des termes qui évoquent le jour de l’Expiation : « Ce sont nos souffrances qu’il a portées, c’est de nos douleurs qu’il s’est chargé » (És 53.4). « Mais il était blessé pour nos péchés, brisé pour nos iniquités ; le châtiment qui nous donne la paix est tombé sur lui, et c’est par ses meurtrissures que nous sommes guéris » (És 53.5). Ces deux déclarations font écho au langage de Lévitique 16.21,22, en particulier au fait que le bouc émissaire porte les péchés d’Israël, et que de la même manière, le serviteur souffrant porte les souffrances, les douleurs, les péchés et le châtiment qui vont apporter la paix à Israël. Ces déclarations générales sont plus claires dans Ésaïe 53.11,12, où il est écrit : « À cause du travail de son âme, il rassasiera ses regards ; par sa connaissance mon serviteur juste justifiera beaucoup d’hommes, et il se chargera de leurs iniquités. C’est pourquoi je lui donnerai sa part avec les grands ; il partagera le butin avec les puissants, parce qu’il s’est livré lui-même à la mort, et qu’il a été mis au nombre des malfaiteurs, parce qu’il a porté les péchés de beaucoup d’hommes, et qu’il a intercédé pour les coupables. » Ésaïe souligne le fait que le serviteur souffrant « justifiera beaucoup d’hommes » et qu’en échange, « il se chargera de leurs iniquités » et sera « mis au nombre des malfaiteurs. » Le Serviteur souffrant n’est pas lui-même pécheur, mais il est tout de même compté parmi les pécheurs. Pourtant, il est formidable de constater que les pécheurs sont justifiés, c’est-à-dire que la loi n’a aucun droit sur eux, parce que le serviteur souffrant leur donne son statut de parfait gardien de la loi (voir De 6.25 ; Lé 18.5). Le Serviteur souffrant n’est pas naturellement pécheur et les pécheurs ne sont pas naturellement justes, mais par la grâce de Dieu, le Serviteur porte la faute des pécheurs et les justifie. Ésaïe présente clairement la doctrine de l’imputation – le glorieux échange.

L’une des images les plus éloquentes de l’imputation se trouve dans le livre de Zacharie, lorsque le prophète a une vision de Josué, le grand prêtre, debout en présence de Dieu, portant des vêtements sacerdotaux tachés d’excréments (Za 3.1 ; voir De 23.13,14 ; És 28.8 ; 36.12 ; Éz 4.12). Les vêtements sales de Josué sont exactement à l’opposé de ce qu’il est censé porter (Lé 16.4). Dieu a toutes les raisons de l’accuser et pourtant, dans un revirement frappant, il couvre Josué de sa miséricorde et de sa grâce. Il ordonne aux anges de retirer ses vêtements souillés et de lui donner des « habits de fête » (Za 3.4). Dans la vision, Zacharie explique que les vêtements souillés représentent le péché de Josué et que leur retrait annonce le pardon de Dieu : « Vois, je t’enlève ton iniquité, et je te revêts d’habits de fête » (Za 3.4). Si le retrait des vêtements souillés entraîne le pardon des péchés, alors le fait de revêtir des habits de fête représente l’imputation de la justice. Ésaïe rend explicite ce que Zacharie voit de façon imagée dans sa vision : « Je me réjouirai en l’Éternel, mon âme sera ravie d’allégresse en mon Dieu ; car il m’a revêtu des vêtements du salut, il m’a couvert du manteau de la délivrance, comme le fiancé s’orne d’un diadème, comme la fiancée se pare de ses joyaux » (És 61.10). Le nouveau statut de juste de Zacharie n’est pas inné, il provient d’une source extérieure : il découle de Dieu, et non de ses propres efforts.

Ces images, ces ombres et ces déclarations de l’Ancien Testament nous redirigent toutes vers Jésus dans le Nouveau Testament, et vers le glorieux échange dont nous bénéficions grâce à la rédemption qu’il apporte. Lorsque l’apôtre Paul parle de la nature du salut, il explique à l’Église de Corinthe que lui et les autres apôtres sont les ambassadeurs du Christ, que Dieu utilise pour son appel. C’est le message de réconciliation que les apôtres et lui-même annoncent : « Celui qui n’a point connu le péché, il l’a fait devenir péché pour nous, afin que nous devenions en lui justice de Dieu » (2 Co 5.21). Dieu fait devenir péché le Christ de la même manière que nous devenons justice de Dieu, à savoir par imputation. La formule de Paul repose sans doute sur le socle d’Ésaïe 53, qui trouve lui-même son origine dans les protocoles du jour de l’Expiation de Lévitique 16. Le Christ porte notre péché et nous recevons la justice du Christ, sa parfaite obéissance à la loi nous est attribuée. Dans Romains 4, l’apôtre utilise ce même langage dans son discours sur la doctrine de la justification, lorsqu’il cite Genèse 15.6 : « Abraham crut à Dieu, et cela lui fut imputé à justice » (Ro 4.3). Paul explique le concept d’imputation ainsi : « Or, à celui qui fait une œuvre, le salaire est imputé, non comme une grâce, mais comme une chose due ; et à celui qui ne fait point d’œuvre, mais qui croit en celui qui justifie l’impie, sa foi lui est imputée à justice » (Ro 4.4,5). La justice d’Abraham n’était pas innée ; d’ailleurs, Paul déclare qu’il était « impie ». Alors comment Dieu a-t-il pu le considérer comme juste ? Parce qu’Abraham s’est emparé de la justice du Christ par la foi. Dieu a donc imputé la justice du Christ à Abraham. Paul explique plus en détail la nature de l’imputation en faisant allusion à David : « De même David exprime le bonheur de l’homme à qui Dieu impute la justice sans les œuvres : “Heureux ceux dont les iniquités sont pardonnées, et dont les péchés sont couverts !” » (Ro 4.6,7.) Une fois encore, Dieu impute la justice au pécheur impie qui se tourne vers le Christ, par la foi, indépendamment des œuvres, et il ne retient pas son péché contre lui.

Dans Romains 5.12-21, Paul expose également le glorieux échange effectué entre Christ et les croyants, mais il ajoute un autre élément de l’imputation, à savoir la culpabilité imputée à Adam. Paul explique que le péché est entré dans le monde par un seul homme et que la mort s’est répandue à tous les peuples parce que tous ont péché (Ro 5.12). Mais comment, au juste, Paul peut-il dire que tous ont péché à cause du seul péché d’Adam ? Adam et le Christ servent de représentants, ou fédérateurs, pour ceux qui sont en eux : Adam représente toute l’humanité et le Christ ne représente que ceux qui sont en lui (voir 1 Co 15.20-28). Chaque représentant ou fédérateur agit, avec désobéissance dans le cas d’Adam, et avec obéissance dans le cas du dernier Adam (voir 1 Co 15.45) : « Car, comme par la désobéissance d’un seul homme beaucoup ont été rendus pécheurs, de même par l’obéissance d’un seul beaucoup seront rendus justes » (Ro 5.19). En raison de la désobéissance et de l’obéissance respectives d’Adam et du Christ, Dieu rend les gens pécheurs ou justes, il les place dans l’une ou l’autre de ces catégories. Paul ne dit pas que Dieu considère les gens pécheurs parce qu’ils pèchent ; il ne dit pas que les humains imitent le péché d’Adam et que Dieu les classe par conséquent parmi les pécheurs ; il ne dit pas qu’ils reçoivent leur statut de pécheur parce qu’ils sont nés pécheurs. Au contraire, Dieu les rend, ou place (katestathēsan) dans la catégorie des pécheurs ou des justes selon leur relation avec leurs représentants respectifs.

 

Cette étude exégétique de l’Ancien Testament et du Nouveau Testament conduit à la conclusion théologique selon laquelle la Bible enseigne qu’il y a trois éléments dans l’imputation : Dieu impute le péché d’Adam à tous les peuples, les péchés des rachetés au Christ, et la justice du Christ aux rachetés, donc à ceux qui sont en Christ. Les implications de cette imputation à trois volets sont profondes. Les doctrines de l’imputation et de la justification sont étroitement liées. Dieu ne justifie ni ne déclare justes les pécheurs sur la base de leurs propres bonnes œuvres (Ép 2.8,9), mais sur la base de l’obéissance et de la souffrance du Christ reçues par imputation et saisies par la foi seule. Cet enseignement des Écritures contraste fortement avec la doctrine de l’Église catholique romaine, qui enseigne que Dieu justifie les pécheurs sur la base d’une justice inhérente, plutôt qu’imputée. En d’autres termes, une personne doit être réellement sainte pour recevoir le statut de juste au tribunal divin. Pourtant, une telle pensée va à l’encontre du témoignage de Paul selon lequel Dieu justifie les « impies » (Ro 4.5). La personne impie ne peut recevoir le statut de juste que par une imputation offerte gracieusement. La question 60 du Catéchisme de Heidelberg (1563) est la suivante : « Comment es-tu justifié devant Dieu ? » Et voici la réponse apportée : « Seulement par une vraie foi en Jésus-Christ. Aussi, quoique ma conscience m’accuse d’avoir gravement péché contre tous les commandements de Dieu, de n’en avoir jamais gardé aucun, et d’être encore continuellement enclin à tout mal, Dieu cependant, sans aucun mérite de ma part, mais par une pure grâce, me donne-t-il et m’impute-t-il l’œuvre parfaite de restauration, la justice et la sainteté du Christ, comme si je n’avais jamais commis ni eu aucun péché, et comme si j’avais eu moi-même cette parfaite obéissance que Jésus-Christ a observée pour moi ; à la seule condition que je reçoive ce bienfait avec un cœur croyant. » Une telle vérité est un baume pour l’âme qui craint de se tenir en présence d’un Dieu saint, alors qu’elle ne porte rien d’autre que des vêtements souillés de péché. Par la grâce de Dieu, il nous revêt gratuitement de l’habit de justice du Christ afin que nous nous tenions saints devant lui.

Lectures complémentaires


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