En tant que 8è des 12 petits prophètes, Habakuk est l’un des trois livres qui traitent des défis auxquels le royaume de Juda est confronté suite à la chute de l’Assyrie et à la montée en puissance de Babylone dans la seconde moitié du 7ᵉ siècle avant Jésus-Christ. Le prophète Nahum anticipe la chute de l’Assyrie, tandis que Sophonie traite davantage des questions internes à Juda, bien qu’il soit également question de ses relations avec les nations environnantes. Habakuk a la particularité de réfléchir simultanément aux problèmes internes à Juda et à la menace de Babylone, ce qui lui vaut d’être placé, à juste titre, entre les deux autres prophètes.
En tant que livre prophétique, Habakuk se distingue par sa forme. Nous ne savons rien d’autre sur le prophète que ce qui est rapporté dans le premier verset. Pourtant, même avec ces informations limitées, cet ouvrage est l’un de ceux dans lesquels la personnalité du prophète est particulièrement évidente, car une grande partie du livre est présentée comme un dialogue entre Habakuk et Yahvé. Ce dialogue nous montre qu’Habakuk était prêt à explorer les aspects difficiles de la foi, en s’efforçant de comprendre comment la justice de Yahvé pouvait être perçue dans le vécu de son peuple. C’est peut-être pour cette raison que le verset Habakuk 2 :4 est devenu si connu, car il exprime la tension essentielle inhérente à une foi qui fait confiance à Dieu tout en reconnaissant que tout n’est pas juste dans le monde. Une telle perspective aurait été particulièrement importante si, comme cela semble probable, le livre avait été écrit entre la bataille de Karkemish (605 av. J.-C.) et la chute de Jérusalem à Babylone (597 av. J.-C. – à distinguer des événements ultérieurs de 587 av. J.-C. à partir desquels l’exil est généralement daté). Habakuk pouvait voir la menace émergente de Babylone et, connaissant la violence légendaire de ce peuple, interroger Yahvé sur sa justice (Hab 1:12-2:1). Mais Habakuk n’était pas aveugle aux problèmes internes à Juda, et il est remarquable qu’il les présente comme étant le souci principal (1:2-4). Au cours de ses dialogues avec Yahvé, Habakuk ne perd jamais de vue les menaces internes ou externes auxquelles sont confrontés ceux qui font confiance à Yahvé.
Bien que typique des livres prophétiques qui rapportent les paroles de Yahvé, Habakuk n’est pas construit selon le schéma traditionnel « Ainsi parle le SEIGNEUR » que l’on retrouve fréquemment ailleurs. Au contraire, Yahvé est impliqué dans un dialogue avec le prophète tout au long des deux premiers chapitres, alors qu’il répond aux défis lancés par Habakuk, ce qui confère au livre un caractère liturgique. Cet aspect devient particulièrement important dans le dernier chapitre, qui est en fait un psaume attribué à Habakuk (veuillez noter que le verset 1 d’Hab 3 est un titre distinct du reste du chapitre). Bien que formellement différent des deux chapitres précédents, c’est un élément important du livre, car c’est ici que la foi décrite dans Habakuk 2:4 trouve sa résolution. En adorant Yahvé, le prophète en vient à comprendre ce qu’est une telle foi, ce qui conduit à l’affirmation finale de la confiance du prophète quand il déclare qu’il se réjouira en Yahvé quelles que soient les circonstances rencontrées (3:17-19). Ce qui est encouragé, c’est une vie de fidélité qui continue à se réjouir en Dieu plutôt que de se concentrer uniquement sur les circonstances rencontrées. Mais la fidélité est également prête à défier Dieu pour qu’il démontre sa justice, car les croyants vivent dans un monde où il est souverain, et pourtant leurs luttes se poursuivent.
But
Habakuk aide les croyants à se débattre avec la justice de Dieu dans le monde, en explorant ce que signifie avoir foi en Dieu dans un monde rempli d’injustice.
Verset clé
“Il est plein d’orgueil, celui dont l’âme n’est pas droite, mais le juste vivra par sa foi.”
— Habakuk 2:4
Plan
I. Titre (1:1)
II. Dialogue entre Habakuk et Yahvé (1:2–2:5)
III. 5 malheurs à destination des travailleurs injustes (2:6–20)
IV. Le Psaume d’Habakuk (3:1–19)
Titre (1:1)
Contrairement à certains livres prophétiques qui placent le prophète dans son contexte en faisant référence aux rois concernés (par exemple Amos 1:1), l’introduction d’Habakuk se concentre uniquement sur le message qu’il apporte et sur les faits les plus élémentaires à propos du messager. Le message est appelé « oracle », un terme qui se réfère généralement à un message au sujet de la nation. Le plus souvent, cette nation est identifiée, mais ce n’est pas le cas ici, ce qui amène les lecteurs à se demander si l’oracle les concerne ou s’il concerne une autre nation. En fait, il s’agit des deux, mais cela ne devient clair qu’au fur et à mesure de la lecture du livre. Il nous est dit qu’Habakuk « a vu » cet oracle. Bien que cela puisse suggérer une expérience visionnaire, il s’agit également d’un terme technique désignant les différentes manières dont un prophète peut percevoir le message de Dieu. Mais pour éviter tout doute sur la validité du message, Habakuk est appelé « le prophète ». C’est-à-dire qu’il est le porte-parole de Dieu. On ne nous dit rien d’autre à son sujet, car cela nous détournerait de l’accent mis sur la parole de Dieu exprimée à travers lui. Cette focalisation est également importante pour ce qui suit, car une grande partie du texte est présentée comme un dialogue entre Habakuk et Yahvé. Bien que nous n’ayons pas ici la manière habituelle qu’un prophète use pour présenter son message, on peut également considérer cela comme un oracle.
Dialogue entre Habakuk et Yahvé (1:2–2:5)
1:2–4 Bien qu’Habakuk fasse partie des prophètes, l’ouverture du dialogue avec Yahvé est plus typique des Psaumes. Le cri « jusqu’à quand » se retrouve fréquemment dans le Psautier (Ps 13:2 par exemple), introduisant une prière appelant Yahvé à l’aide. Ces prières accusent souvent Yahvé de ne pas avoir agi assez tôt pour modifier les circonstances à l’origine de l’affliction, et c’est le cas ici. La question « jusqu’à quand » montre clairement que ce n’est pas la première fois qu’Habakuk soulève la question dans la prière. Le fait qu’il ne puisse pas changer la situation lui-même ressort clairement des verbes utilisés, qui montrent qu’il a demandé à Yahvé d’intervenir depuis un certain temps. Le problème qu’il a mis en évidence est celui de la violence dont Dieu seul peut nous sauver. Pourtant, rien ne s’est encore produit, et Habakuk révèle plutôt les signes qui montrent comment cette violence a affligé sa société : destruction, querelles et disputes. En d’autres termes, l’effondrement social dont il a été témoin était constitué à la fois de blessures physiques et de disputes verbales. Il accuse Yahvé de l’avoir conduit à voir cette dégradation de la société, tout en lui reprochant d’en avoir ignoré les méfaits. Habakuk a mis en évidence les effets d’une société en pleine décomposition, mais Yahvé n’a apparemment rien fait. Cet état de fait atteint son apogée dans la déclaration du verset 4, dans laquelle Habakuk affirme que la loi est paralysée [« sans vie »]. La « loi » fait ici référence à la Torah, le condensé des directives de Yahvé à l’égard de la nation. Une fois que ces directives sont mises de côté, le reste de la plainte contenue dans ce verset peut être considéré comme une conséquence de ce comportement. Sans la Torah, la justice n’est pas rendue. En d’autres termes, la présence de la loi de Dieu favorise l’exercice de la justice au sein de son peuple, et sans elle, la base nécessaire à l’exercice de la justice n’existe pas. Au contraire, les méchants peuvent encercler les justes puisque la base sur laquelle les justes peuvent s’épanouir a été supprimée. A la place d’une justice droite règne maintenant une justice pervertie et déformée. Habakuk met Yahvé au défi de démontrer qu’il est bien un Dieu de justice.
La présence de la loi de Dieu favorise l’exercice de la justice au sein de son peuple, et sans elle, la base nécessaire à l’exercice de la justice n’existe pas.
1:5–11 Habakuk s’était plaint au sujet de la paralysie de la Loi (Torah), en indiquant que sa préoccupation initiale concernant l’injustice ne concernait que Juda puisque les autres nations n’étaient pas censées vivre selon cette loi. Mais dans cette partie du dialogue, Yahvé prend la parole et, ce faisant, commence à soulever des questions relatives à la justice qui ont un impact sur d’autres nations que Juda. Habakuk a demandé « jusqu’à quand », c’est donc à ce moment-là que Yahvé commence à communiquer sur la façon dont il va traiter les problèmes d’injustice identifiés par Habakuk. Bien que cela ne soit pas immédiatement marqué par la désignation d’un nouveau locuteur, il devient rapidement clair que Yahvé répond au défi lancé par Habakuk. Yahvé sait que la solution qu’il propose sera différente de tout ce à quoi Habakuk aurait pu s’attendre. Il demande ici à Habakuk de regarder les nations et de se laisser surprendre, notant que même si Habakuk avait été informé de ce qui était sur le point d’arriver, il ne l’aurait pas cru. La raison de l’étonnement d’Habakuk est que Yahvé était en train de provoquer un soulèvement chez les Chaldéens (un terme largement équivalent à « Babyloniens » mais couvrant une région plus large que la seule ville). Le fait qu’Habakuk trouve cela étonnant est indiqué par la désignation par Yahvé d’un peuple « impitoyable et impétueux » (v. 6), tout en notant qu’il s’agissait d’un peuple guerrier qui était en marche depuis un certain temps pour s’emparer des terres d’autres nations. S’il est correct de dater Habakuk de la période précédant de peu la capture de Jérusalem (voir l’Introduction), alors la menace que ce peuple représentait devait être particulièrement intense et être donc encore plus surprenante pour Habakuk.
Cette menace existentielle et physique est soulignée dans les versets 7 à 11, alors que Yahvé en fait une description détaillée. Il convient de noter que le langage de Yahvé reprend en partie les préoccupations d’Habakuk concernant Juda, faisant état de leur « justice » (v. 7-« droit » S21) et de la « violence » de ce peuple (v. 9-Darby). Mais la mention de sa justice est clairement ironique, car la justice chaldéenne était tout aussi tordue que celle qu’Habakuk a expérimentée en Juda. En outre, l’accent est mis sur les prouesses militaires de ce peuple et sur son équipement qui dépassaient tous ceux des autres nations, ce qui lui permettait de se moquer des autres rois alors incapables de lui résister. Les Chaldéens n’étaient pas découragés par les fortifications défensives telles que des forteresses, puisqu’ils avaient mis au point des tactiques pour y faire face. Cette description se termine par la déclaration selon laquelle les Chaldéens sont des hommes coupables qui prennent leur force pour leur dieu ! (v. 11). Yahvé se propose de contrer l’injustice par l’injustice, la violence par la violence. Il s’agit là d’une œuvre à laquelle Habakuk n’aurait pas cru auparavant.
1:12–2:1 À ce stade, Habakuk reprend la parole et s’adresse directement à Yahvé. Alors que son premier discours s’inquiétait du fait que Yahvé n’avait pas agi pour remédier à l’injustice et à la violence, il se soucie maintenant de l’utilisation des Chaldéens par Yahvé pour exercer sa justice. Habakuk partage ainsi l’étonnement que Yahvé avait prédit qu’il témoignerait. Habakuk présente une série d’arguments pour suggérer que l’utilisation des Chaldéens est incompatible avec le caractère de Yahvé. Il l’exprime en soulignant le caractère éternel et saint de Yahvé, des caractéristiques qu’Habakuk considère comme incompatibles avec la situation actuelle. C’est peut-être la raison pour laquelle il insiste sur le fait qu’ils ne « mourront pas » (v.12 1), affirmant que les actions des Chaldéens ne peuvent entraver le dessein ultime de Yahvé. Le souci d’Habakuk, c’est que Yahvé est pur. Toutefois, cette approche ne parvient pas à remédier à l’injustice au sein de Juda, bien plus, elle en génère une nouvelle expression. Cette réalité est mise en évidence par une série d’illustrations dans les versets 15 à 17 qui décrivent les actions des Chaldéens par l’intermédiaire d’une personne, probablement le roi de Babylone. La première illustration est tirée du domaine de la pêche et contraste avec la souveraineté de Yahvé dans tout ce qui est exprimé au verset 14, avec la métaphore des poissons pour évoquer les humains – le point étant qu’ils n’ont pas d’autre dirigeant que Yahvé. Mais le roi babylonien part à la pêche, capturant les gens à l’aide d’un hameçon et d’un filet. Plus encore, il renverse l’autorité de Yahvé en offrant un sacrifice à son filet qu’il considère comme un dieu tout en s’enrichissant. En effet, les Babyloniens prétendent que leur violence au combat jouit de l’approbation divine- qui n’est toutefois pas celle de Yahvé. C’est pourquoi Habakuk pose la question du verset 17 – si c’est ainsi que sont les Chaldéens, devrait-on alors permettre que de tels massacres impitoyables se poursuivent ? Bien qu’Habakuk se soit plaint, il n’a pas perdu la foi. Au contraire, après avoir reçu une réponse de Yahvé, il se poste, s’imaginant être un guetteur sur une tour de guet. C’est là qu’il attendra la réponse de Yahvé.
2:2–5 Habakuk s’était posté pour voir ce que Yahvé allait dire, et la phase de ce dialogue est reprise dans la réponse de Yahvé. Pourtant, à première vue, la réponse n’aborde pas les questions d’Habakuk à propos de la justice de Yahvé, bien que cela apparaisse au fur et à mesure de la progression de la réponse de Yahvé. La réponse se concentre plutôt sur ce qu’Habakuk doit faire, en faisant une comparaison entre Habakuk et Moïse. Moïse avait reçu la Torah sur des tablettes (voir par exemple Exode 24:12), et maintenant Habakuk doit graver la vision sur des tablettes. Cette vision doit également être « gravée », le verbe utilisé ici n’apparaît que deux fois ailleurs dans l’AT (Deut 1:5; Deut 27:8), où il sert probablement à faire référence à de grandes lettres. L’alliance du Sinaï devait être connue et comprise ; de même, la vision donnée à Habakuk devait être partagée de manière compréhensible. Pour Habakuk, cela signifie probablement qu’un messager porterait les tablettes et les lirait à d’autres. La date de la vision n’est pas révélée, mais un certain délai est indiqué puisque ceux qui la découvrent sont encouragés à attendre tout en ayant la certitude de son accomplissement. Néanmoins, le délai ne sera pas long.
Le contenu de la vision n’est pas explicite, mais il est peu probable que les versets 4 et 5 représentent son contenu de base, car la possibilité d’un délai ne semble pas pertinente ici. Le contenu de la vision est probablement exposé dans les cinq malheurs du chapitre 2, aux verset 6 à 20, puisque ces versets traitent de la préoccupation d’Habakuk au sujet de la justice de Yahvé. Si tel est le cas, les versets 4 et 5 représentent l’attitude avec laquelle les fidèles doivent attendre que la vision s’accomplisse. Le verset 4 oppose l’attitude des Chaldéens (et des Judéens qui pervertissent la justice), qui sont « pleins d’orgueil » et ne sont pas droits, à celle des justes qui manifestent leur fidélité à Yahvé. En d’autres termes, les justes vivent par la foi, par laquelle ils font confiance à Yahvé pour l’exercice de la justice. Cette foi est à la fois l’attitude initiale de confiance en Dieu et la dépendance continue à son égard. Bien que le verset 5 pose plusieurs difficultés, il se réfère probablement une fois de plus aux personnes mentionnées dans la première moitié du verset 4, soulignant qu’une vie vécue dans la recherche constante de l’accumulation de biens, en particulier lorsqu’ils sont obtenus de façon injuste, ne procure pas de réelle satisfaction. La foi nous apprend que les desseins de Dieu s’accomplissent au fil du temps et que c’est là que se trouve la satisfaction.
5 malheurs à destination des travailleurs injustes (2:6–20)
2:6a Bien que la plupart des versions de la Bible interprètent cette section comme l’annonce de malheurs dirigés uniquement contre les Chaldéens, cette interprétation est probablement trop limitée. Habakuk se préoccupe à la fois de ceux qui commettent l’injustice en Juda et de l’injustice de Yahvé qui s’appuie sur les Chaldéens pour atteindre ses objectifs. Par conséquent, il est préférable de comprendre que ces malheurs s’adressent à ces deux groupes et qu’ils mentionnent les points soulevés dans les précédents discours qu’Habakuk a tenus à l’encontre de Dieu. Le peuple auquel s’adresse le « malheur » à chaque fois n’est pas nommé, ce qui signifie qu’à travers ces « malheurs », Yahvé aborde tous les points soulevés précédemment. Cette introduction touche les cinq malheurs en question, une façon de montrer que ceux qui ont souffert de l’injustice les utiliseront pour se moquer de leurs oppresseurs.
Le 1er malheur (2:6b–9)
Les quatre premiers oracles suivent un schéma classique, ils commencent avec le mot « malheur ». Chacun d’entre eux s’adresse à un individu qui a causé du tort à autrui par ses actions, lesquelles sont brièvement décrites avant d’indiquer de quelle façon cela va mal se terminer pour leur auteur. Cet individu est représentatif de toute personne agissant de la sorte, et peut donc décrire aussi bien les Judéens corrompus que les Chaldéens. Le schéma est modifié pour le cinquième oracle, puisque le « malheur » n’apparaît qu’au milieu de l’oracle, ce qui marque la fin de la séquence.
Le « malheur » a très probablement pour origine le deuil lors d’un enterrement, de sorte que nous pourrions également traduire le terme par « quelle horreur ». Pour l’oppresseur, quel que soit son mode d’oppression, quelque chose de terrible se prépare. Ce premier oracle concerne ceux qui se sont enrichis par l’injustice, que ce soit par la manipulation des structures juridiques d’Israël ou par des acquisitions militaires. Bien que l’accent soit mis ici sur la puissance militaire, il s’agit dans les deux cas d’expressions de la violence, et l’oppresseur finira par tomber sous les coups de ceux qu’il a opprimés. Notez que les derniers mots du verset 8 reviennent dans la seconde moitié du verset 17.
Le 2ᵉ malheur (2:9–11)
Alors que le premier malheur concernait davantage la violence de la guerre, ce deuxième malheur s’intéresse surtout aux effets de l’utilisation des systèmes culturels et gouvernementaux pour générer des gains injustes dans un souci d’autoprotection. Il s’agit de ceux qui, en Juda, ont manipulé le système à leur profit, ainsi que de la pratique chaldéenne consistant à exiger un tribut des États vaincus. L’objectif est d’assurer la sécurité par l’accumulation de richesses, même si, ce faisant, l’oppresseur a jeté l’opprobre sur sa propre maison en maltraitant les autres. La maison que l’oppresseur croyait sûre est décrite au verset 11 comme criant contre lui. L’oppresseur a ôté la vie à de nombreuses personnes, et justice leur sera rendue.
Le 3ᵉ malheur (2:12–14)
Le 3ᵉ oracle s’inscrit dans le prolongement des deux premiers et s’adresse à ceux qui bâtissent une ville sur la base de l’iniquité, en particulier celle consistant à ôter la vie. Cela concerne l’élite de Jérusalem qui a prospéré grâce à ses actions, ainsi que les Chaldéens qui ont utilisé les ressources pillées aux peuples captifs pour construire Babylone, ces deux éléments étant évidents dans les deux premiers malheurs. Bien que les premiers malheurs annoncent la fin de l’oppresseur, le moyen d’y parvenir n’est pas précisé. Il se peut que leur méchanceté porte en elle les germes de sa propre destruction, il se peut également que Yahvé agisse de façon directe. Ces options ne se contredisent pas l’une l’autre – l’existence apparente d’options serait plutôt liée à une question d’emphase, mais le passage indique clairement que Yahvé est effectivement impliqué dans la chute de l’oppresseur parce que tous les actes d’oppression sont contraires à ses desseins. L’oppresseur recherchait la gloire ; Habakuk (en rapprochant Nb 14:21 et Es 11:9) insiste au contraire sur le fait que c’est la connaissance de la gloire de Yahvé qui remplira la terre.
Le 4ᵉ malheur (2:15–17)
Le 4ᵉ malheur s’inscrit dans le prolongement des trois précédents, rendant l’implication de Yahvé encore plus claire. Cette fois, l’accent est mis sur ceux qui cherchent à faire honte aux faibles en les faisant boire. Bien que l’on puisse parler d’ivresse au sens propre, l’image d’une coupe que l’on boit apparaît en Jérémie 51:7, et là, le langage est symbolique. Que ce soit littéralement ou symboliquement, Yahvé rejette le fait d’humilier les faibles. Au lieu de la gloire, l’oppresseur recevra la honte puisque c’est Yahvé qui tient véritablement la coupe. Au verset 17, Habakuk fait référence à un événement survenu au Liban, et bien que cet événement nous soit inconnu, il est présenté comme un exemple du châtiment qui sera infligé à l’oppresseur. La seconde moitié de ce verset reprend le langage du verset 8b, montrant que la violence constatée a été vue par Yahvé et qu’il agit contre l’oppresseur. Yahvé veillera à ce que justice soit faite.
Le 5ᵉ malheur (2:18–20)
Le dernier oracle de malheur rompt la structure établie par les quatre précédents en retenant le « malheur » jusqu’à son milieu, ce qui clôt la séquence. Cet oracle commence par souligner la futilité de la confiance dans les idoles, un motif courant dans l’AT (par exemple, Ésaïe 44:9-20). Le paradoxe qu’explore Habakuk, c’est que les idoles sont incapables de parler et qu’elles trompent pourtant ceux qui leur font confiance. Faire confiance à une idole, c’est s’éloigner de Yahvé en tant que Dieu vivant que l’on peut rencontrer dans son temple. L’idolâtrie étant souvent associée à l’oppression, cet oracle met en évidence le contexte religieux qui la soutient. Mais Yahvé est dans son temple, et c’est de là qu’il exerce la justice, rappelant aux adorateurs qui attendent l’accomplissement de la vision (cf. Hab 2:3) qu’il est celui qui règne et que toute la terre doit donc se taire devant lui. Dans ce contexte, la foi décrite en 2:4 doit être vécue.
Le Psaume d’Habakuk (3:1–19)
3:1 Le titre et d’autres caractéristiques de ce chapitre, notamment l’utilisation du mot « Pause » (v. 3, 9, 13) et la référence au chef de chœur (v. 19b), ressemblent aux composantes de nombreux psaumes, bien que la note au chef de chœur fasse partie de la conclusion. Bien que ces caractéristiques suggèrent qu’Habakuk a composé ce psaume pour d’autres raisons, le poème est maintenant étroitement intégré au livre. Les cinq malheurs indiquaient que Yahvé ferait justice, mais ils n’indiquaient pas quand ce jugement aurait lieu. Ce psaume aide la communauté à comprendre à quoi ressemble la foi vécue dans l’attente, et pourquoi elle peut être confiante dans le fait que Yahvé triomphera. Le fait qu’il soit désigné comme une « prière » montre clairement qu’il s’agit de paroles adressées à Dieu, même si, comme cela est courant pour les prières publiques, l’existence d’un auditoire qui l’écoute va souvent de soi. La nature publique de la prière est cohérente avec l’appel d’Habakuk en tant que « prophète », soulignant qu’en l’occurrence il s’adresse à Yahvé et apporte une parole de sa part. L’expression « sur le mode des complaintes » n’est pas claire, bien qu’elle semble être liée à un terme similaire contenu dans le titre du psaume 7.
Ce psaume aide la communauté à comprendre à quoi ressemble la foi vécue dans l’attente, et pourquoi elle peut être confiante dans le fait que Yahvé triomphera.
3:2 Comme il s’agit d’une prière, Habakuk s’adresse directement à Yahvé. Habakuk souligne qu’il a entendu ce que Yahvé a annoncé et que son œuvre suscite en lui de la crainte. Habakuk se concentre sur ce que Yahvé a fait dans le passé, ce qui l’amène à le révérer. Dans sa prière adressée à Yahvé, Habakuk reconnaît implicitement que les choses ne se passent pas actuellement comme il le souhaiterait. Cette tension devient plus explicite dans la seconde moitié du verset, là où il intercède directement, demandant à Yahvé de faire revivre dans le présent cette grande œuvre du passé et de la faire connaître. Habakuk fait l’expérience de l’injustice et souhaite donc que Yahvé agisse de manière à faire connaître sa justice. Mais dans ce contexte de colère, il demande que Yahvé se souvienne de la miséricorde. Le mot traduit ici par « colère » est inhabituel et pourrait également signifier « agitation », suggérant qu’Habakuk vit dans un monde perturbé – un monde où la miséricorde de Yahvé est nécessaire.
3:3–7 La prière décrit maintenant une théophanie, où Dieu est représenté comme venant du sud (« Théman » peut aussi signifier « sud », alors que le mont Paran se trouve dans la péninsule du Sinaï). Les verbes utilisés ici sont inhabituels pour une théophanie et peuvent indiquer qu’Habakuk pense qu’elle est imminente, même si cela correspond également aux modèles précédents. La gloire de Dieu est soulignée, couvrant les cieux, ce qui signifie que la terre est remplie de sa louange. Le mot « selah/pause » à ce stade peut indiquer une légère interruption, permettant une brève réflexion à propos de la venue de Dieu. À partir du verset 4, la théophanie se concentre sur la puissance de Dieu, bien qu’elle émerge de sa gloire. Au cours de son voyage, Dieu est rejoint par la peste et le fléau. Bien qu’il puisse s’agir de termes généraux qui sont ici personnifiés, ils peuvent également faire référence à des divinités redoutées par les habitants de la région. Du point de vue d’Habakuk, seul Yahvé est Dieu, mais sa prière pourrait aussi le démontrer en révélant que les divinités craintes par les habitants de la région n’étaient rien d’autre que des forces soumises à Yahvé. Cela devient évident lorsque Yahvé « s’arrête » et « mesure la terre » – devant lui, tout est insignifiant. Si la création ne peut se tenir devant lui, il n’est pas surprenant que les nations ne le puissent pas non plus. Bien que l’accent soit mis ici sur l’Ethiopie (Cushan) et Madian (deux groupes probablement associés au Sinaï), l’idée est que, devant Yahvé, toutes les nations sont impuissantes.
3:8–15 Alors que les versets 3 à 7 décrivaient la venue de Dieu, Habakuk s’adresse ici de nouveau directement à Yahvé. L’ensemble est lié par les références aux eaux des versets 8 et 15, tandis que les deux occurrences de « selah/pause » indiquent probablement l’endroit où le lecteur peut s’arrêter au cours de sa lecture de la prière. Alors que les précédentes références de la prière concernaient essentiellement l’exode, ce cadre de référence est maintenant élargi pour inclure l’entrée d’Israël dans le pays, sous la direction de Josué. Les versets 8 et 9a mettent l’accent sur la colère de Yahvé contre les eaux. Bien que les termes pour désigner la colère diffèrent, ils prolongent tous la note du verset 2 où Yahvé est également appelé à se souvenir de sa miséricorde. Les eaux ne sont pas nommées, mais les fleuves comprennent à la fois le Nil et le Jourdain, tandis que la mer est ici la mer des Roseaux (Ex 14:21-31). Tout au long du récit, Yahvé s’est montré victorieux en tant que guerrier en qui Israël pouvait avoir confiance. Ce point est développé dans les versets 9b à 11 qui s’appuient sur l’autorité de Yahvé sur toute la création pour fournir la base de son contrôle sur le soleil et la lune, le verset 11 faisant allusion à la victoire décrite dans Josué 10:12-14. Les victoires remportées en Josué 10 et 11 constituent alors l’arrière-plan des versets 12 et 13, bien qu’Habakuk puisse également faire allusion à des victoires ultérieures, ce qui pourrait expliquer la référence faite à l’oint de Yahvé. Si la « selah/pause » de la fin du verset 13 indique effectivement une pause, les versets 14 et 15 seraient probablement destinés à résumer toutes les victoires remportées par Yahvé depuis l’exode. Ces victoires sont acquises sur tous les ennemis, qu’il s’agisse de forces de la création, d’objets que les nations environnantes avaient tendance à traiter comme des divinités ou de ces nations elles-mêmes.
3:16–19 Les implications des versets 3 à 15 sont développées ici. Habakuk sait que Yahvé vient et que rien ne peut le vaincre. Mais il sait aussi que des problèmes restent en suspens en Juda, en plus de la menace extérieure des Babyloniens. Il sait qu’il y aura de la colère parce que Yahvé s’adressera à tous ceux qui oppriment Juda, mais il a aussi confiance dans le fait que Yahvé se souviendra de sa miséricorde. Habakuk se présente comme un modèle pour la nation – il a entendu Yahvé venir, et par conséquent, chaque partie de son corps tremble tandis qu’il attend que Yahvé s’occupe de ceux qui attaquent Juda.2 Ce qui le soutiendra dans l’attente est décrit dans les versets 17 à 19a. Habakuk reconnaît que l’échelle de temps de Yahvé n’est pas nécessairement la sienne et qu’elle ne peut donc pas être mesurée par des bénédictions à court terme telles qu’une bonne récolte. Au contraire, l’attente tranquille s’exprime par la réjouissance en Yahvé en tant que Dieu de son salut. En d’autres termes, Yahvé est le seul à pouvoir apporter le salut, et la foi mise en avant en 2:4 consiste à croire que son salut se manifestera enfin. Bien que sa société soit confrontée à de grands défis, Habakuk pouvait continuer à reconnaître que Yahvé était sa force, et que tout comme le cerf était capable de marcher dans des endroits difficiles d’accès, Yahvé continuait à permettre à Habakuk de le faire. C’était un modèle que la nation pouvait suivre.
La note finale indique que la prière faisait partie d’un recueil détenu par le directeur musical et qu’elle s’inscrivait donc dans une tradition liturgique. Ainsi, les générations suivantes pouvaient prier cette prière et exprimer ainsi leur besoin de Dieu et leur confiance en lui.
Firth, D. G. “Habakkuk.” In ESV Expository Commentary, vol. VII, edited by Iain M. Duguid, James M. Hamilton Jr. and Jay Sklar, 533–560. Wheaton: Crossway, 2018).
Goldingay, J. and P. Scalise Minor Prophets II. Grand Rapids: Baker Books, 2012.
En outre, TGC E21 vous autorise à traduire fidèlement l’œuvre dans toute autre langue, mais vous ne pouvez pas traduire la Bible S21 dans une autre langue. Si vous souhaitez inclure des citations bibliques dans l’œuvre traduite, vous devrez obtenir l’autorisation de l’éditeur d’une traduction de la Bible dans la même langue.
Cette édition (version 1.0) a été publiée le 10/12/2024 et peut être citée comme suit dans les ouvrages imprimés : Firth, David G. Habacuc. TGCBC. Austin, TX : TGC Évangile21, 2024.
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2Jusqu’à quand, Eternel, vais-je crier à toi? Tu n’écoutes pas. J’ai crié vers toi pour dénoncer la violence, mais tu ne secours pas! 3Pourquoi me fais-tu voir le mal et contemples-tu l’injustice? Pourquoi l’oppression et la violence sont-elles devant moi? Il y a des procès et des conflits partout. 4Aussi, la loi est sans vie, le droit est sans force, car le méchant triomphe du juste et l’on rend des jugements corrompus.
Réponse de Dieu: le jugement de Juda
5Jetez les yeux parmi les nations, regardez et soyez saisis d’étonnement, d’épouvante, car je vais faire à votre époque une œuvre que vous ne croiriez pas, si on la racontait. 6Je vais faire surgir les Babyloniens. C’est un peuple impitoyable et impétueux qui traverse de vastes étendues de pays pour s’emparer de demeures qui ne sont pas à lui. 7Il est terrible et redoutable, il est la source de son droit et de sa grandeur. 8Ses chevaux sont plus rapides que les léopards, plus agiles que les loups du soir. Ses cavaliers se déploient, ses cavaliers arrivent de loin, ils volent comme l’aigle qui fond sur sa proie.
9Tout ce peuple vient pour se livrer au pillage, le visage tendu vers l’avant, et il rassemble des prisonniers comme du sable. 10Il se moque des rois, et les princes sont l’objet de ses railleries. Il rit de toutes les forteresses: il amoncelle de la terre et il les prend.
11Alors il change d’avis et poursuit sa marche, et il se rend coupable. Sa force à lui, voilà son dieu!
Réponse d’Habakuk
12N’es-tu pas depuis toujours, Eternel, mon Dieu, mon Saint? Nous ne mourrons pas! Eternel, tu as établi ce peuple pour exercer tes jugements. Mon rocher, tu l’as appelé pour infliger tes punitions. 13Tes yeux sont trop purs pour voir le mal, et tu ne peux pas regarder la misère. Pourquoi regarderais-tu les traîtres? Pourquoi garderais-tu le silence quand le méchant dévore celui qui est plus juste que lui?
14Traiterais-tu l’homme comme les poissons de la mer, comme le reptile qui n’a pas de maître? 15Le Babylonien les fait tous monter avec l’hameçon, il les attire dans son filet, il les rassemble dans sa nasse. Alors il est dans la joie et dans l’allégresse. 16C’est pourquoi il offre un sacrifice à son filet, il fait brûler de l’encens en l’honneur de sa nasse, car grâce à eux sa portion est grasse et sa nourriture succulente. 17Va-t-il toujours vider son filet et égorger sans pitié les nations?
Habakkuk
Introduction
En tant que 8è des 12 petits prophètes, Habakuk est l’un des trois livres qui traitent des défis auxquels le royaume de Juda est confronté suite à la chute de l’Assyrie et à la montée en puissance de Babylone dans la seconde moitié du 7ᵉ siècle avant Jésus-Christ. Le prophète Nahum anticipe la chute de l’Assyrie, tandis que Sophonie traite davantage des questions internes à Juda, bien qu’il soit également question de ses relations avec les nations environnantes. Habakuk a la particularité de réfléchir simultanément aux problèmes internes à Juda et à la menace de Babylone, ce qui lui vaut d’être placé, à juste titre, entre les deux autres prophètes.
En tant que livre prophétique, Habakuk se distingue par sa forme. Nous ne savons rien d’autre sur le prophète que ce qui est rapporté dans le premier verset. Pourtant, même avec ces informations limitées, cet ouvrage est l’un de ceux dans lesquels la personnalité du prophète est particulièrement évidente, car une grande partie du livre est présentée comme un dialogue entre Habakuk et Yahvé. Ce dialogue nous montre qu’Habakuk était prêt à explorer les aspects difficiles de la foi, en s’efforçant de comprendre comment la justice de Yahvé pouvait être perçue dans le vécu de son peuple. C’est peut-être pour cette raison que le verset Habakuk 2 :4 est devenu si connu, car il exprime la tension essentielle inhérente à une foi qui fait confiance à Dieu tout en reconnaissant que tout n’est pas juste dans le monde. Une telle perspective aurait été particulièrement importante si, comme cela semble probable, le livre avait été écrit entre la bataille de Karkemish (605 av. J.-C.) et la chute de Jérusalem à Babylone (597 av. J.-C. – à distinguer des événements ultérieurs de 587 av. J.-C. à partir desquels l’exil est généralement daté). Habakuk pouvait voir la menace émergente de Babylone et, connaissant la violence légendaire de ce peuple, interroger Yahvé sur sa justice (Hab 1:12-2:1). Mais Habakuk n’était pas aveugle aux problèmes internes à Juda, et il est remarquable qu’il les présente comme étant le souci principal (1:2-4). Au cours de ses dialogues avec Yahvé, Habakuk ne perd jamais de vue les menaces internes ou externes auxquelles sont confrontés ceux qui font confiance à Yahvé.
Bien que typique des livres prophétiques qui rapportent les paroles de Yahvé, Habakuk n’est pas construit selon le schéma traditionnel « Ainsi parle le SEIGNEUR » que l’on retrouve fréquemment ailleurs. Au contraire, Yahvé est impliqué dans un dialogue avec le prophète tout au long des deux premiers chapitres, alors qu’il répond aux défis lancés par Habakuk, ce qui confère au livre un caractère liturgique. Cet aspect devient particulièrement important dans le dernier chapitre, qui est en fait un psaume attribué à Habakuk (veuillez noter que le verset 1 d’Hab 3 est un titre distinct du reste du chapitre). Bien que formellement différent des deux chapitres précédents, c’est un élément important du livre, car c’est ici que la foi décrite dans Habakuk 2:4 trouve sa résolution. En adorant Yahvé, le prophète en vient à comprendre ce qu’est une telle foi, ce qui conduit à l’affirmation finale de la confiance du prophète quand il déclare qu’il se réjouira en Yahvé quelles que soient les circonstances rencontrées (3:17-19). Ce qui est encouragé, c’est une vie de fidélité qui continue à se réjouir en Dieu plutôt que de se concentrer uniquement sur les circonstances rencontrées. Mais la fidélité est également prête à défier Dieu pour qu’il démontre sa justice, car les croyants vivent dans un monde où il est souverain, et pourtant leurs luttes se poursuivent.
But
Habakuk aide les croyants à se débattre avec la justice de Dieu dans le monde, en explorant ce que signifie avoir foi en Dieu dans un monde rempli d’injustice.
Verset clé
“Il est plein d’orgueil, celui dont l’âme n’est pas droite, mais le juste vivra par sa foi.”
— Habakuk 2:4
Plan
I. Titre (1:1)
II. Dialogue entre Habakuk et Yahvé (1:2–2:5)
III. 5 malheurs à destination des travailleurs injustes (2:6–20)
IV. Le Psaume d’Habakuk (3:1–19)
Titre (1:1)
Contrairement à certains livres prophétiques qui placent le prophète dans son contexte en faisant référence aux rois concernés (par exemple Amos 1:1), l’introduction d’Habakuk se concentre uniquement sur le message qu’il apporte et sur les faits les plus élémentaires à propos du messager. Le message est appelé « oracle », un terme qui se réfère généralement à un message au sujet de la nation. Le plus souvent, cette nation est identifiée, mais ce n’est pas le cas ici, ce qui amène les lecteurs à se demander si l’oracle les concerne ou s’il concerne une autre nation. En fait, il s’agit des deux, mais cela ne devient clair qu’au fur et à mesure de la lecture du livre. Il nous est dit qu’Habakuk « a vu » cet oracle. Bien que cela puisse suggérer une expérience visionnaire, il s’agit également d’un terme technique désignant les différentes manières dont un prophète peut percevoir le message de Dieu. Mais pour éviter tout doute sur la validité du message, Habakuk est appelé « le prophète ». C’est-à-dire qu’il est le porte-parole de Dieu. On ne nous dit rien d’autre à son sujet, car cela nous détournerait de l’accent mis sur la parole de Dieu exprimée à travers lui. Cette focalisation est également importante pour ce qui suit, car une grande partie du texte est présentée comme un dialogue entre Habakuk et Yahvé. Bien que nous n’ayons pas ici la manière habituelle qu’un prophète use pour présenter son message, on peut également considérer cela comme un oracle.
Dialogue entre Habakuk et Yahvé (1:2–2:5)
1:2–4 Bien qu’Habakuk fasse partie des prophètes, l’ouverture du dialogue avec Yahvé est plus typique des Psaumes. Le cri « jusqu’à quand » se retrouve fréquemment dans le Psautier (Ps 13:2 par exemple), introduisant une prière appelant Yahvé à l’aide. Ces prières accusent souvent Yahvé de ne pas avoir agi assez tôt pour modifier les circonstances à l’origine de l’affliction, et c’est le cas ici. La question « jusqu’à quand » montre clairement que ce n’est pas la première fois qu’Habakuk soulève la question dans la prière. Le fait qu’il ne puisse pas changer la situation lui-même ressort clairement des verbes utilisés, qui montrent qu’il a demandé à Yahvé d’intervenir depuis un certain temps. Le problème qu’il a mis en évidence est celui de la violence dont Dieu seul peut nous sauver. Pourtant, rien ne s’est encore produit, et Habakuk révèle plutôt les signes qui montrent comment cette violence a affligé sa société : destruction, querelles et disputes. En d’autres termes, l’effondrement social dont il a été témoin était constitué à la fois de blessures physiques et de disputes verbales. Il accuse Yahvé de l’avoir conduit à voir cette dégradation de la société, tout en lui reprochant d’en avoir ignoré les méfaits. Habakuk a mis en évidence les effets d’une société en pleine décomposition, mais Yahvé n’a apparemment rien fait. Cet état de fait atteint son apogée dans la déclaration du verset 4, dans laquelle Habakuk affirme que la loi est paralysée [« sans vie »]. La « loi » fait ici référence à la Torah, le condensé des directives de Yahvé à l’égard de la nation. Une fois que ces directives sont mises de côté, le reste de la plainte contenue dans ce verset peut être considéré comme une conséquence de ce comportement. Sans la Torah, la justice n’est pas rendue. En d’autres termes, la présence de la loi de Dieu favorise l’exercice de la justice au sein de son peuple, et sans elle, la base nécessaire à l’exercice de la justice n’existe pas. Au contraire, les méchants peuvent encercler les justes puisque la base sur laquelle les justes peuvent s’épanouir a été supprimée. A la place d’une justice droite règne maintenant une justice pervertie et déformée. Habakuk met Yahvé au défi de démontrer qu’il est bien un Dieu de justice.
La présence de la loi de Dieu favorise l’exercice de la justice au sein de son peuple, et sans elle, la base nécessaire à l’exercice de la justice n’existe pas.
1:5–11 Habakuk s’était plaint au sujet de la paralysie de la Loi (Torah), en indiquant que sa préoccupation initiale concernant l’injustice ne concernait que Juda puisque les autres nations n’étaient pas censées vivre selon cette loi. Mais dans cette partie du dialogue, Yahvé prend la parole et, ce faisant, commence à soulever des questions relatives à la justice qui ont un impact sur d’autres nations que Juda. Habakuk a demandé « jusqu’à quand », c’est donc à ce moment-là que Yahvé commence à communiquer sur la façon dont il va traiter les problèmes d’injustice identifiés par Habakuk. Bien que cela ne soit pas immédiatement marqué par la désignation d’un nouveau locuteur, il devient rapidement clair que Yahvé répond au défi lancé par Habakuk. Yahvé sait que la solution qu’il propose sera différente de tout ce à quoi Habakuk aurait pu s’attendre. Il demande ici à Habakuk de regarder les nations et de se laisser surprendre, notant que même si Habakuk avait été informé de ce qui était sur le point d’arriver, il ne l’aurait pas cru. La raison de l’étonnement d’Habakuk est que Yahvé était en train de provoquer un soulèvement chez les Chaldéens (un terme largement équivalent à « Babyloniens » mais couvrant une région plus large que la seule ville). Le fait qu’Habakuk trouve cela étonnant est indiqué par la désignation par Yahvé d’un peuple « impitoyable et impétueux » (v. 6), tout en notant qu’il s’agissait d’un peuple guerrier qui était en marche depuis un certain temps pour s’emparer des terres d’autres nations. S’il est correct de dater Habakuk de la période précédant de peu la capture de Jérusalem (voir l’Introduction), alors la menace que ce peuple représentait devait être particulièrement intense et être donc encore plus surprenante pour Habakuk.
Cette menace existentielle et physique est soulignée dans les versets 7 à 11, alors que Yahvé en fait une description détaillée. Il convient de noter que le langage de Yahvé reprend en partie les préoccupations d’Habakuk concernant Juda, faisant état de leur « justice » (v. 7-« droit » S21) et de la « violence » de ce peuple (v. 9-Darby). Mais la mention de sa justice est clairement ironique, car la justice chaldéenne était tout aussi tordue que celle qu’Habakuk a expérimentée en Juda. En outre, l’accent est mis sur les prouesses militaires de ce peuple et sur son équipement qui dépassaient tous ceux des autres nations, ce qui lui permettait de se moquer des autres rois alors incapables de lui résister. Les Chaldéens n’étaient pas découragés par les fortifications défensives telles que des forteresses, puisqu’ils avaient mis au point des tactiques pour y faire face. Cette description se termine par la déclaration selon laquelle les Chaldéens sont des hommes coupables qui prennent leur force pour leur dieu ! (v. 11). Yahvé se propose de contrer l’injustice par l’injustice, la violence par la violence. Il s’agit là d’une œuvre à laquelle Habakuk n’aurait pas cru auparavant.
1:12–2:1 À ce stade, Habakuk reprend la parole et s’adresse directement à Yahvé. Alors que son premier discours s’inquiétait du fait que Yahvé n’avait pas agi pour remédier à l’injustice et à la violence, il se soucie maintenant de l’utilisation des Chaldéens par Yahvé pour exercer sa justice. Habakuk partage ainsi l’étonnement que Yahvé avait prédit qu’il témoignerait. Habakuk présente une série d’arguments pour suggérer que l’utilisation des Chaldéens est incompatible avec le caractère de Yahvé. Il l’exprime en soulignant le caractère éternel et saint de Yahvé, des caractéristiques qu’Habakuk considère comme incompatibles avec la situation actuelle. C’est peut-être la raison pour laquelle il insiste sur le fait qu’ils ne « mourront pas » (v.12 1), affirmant que les actions des Chaldéens ne peuvent entraver le dessein ultime de Yahvé. Le souci d’Habakuk, c’est que Yahvé est pur. Toutefois, cette approche ne parvient pas à remédier à l’injustice au sein de Juda, bien plus, elle en génère une nouvelle expression. Cette réalité est mise en évidence par une série d’illustrations dans les versets 15 à 17 qui décrivent les actions des Chaldéens par l’intermédiaire d’une personne, probablement le roi de Babylone. La première illustration est tirée du domaine de la pêche et contraste avec la souveraineté de Yahvé dans tout ce qui est exprimé au verset 14, avec la métaphore des poissons pour évoquer les humains – le point étant qu’ils n’ont pas d’autre dirigeant que Yahvé. Mais le roi babylonien part à la pêche, capturant les gens à l’aide d’un hameçon et d’un filet. Plus encore, il renverse l’autorité de Yahvé en offrant un sacrifice à son filet qu’il considère comme un dieu tout en s’enrichissant. En effet, les Babyloniens prétendent que leur violence au combat jouit de l’approbation divine- qui n’est toutefois pas celle de Yahvé. C’est pourquoi Habakuk pose la question du verset 17 – si c’est ainsi que sont les Chaldéens, devrait-on alors permettre que de tels massacres impitoyables se poursuivent ? Bien qu’Habakuk se soit plaint, il n’a pas perdu la foi. Au contraire, après avoir reçu une réponse de Yahvé, il se poste, s’imaginant être un guetteur sur une tour de guet. C’est là qu’il attendra la réponse de Yahvé.
2:2–5 Habakuk s’était posté pour voir ce que Yahvé allait dire, et la phase de ce dialogue est reprise dans la réponse de Yahvé. Pourtant, à première vue, la réponse n’aborde pas les questions d’Habakuk à propos de la justice de Yahvé, bien que cela apparaisse au fur et à mesure de la progression de la réponse de Yahvé. La réponse se concentre plutôt sur ce qu’Habakuk doit faire, en faisant une comparaison entre Habakuk et Moïse. Moïse avait reçu la Torah sur des tablettes (voir par exemple Exode 24:12), et maintenant Habakuk doit graver la vision sur des tablettes. Cette vision doit également être « gravée », le verbe utilisé ici n’apparaît que deux fois ailleurs dans l’AT (Deut 1:5; Deut 27:8), où il sert probablement à faire référence à de grandes lettres. L’alliance du Sinaï devait être connue et comprise ; de même, la vision donnée à Habakuk devait être partagée de manière compréhensible. Pour Habakuk, cela signifie probablement qu’un messager porterait les tablettes et les lirait à d’autres. La date de la vision n’est pas révélée, mais un certain délai est indiqué puisque ceux qui la découvrent sont encouragés à attendre tout en ayant la certitude de son accomplissement. Néanmoins, le délai ne sera pas long.
Le contenu de la vision n’est pas explicite, mais il est peu probable que les versets 4 et 5 représentent son contenu de base, car la possibilité d’un délai ne semble pas pertinente ici. Le contenu de la vision est probablement exposé dans les cinq malheurs du chapitre 2, aux verset 6 à 20, puisque ces versets traitent de la préoccupation d’Habakuk au sujet de la justice de Yahvé. Si tel est le cas, les versets 4 et 5 représentent l’attitude avec laquelle les fidèles doivent attendre que la vision s’accomplisse. Le verset 4 oppose l’attitude des Chaldéens (et des Judéens qui pervertissent la justice), qui sont « pleins d’orgueil » et ne sont pas droits, à celle des justes qui manifestent leur fidélité à Yahvé. En d’autres termes, les justes vivent par la foi, par laquelle ils font confiance à Yahvé pour l’exercice de la justice. Cette foi est à la fois l’attitude initiale de confiance en Dieu et la dépendance continue à son égard. Bien que le verset 5 pose plusieurs difficultés, il se réfère probablement une fois de plus aux personnes mentionnées dans la première moitié du verset 4, soulignant qu’une vie vécue dans la recherche constante de l’accumulation de biens, en particulier lorsqu’ils sont obtenus de façon injuste, ne procure pas de réelle satisfaction. La foi nous apprend que les desseins de Dieu s’accomplissent au fil du temps et que c’est là que se trouve la satisfaction.
5 malheurs à destination des travailleurs injustes (2:6–20)
2:6a Bien que la plupart des versions de la Bible interprètent cette section comme l’annonce de malheurs dirigés uniquement contre les Chaldéens, cette interprétation est probablement trop limitée. Habakuk se préoccupe à la fois de ceux qui commettent l’injustice en Juda et de l’injustice de Yahvé qui s’appuie sur les Chaldéens pour atteindre ses objectifs. Par conséquent, il est préférable de comprendre que ces malheurs s’adressent à ces deux groupes et qu’ils mentionnent les points soulevés dans les précédents discours qu’Habakuk a tenus à l’encontre de Dieu. Le peuple auquel s’adresse le « malheur » à chaque fois n’est pas nommé, ce qui signifie qu’à travers ces « malheurs », Yahvé aborde tous les points soulevés précédemment. Cette introduction touche les cinq malheurs en question, une façon de montrer que ceux qui ont souffert de l’injustice les utiliseront pour se moquer de leurs oppresseurs.
Le 1er malheur (2:6b–9)
Les quatre premiers oracles suivent un schéma classique, ils commencent avec le mot « malheur ». Chacun d’entre eux s’adresse à un individu qui a causé du tort à autrui par ses actions, lesquelles sont brièvement décrites avant d’indiquer de quelle façon cela va mal se terminer pour leur auteur. Cet individu est représentatif de toute personne agissant de la sorte, et peut donc décrire aussi bien les Judéens corrompus que les Chaldéens. Le schéma est modifié pour le cinquième oracle, puisque le « malheur » n’apparaît qu’au milieu de l’oracle, ce qui marque la fin de la séquence.
Le « malheur » a très probablement pour origine le deuil lors d’un enterrement, de sorte que nous pourrions également traduire le terme par « quelle horreur ». Pour l’oppresseur, quel que soit son mode d’oppression, quelque chose de terrible se prépare. Ce premier oracle concerne ceux qui se sont enrichis par l’injustice, que ce soit par la manipulation des structures juridiques d’Israël ou par des acquisitions militaires. Bien que l’accent soit mis ici sur la puissance militaire, il s’agit dans les deux cas d’expressions de la violence, et l’oppresseur finira par tomber sous les coups de ceux qu’il a opprimés. Notez que les derniers mots du verset 8 reviennent dans la seconde moitié du verset 17.
Le 2ᵉ malheur (2:9–11)
Alors que le premier malheur concernait davantage la violence de la guerre, ce deuxième malheur s’intéresse surtout aux effets de l’utilisation des systèmes culturels et gouvernementaux pour générer des gains injustes dans un souci d’autoprotection. Il s’agit de ceux qui, en Juda, ont manipulé le système à leur profit, ainsi que de la pratique chaldéenne consistant à exiger un tribut des États vaincus. L’objectif est d’assurer la sécurité par l’accumulation de richesses, même si, ce faisant, l’oppresseur a jeté l’opprobre sur sa propre maison en maltraitant les autres. La maison que l’oppresseur croyait sûre est décrite au verset 11 comme criant contre lui. L’oppresseur a ôté la vie à de nombreuses personnes, et justice leur sera rendue.
Le 3ᵉ malheur (2:12–14)
Le 3ᵉ oracle s’inscrit dans le prolongement des deux premiers et s’adresse à ceux qui bâtissent une ville sur la base de l’iniquité, en particulier celle consistant à ôter la vie. Cela concerne l’élite de Jérusalem qui a prospéré grâce à ses actions, ainsi que les Chaldéens qui ont utilisé les ressources pillées aux peuples captifs pour construire Babylone, ces deux éléments étant évidents dans les deux premiers malheurs. Bien que les premiers malheurs annoncent la fin de l’oppresseur, le moyen d’y parvenir n’est pas précisé. Il se peut que leur méchanceté porte en elle les germes de sa propre destruction, il se peut également que Yahvé agisse de façon directe. Ces options ne se contredisent pas l’une l’autre – l’existence apparente d’options serait plutôt liée à une question d’emphase, mais le passage indique clairement que Yahvé est effectivement impliqué dans la chute de l’oppresseur parce que tous les actes d’oppression sont contraires à ses desseins. L’oppresseur recherchait la gloire ; Habakuk (en rapprochant Nb 14:21 et Es 11:9) insiste au contraire sur le fait que c’est la connaissance de la gloire de Yahvé qui remplira la terre.
Le 4ᵉ malheur (2:15–17)
Le 4ᵉ malheur s’inscrit dans le prolongement des trois précédents, rendant l’implication de Yahvé encore plus claire. Cette fois, l’accent est mis sur ceux qui cherchent à faire honte aux faibles en les faisant boire. Bien que l’on puisse parler d’ivresse au sens propre, l’image d’une coupe que l’on boit apparaît en Jérémie 51:7, et là, le langage est symbolique. Que ce soit littéralement ou symboliquement, Yahvé rejette le fait d’humilier les faibles. Au lieu de la gloire, l’oppresseur recevra la honte puisque c’est Yahvé qui tient véritablement la coupe. Au verset 17, Habakuk fait référence à un événement survenu au Liban, et bien que cet événement nous soit inconnu, il est présenté comme un exemple du châtiment qui sera infligé à l’oppresseur. La seconde moitié de ce verset reprend le langage du verset 8b, montrant que la violence constatée a été vue par Yahvé et qu’il agit contre l’oppresseur. Yahvé veillera à ce que justice soit faite.
Le 5ᵉ malheur (2:18–20)
Le dernier oracle de malheur rompt la structure établie par les quatre précédents en retenant le « malheur » jusqu’à son milieu, ce qui clôt la séquence. Cet oracle commence par souligner la futilité de la confiance dans les idoles, un motif courant dans l’AT (par exemple, Ésaïe 44:9-20). Le paradoxe qu’explore Habakuk, c’est que les idoles sont incapables de parler et qu’elles trompent pourtant ceux qui leur font confiance. Faire confiance à une idole, c’est s’éloigner de Yahvé en tant que Dieu vivant que l’on peut rencontrer dans son temple. L’idolâtrie étant souvent associée à l’oppression, cet oracle met en évidence le contexte religieux qui la soutient. Mais Yahvé est dans son temple, et c’est de là qu’il exerce la justice, rappelant aux adorateurs qui attendent l’accomplissement de la vision (cf. Hab 2:3) qu’il est celui qui règne et que toute la terre doit donc se taire devant lui. Dans ce contexte, la foi décrite en 2:4 doit être vécue.
Le Psaume d’Habakuk (3:1–19)
3:1 Le titre et d’autres caractéristiques de ce chapitre, notamment l’utilisation du mot « Pause » (v. 3, 9, 13) et la référence au chef de chœur (v. 19b), ressemblent aux composantes de nombreux psaumes, bien que la note au chef de chœur fasse partie de la conclusion. Bien que ces caractéristiques suggèrent qu’Habakuk a composé ce psaume pour d’autres raisons, le poème est maintenant étroitement intégré au livre. Les cinq malheurs indiquaient que Yahvé ferait justice, mais ils n’indiquaient pas quand ce jugement aurait lieu. Ce psaume aide la communauté à comprendre à quoi ressemble la foi vécue dans l’attente, et pourquoi elle peut être confiante dans le fait que Yahvé triomphera. Le fait qu’il soit désigné comme une « prière » montre clairement qu’il s’agit de paroles adressées à Dieu, même si, comme cela est courant pour les prières publiques, l’existence d’un auditoire qui l’écoute va souvent de soi. La nature publique de la prière est cohérente avec l’appel d’Habakuk en tant que « prophète », soulignant qu’en l’occurrence il s’adresse à Yahvé et apporte une parole de sa part. L’expression « sur le mode des complaintes » n’est pas claire, bien qu’elle semble être liée à un terme similaire contenu dans le titre du psaume 7.
3:2 Comme il s’agit d’une prière, Habakuk s’adresse directement à Yahvé. Habakuk souligne qu’il a entendu ce que Yahvé a annoncé et que son œuvre suscite en lui de la crainte. Habakuk se concentre sur ce que Yahvé a fait dans le passé, ce qui l’amène à le révérer. Dans sa prière adressée à Yahvé, Habakuk reconnaît implicitement que les choses ne se passent pas actuellement comme il le souhaiterait. Cette tension devient plus explicite dans la seconde moitié du verset, là où il intercède directement, demandant à Yahvé de faire revivre dans le présent cette grande œuvre du passé et de la faire connaître. Habakuk fait l’expérience de l’injustice et souhaite donc que Yahvé agisse de manière à faire connaître sa justice. Mais dans ce contexte de colère, il demande que Yahvé se souvienne de la miséricorde. Le mot traduit ici par « colère » est inhabituel et pourrait également signifier « agitation », suggérant qu’Habakuk vit dans un monde perturbé – un monde où la miséricorde de Yahvé est nécessaire.
3:3–7 La prière décrit maintenant une théophanie, où Dieu est représenté comme venant du sud (« Théman » peut aussi signifier « sud », alors que le mont Paran se trouve dans la péninsule du Sinaï). Les verbes utilisés ici sont inhabituels pour une théophanie et peuvent indiquer qu’Habakuk pense qu’elle est imminente, même si cela correspond également aux modèles précédents. La gloire de Dieu est soulignée, couvrant les cieux, ce qui signifie que la terre est remplie de sa louange. Le mot « selah/pause » à ce stade peut indiquer une légère interruption, permettant une brève réflexion à propos de la venue de Dieu. À partir du verset 4, la théophanie se concentre sur la puissance de Dieu, bien qu’elle émerge de sa gloire. Au cours de son voyage, Dieu est rejoint par la peste et le fléau. Bien qu’il puisse s’agir de termes généraux qui sont ici personnifiés, ils peuvent également faire référence à des divinités redoutées par les habitants de la région. Du point de vue d’Habakuk, seul Yahvé est Dieu, mais sa prière pourrait aussi le démontrer en révélant que les divinités craintes par les habitants de la région n’étaient rien d’autre que des forces soumises à Yahvé. Cela devient évident lorsque Yahvé « s’arrête » et « mesure la terre » – devant lui, tout est insignifiant. Si la création ne peut se tenir devant lui, il n’est pas surprenant que les nations ne le puissent pas non plus. Bien que l’accent soit mis ici sur l’Ethiopie (Cushan) et Madian (deux groupes probablement associés au Sinaï), l’idée est que, devant Yahvé, toutes les nations sont impuissantes.
3:8–15 Alors que les versets 3 à 7 décrivaient la venue de Dieu, Habakuk s’adresse ici de nouveau directement à Yahvé. L’ensemble est lié par les références aux eaux des versets 8 et 15, tandis que les deux occurrences de « selah/pause » indiquent probablement l’endroit où le lecteur peut s’arrêter au cours de sa lecture de la prière. Alors que les précédentes références de la prière concernaient essentiellement l’exode, ce cadre de référence est maintenant élargi pour inclure l’entrée d’Israël dans le pays, sous la direction de Josué. Les versets 8 et 9a mettent l’accent sur la colère de Yahvé contre les eaux. Bien que les termes pour désigner la colère diffèrent, ils prolongent tous la note du verset 2 où Yahvé est également appelé à se souvenir de sa miséricorde. Les eaux ne sont pas nommées, mais les fleuves comprennent à la fois le Nil et le Jourdain, tandis que la mer est ici la mer des Roseaux (Ex 14:21-31). Tout au long du récit, Yahvé s’est montré victorieux en tant que guerrier en qui Israël pouvait avoir confiance. Ce point est développé dans les versets 9b à 11 qui s’appuient sur l’autorité de Yahvé sur toute la création pour fournir la base de son contrôle sur le soleil et la lune, le verset 11 faisant allusion à la victoire décrite dans Josué 10:12-14. Les victoires remportées en Josué 10 et 11 constituent alors l’arrière-plan des versets 12 et 13, bien qu’Habakuk puisse également faire allusion à des victoires ultérieures, ce qui pourrait expliquer la référence faite à l’oint de Yahvé. Si la « selah/pause » de la fin du verset 13 indique effectivement une pause, les versets 14 et 15 seraient probablement destinés à résumer toutes les victoires remportées par Yahvé depuis l’exode. Ces victoires sont acquises sur tous les ennemis, qu’il s’agisse de forces de la création, d’objets que les nations environnantes avaient tendance à traiter comme des divinités ou de ces nations elles-mêmes.
3:16–19 Les implications des versets 3 à 15 sont développées ici. Habakuk sait que Yahvé vient et que rien ne peut le vaincre. Mais il sait aussi que des problèmes restent en suspens en Juda, en plus de la menace extérieure des Babyloniens. Il sait qu’il y aura de la colère parce que Yahvé s’adressera à tous ceux qui oppriment Juda, mais il a aussi confiance dans le fait que Yahvé se souviendra de sa miséricorde. Habakuk se présente comme un modèle pour la nation – il a entendu Yahvé venir, et par conséquent, chaque partie de son corps tremble tandis qu’il attend que Yahvé s’occupe de ceux qui attaquent Juda.2 Ce qui le soutiendra dans l’attente est décrit dans les versets 17 à 19a. Habakuk reconnaît que l’échelle de temps de Yahvé n’est pas nécessairement la sienne et qu’elle ne peut donc pas être mesurée par des bénédictions à court terme telles qu’une bonne récolte. Au contraire, l’attente tranquille s’exprime par la réjouissance en Yahvé en tant que Dieu de son salut. En d’autres termes, Yahvé est le seul à pouvoir apporter le salut, et la foi mise en avant en 2:4 consiste à croire que son salut se manifestera enfin. Bien que sa société soit confrontée à de grands défis, Habakuk pouvait continuer à reconnaître que Yahvé était sa force, et que tout comme le cerf était capable de marcher dans des endroits difficiles d’accès, Yahvé continuait à permettre à Habakuk de le faire. C’était un modèle que la nation pouvait suivre.
La note finale indique que la prière faisait partie d’un recueil détenu par le directeur musical et qu’elle s’inscrivait donc dans une tradition liturgique. Ainsi, les générations suivantes pouvaient prier cette prière et exprimer ainsi leur besoin de Dieu et leur confiance en lui.
Bibliography
Andersen, F. I. Habakkuk: A New Translation with Introduction and Commentary. New York: Doubleday, 2001.
Firth, D. G. “Habakkuk.” In ESV Expository Commentary, vol. VII, edited by Iain M. Duguid, James M. Hamilton Jr. and Jay Sklar, 533–560. Wheaton: Crossway, 2018).
Goldingay, J. and P. Scalise Minor Prophets II. Grand Rapids: Baker Books, 2012.
Patterson, R. D. Nahum, Habakkuk, Zephaniah: An Exegetical Commentary. Richardson: Biblical Studies Press, 2003.
Roberts, J. J. M. Nahum, Habakkuk, and Zephaniah: A Commentary. Louisville: Westminster/John Knox Press, 1991.
Snyman, S. D. Nahum, Habakkuk and Zephaniah. London: IVP, 2020.
Notes de fin d'ouvrage et autorisations
Le texte d’ Habakuk, à l’exception de toutes les citations bibliques, est © 2023 par The Gospel Coalition. The Gospel Coalition Évangile21 (TGC) vous autorise à reproduire cet ouvrage dans son intégralité, sans aucune modification, en français, pour une distribution non commerciale dans le monde entier.
En outre, TGC E21 vous autorise à traduire fidèlement l’œuvre dans toute autre langue, mais vous ne pouvez pas traduire la Bible S21 dans une autre langue. Si vous souhaitez inclure des citations bibliques dans l’œuvre traduite, vous devrez obtenir l’autorisation de l’éditeur d’une traduction de la Bible dans la même langue.
Cette édition (version 1.0) a été publiée le 10/12/2024 et peut être citée comme suit dans les ouvrages imprimés : Firth, David G. Habacuc. TGCBC. Austin, TX : TGC Évangile21, 2024.
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Habacuc 1
Interrogations d’Habakuk
1 Message dont le prophète Habakuk a eu la vision.
2Jusqu’à quand, Eternel, vais-je crier à toi? Tu n’écoutes pas. J’ai crié vers toi pour dénoncer la violence, mais tu ne secours pas! 3Pourquoi me fais-tu voir le mal et contemples-tu l’injustice? Pourquoi l’oppression et la violence sont-elles devant moi? Il y a des procès et des conflits partout. 4Aussi, la loi est sans vie, le droit est sans force, car le méchant triomphe du juste et l’on rend des jugements corrompus.
Réponse de Dieu: le jugement de Juda
5Jetez les yeux parmi les nations, regardez et soyez saisis d’étonnement, d’épouvante, car je vais faire à votre époque une œuvre que vous ne croiriez pas, si on la racontait. 6Je vais faire surgir les Babyloniens. C’est un peuple impitoyable et impétueux qui traverse de vastes étendues de pays pour s’emparer de demeures qui ne sont pas à lui. 7Il est terrible et redoutable, il est la source de son droit et de sa grandeur. 8Ses chevaux sont plus rapides que les léopards, plus agiles que les loups du soir. Ses cavaliers se déploient, ses cavaliers arrivent de loin, ils volent comme l’aigle qui fond sur sa proie.
9Tout ce peuple vient pour se livrer au pillage, le visage tendu vers l’avant, et il rassemble des prisonniers comme du sable. 10Il se moque des rois, et les princes sont l’objet de ses railleries. Il rit de toutes les forteresses: il amoncelle de la terre et il les prend.
11Alors il change d’avis et poursuit sa marche, et il se rend coupable. Sa force à lui, voilà son dieu!
Réponse d’Habakuk
12N’es-tu pas depuis toujours, Eternel, mon Dieu, mon Saint? Nous ne mourrons pas! Eternel, tu as établi ce peuple pour exercer tes jugements. Mon rocher, tu l’as appelé pour infliger tes punitions. 13Tes yeux sont trop purs pour voir le mal, et tu ne peux pas regarder la misère. Pourquoi regarderais-tu les traîtres? Pourquoi garderais-tu le silence quand le méchant dévore celui qui est plus juste que lui?
14Traiterais-tu l’homme comme les poissons de la mer, comme le reptile qui n’a pas de maître? 15Le Babylonien les fait tous monter avec l’hameçon, il les attire dans son filet, il les rassemble dans sa nasse. Alors il est dans la joie et dans l’allégresse. 16C’est pourquoi il offre un sacrifice à son filet, il fait brûler de l’encens en l’honneur de sa nasse, car grâce à eux sa portion est grasse et sa nourriture succulente. 17Va-t-il toujours vider son filet et égorger sans pitié les nations?
Société Biblique de Genève, éd. (2007). La Bible Segond 21 (Ha 1.1–17).