Un croyant « BLAISE[1] » est un croyant en bonne santé spirituelle. Consciemment, parce qu’en Christ, il (/elle) connaît le Bonheur, la Libération, l’Assurance, l’Identité, la Sécurité, l’Estime de soi qui conviennent à son statut d’enfant de Dieu. Il est « à l’aise » dans sa vie chrétienne.
L’épître aux Galates a la puissance de te garder « BLAISE » ou de faire de toi un(e) chrétien(ne) « BLAISE ». C’est une puissance qui relève de l’Evangile de la justification par la foi seule. C’est aussi une puissance qui provient d’une bonne compréhension du déroulement de l’histoire du salut.
Selon l’Evangile, c’est par la grâce seule – gratuitement – qu’on entre en bonne relation avec Dieu (p. ex., Rm 3,24). Dans nos milieux, on a généralement compris cela.
Mais qu’en est-il de la suite de la vie chrétienne ? C’est là l’enjeu de l’épître aux Galates.
Cette épître nous incite à réfléchir au moment où l’on est justifié. Dans certains textes, la réponse est claire. Selon Romains 5,1 ; 5,9 ; 8,30, le moment de la justification est le début de la vie chrétienne. C’est « en vertu de la foi » que nous sommes justifiés (Rm 5,1) : dès que nous croyons, nous sommes en règle avec Dieu. Il en est de même dans l’épître aux Galates en raison d’un parallèle qui est établi entre Abraham et n’importe quel croyant (Ga 3,6) : « Abraham crut Dieu, et cela lui fut compté comme justice » (cf. Gn 15,6).
Cela dit, à d’autres endroits dans Galates, le moment de la justification est futur (2,17 ; 5,4-5[2]). On serajustifié. Cela ne devrait pas nous troubler, car il est normal qu’une déclaration qu’on est juste puisse être faite lors du jugement.
Un chrétien « DÉMENTI » ?
Cette observation concernant la dimension future de la justification est importante dans la perspective de l’épître aux Galates. En effet, dans cette épître, le problème que l’apôtre Paul aborde concerne la façon dont on vit en tant que croyant.
Dans Galates 3,1-5, il est question de savoir comment on commence la vie chrétienne et comment on achève la vie chrétienne. Quelque chose de grave est en train de s’opérer : certains Galates commencent à considérer que, pour aller jusqu’au bout de la course chrétienne, ils doivent s’appuyer sur leurs propres efforts – la mise en pratique des œuvres de la loi. « Etes-vous donc stupides à ce point ? Après avoir commencé par l’Esprit, allez-vous maintenant achever par la chair ? » (v. 3).
Voici ce qui semble être le discours des faux docteurs qui influencent les Galates. « Chers Galates, vous êtes devenus chrétiens, et c’est fantastique – et c’est par la foi, par le Christ, par la grâce ! Mais Roger/Manon, maintenant que tu as pris l’engagement, tu ne voudrais pas aller jusqu’au bout ? Dieu s’attend à ce que tu le prennes au sérieux – que tu sois sérieux/sérieuse dans ton engagement – et donc que tu respectes sa loi quand même ! Et, à ce moment-là, tu sauras que tu es sur la bonne voie ! Bref, il faut respecter la loi de Dieu – la Torah – donc la circoncision, le sabbat, les règles alimentaires (du genre : pas de porc, pas de moules, pas de boudin…) »
Dans la perspective du message de Galates, c’est là un renversement de l’Evangile de la justification par la foi seule (cf. 2,15-21). C’est une forme d’esclavage qui prive de la joie en Christ (2,4 ; 3,22 ; 4,15). Bien plus, cela revient à démentir le statut du croyant en Jésus-Christ dans la façon de mener la vie chrétienne.
Vivre en « anti-BLAISE » veut dire vivre en tant que « croyant DÉMENTI » : Découragé, Ébranlé, Mal à l’aise, Esclave, Nombriliste, Timoré, Insécurisé.
Vivre en « anti-BLAISE » veut dire vivre en tant que « croyant DÉMENTI » : Découragé, Ébranlé, Mal à l’aise, Esclave, Nombriliste, Timoré, Insécurisé.
Dans mon expérience, un pourcentage élevé de personnes se disant croyants évangéliques vivent conformément à ce que les faux docteurs prônent. Ils manifestent plusieurs de ces caractéristiques.
Je constate une telle tendance dans mon propre cœur. J’ai besoin du message de Galates, moi aussi.
Ce n’est pas forcément que les croyants de nos milieux visent à mettre en pratique la loi de Moïse. Mais ils n’éprouvent pas beaucoup de joie au jour le jour, parce qu’ils trouvent que la vie chrétienne est un fardeau. Ils travaillent ou essayent de travailler par sentiment de devoir, en espérant que ce soit assez, mais sans être à la hauteur – ils savent qu’ils ne pourraient jamais avoir une piété suffisante. C’est une triste affaire pour eux. Ils viennent à l’Eglise en traînant les pieds ; ils essayent d’avoir un moment pour lire la Bible et prier, mais ils se sentent coupables, parce qu’ils n’y arrivent pas trop ; ils essayent d’être patients avec leur conjoint ou leurs parents ou leurs enfants, mais cela ne marche pas trop ; et tout est terriblement usant.
Interrogeons-nous à ce titre… Qu’est-ce qui se passe ? Un indice se trouve dans 2,12… Qu’est-ce qui conduit Pierre à se fourvoyer sur cette question ? L’apôtre Pierre, champion de l’Evangile, est amené à se comporter de façon à nier l’Evangile de la justification par la foi seule. Pourquoi ? Réponse : la crainte des autres.
Est-ce que cela n’explique pas beaucoup chez nous aussi ? La crainte de ce que certaines personnes risquent de penser de nous ou de faire contre nous ? Et donc nous savons que nous sommes censés être des croyants zélés, et nous pensons aux attentes des autres. « Ah, oui, il faudrait qu’on arrive à temps à l’Eglise, sinon les anciens vont remarquer qu’on est en retard. Ah, oui, je devrais faire un effort pour me pointer à la réunion de prière au moins une fois de temps en temps, sinon ils vont penser que je ne suis pas très sérieux. Ah, non, je ne vais pas chercher de l’aide sur cette question de piété (mon péché récurrent), parce que cela nuirait terriblement à ma réputation si les uns et les autres savaient que j’avais ce problème-là. » Certains croyants très respectés et exerçant des responsabilités dans l’Eglise locale sont paralysés par la peur de tel responsable dans l’Eglise – la peur que leur prestation ne soit pas considérée à la hauteur. Et lorsque la prestation n’est pas à la hauteur, ça peut entraîner la dépression.
En effet, être un croyant « DÉMENTI » implique d’être un croyant craintif, complexé, misérable.
Appel à la théologie biblique !
Comment contrer cette erreur ? C’est la puissance qui provient de la théologie biblique – d’une sensibilité au déroulement de l’histoire du salut.
Voici quelques extraits de l’argumentation de Paul. Dans Galates 3,6-14, il évoque le personnage d’Abraham. Celui-ci a été justifié par la foi seule (v. 6). Abraham précède l’époque de la loi. Il illustre l’idée que la foi est indépendante de la loi. Il est aussi celui qui a reçu la promesse de bénédiction pour toutes les nations – pour des personnes non juives (v. 8). Cette promesse correspond à l’Evangile annoncé par avance (v. 8). Si l’on veut aller dans le sens de la justification par ses bonnes actions, c’est la malédiction qui en résulte (v. 10).
Il convient d’insister sur le fait que la justification a lieu indépendamment de la mise en pratique des œuvres de la loi (cf. 2,16). En effet, la loi de Moïse n’existait pas à l’époque d’Abraham ! Paul met ainsi des points sur les i quant à certaines questions de chronologie dans 3,15-18. L’alliance abrahamique précède l’alliance sinaïtique ; les promesses précèdent la loi ; l’héritage ne peut être menacé par la nécessité d’obéir à la loi de Moïse. L’alliance abrahamique est indéfectible. Elle ne peut être rompue…
Or, nous tombons sur un propos intrigant dans le verset 16. Les promesses ont été faites à Abraham et au Christ. A la lumière de ce verset, toute la question devient celle-ci : qu’en est-il de ma proximité avec le Christ ? Peu importe l’ethnicité juive ou la mise en pratique de la loi de Moïse (n’en déplaise aux faux docteurs…) On fait le court-circuit de la loi ! La justification ne relève pas de la loi !
Mais alors, pourquoi la loi ? Nous trouvons cette question dans 3,19 et la réponse dans 3,19-25. La loi de Moïse est propre à une alliance particulière, à celle du Sinaï, qui a régi la vie du peuple juif pendant une époque particulière précédant la venue du Christ. C’est un « babysitter » (« gardien », « précepteur », « surveillant ») qui ne convient pas à quelqu’un ayant atteint la majorité.
Dans la section suivante, 3,26—4,7, nous découvrons que les Galates sont la semence d’Abraham et bénéficiaires de la promesse abrahamique (v. 29). Comment est-ce possible vu que c’est uniquement le Christ qui est la semence d’Abraham et que les promesses ont été faites uniquement au Christ (selon le verset 16) ? La réponse tourne autour de la glorieuse doctrine de l’union avec le Christ. En vertu de leur foi, les Galates sont « baptisés en Christ » (v. 27) ; ont « revêtu Christ » (v. 27) ; sont « en Christ » (v. 28) ; appartiennent au Christ (ou sont « du Christ », v. 29).
En 4,3, Paul parle des « composantes fondamentales de l’univers ». Il n’est pas facile de comprendre le sens et la signification du terme qu’il emploie ici, mais il est question de règles relatives à des réalités matérielles. La loi de Moïse, elle aussi, a trait à des règles relatives à des réalités matérielles. Paul dresse ce parallèle entre la loi de Moïse et les « composantes fondamentales de l’univers » dans la mesure où les deux asservissent les gens (4,1-3). Ainsi, tout être humain (sans Christ), Juif et non Juif, est asservi. C’est un constat choquant : les Juifs, sous le régime de la loi, sont esclaves ! Les deux groupes ont besoin de rachat face à l’esclavage, que ce soit l’esclavage de la loi de Moïse (dans le cas des Juifs) ou l’esclavage des « composantes fondamentales de l’univers » (dans le cas des non-Juifs). Ce rachat vient par le Fils de Dieu, qui, lui, a vécu en tant qu’être humain, voire sous le régime de la loi de Moïse (sous-entendu sans commettre de péché, 4,4-7).
Compte tenu des réalités théologiques mises en avant par l’apôtre, quel intérêt pourrait-il y avoir pour la personne qui est en Christ de retourner à la loi de Moïse ?
Nous passons enfin à 4,21-31 qui présente plusieurs dualités – deux alliances, deux femmes, deux cités, deux fils, deux descendances… La dualité qui prime (rien qu’au plan lexical) est esclavage-liberté. Nous le savons déjà à ce stade de l’épître, mais nous voici, une fois de plus, face à ce constat : l’alliance du Sinaï « fait naître pour l’esclavage » (v. 24). Les Galates, quoique d’origine non juive (4,8), sont de la lignée d’Abraham et de Sara (d’Isaac) – « enfants de la promesse » (4,28). Exprimé de façon corrélative, et de façon plus choquante, avoir le sang juif en soi implique d’appartenir à la lignée d’Ismaël. L’un des commentateurs fait remarquer à juste titre que la démarche d’associer un Juif à Ismaël est comparable à la démarche d’appeler un Israélien un Arabe[3]. Mais cela tombe sous le sens lorsqu’on se rend compte de ce que l’alliance sinaïtique relève de l’esclavage : Hagar et son fils Ismaël relèvent de l’esclavage.
Les Galates qui risquent de se laisser berner par les faux docteurs doivent donc se poser la question : pourquoi se faire esclave en voulant se placer sous le joug d’une alliance et d’une loi caduques ?
Bilan : des affranchis !
Le bilan de l’argumentation de Paul se trouve dans 5,1 : « C’est pour la liberté que le Christ nous a libérés. Tenez donc ferme, et ne vous remettez pas sous le joug de l’esclavage ».
Nous sommes des affranchis. Cela ne veut aucunement dire que nous vivions n’importe comment. L’éthique est importante, mais nous ne nous tournons pas vers notre prestation éthique pour nous maintenir en règle avec Dieu
C’est là, en effet, la façon dont nous devrions vivre en tant que chrétiens. Nous sommes des affranchis. Cela ne veut aucunement dire que nous vivions n’importe comment. L’éthique est importante (5,13—6,10). Mais nous ne nous tournons pas vers notre prestation éthique pour nous maintenir en règle avec Dieu. La manière dont nous restons en bonne relation avec Dieu est la même que celle qui nous a permis d’entrer en bonne relation avec Dieu au départ – par la foi, par la grâce, par le Christ, par l’Esprit, et non pas par nos bonnes œuvres. Au début de notre vie chrétienne, Dieu a souri à notre égard, parce que nous avons été incorporés en Christ, revêtus de sa justice (3,27 ; cf. 2,21). Et aujourd’hui ? Est-ce que Dieu sourit à mon égard ? La réponse ne dépend pas de ma prestation – de la cote que j’ai à l’Eglise, de ma réputation en tant que pilier de la communauté, de mes compétences pour enseigner la parole de Dieu avec droiture. La réponse dépend de la question de savoir si je suis en Christ par la foi (3,6-9 ; 3,28-29). Est-ce que Dieu sourira à mon égard demain matin ? Et le lendemain ? Et le surlendemain ? Oui, parce que, par la foi, j’attends la « justice espérée », en Christ (5,5).
Il en découle que je n’ai pas besoin de craindre ce que les uns et les autres pensent de moi (cf. 2,12). Le souci de « se faire bien voir parmi les hommes » appartient aux faux docteurs (6,12). Je suis affranchi de tout cela. Du fait d’être en Christ, je suis à l’aise dans ma vie chrétienne. Comme d’autres chrétiens « BLAISE », je connais, en Christ, le Bonheur, la Libération, l’Assurance, l’Identité, la Sécurité, l’Estime de moi-même.
Grâce à la puissance de la théologie biblique, nous pouvons renvoyer le chrétien « DÉMENTI » qui nous guette et être « à l’aise, Blaise ! »
[1] C’est grâce à mon épouse Myriam que l’acronyme « BLAISE » a été trouvé.
[2] Peut-être aussi 3,11.
[3] Philip G. RYKEN, Galatians (Reformed Expository Commentary), Phillipsburg [New Jersey], P&R Publishing, 2005, p. 185.