L’autodiscipline est normalement une bonne chose. Les chrétiens croient que Dieu leur a donné « un esprit de force, d’amour et de maîtrise de soi » (2 Timothée 1.7 – TOB). Certaines formes d’autodiscipline sont pourtant ignobles et même dangereuses.
Ainsi, les stoïciens du temps de Paul pensaient que c’était faire preuve de sagesse que de vivre en harmonie avec les choses du monde, ce qui nécessitait d’étouffer les « passions » pour être en pleine harmonie avec la raison. Motivés par des principes moraux élevés, ils se vantaient de vivre au-dessus des émotions, au-dessus des attachements personnels qui peuvent entraîner beaucoup de souffrance. D’un certain côté, ce « stoïcisme » est admirable. Mais il est très éloigné des engagements personnels que prescrit l’Évangile, avec son inévitable cortège de vulnérabilités et de souffrances dans ce monde déchu. C’est d’ailleurs là que se situe le grand tort de la philosophie stoïcienne des choses : ce que le stoïcisme dit du monde et du mal est tellement éloigné de ce que la Bible dit que sa définition du bien doit davantage à une certaine forme de panthéisme qu’à tout autre chose. Par conséquent, si, du point de vue chrétien, l’autodiscipline stoïcienne a quelque chose d’admirable, elle ne peut en aucun cas être considérée comme bonne. Certaines formes d’autodiscipline ne font que nourrir l’orgueil des individus fiers de leur détermination.
Les premiers versets du psaume 39 exposent une autre forme d’autodiscipline contestable. David a résolu de ne pas ouvrir la bouche. On ne sait pas exactement si sa ferme résolution de ne rien dire, surtout en présence du méchant (v. 2), s’appuie sur la crainte de faire comme lui, ou, plus vraisemblablement, sur la crainte de laisser échapper quelque parole qui pourrait être dangereuse dans cette compagnie, ou peut-être encore par quelque conviction mal placée, de devoir rester silencieux pour ne pas encourager le méchant. Quoi qu’il en soit, c’était une décision morale, louable à certains égards, et cependant tout à fait inopportune. Car en gardant le silence, il n’a rien dit de bien (v. 3). D’une manière ou d’une autre, il cherchait à lutter contre le péché en se disciplinant au silence.
David a découvert une meilleure solution. Il parle, mais ses propos s’adressent à Dieu (v. 5s). Il se rend compte du caractère éphémère de la vie et conclut que, tout compte fait, nous n’avons rien d’autre sur quoi compter sinon placer notre espérance dans le Seigneur (v. 8). Dieu seul peut nous sauver de nos transgressions et nous délivrer des pièges des adversaires (v. 10). Le silence résolu en face du mystère de la providence ne constitue pas un pas en avant (v. 10). C’est une mauvaise autodiscipline, c’est une vilaine provocation plutôt qu’une joyeuse soumission à la « discipline » de Dieu (v. 12).