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Définition

La doctrine de la Création déclare que Dieu, seul être incréé et éternel, a formé et donné vie à tout ce qui existe en dehors de lui-même. Il a produit tout cela à partir du néant par sa parole puissante, et il a vu que son œuvre était bonne.

Résumé

Le christianisme historique a toujours prôné – comme le montrent le symbole des Apôtres et le symbole de Nicée – que Dieu était le créateur de l’univers. Cet article s’attachera à l’examen de la doctrine historique de la Création et des nombreuses implications théologiques pertinentes qui en découlent. Nous laisserons de côté les points de doctrine qui sont source de désaccord et nous porterons notre attention sur ceux qui, au cours des siècles, ont été largement adoptés par les chrétiens. Afin de tracer les contours des principaux aspects de cette doctrine, nous commencerons par examiner deux phrases importantes tirées de Genèse 1.1 : « Au commencement, Dieu » et « Dieu créa les cieux et la terre ». Ensuite, nous prendrons le temps de réfléchir sur ce que ces phrases impliquent théologiquement, à savoir que Dieu est la source et le soutien de tout ce qui existe, qu’il a créé toutes choses bonnes et qu’il a donné de l’importance et des responsabilités à ses créatures. Nous verrons que la diversité propre à la création est une illustration de la doctrine de la Trinité, et enfin, que les actions créatrices de Dieu ne sont pas identiques à celles des êtres humains.

Introduction

Dans le christianisme, il est difficile d’imaginer un sujet plus controversé que celui de la doctrine de la Création. Il a été à l’origine de nombreux débats et désaccords. Dieu a-t-il tout créé dans l’univers ? Cette question des plus clivantes divise les gens en deux camps : ceux qui croient en la Création et ceux qui n’y croient pas[1]. Mais cette question ne fait pas que diviser le monde en deux camps opposés : elle soulève également d’autres questions, secondaires certes, mais qui ont souvent elles aussi, été la cause de divisions et de désaccords, en particulier parmi les croyants. Les interrogations relatives à la durée des jours de la Création, à l’âge de la terre et à la relation entre la Création et l’évolution – à titre d’exemple – ont suscité de vifs débats chez les chrétiens. Ces aspects secondaires ont souvent occupé une place centrale dans les discussions au sujet de la Création, et ont souvent éclipsé les aspects les plus fondamentaux de cette dernière. Dans cet article, notre objectif principal sera d’examiner certains de ces aspects fondamentaux qui sont, en général, très largement acceptés par la communauté des croyants. Nous nous pencherons également sur les nombreuses déductions théologiques qui en découlent.

« Au commencement, Dieu… »

Les trois premiers mots de la Bible mettent immédiatement l’accent sur Dieu. Ils nous montrent qu’il existait dès le commencement et de toute éternité. Rien ne l’a fait naître ou ne l’a fait exister. Il était là bien avant qu’il y ait autre chose. Il était là bien avant que le temps lui-même n’existe.

Le nom de Dieu et la manière dont il est annoncé à Moïse dans Exode 3 confirment et soulignent cette indépendance absolue vis-à-vis du divin. Au verset 15, le nom YHWH, généralement traduit par « Éternel », est lié au verbe « être » du verset 14. En d’autres termes, lorsque Dieu donne son nom à Moïse, il l’exprime en termes d’être : « C’est ainsi que tu répondras aux enfants d’Israël : Celui qui s’appelle « JE SUIS » m’a envoyé vers vous » (Ex 3.14). Cela nous indique que Dieu est celui qui est, l’être par excellence. De plus, il donne son nom à Moïse à partir d’un buisson qui brûle mais qui ne se consume pas (3.2,3). Le feu du buisson ne dépend en aucune façon du buisson pour l’alimenter. Il est indépendant, il existe par lui-même et il s’autoentretient.

C’est l’image de Dieu qui nous est présentée dans les premiers mots du récit de la Création. Dieu existe de toute éternité. Lui seul est incréé et éternel (Ps 102.26‑28 ; Ap 1.8). Rien ne l’a fait exister. C’est lui qui a fait exister toutes choses en dehors de lui-même.

Cela signifie que Dieu n’avait pas besoin de créer pour ne pas être seul. Il n’avait pas besoin de créer pour pouvoir aimer. Il était autosuffisant ; il n’avait besoin de rien en dehors de lui-même. De toute éternité, il a joui d’une communion parfaite et d’un amour parfait en tant que Dieu trinitaire : Père, Fils et Saint-Esprit. La Création a été un débordement de sa perfection et non une manifestation de son imperfection ou d’un manque.[2]

Dieu créa « les cieux et la terre »

Lorsque la Bible dit que Dieu « créa les cieux et la terre » (Ge 1.1), cela ne veut pas dire qu’il s’est contenté de créer uniquement ces deux choses. La Bible emploie ici une figure de style appelée « mérisme » qui utilise deux termes de sens opposé pour exprimer une totalité. Nous faisons régulièrement la même chose avec nos vœux de mariage, lorsque nous nous engageons à aimer « pour le meilleur et pour le pire » et « dans la richesse et dans la pauvreté ». Notre engagement ne se limite pas aux deux extrêmes qui peuvent arriver au cours de notre vie. Il s’applique aux extrêmes et à tout ce qui se trouve entre les deux. Nous utilisons deux mots de sens opposé pour exprimer une totalité. Nous promettons de nous aimer en permanence, quoi qu’il arrive. De même, lorsque la Bible déclare que Dieu « créa les cieux et la terre », elle dit que Dieu a créé les cieux et la terre (les extrêmes) et tout le reste. Elle exprime une totalité et le fait que Dieu a tout créé dans l’univers (voir Ge 14.19).[3]

Même si Dieu a créé toutes choses, il ne les a pas toutes créées égales en termes d’importance et de valeur. La Bible exprime clairement que l’humanité est le point culminant de l’œuvre créatrice de Dieu. Les êtres humains représentent le dernier acte créateur de Dieu, accompli le dernier « jour » de la Création. Ils ont été créés à l’image de Dieu et ont été chargés d’exercer leur domination sur tout le reste de la création (Ge 1.24‑28). Bien que nous ne sachions pas exactement ce que signifie être à l’image Dieu, les Écritures nous montrent de manière assez évidente que cette ressemblance implique au moins la notion de création. En d’autres termes, il semble que Dieu ait créé les êtres humains pour refléter son image de créateur. Bien sûr, ils ne peuvent pas créer de la même manière que lui (nous reviendrons sur ce détail un peu plus tard). Néanmoins, notre statut de vice-créateurs fait partie de ce que signifie être créé à l’image de Dieu (Ge 1.27,28 ; voir Ge 3.7 ; Ge 6.14‑16 ; Ge 8.6 ; Ge 11.4 ; à titre d’exemple).

Dieu est le créateur et le soutien de tout ce qui existe

Le fait que Dieu soit le seul être incréé et éternel de l’univers, mais aussi le créateur absolu, signifie qu’il est le créateur et le soutien de tout ce qui existe. En lui, « nous avons […] l’être », mais aussi « la vie [et] le mouvement » (Ac 17.28 ; voir Hé 1.3 ; 2 Pi 3.7). Cela signifie également que tout être humain qui existe dans l’univers est soumis à Dieu et dépend de lui comme créateur et soutien. Personne n’est autonome ou indépendant. Nous sommes tous des créatures dérivées et dépendantes de lui. Nous appartenons à Dieu, le propriétaire absolu de tout ce qui existe (Ge 14.19,22), et cela veut dire que nous sommes responsables devant lui (Ro 3.19).[4]

C’est cet aspect de la doctrine de la Création qui ouvre la voie à l’Évangile. C’est sans doute la raison pour laquelle Herman Bavinck, Francis Schaeffer et bien d’autres ont souligné l’importance de la doctrine de la Création, que Bavinck considérait comme le « point de départ de la vraie religion »[5]. Sans responsabilité, le besoin de grâce et de pardon n’a plus lieu d’être. C’est sans doute également la raison pour laquelle tant de non-chrétiens cherchent à saper ou à réfuter la doctrine de la Création. Cela leur donne la liberté de faire ce qui est bien à leurs propres yeux (Jg 21.25) sans risquer de ressentir de la culpabilité.

Tout ce que Dieu a fait est bon

Ces aspects initiaux de la doctrine de la Création signifient également que le bien et le mal ne sont pas des puissances concurrentes dans l’univers, comme pourraient le suggérer certaines visions dualistes du monde. Dieu est bon, et sa création reflète cette bonté. Le mal – que je considère comme une attitude anti-Dieu, et que la Bible appelle impiété – ne faisait absolument pas partie de la création originale. Il a été introduit dans l’univers par les créatures que Dieu a faites[6]. Le mal est donc soumis à la souveraineté de Dieu, tout comme les créatures qui choisissent de rejeter leur Créateur.

Dieu a donné de l’importance et des responsabilités à ses créatures

Dieu a créé l’humanité à son image, et il nous a donné le droit d’exercer notre domination sur ce qui existe. Cela signifie que nous sommes les gardiens de sa création et que nous devons lui rendre des comptes sur notre manière de prendre soin de ce qu’il a fait. Nous sommes responsables de la façon dont nous gérons personnellement la création de Dieu, mais aussi collectivement. Après tout, chacun de nous est le gardien de son frère (Ge 4.9 ; Ma 2.10).

Non seulement les êtres humains ont été créés pour être à leur tour créateurs, mais tous ont également la même importance et la même valeur. Il n’existe pas de hiérarchie entre les hommes dans la création de Dieu. Aucune tribu, langue ou race n’a été créée pour exercer la domination sur toutes les autres. Chaque être humain est créé à l’image de Dieu, peu importe son aspect, son lieu de résidence, son activité ou son sexe. Il convient donc ici de parler de la paternité universelle de Dieu et de la fraternité universelle entre les hommes (Ma 2.10). Chaque être humain reçoit la vie du même « parent ». Cela signifie que le racisme ou les préjugés basés sur la couleur de peau, la couleur des cheveux, le sexe, la taille, le poids, l’ascendance ou toute autre chose appartenant à l’ordre créé, n’ont pas leur place dans le monde.

La variété de la création évoque la Trinité

La race humaine est incroyablement diversifiée. Les différences d’apparence physique, de genre, de capacités mentales, de personnalité, de don et de relations sont propres à la race humaine depuis le tout début de la création. Le fait que Dieu a créé l’ensemble de la race humaine à sa propre image nous montre de manière claire que l’incroyable diversité que nous voyons tout autour de nous est consubstantielle à sa nature divine. Cela nous donne une idée de la diversité, voire de la complexité qui existe en la personne de Dieu, même si le récit de la Création ne le dit pas explicitement. La mention toute particulière de « l’Esprit de Dieu » (Ge 1.2) va dans ce sens. Le texte rapporte aussi que Dieu parle de lui au pluriel : « Faisons l’homme à notre image, selon notre ressemblance » (Ge 1.26, italiques pour souligner).

Ce n’est pas là la véritable doctrine de la Trinité, certes, mais elle en est une préfiguration. Il s’agit d’un indice suffisant pour que nous ne soyons pas surpris par l’entièreté de cette doctrine. Elle a déjà été annoncée dans la diversité de l’image de Dieu dans la création[7].

La création divine est différente de la création humaine

Comme nous l’avons mentionné précédemment, l’action créatrice de Dieu est différente de la nôtre. Lorsque nous fabriquons quelque chose, nous utilisons des matériaux préexistants. Nous ne créons rien qui n’existe pas déjà. Mais quand Dieu a créé l’univers, il n’a rien utilisé de préexistant, car « au commencement », lui seul existait. Cela signifie que Dieu a créé l’univers ex nihilo, à partir de rien. Il n’a pas utilisé de matériau préexistant. C’est ce que dit Hébreux 11.3. L’apôtre déclare que « ce qu’on voit n’a pas été fait de choses visibles ». C’est aussi ce qu’enseigne Romains 4.17 : Dieu « appelle les choses qui ne sont point comme si elles étaient ». Et il semblerait que cela soit également le sens du mot hébreu bārā’ dans Genèse 1.1 (traduit par « créé »). Ce mot, lorsqu’il apparaît dans la racine Qal, est toujours et exclusivement utilisé pour parler de Dieu et du genre de création que lui seul est capable de faire (voir Ex 34.10)[8]. Il n’est jamais utilisé pour décrire cette création secondaire que les êtres humains réalisent en manipulant des choses qui existent déjà.

Si la création n’a pas été faite ex nihilo, alors nous sommes confrontés à un problème théologique pour le moins épineux : d’où vient le matériel préexistant ? Si nous affirmons qu’il a été créé, d‘autres questions se posent : Qui l’a créé ? Quand ? Pourquoi ? Dieu ne pouvait-il pas le créer ? Quelle relation existe entre ce « créateur » et le Dieu de la Bible ? Si nous affirmons que le matériel préexistant est éternel, nous affirmons également qu’il existe un dieu rival qui est éternel et incréé comme celui de la Bible, mais qui est, lui, totalement impersonnel et silencieux. L’enseignement biblique sur la nature de Dieu nécessite une création ex nihilo. Toute autre hypothèse affaiblirait l’image biblique d’un Dieu souverain, éternel, saint et libre.

L’acte de création divin se distingue également de l’acte de création humain par sa mise en œuvre. Dieu a fait sa création par la parole (Ge 1.3,6,9,11,14,15,20,24,26 ; Ps 33.6 ; 148.5). Il ne l’a pas assemblé à la main ou à l’aide d’outils spécifiques. Il a parlé, et elle a pris forme. Cela nous montre que notre Dieu est un Dieu qui communique. C’est un Dieu qui parle et qui se fait connaître (Ro 1.18‑20). Une fois que nous comprenons cela, nous ne nous étonnons plus qu’il ait plus tard choisi de se révéler plus spécialement dans la parole écrite et dans la personne de son Fils, la Parole de Dieu faite chair (Jn 1.1,2 ; Col 1.16 ; Hé 1.2).

L’œuvre créatrice de Dieu n’est peut-être pas identique à celle des êtres humains, mais elle en définit clairement le modèle. La créativité humaine est un produit du vouloir divin qui est à l’œuvre dans la création, tout comme le cycle hebdomadaire de travail et de repos. Ce schéma hebdomadaire se reflète dans l’éternité, car les êtres humains travaillent toute leur vie avant de profiter d’un sabbat éternel dans les cieux par la foi en Jésus-Christ. Par conséquent, la doctrine de la Création nous fait entrevoir cette réalité et nous appelle à nous empresser « d’entrer dans ce repos » en ayant jusqu’au bout et par la foi une ferme assurance en Jésus-Christ (Hé 4.9‑11).

 

Notes de pied de page

1Herman Bavinck considère la doctrine de la création comme « le point de départ de la vraie religion ». Elle divise ainsi le monde en croyants et en incrédules. Voir Bavinck, In the Beginning, p. 23. De la même façon, Francis Schaeffer pensait que la doctrine de la Création était si importante pour l’évangélisation que, si on lui donnait une heure avec un non-chrétien, il passerait les cinquante-cinq premières minutes à lui parler de la Création et les cinq dernières à lui présenter l’Évangile. Voir Kelly, Creation and Change, p. 23 24.
2Je me souviens des paroles de Jonathan Edwards selon lesquelles la plénitude parfaite porte en elle la propension à déborder (voir Edwards, End for Which God Created the World, ch. 1.4). Ainsi, la Création n’est pas l’expression d’un besoin de Dieu, mais de sa plénitude parfaite.
3Voir Currid, Commentary on Genesis, 1.59.
4Paul Tripp porte à notre connaissance, à juste titre, trois mensonges avec lesquels nous vivons et qui sont tous les trois résolus par la doctrine de la Création : le mensonge de l’autonomie, du relativisme et de l’autosuffisance. Voir son article sur « The Doctrine of Creation ».
5Bavinck, In the Beginning, p. 23.
6Dans mon article « Where Did Satan Come From? », je soutiens la thèse suivante : comme le mal est l’absence ou le rejet de Dieu, il n’a pas besoin d’être créé. Ce n’est pas une entité mais une attitude ou une position, une postition anti-Dieu. Par conséquent, pour que le mal existe, il faut que des créatures qui ont la liberté d’accepter ou de rejeter Dieu, c’est-à-dire qui ont la liberté d’adopter une position anti-Dieu, existent.
7Ian A. McFarland parle de la diversité de la création de Dieu et de la façon dont cette diversité est reflétée en lui-même, dans une section particulièrement éclairante de son livre From Nothing, p. 67 72.
8Voir la discussion dans Currid, Commentary on Genesis, 1.59 ; et dans Kelly, Creation and Change, p. 84 86. Voir aussi Blocher, In the Beginning [Révélation des origines], p. 63. Il est vrai que Genèse 1.27 nous montre un exemple où la racine Qal de ce verbe est utilisée pour dépeindre la création d’Adam et Eve par Dieu à partir de ce qui semble être « du matériel préexistant », à partir de la poussière de la terre dans le cas d’Adam et à partir d’une côte dans celui d’Eve – mais dans ces deux cas, il est tout aussi vrai que Dieu a créé le « matériel préexistant ».

Lectures complémentaires


Cet essai fait partie de la série « Courts traités de théologie ». Toutes les opinions exprimées dans cet essai sont celles de l’auteur. Cet essai est disponible gratuitement sous licence Creative Commons : Attribution – Partage dans les Mêmes Conditions, permettant aux utilisateurs de le partager sur d’autres supports/formats et d’adapter/traduire le contenu à condition qu’un lien d’attribution, l’indication des changements, et la même licence Creative Commons s’appliquent à ce matériel.
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Cet essai est sous licence CC BY-SA 4.0