Tout au long du livre de l’Apocalypse, il y a des visions occasionnelles soit de la fin des temps, soit de la salle du trône divin, des visions qui préparent les deux derniers chapitres. Je veux dire par là que le livre ne suit pas un déroulement toujours linéaire. L’annonce de la victoire, de la gloire et la vision du Tout-Puissant sont parfois placées dans le contexte des scènes de jugement les plus sombres. C’est le cas d’Apocalypse 14.1-5 dans le contexte des chapitres 12 à 14.
Au son de la septième trompette (Apocalypse 11.15-19), le voile se soulève un peu pour permettre au lecteur de jeter un coup d’œil sur une telle scène. Dans ce cas, il ne s’agit pas des nouveaux cieux et de la nouvelle terre, mais du règne de Dieu sur les scènes de jugement effrayant. J’aimerais attirer l’attention sur deux éléments.
1° La notion de royaume de Dieu est une notion dynamique, dont la signification précise change en fonction des contextes. Ici, des voix fortes dans le ciel proclament : « Le royaume du monde est passé à notre Seigneur et à son Christ. Il régnera aux siècles des siècles ! » (v. 15). Cette parole laisse penser qu’il y a eu un temps avant lequel ce règne divin sur ce monde perdu n’avait pas commencé. Ce qui est en vue dans ce passage n’est donc certainement pas le royaume universel du gouvernement providentiel de Dieu. Il ne peut pas non plus s’agir de l’inauguration du règne de Jésus, au moment de sa résurrection et de son exaltation. Certes, à ce moment-là, tout pouvoir lui a été donné dans le ciel et sur la terre (Matthieu 28.18). Or, ce règne dont il est question ici s’exerce de telle manière qu’il est contesté. Les versets qui suivent suggèrent que Dieu prend maintenant les choses en main et exerce son pouvoir pour anéantir ceux qui ont détruit son peuple. « … ta colère est venue, ainsi que le temps de juger les morts, de récompenser tes serviteurs les prophètes, les saints et ceux qui craignent ton nom, les petits et les grands, et de détruire ceux qui détruisent la terre » (v. 18). Tout cela annonce l’imminence de l’exercice final de l’autorité qui ébranlera toute opposition restante et jugera tout le monde selon une justice parfaite.
2° Nous avons déjà fait remarquer que la littérature apocalyptique mélange les métaphores. Ici, dans 11.19, le Temple de Dieu dans le ciel s’ouvre et on aperçoit l’arche de l’alliance à l’intérieur, dans une tempête effroyable. Ces tempêtes terribles qui accompagnent les grands actes de révélation divine s’inspirent de ce qui s’est passé sur le mont Sinaï ; on constate quelque chose de semblable dans la vision de 4.5. La mention du temple, de l’arche et de la tempête dans ce verset indique que Dieu est présent et qu’il règne. Il en est autrement dans la vision des chapitres 21 et 22, où il n’y a plus besoin de Temple dans le ciel, « Je n’y vis pas de temple, car le Seigneur Dieu Tout-Puissant est son temple, ainsi que l’Agneau » (21.22). Il n’y a que des pédants qui verront là une contradiction.