Le premier paragraphe de 1 Jean 1 recèle plusieurs trésors. Je souhaite m’attarder sur le verset 3 en jetant occasionnellement un regard sur le verset 4.
En admettant que l’auteur soit l’apôtre Jean, le pronom personnel « nous » désigne vraisemblablement l’équipe qui entoure l’apôtre au moment où il écrit cette lettre. Mais l’apôtre peut également parler consciemment au nom du cercle apostolique, témoin oculaire du Seigneur. Dans ce sens, il faut le différencier du « nous » qui englobe tous les chrétiens ; il se distingue en particulier du « vous », les destinataires de l’épître. « Ce que nous avons vu et entendu, nous vous l’annonçons » (v. 3). Les deux versets qui précèdent précisent ce que Jean et les autres ont vu et entendu. Ce n’est rien moins que l’incarnation de Christ : « Ce qui était dès le commencement » (v. 1) un avec Dieu n’est autre que celui qui est apparu dans l’Histoire réelle et qui a été maintes fois entendu, vu et touché. La Parole éternelle s’est faite homme (Jean 1.14) ; ici, Jean déclare : « La vie a été manifestée, nous l’avons vue, nous en rendons témoignage, et nous vous annonçons la vie éternelle, qui était auprès du Père et qui nous a été manifestée » (v. 2). Jean répète : « Ce que nous avons vu et entendu, nous vous l’annonçons » (v. 3).
Il n’existe pas de foi chrétienne sans l’incarnation du Fils de Dieu. Mais le terme incarnation ne désigne pas une vague notion selon laquelle le divin s’est identifié à l’humain. Il s’agit d’un fait étonnamment concret : la Parole qui était avec Dieu et qui était Dieu est devenue chair (comme Jean l’écrit dans son Évangile, Jean 1.1, 14). C’était un fait d’une importance cruciale à l’époque de Jean lorsque l’apôtre combattait ceux qui prétendaient que ce qui est authentiquement spirituel pouvait revêtir la chair humaine, mais ne pouvait pas devenir un être humain. C’est tout aussi fondamental à notre époque où nous avons à combattre le naturalisme philosophique qui affirme que la seule réalité est celle qui occupe le continuum spatio-temporel.
Jean déclare à ses lecteurs qu’il leur proclame cette vérité « afin que vous aussi, vous soyez en communion avec nous. Or, notre communion est avec le Père et avec son Fils, Jésus-Christ » (v. 3). Dans le Nouveau Testament, le terme communion désigne davantage qu’un vague sentiment chaleureux. Il définit un partenariat profond dans lequel les intérêts personnels s’effacent devant la mission commune. Les premiers témoins sont entrés dans la « communion avec le Père et avec son Fils, Jésus-Christ ». Désormais, les lecteurs de Jean peuvent, à leur tour, entrer dans cette communion en étant d’abord en communion avec les apôtres. C’est pourquoi Jean proclame ce qu’il a vu et entendu. Les apôtres ont transmis l’Évangile aux autres. Nous ne pouvons donc être en communion avec Dieu et avec son Fils, Jésus-Christ, sans être en communion avec les apôtres qui ont été les premiers témoins de l’incarnation du Fils.
Cela n’a rien d’une religion qui sent le renfermé. Jean écrit pour que « notre » ou votre joie soit « complète » (v. 4). Quel que soit l’adjectif original authentique, il précise la vérité qui découle de cette communion : la joie.