L’extrême précision du compte rendu du retour de l’exil (Esdras 2) est l’une des premières choses qui frappent le lecteur occasionnel de ce chapitre. L’auteur ne rapporte pas seulement le nombre exact de personnes, avec leurs noms et leurs clans, mais également celui de leurs animaux – chevaux, mulets, chameaux, ânes (v. 66-67). Cela rappelle la réponse d’un chrétien d’autrefois à qui il était reproché d’insister sur la précision quand il parlait de Dieu et des enseignements de la Bible : « Sire, je sers un Dieu précis ».
Ce n’est évidemment qu’un aspect à prendre en compte. Ce même Dieu se réjouit également de la louange spontanée de ses enfants qui ne sont pas réputés pour leur précision. La Bible qu’il nous a donnée se sert d’images évocatrices aussi bien que de comptes rendus précis. Cependant, notre époque est tellement portée sur les sentiments vagues que la précision qui touche les sujets divins est souvent regardée de travers. Nous voulons suivre nos intuitions, pas des instructions ; nous insistons sur les émotions, pas sur les faits ; nous avalons des paroles mielleuses, pas la vérité.
Plusieurs raisons militent en faveur de la précision du compte rendu. Elle confère de l’autorité au récit : le narrateur ne rapporte pas des faits éloignés, appris par ouï-dire ; c’est le reportage d’un témoin oculaire qui avait une connaissance intime des détails. De plus, en nommant les individus et leurs familles, l’auteur les approuve implicitement. Des dizaines de milliers d’autres Israélites ne sont jamais retournés dans le pays promis ; ils s’étaient trop bien implantés là où ils se trouvaient, et la reconstruction de Jérusalem et du Temple revêtait trop peu d’importance pour les inciter à risquer une telle aventure. Leurs noms ont été perdus ; ils sont sans conséquence dans le déroulement de l’histoire du salut. En revanche ces noms sont rappelés et consignés dans l’Écriture sainte. Lisez-les lentement ; ils représentent des personnes qui méritent notre respect et notre gratitude.
La précision implique encore un autre élément. Une partie des clans qui étaient rentrés au pays ne pouvait prouver qu’ils descendaient d’Israël (v. 59) et certains de ceux qui prétendaient appartenir à la lignée sacerdotale étaient dans le même cas (v. 62). Le problème a été pris très au sérieux, et le gouverneur Zorobabel a ordonné que ces derniers soient exclus du sacerdoce en attendant que quelqu’un puisse consulter l’Ourim et le Toummim (l’ancien moyen de connaître les directives divines), et vérifier le bien-fondé de leurs assertions (v. 63). Voilà des gens qui ont le souci d’observer les stipulations de l’alliance mosaïque, de préserver la pureté du peuple de l’alliance en général et celle du sacerdoce en particulier, de suivre toutes les paroles de Dieu. Le sérieux avec lequel ils ont entrepris la gigantesque aventure du retour se reflète jusque dans l’utilisation de leurs dons pour la reconstruction de la maison de Dieu (v. 68-69).
Le fait que cette communauté post-exilique naissante soit rapidement retombée dans toute une série de problèmes nouveaux et de péchés anciens ne diminue en rien la valeur de son exemple pour les croyants d’aujourd’hui.