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Ephésiens

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Introduction

Éphésiens a probablement été écrite autour de 60–62 après J-C. vers la fin du premier emprisonnement de l’apôtre Paul à Rome alors qu’il attendait sa comparution devant l’empereur Néron.

La lettre est adressée aux saints qui sont à Éphèse, une des cités principales installées sur la côte de l’Asie mineure (la Turquie d’aujourd’hui). Au cours de cette période, Éphèse, à l’origine une colonie grecque dotée d’institutions politiques et sociales hellénistiques, se remettait lentement de diverses guerres et de tremblements de terre antérieurs et elle était en train de devenir une capitale administrative romaine pour la région. Dans cette lettre, Paul donne une expression vivante, riche et complète du statut de ses lecteurs qui sont citoyens à part entière du « royaume du Christ et de Dieu » (Ép 5,5 ) et fait ressortir de nombreuses implications, pour ce qui nous concerne, de ce statut privilégié. En outre, l’objectif secondaire de Paul est d’assurer à ses auditeurs qu’ils ne doivent pas perdre courage lorsqu’ils entendent parler de son emprisonnement (en particulier Éph 3,13  dans le contexte).

Quel est le thème des Éphésiens ?

Éphésiens est un des livres favoris pour bien des chrétiens aujourd’hui pour une bonne raison. Il contient bien des choses qui sont puissantes, profondes et qui nous engagent. Son contenu peut être résumé comme l’appel adressé par Paul aux chrétiens à l’unité dans la nouvelle création qui a été inaugurée. Paul développe ce thème en commençant sa lettre  par une bénédiction et un enseignement sur l’unité de l’Église, car celle-ci est enracinée dans le conseil de la volonté éternelle de Dieu, puis dans son accomplissement rédempteur dans le Fils incarné, scellé dans les croyants par le Saint-Esprit. Cette rédemption est accordée par la foi seule comme un don gratuit aux humains pécheurs et perdus [ ]. Mais la vraie foi n’est jamais seule, aussi l’apôtre exhorte-t-il ses lecteurs à manifester leur foi vivante par l’amour envers Dieu et envers leurs prochains. Dans l’Église, cet amour se manifeste notamment par le fait que chaque membre travaille à « l’unité de l’Esprit par le lien de la paix » (Éph. 4,3 ).

Pourquoi l’épitre aux Éphésiens a-t-elle été écrite ?

Il existe dans Éphésiens bien des éléments qui sont particulièrement orientés vers un monde dominé par le paganisme et ses pratiques « magiques ». Les maléfices (pratiques magiques visant à nuire), les charmes d’amour, la prévention du mauvais œil et la possession par les démons faisaient partie du quotidien des Éphésiens, comme en témoigne leur grande et coûteuse bibliothèque sur le sujet (Actes 19:19 ). Envoyée dans ce mélange culturel de sorcières, l’épître aux Éphésiens brille d’un puissant feu d’espoir. Le Christ Jésus, qui est monté au ciel, a vaincu les anciennes puissances qui maintenaient les Éphésiens captifs et sans espoir, « sans Dieu dans le monde » (Éph. 2,12 ), et il règne en maître sur une nouvelle création qu’il a inaugurée par sa résurrection et son accession à la toute puissance , tant  dans ce temps-ci que dans le monde à venir (voir les commentaires sur Éph. 1,15-23 ).

En quoi ce commentaire est-il unique ?

Bien que ce court commentaire sacrifie de nombreux points précis d’interprétation, les notes mettront en évidence cette permanence  du thème de la nouvelle création tout au long de la lettre. Chaque section s’ouvrira sur une phrase unique, l’« annonce de la thèse », qui servira de point d’ancrage pour orienter le lecteur vers l’unité du passage au fil  des versets. Les déclarations de thèse sont particulièrement utiles pour la prédication et l’enseignement, car elles éloignent les orateurs des sentiers tortueux fascinants mais distrayants qui empêchent de saisir le sens général du texte.

Le but

En Éphésiens, Paul enseigne que l’église chrétienne, composée de personnes de toutes les nations et de tous les groupes ethniques, jouit de l’unité et doit la maintenir, dans cette nouvelle création inaugurée dont ils sont les cohéritiers avec le Christ.

Versets-clefs

« Car c’est par la grâce que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi. Et cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu. Ce n’est point par les œuvres, afin que personne ne se glorifie. Car nous sommes son ouvrage, ayant été créés en Jésus Christ pour de bonnes œuvres, que Dieu a préparées d’avance, afin que nous les pratiquions. »

—Éphésiens 2 : 8 ­- 10

Proposition de plan

I. Ouverture de la lettre (1:1–2)

A. L’auteur et ses lecteurs (1:1)

B. Bénédiction apostolique (1:2)

II. Bénédiction inaugurale (1:3–14)

A. À cause du projet plein de grâce et éternel du Père (1:3–6a)

B. À cause de l’accomplissement rédempteur suprême par le Fils (1:6b–10)

C. À cause de l’acompte donné dans l’Esprit pour la nouvelle création (1:11–14)

III. Paul nous fait le rapport de sa prière pour que la compréhension par les croyants grandisse (1:15–23)

A. Quand et comment Paul prie-t-il ? (1:15–16)

B. Le sujet de sa prière pour son auditoire (1:17–18b)

C. Le contenu de la compréhension par les croyants pour lequel Paul prie (1:18c–19)

D. Étendue de l’élévation en puissance de Christ sur la création (1:20–21)

E. L’exaltation de Christ et l’église (1:22–23)

IV. Délivrance de la mort pour la vie en Christ (2:1–10)

A. l’ancienne vie dans la mort (2:1–3)

B. Alors qu’ils étaient morts, les croyants sont rendus vivants par la vie de Christ (2:4–7)

C. Étendue de cette nouvelle vie en tant qu’œuvre divine qui conduit à une nouvelle obéissance (2:8–10)

V. La nouvelle création qui est inaugurée est unifiée (2:11–22)

A. La séparation des Gentils à la fois d’Israël et de Dieu (2:11–12)

B. Christ a uni les Gentils avec les saints en une nouvelle race humaine (2:13–18)

C. La famille unifiée de l’église comme temple de la nouvelle création (2:19–22)

VI. Le mystère de la rédemption et sa révélation (3:1–13)

A. Ouverture de la prière (qui a été différée) (3:1)

B. La révélation de la rédemption comme mystère (3:2–7)

C. La révélation de ce mystère (3:8–12)

D. Conclusion : ne pas se décourager (3:13)

VII. Reprise de sa prière par Paul (3:14–21)

A. Sa posture de prière devant le Père (3:14–15)

B. Rapport sur le contenu de son intercession pour son auditoire (3:16–19)

C. Bénédiction de Dieu pour conclure (3:20–21)

VIII. L’exhortation par Paul à l’unité dans l’amour (4:1–6)

A. L’exhortation proprement dite (4:1–3)

B. La base de l’exhortation (4:4–6)

IX. Les dons du Messie monté dans la gloire pour l’unité de Son église (4:7–16)

A. Les dons qui découlent de la victoire et de l’ascension triomphantes de Christ (4:7–10)

B. Les responsables de l’église selon l’Écriture comme dons pour son édification (4:11–13)

C. La manifestation des dons dans leurs opérations (4:14–16)

X. La nouvelle manière de vivre face à l’ancienne (4:17–24)

A. Exhortation solennelle à se détourner de l’ancien mode de vie (4:17a)

B. L’ancienne manière de vivre est futilité, ignorance et impureté (4:17b–19)

C. Ceux qui sont convertis à Christ ont définitivement rompu avec le passé (4:20–24)

XI. La marche de la nouvelle création dans l’amour (4:25–5:2)

A. En parole (4:25)

B. En pensée (4:26–27)

C. En action (4:28)

D. À nouveau en parole (4:29)

E. En pensée et en parole (4:31–32)

XII. Les saints et le monde pécheur (5:3–14)

A. Les pratiques du monde pécheur (5:3–5)

B. Exhortation à résister aux séductions du monde (5:6)

C. Exhortation centrale (5:7)

D. Marcher sagement dans la lumière et en porter le fruit (5:8–14)

XIII. Exhortation d’ensemble à toute l’église (5:15–21)

A. Marcher dans la sagesse et non dans la folie (5:15–17)

B. Non dans les excès de l’ivrognerie et de la débauche (5:18a)

C. L’église dans la présence de Dieu en Esprit en tant que nouveau temple et nouveau sacerdoce (5:18b)

XIV. Exhortations aux familles chrétiennes (5:22–6:9)

A. Aux maris et épouses (5:22–33)

B. Aux enfants et parents dans le Seigneur (6:1–4)

C. Aux esclaves et maîtres dans le Seigneur (6:5–9)

XIV. L’église équipée pour son combat (6:10–20)

A. Elle est engagée vivement à tenir ferme dans le combat spirituel (6:10–13)

B. Elle est engagée vivement à tenir ferme dans l’utilisation de l’armure du Seigneur (6:14–17)

C. Elle est engagée vivement à persévérer dans la prière (6:18–20)

XVI. Pensées de conclusion et bénédiction (6:21–24)

A. Le ministère de Tychique (6:21–22)

B. La bénédiction finale de l’apôtre (6:23–24)

Ouverture de la lettre (1:1–2)

Dans cette section, Paul commence sa lettre en  présentant à la fois lui-même et ses lecteurs puis en prononçant sur eux une bénédiction apostolique en termes de « grâce et paix ».

Les introductions comme celle de 1:1–2 sont des éléments standards dans les lettres du Nouveau Testament. La seule chose qui fait de celle d’Éphésiens quelque chose de particulier et fait controverse est que les mots qui identifient les lecteurs comme étant « à Éphèse » manquent dans certains anciens manuscrits-clés, mais il vaut mieux considérer cela comme une simple omission parce que ce qui suit n’a pas de sens si cette formule manque. Sinon l’ouverture des Éphésiens est largement la même que celles de la plupart des autres épîtres pauliniennes.

Bénédiction inaugurale (1:3–14)

Dans cette section, Paul bénit le Père pour la rédemption qu’il a planifiée éternellement et qu’il a accomplie dans sa grâce en faveur de tous ses élus en son Fils ; il l’a aussi scellée par le Saint-Esprit.

Paul ouvre son épître par la louange et l’émerveillement devant la prodigalité de la grâce de Dieu en Christ. Ce que sous-entend le texte est que la louange de Paul nous enseigne ces choses et la façon dont nous devrions aussi déborder de louanges et de remerciements à Dieu.

La louange dans cette section des Éphésiens prend la forme d’une « bénédiction » de Dieu commune chez les Juifs et que ce peuple devait réciter tout au long du jour ; elle est connue par les mots hébreux utilisés pour bénédiction : une berekah (pluriel, berekoth). Cette forme de prière est très ancienne et aussi commune dans l’Ancien Testament : « Béni soit le Seigneur, le Dieu de Sem » (Gen 9:26) ; « Béni soit le Dieu Très-Haut » (Gen 14:20) ; « Béni soit le Seigneur, le Dieu d’Israël » (par exemple 1Rois 1:48 ; 1Chron 16:36 ; 2Chron 2:12 ; 6:4 ; cf. bien des Psaumes, par exemple : Ps. 28:6 ; 31:21 ; 41:13 ; 72:18 ; 89:52 ; 106:48).

L’introduction de cette berekah se retrouve textuellement dans 2 Corinthiens 1,3 et 1 Pierre 1,3  ; la désignation courante de Dieu comme « le Seigneur, le Dieu d’Israël » est cependant remplacée ici par « le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus-Christ ». Cela exprime clairement que Dieu a changé son nom, pour ainsi dire, pour y inclure son Fils incarné, Jésus-Christ, qui est le médiateur des Juifs et des Gentils, par lequel tous peuvent maintenant avoir accès au Dieu vivant (voir Éph. 2,11-13).

Cette longue bénédiction en 1,3-14 contient des idées répétées qui apparaissent là où le lecteur de la lettre reprendrait naturellement son souffle et au début de la section suivante. L’effet est de mettre l’accent sur Dieu le Père et sur ce qu’il a fait en Christ par l’Esprit : « dans la mesure où il nous a choisis… par amour, il nous a prédestinés… qu’il nous a accordés… qu’il nous a prodigués » etc. et à la fin des sections : « dans le Christ… devant lui… la gloire de sa grâce… sa grâce… son bon plaisir… en lui… dans le Christ… l’Esprit Saint promis… à la louange de sa gloire ».

La longue louange que contient ce passage s’achève par une déclaration splendide sur la façon dont le Saint-Esprit scelle les croyants comme la possession de grand prix de Dieu, ceux qu’il a rachetés en Christ (cf. Actes 20:28 ; 1Thes 5:9 ; 2Thes 2:14 ; Tite 2:14 ; 1Pi. 2:9). Tous les croyants aujourd’hui sont l’héritage de Dieu comme l’étaient les Lévites sous l’ancienne alliance, en accomplissement de sa promesse faite en Malachie : « Ils seront à moi, dit l’ÉTERNEL des armées, Ils m’appartiendront, au jour où je prépare ma précieuse possession » (Mal 3:17). Voici ma traduction d’Éphésiens 1:13–14 ; elle rend ceci : « en qui vous aussi, quand vous avez entendu la parole de la vérité, l’évangile de votre salut, en qui vous aussi, quand vous avez cru, vous avez été scellés du Saint-Esprit qui avait été promis lequel est les arrhes de notre héritage pour la rédemption de sa précieuse possession pour la louange de sa gloire. »

Paul nous fait le rapport de sa prière pour que la compréhension par les croyants grandisse (1:15–23)

Dans cette section, Paul nous parle de ses prières pour que les destinataires de sa lettre acquièrent une plus profonde compréhension de Dieu lui-même, de ses dons et de sa puissance dans la rédemption en faveur de son peuple en Christ.

Ce passage n’est pas en soi une prière, mais un compte-rendu de l’intercession de Paul en faveur des Éphésiens. Dans l’introduction de ses autres lettres, Paul mentionne souvent qu’il prie pour ses correspondants et donne quelques indications sur le contenu de ces prières (Rm 1,9-10 ; 1Cor 1,4 ; Phi. 1,3-4 ; Col 1,3-4 ; 1Thes 1,2-3 ; 2Tim 1,3 ; Phlm 4-5 ). En Éphésiens 1,15-23 , Paul transforme subtilement ce compte-rendu de prière en un moyen d’accomplir partiellement sa prière par l’enseignement de certaines des vérités profondes qu’il espère que ses auditeurs apprendront à voir avec « les yeux de leur cœur » ; en particulier, il les aide à saisir la puissance souveraine de Dieu appliquée à eux dans le Messie exalté en 1,18-23.

Cette section reprend certains fils conducteurs de 1,3-14 concernant l’héritage des croyants dans la rédemption (1,3, 14, 18), la révélation de la connaissance de Dieu (1,8-9, 17), et la centralité souveraine et totale de Christ en ce temps (1,10, 20-22) et les développe davantage. Paul jette également ici les bases de certains thèmes qui seront examinés au fil de l’épître, notamment dans la section suivante (2, 1-10).

La puissance des forces surnaturelles au moyen de la magie et de l’occultisme était une grande préoccupation dans l’antique Éphèse (Actes 19 :19), mais la puissance du Dieu vivant en Christ éclipsait toutes les autorités concurrentes (Actes 19:20 ; Phil 2:9–11). Quand Christ Jésus a été ressuscité d’entre les morts et s’est assis dans la gloire et la puissance célestes, cela a marqué le début de la nouvelle création (Apo 21:1–7). Mais il n’est jamais éloigné de son peuple (Matt 28:20; Jean 14:18) ; en vérité, comme Éphésiens 1:22–23 le déclare, son église est un nouveau temple qu’il habite en plénitude. J’ai cherché à rendre ces choses dans la traduction qui suit de parties de ce passage :
16 . . . J’ai fait mention de vous dans mes prières . . . 17 afin que le Dieu de notre Seigneur Jésus-Christ, le Père de gloire, puisse vous donner un esprit de sagesse et de révélation dans la connaissance de lui-même, 18 et que les yeux de votre cœur soient illuminés, de sorte que vous puissiez comprendre quelle est l’espérance de son appel, quelle est la glorieuse valeur de son héritage parmi les saints, 19 et quelle est la surabondante grandeur de sa puissance envers nous qui croyons en accord avec l’efficacité de la force de son pouvoir 20 qu’il a déployé dans le Messie en le ressuscitant d’entre les morts et en le faisant asseoir à sa droite dans les hauts lieux célestes, 21 bien au-dessus de toute puissance et autorité et pouvoir et seigneurie et de tout nom qui peut être nommé, non seulement dans cet âge, mais aussi dans l’âge à venir, 22 et « il a tout mis sous ses pieds » et l’a donné comme tête au-dessus de toutes choses dans l’église 23 qui est son corps, la plénitude de celui qui remplit entièrement toutes choses.

Délivrance de la mort pour la vie en Christ (2:1–10)

Dans cette section, Paul instruit ses lecteurs sur le fait qu’ils étaient auparavant totalement désespérés et coupables en raison des mauvais penchants du temps actuel, puis il s’étend sur l’intervention entièrement gracieuse de Dieu en leur faveur lorsqu’il a ressuscité et exalté le Christ et, pour sa gloire, les a libérés pour une obéissance reconnaissante en tant que partie de la nouvelle création en Christ.

Chacun a ses passages préférés dans les livres bibliques, et celui-ci est probablement le mien pour les Éphésiens. Ce passage est d’un style rude et très complexe ¬ typiquement paulinien ! Mais il déborde aussi de la grâce de Dieu dans ce qui est, sans elle, notre situation désespérée. Et quel espoir nous avons !

Dans Éphésiens 1, 15-23, Paul venait de rendre compte de ses prières pour que l’église d’Éphèse comprenne l’œuvre de Dieu en leur faveur en Christ. L’exaltation du Christ au pouvoir suprême sur toutes les forces cosmiques concurrentes y était soulignée, ainsi que ses avantages pour l’église. Au début d’Éphésiens 2, 1-10, pourtant, Paul s’attarde brièvement sur le fait que cette œuvre a été accomplie pour le peuple de Dieu au moment même où il était l’ennemi vil et volontaire de Dieu (« morts dans les transgressions et les péchés … en accomplissant la volonté de la chair »). En raison de cette orientation initiale, nous pouvons voir que le souci primordial de Paul est de souligner que la délivrance des croyants est entièrement un acte divin de grâce. En outre, nous voyons en particulier dans les verbes employés en 2,5-6 un développement de l’idée de l’union des croyants avec le Christ que Paul avait examinée en 1,19-20.

La complexité grammaticale et rhétorique de la section 2:1–10 fait qu’il est excessivement difficile de la rendre en une langue aisée. Les différentes traductions coupent habituellement ce passage en des phrases multiples et font de celles de 2:1 et 2:5 (« et vous ¬ alors que vous étiez morts . . . quand bien même vous étiez morts ») des phrases indépendantes. Pourtant ces phrases sont reliées aux verbes que nous trouvons en 2:5–6 (« co-rendus vivants avec Christ . . . et co-ressuscités et co-assis ») comme étant leurs objets directs. Le résultat est que l’ouverture en 2:1–3 crée une tension sévère qui nous conduirait au désespoir quand Paul dépeint notre condition d’êtres entièrement perdus devant Dieu qui, dans sa grâce est intervenu en Christ pour nous délivrer précisément quand nous étions ses ennemis de toutes nos forces (cf. Rom 5:6–11).

L’ensemble d’Éphésiens 2, 1-10 est unifié par les mots répétés : « c’est par la grâce que vous êtes sauvés » (2, 5, 8) et par le contraste saisissant avec l’ancienne marche « dans les transgressions et les péchés » et « selon l’âge de ce monde… dans les convoitises de notre chair ». Mais Dieu, en raison de la richesse de sa miséricorde et de son amour (2,4), est intervenu de manière décisive et nous a ressuscités par son Fils incarné. Nous étions morts dans le péché, mais il nous a rendus vivants avec le Christ Jésus et nous a fait asseoir avec lui dans les cieux très hauts par la grâce. Mais ensuite, Dieu ne nous laisse pas assis et inactifs. ¬ Il a commencé la nouvelle création en nous afin que nous puissions commencer à marcher dans les bonnes œuvres des nouveaux cieux et de la nouvelle terre (2:10). Rien de tout cela ne vient de nous, mais c’est un don de Dieu (2,8-9).

La nouvelle création qui est inaugurée est unifiée (2:11–22)

Dans cette section, Paul demande à ses lecteurs issus des Gentils de se souvenir de leur condition antérieure de perdus, et, alors, il enseigne sur la façon dont Christ leur a apporté la paix et les a unis avec les saints en tant que la nouvelle race humaine eschatologique et les édifie en une nouvelle création qui a été inaugurée comme maisonnée et comme temple.

Le thème de la nouvelle création a été introduit en Éphésiens 2:10 mais il est l’objet d’une étude plus étendue ici en 2:11–22, où l’église est « une nouvelle race humaine » ou un « homme nouveau ». Plus tôt dans l’épître aux Éphésiens, Dieu le Père était au centre de l’action, mais maintenant l’accent est mis sur Jésus-Christ et sa rédemption, et comme celui qui accomplit son œuvre unificatrice dans l’église.

Toute cette section présente une unité essentielle, mais elle est divisée grammaticalement et thématiquement en trois « mouvements ». Dans ces mouvements, Paul passe d’un rappel de la séparation des païens d’Israël et, par conséquent, de la séparation d’avec Dieu (2, 11-12) à l’œuvre de Christ qui unit ces Gentils séparés aux saints de l’Ancien Testament et aux nouveaux saints du Nouveau Testament dans une nouvelle création (2, 13-18). Il conclut en enseignant que la nouvelle église unie grandit pour devenir un temple et une maison de la nouvelle création (2:19-22).

Les Gentils d’Éphèse auxquels Paul s’adresse avaient de nombreux dieux : des dieux internationaux (Actes 15:11–13), des dieux de leur cité comme Artémis d’Éphèse (Actes 19:24–36), des dieux pour chaque clan, des dieux domestiques ; en réalité il y avait des dieux à chaque coin de rue (Actes 17:16, 23). Toutefois, « les dieux des peuples sont des idoles sans valeur » (Ps 96:5) ; il n’y a qu’un seul « Dieu vivant et vrai » (1Thes 1:9). Être sans lui c’est être « sans Dieu dans le monde » et, de ce fait, n’avoir aucune espérance.

L’ancienne division de tous les peuples en deux catégories : Juifs ou Gentils (Ac 14,5 ; Rm 3,29 ; 9,24 ; 1Co 1,23) ou Juifs et Grecs (Jean 7,35 ; Ac 14,1 ; 18,4 ; Rm 3,9 ; 1Co 1,22,24 ; etc.) a été transcendée par une nouvelle entité en Christ : « l’église de Dieu » (1Cor 10:32). Maintenant, dans l’église, par Christ Jésus, nous avons le règne de la « paix » (Ép 2:14) et de la réconciliation en « un seul corps » (2:16-17). Après avoir affirmé cela, Paul passe ensuite au langage de la citoyenneté (2:19) avec lequel son auditoire d’Éphèse pouvait s’identifier puisqu’il vivait dans une ville où seule une petite poignée d’habitants avait ce statut précieux (Ph 3:20-21). Tous les chrétiens ont ce statut convoité de citoyens du royaume de Dieu, la nouvelle création. C’est notre patrie céleste pour toujours (cf. Col 3, 1-4 ; Hé 11, 13-16).

Plus encore, le peuple de Christ, les saints, sont maintenant tous membres de la famille de Dieu, sa « maisonnée ». Une fois que Paul a introduit le terme « maisonnée », il passe, dans Éphésiens 2:20-22, à la description de l’église comme une maison, en fait une maison où Dieu habite avec son peuple, un nouveau temple (cf. 2Sam 15:25 ; Esdras 7:15 ; 1Pi 2:5). Les croyants d’origine païenne qui ont été rapprochés de Dieu en Christ ne sont plus « sans Dieu dans le monde » ! Il est leur Dieu et ils sont son peuple pour toujours (par exemple, Ap 21,3).

Le mystère de la rédemption et sa révélation (3:1–13)

Dans cette section, Paul fait une pause pour rassurer ses lecteurs d’origine païenne sur le fait que son emprisonnement ne signifie pas que Dieu l’a écarté de sa fonction apostolique au point de remettre en question leur héritage en Christ.

Paul commence avec l’intention d’exprimer la louange qui découle des vérités d’Éphésiens 1–2 et son espérance quant à la sanctification plus grande de ses lecteurs. Pourtant il a été distrait de son projet commencé en 3:1 quand il se qualifie de prisonnier, ce qui demande quelques clarifications que nous trouvons en 3:2–13 (cf. Éph 6:19–20).
Ce genre de diversion n’est pas inhabituel chez Paul, et en fait, c’est une indication assez claire que les Éphésiens sont bien une épître paulinienne et non une contrefaçon. Cette digression se produit également dans Romains 5:12, où Paul commence à dire quelque chose, est détourné par des informations de fond et des qualifications importantes, et reprend ce qu’il allait dire dans Romains 5:18. Dans Éphésiens 3:1-13, il est facile de voir où il allait à la fin du chapitre 2 en passant directement à 3:14 et en lisant à partir de là. Vous ne voulez pas sauter 3:1-13, bien sûr, parce qu’il s’agit d’une digression très importante, mais c’est ainsi que vous pouvez suivre le cours de ce texte.
Sur quel point porte la digression en 3:2–13 ? Une position largement répandue interprète cette section comme étant une défense par Paul de sa fonction et de son autorité apostoliques. Pourtant, cela ne semble pas correspondre aux sujets que Paul aborde dans les Éphésiens en général, et il n’y a aucune preuve d’une remise en question de sa position apostolique à Éphèse.

Peut-être Paul a-t-il dévié de la voie qu’il s’était tracée lorsqu’il a mentionné son emprisonnement en 3:1. Paul a senti que cela appelait une explication, comme on le voit dans sa conclusion en 3:13 : « Je vous demande de ne pas perdre courage à cause de mes tribulations en votre faveur, qui sont votre gloire. » Paul anticipe qu’il y a une déconnexion apparente entre la victoire glorieuse et l’intronisation de Christ sur toute autorité dans le temps présent dans l’église, sujet sur lequel il venait d’enseigner (c’est-à-dire Éph 1-2) et son emprisonnement et donc l’apparente défaite et impuissance du représentant apostolique de Christ auprès des nations. Comment le Messie peut-il régner si son peuple souffre aux mains d’un monde vaincu ? La digression est une réponse à cette ironie. Paul est peut-être enchaîné, mais l’évangile n’est pas entravé, et le Christ règne effectivement. Et la haine du monde et les mauvais traitements infligés aux chrétiens ne servent qu’à développer l’église, comme l’a compris le père de l’église primitive, Tertullien : « Nous nous multiplions chaque fois que nous sommes fauchés par vous ; le sang des chrétiens est une semence. »

La structure de base de 3,1-13 est constituée de l’ouverture de la discussion prévue par Paul (3,1), de la digression (3,2-12), et de la raison de cette digression et de l’expression du désir de Paul d’encourager ses lecteurs (3,13). Dans la première partie (3, 1-7), Paul explique que son appel à l’apostolat a été opéré spécifiquement « pour vous, les Gentils » (3, 1b ; cf. 3, 2b, 13b). Dans cette optique, Paul interprète sa fonction comme un don, non pas pour sa propre gloire et son propre prestige, mais pour ceux de ses lecteurs (3,13) ; il est donc un serviteur enchaîné. Dans la seconde moitié de cette section (3,8-13), Paul développe sa fonction unique d’apôtre des Gentils et le dessein cosmique de Dieu d’établir la gloire de sa grâce devant toute la création.

Reprise de sa prière par Paul (3:14–21)

Dans cette section, Paul reprend sa louange au Père et rend compte de ses prières pour que Dieu demeure avec ses lecteurs et qu’ils grandissent dans l’amour et la connaissance du Seigneur.

Comme nous l’avons montré dans la discussion du passage précédent, 3,14-21 exprime ce que Paul avait commencé à dire plus tôt en 3,1. Cette section est donc une reprise de la pensée que Paul avait interrompue par sa digression en 3, 2-13.

Éphésiens 3:14–21 est en soi-même une forme de prière d’intercession (ou « un rapport de prière d’intercession »). Il commence certainement dans cette perspective en 3,14-15, mais, comme en 1,15-23, en 3,16-19, Paul s’adresse à ses lecteurs (« qu’il vous accorde » ; 3,16) plutôt qu’à Dieu et leur permet ainsi d’écouter pendant qu’il intercède pour eux. Et Paul semble faire une transition vers un compte-rendu de sa prière en leur faveur, puis s’étendre sur le contenu de ce qu’il veut que Dieu leur donne. La prière, la demande, la louange, l’intercession et l’action de grâces (Ép 6,18 ; cf. Ph 4,6 ; 1Tim 2,1-2) sont à l’origine de ce que Paul dit dans ce passage, et celui-ci se termine par une bénédiction de Dieu en Éphésiens 3,20-21 (une forme de prière), qui conclut toute la première moitié de l’épître. Ainsi, cette section est à la fois un compte-rendu de prière et une forme de prière mélangés.

L’exhortation par Paul à l’unité dans l’amour (4:1–6)

Dans cette section, Paul pousse vivement l’église à l’unité dans l’amour fondée sur les vérités qui concernent le Dieu unique, son appel et son œuvre unique de rédemption.
En 4:1, Paul fait la transition avec la première partie de son épître, qui était centrée sur l’instruction doctrinale en lien avec la rédemption des croyants, pour passer à des exhortations développées qui parlent de l’obéissance qui doit découler de la grâce divine de leur délivrance et de l’œuvre du Saint-Esprit en eux (cf. particulièrement 2:10). L’idéal de l’unité et de l’amour de l’église n’est pas seulement central en 4:1–6 mais dans la plus grande partie de ce que Paul a à dire dans ce chapitre et au-delà.

Cette section s’insère dans une section plus large composée d’Éphésiens 4:1–16, qui constitue son introduction et l’énoncé du thème principal qui est l’unité nouvellement créée. Les croyants sont appelés à maintenir « l’unité de l’Esprit par le lien de la paix » (4, 3), acquise pour nous à un si grand prix par « l’unique Seigneur » Jésus-Christ (4, 5), qui nous a amenés à « une seule foi » par « un seul baptême » (4, 5), dans une communion intime avec « l’unique Dieu et Père de tous, qui est au-dessus de tous, parmi tous et en tous » (4, 6). L’amour imprègne complètement le seul type de vie qui soit digne de l’appel que Dieu nous a adressé en nous convoquant « dans son propre royaume et dans sa gloire » (1Thes 2:12 ; cf. Éph 5:5 ; 2Thes 1:11).

Les dons du Messie monté dans la gloire pour l’unité de Son église (4:7–16)

Dans cette section, Paul esquisse la provision du Seigneur triomphant pour la protection et la croissance de son église dans l’unité et dans l’amour.
Comme nous l’avons mentionné plus haut, il s’agit de la deuxième partie d’un passage plus vaste qui couvre Éphésiens 4:1–16. Cette dernière section, qui comprend 4:7-16, a sa propre unité intrinsèque, même si elle est intimement liée à la première section (4:1-6). Le lien entre 4, 1-6 et 4, 7-16 est visible dans la répétition de l’adjectif « un » utilisé sept fois en 4, 4-6 et utilisé dans une expression inhabituelle (« chacun ») en 4, 7 et 16.

Éphésiens 4:7–16 comprend une brève esquisse des principales idées théologiques, car Paul a déjà ouvert la partie de son épître consacrée à l’exhortation en 4:1 par la phrase classique : « Je vous exhorte donc vivement » (cf. Rom 12:1; 1Cor 4:16; 2Cor 10:1; 1Tim 2:1). En 4,7-16, cependant, Paul interrompt l’exhortation proprement dite afin d’établir le fondement de cette exhortation dans l’œuvre de Dieu en Christ plus directement liée à son exhortation que ce qui avait déjà été fait en Éphésiens 1–3. Ce n’est que plus tard dans le chapitre (4,25-26) que Paul revient à son exhortation concernant le fait de parler la vérité dans l’amour, qui exprime et concrétise le type de douceur et de patience dans l’amour qu’il avait appelés plus tôt (4,1-3).
Deux parties de la section 4:7–16 font l’objet des discussions les plus nombreuses en ce qui concerne cette lettre. La première est l’utilisation que fait Paul du Psaume 68 dans les versets 4:7–10 pour préparer nos intelligences à comprendre les ministères ¬ fondés sur la Parole ¬ dans l’église et qui sont les propres provisions de Christ pour son corps (4:11–16). La seconde concerne la manière exacte de lire et d’interpréter certaines expressions dans 4:11-12 : « pasteurs et enseignants [séparés] » ou « pasteurs-enseignants » (4:11) et si les saints en général s’engagent dans « la tâche du ministère » ou non (4:12). Il est facile de se laisser submerger par le déluge de travaux universitaires sur ces questions, mais les détails de ce que dit Paul ne doivent pas occulter l’idée générale : le don que le Christ a fait à l’Église lors de son triomphe visait à susciter des vies d’édification et d’amour qui construisent l’unité et qui sont véridiques au sein de son peuple.
De quelle manière Éphésiens fait-il usage du Psaume 68 ?
Psaume 68:18 dit : « Tu es monté dans les hauteurs, tu as emmené des captifs, tu as pris en don des hommes ; les rebelles habiteront aussi près de l’Éternel Dieu », ce que Paul cite en Éphésiens 4:8 de la manière suivante : « Étant monté en haut, il a emmené des captifs, et il a fait des dons aux hommes. » La différence évidente est que dans le psaume, le Seigneur reçoit des dons et dans Éphésiens, il les donne. Comment résoudre ces différences ? Paul a-t-il simplement mal cité le psaume ?
La solution nous vient lorsque nous reconnaissons qu’il y a une caractéristique fréquente de la pratique du Nouveau Testament : un auteur peut ne citer qu’un verset ou deux d’un passage de l’Ancien Testament, mais il a en tête tout le contexte qu’il faut prendre en compte pour comprendre comment le texte est utilisé et interprété. En l’occurrence, le Psaume 68 dépeint clairement le Seigneur comme un guerrier triomphant qui délivre son peuple de ses ennemis et des leurs en le sauvant de la mort (Ps 68:20), puis le chant loue son ascension victorieuse pour habiter en paix parmi son peuple. Les femmes se partagent le butin de la bataille (Ps 68:12), et les rois de la terre vaincus portent des présents en hommage au divin Vainqueur (Ps 68:29), tandis que le monde entier est appelé à adorer le Seigneur (Ps 68:31–32). Ensuite, le Seigneur, assis dans son lieu saint (Ps 68:24) et entouré de ses fidèles sujets, distribue « force et puissance à son peuple » (Ps 68:35). Ce dernier verset est à l’origine de la déclaration de Paul selon laquelle le Seigneur distribue des dons lors de sa montée triomphale, alors que les Gentils affluent pour adorer le Seigneur. Ce dernier point, ainsi que les largesses du Seigneur provenant des richesses de sa grâce, sont des préoccupations importantes tout au long de l’épître aux Éphésiens (par exemple : Éph 1:15–23; 2:11–22; 3:5–13) et on peut le constater lorsque l’on lit l’ensemble du Psaume 68 comme influençant la citation par Paul d’un extrait seulement dans Éphésiens 4:8.

La nouvelle manière de vivre face à l’ancienne (4:17–24)

Dans cette section, Paul poursuit solennellement son exhortation à ses lecteurs pour qu’ils vivent des vies nouvelles selon la nouvelle création qui a été inaugurée et cela en contraste avec leurs anciennes mentalités et pratiques corrompues qui caractérisent les nations.

Le ton solennel du discours de Paul en 4:17–24 est souligné par la combinaison inhabituelle de « je déclare » et « j’atteste ». Mais il faut expliquer cette note solennelle. Cette attitude apparaît parce que Paul vient tout juste d’enseigner en 4:7–16 au sujet de la provision établie par le Messie ressuscité et exalté pour la croissance de son église dans la sainteté et à cause de ce qu’il veut leur dire maintenant au sujet de leur propre participation dans la nouvelle création (4:22–24). Cela donne une note d’urgence pour pousser les croyants à abandonner leur ancienne vie et à se joindre à l’existence communautaire dans la nouvelle création, caractérisée par une véritable justice et une dévotion au Seigneur.

L’exhortation de 4, 17-24 ne va cependant pas très loin. Il ne s’agit pour l’essentiel que d’une répétition de 4,17, alors que Paul est à nouveau pris dans l’engrenage de la présentation des causes et des défauts de l’ancienne vie de péché (cf. Rom 1:21–24) et de la transformation radicale de la vie que Dieu a opérée en Christ pour son peuple. Ce n’est qu’en Éphésiens 4:25 ¬ dans le passage suivant ¬ que Paul commence ses exhortations plus soutenues à des pratiques éthiques chrétiennes, exhortations qu’il maintient plus ou moins jusqu’à la fin de l’épître.
Le cœur de 4:17–24 se trouve en 4:21–24 où Paul déclare que les chrétiens ont été amenés par Dieu en Christ en un contact réel, vivant avec la transformation que la nouvelle création opère en nos êtres intérieurs. Il y a deux façons de lire 4:22-24 en particulier : comme une exhortation ou comme une déclaration de fait. De nombreuses traductions modernes lisent ces versets comme si Paul exhortait les chrétiens à « se défaire de leur vieux moi… à se renouveler… et à revêtir le nouveau moi ». Bien que cela soit grammaticalement possible, ce n’est pas ce que Paul dit : il dit qu’une fois qu’un chrétien a reçu le Christ, il ou elle accomplit ces actions parce qu’ils ont (déjà) été transformés en membres d’une nouvelle race humaine dans la nouvelle création. Voici comment je traduis Éphésiens 4:22–24:

Car il est certain que vous avez entendu à son sujet et que vous avez été enseignés en lui, puisque la vérité est en Jésus, 22 que vous vous êtes débarrassés de votre vieil homme, en ce qui concerne votre ancienne manière de vivre, laquelle périt à cause des désirs trompeurs, 23 et que vous êtes en train de connaître le renouveau dans l’esprit de vos entendements, 24 et que vous avez revêtu l’homme nouveau qui a été créé à la ressemblance de Dieu dans la vraie justice et la dévotion.

Cette lecture de 4:22–24 est préférable pour trois raisons. Premièrement, il doit s’agir de déclarations de faits et non d’exhortations, car Paul les utilise comme base de ses exhortations à partir de 4:25, ce qui est indiqué lorsqu’il dit : « Pour cette raison » ou « Par conséquent », et qu’il indique à son auditoire comment vivre à la lumière des vérités qui les concernent. Il n’est pas logique de dire qu’il leur a été demandé de « se débarrasser du vieil homme », puis d’en conclure qu’ils doivent « se débarrasser » du mensonge. Les exhortations découlent comme des conclusions des faits, et non d’autres exhortations (par exemple : Éph 4:1; 5:7; Rom 6:12; 15:7; 1Cor 14:13; Gal 5:1; Col 2:16; 1Thes 5:11).
Deuxièmement, Paul dit que les Éphésiens ont appris Christ, ont entendu de lui et ont été enseignés en lui comme étant la vérité par rapport à la futilité de leur vie antérieure. À l’arrière-plan de cette distinction entre vérité et futilité se trouve la nouvelle création, et Paul exprime leur propre participation à cette nouvelle création comme « l’homme nouveau qui a été créé à la ressemblance de Dieu dans une vraie justice et une vraie dévotion » (4,24). Il s’agit de vérités concernant les chrétiens dans d’autres parties d’Éphésiens (par exemple, Ép 2, 1-10, 15 ; 5, 8) et ailleurs, et non de choses qu’ils peuvent accomplir.

Finalement, en Christ, les croyants se sont « débarrassés », dépouillés de leur vieil homme. Il est mort ¬ et bon débarras. Comme le dit le père de l’Église primitive, Jean Chrysostome : « Notre premier homme est enterré : enseveli non pas dans la terre mais dans l’eau, non pas détruit par la mort mais enterré par le destructeur de la mort » (Chrysostome, Hom. Col., 7). C’est là le fondement de toute l’éthique chrétienne : ce qui est ancien est passé et le nouveau s’est levé avec éclat (Éph 5:8, 14 ; 2Cor 5:17). Les croyants sont morts avec le Christ sur la croix, avec l’esclavage du péché qui caractérisait l’ancienne vie en Adam (Rom 6:8 ; Gal 2:20 ; 5:24 ; 6:14 ; Col 2:20 ; 3:3; cf. Éph 2:5). Cette vérité est énoncée pour les chrétiens dans Colossiens 3:9–10 (« Ne vous mentez pas l’un à l’autre, puisque vous vous êtes dépouillés du vieil homme et de ses pratiques, et que vous avez revêtu l’homme nouveau, qui se renouvelle dans la connaissance, à l’image de son créateur »), ainsi qu’en filigrane dans Romains 6:1–23.

Paul affirme que les vérités d’Éphésiens 4:22–24 sont une partie essentielle de tout le catéchisme chrétien (4:21) et que la mort des croyants avec Christ pose le côté négatif de la régénération alors que 4:23–24 en est le côté positif. Paul va bientôt présenter cette dynamique d’une autre façon : « Autrefois vous étiez ténèbres, mais maintenant vous êtes lumière dans le Seigneur » (Éph 5:8, c’est nous qui soulignons).

La marche de la nouvelle création dans l’amour (4:25–5:2)

Dans cette section, Paul poursuit son instruction sur la manière dont les citoyens de la nouvelle création doivent marcher ensemble en amour, pensée, paroles et actions.
Voilà un endroit où la division en chapitres doit être surmontée pour maintenir ensemble les matériaux connexes, puisque 5:1-2 est lié à 4:25-32 (et est également lié à 5:3-14, qui va suivre). En outre, l’unité de l’ensemble du passage tourne autour du thème fourni en 5:2, « marcher dans l’amour », qui illustre la vie de la nouvelle création dans la vraie justice et la dévotion (4:24). Ce simple thème de la marche dans l’amour se rattache en outre aux versets précédents, de sorte que nous voyons en 4,25-5,2 une esquisse de ce que signifie marcher d’une manière digne de son appel (4,1) et non à la manière des païens incrédules (4,17 ; cf. 5,8, 15).
Paul a inauguré les deux sections précédentes (4:1–16 et 4:17–24) par des exhortations, mais il s’était ensuite légèrement écarté avec la présentation des vérités théologiques ou des dispositions rédemptrices divines qui portent sur la logique et la puissance du comportement chrétien. En 4,25-5,2, Paul semble enfin prêt à revenir plus amplement sur le type de pratiques qui doivent caractériser les vrais croyants. Il traite plus avant de la raison d’être d’une instruction spécifique, mais tout au plus rappelle-t-il à son auditoire l’œuvre de scellement par le Saint-Esprit en 4, 30 (à partir de 1, 13-14) et en évoquant le pardon plein d’amour de Dieu et la rédemption auto-sacrificielle en son Fils comme fournissant au croyant le modèle d’une vie d’amour (4, 32-5, 2).

En 4:26, Paul ne donne pas l’ordre aux chrétiens de se mettre en colère, puisque les accès de colère sont péchés (voyez Éph 4:31; Gal 5:20; Col 3:8; etc.). Au contraire il dit que si nous sommes vaincus par la colère, nous devons régler cela et nous efforcer de la résoudre rapidement avant qu’elle n’ait la possibilité de s’envenimer en une rancune tenace, une vengeance ou d’autres maux.

En Éphésiens 4:28, Paul utilise le vol pour illustrer la façon dont la repentance affecte notre style de vie. La repentance implique à la fois le fait de cesser (volet négatif) et de commencer (volet positif). Le voleur doit cesser de voler et commencer à pratiquer un travail honnête. Le vol trouve son origine dans la paresse et l’avidité, aussi remarquez comment Paul contrecarre ces mauvais traits de caractère en disant que le voleur repentant doit être le contraire : diligent dans le travail et généreux dans le partage. Il est facile d’étendre cet exemple à d’autres style de vie de péché que nous devons arrêter et développer positivement par des vies contrastées et saintes (voir aussi 4:31-32). Au cœur de tout comportement chrétien, il y a l’accent mis sur le sacrifice du Christ en tant que médiateur substitutif, que Paul présente en 5,1-2 en termes de sacrifice animal de l’Ancien Testament, alors que lui les accomplit et est le modèle suprême de notre amour reconnaissant et auto-sacrificiel (voir aussi Phil 4:18; Héb 9:11–15; 1Jn 3:16).

Les saints et le monde pécheur (5:3–14)

Dans cette section, Paul poursuit son exhortation aux saints en tant que citoyens de la nouvelle création et il les avertit pour qu’ils évitent les mauvaises pratiques de ceux qui vivent dans le monde.

Il y a ici une transition par rapport au passage précédent (Éph 4:25–5:2). Dans les exhortations antérieures, l’accent était mis sur les interactions avec les autres chrétiens, alors qu’ici, en 5:3-14, l’accent est mis sur l’interaction de l’église avec le monde. La première partie de 5:3-14 se concentre sur le fait d’éviter toute sorte d’immoralité sexuelle, d’impureté ou d’avarice (convoitise) comme les pratiquent les « fils de la désobéissance » (5:6), le centre étant l’admonition de 5:7. Il y a une transition en 5:8 pour se concentrer davantage sur la raison pour laquelle ceux qui professent la foi en Christ ne doivent plus s’engager dans ces maux : ils sont la lumière et doivent marcher comme des enfants de la lumière et porter son fruit (5:8-9). Paul conclut cette section par une intéressante combinaison de citations de l’Ancien Testament en 5:14 qui sont liées à la fois au thème de la lumière et des ténèbres.

On trouve des similitudes étroites entre 5:3–14 et le passage suivant en Colossiens :

Faites donc mourir les membres qui sont sur la terre : l’impudicité, l’impureté, les passions, les mauvais désirs, et la cupidité, qui est une idolâtrie. C’est à cause de ces choses que la colère de Dieu vient sur les fils de la rébellion, parmi lesquels vous marchiez autrefois, lorsque vous viviez dans ces péchés. Mais maintenant, renoncez à toutes ces choses, à la colère, à l’animosité, à la méchanceté, à la calomnie, aux paroles déshonnêtes qui pourraient sortir de votre bouche. (Col 3:5–8)

Notez comment les maux qui tiennent les hommes captifs ne consistent pas seulement en actions mais aussi en paroles (« calomnie », « paroles déshonnêtes ») et en pensées (« colère », « animosité », « méchanceté »). On relèvera le même accent mis sur l’éthique dans la pensée, la parole et l’action à de nombreux endroits dans la Bible, y compris dans les célèbres paroles de Jésus dans le Sermon sur la Montagne (en particulier Matt 5:21–48). Les humains pensent, parlent et agissent ; ¬ il n’y a rien d’autre que nous ne fassions, de sorte que les exigences de justice du « royaume de Christ et de Dieu » (Éph 5:5; cf. Matt 6:33) imprègnent toute notre existence.

Paul parle ailleurs du Christ qui règne maintenant depuis la droite de Dieu (voir Éph 1:20–22; Rom 8:34; 1Cor 15:24–27; Col 3:1; etc.), règne rédempteur dans lequel nous avons déjà été placés (voir Éph 2:6; Col 1:13–14), même s’il ne sera consommé qu’à sa seconde venue (1Cor 15:20–24; 2Tim 4:1). Le royaume de Dieu est le royaume éternel, la nouvelle création, dans lesquels nous entrons définitivement par l’immortalité de la résurrection (1Cor 15:50; 1Thes 2:12), mais nous vivons maintenant à la lumière de sa justice (Rom 14:17; 1Cor 6:9–10; Gal 5:21; 2Tim 4:18) et de sa puissance (par exemple, Héb 6:5).

Les images de la lumière et des ténèbres que l’on trouve en 5:3–14 servent de métaphores à la sainteté de Dieu et du peuple qu’il a uni à lui contre les maux du monde et sont communes dans la Bible (Ésa 5:20; 58:8; Matt 6:23; Jean 3:19; Rom 13:12; 1Thes 5:5; 1Jn 1:5; 2:8). Paul utilise ces images ailleurs quant il dit à l’église de se garder de se « mettre avec les infidèles sous un joug étranger » en 2 Corinthiens 6:14 et détaille beaucoup de ce qu’il dit en Éphésiens 5:7–14.

Exhortation d’ensemble à toute l’église (5:15–21)

Dans cette section, Paul conclut son exhortation générale faite à tous les membres de l’église jusqu’à ce point, avant de passer au matériel relatif à des groupes spécifiques dans les maisonnées.

Éphésiens 5:21 fait fonction d’exhortation finale transitoire à la soumission, qui est ensuite illustrée par la manière dont elle s’applique à divers groupes au sein de la famille en 5,22-6,9. En tant que tel, 5,21 ­ et en fait l’ensemble de 5,15-21 ­ fait partie de l’ensemble plus vaste qui va jusqu’à 6,9, mais il est traité séparément ici pour des raisons de commodité.

Cette section s’ouvre sur une exhortation à « marcher », une métaphore courante (par exemple, Ps 1:1) qui marque les principales sections des exhortations de Paul en Éphésiens comme suit :

4:1 se mettre en route [commencer à marcher] d’une manière digne de [votre] vocation

4:17 vous ne devez plus désormais marcher comme le font les Gentils

5:2 marchez dans l’amour

5:8 marchez comme des enfants de la lumière

5:15 aussi soyez très circonspects quant à la façon dont vous marchez

En 2:1–10, ce verbe « marcher » marque une structure enveloppante (appelée inclusio) qui s’ouvre par un développement sur l’ancienne « marche » des lecteurs, dominée par le péché et la perdition (2,2a) et se termine par leur nouvelle « marche » dans les bonnes œuvres, résultat de l’initiation par l’amour de Dieu de la nouvelle création dans leurs vies par Christ (2,10). Cette marche de la nouvelle création, ou conduite de vie, est donc développée dans les exhortations de la seconde moitié de l’épître. Comment marche-t-on dans cette « nouveauté de vie » (Rom 6:4) ? Telle est la question qui guide les exhortations d’Éphésiens 4–6 et la « marche » chrétienne.

Exhortations aux familles chrétiennes (5:22–6:9)

Aux maris et épouses (5:22–33)

Dans cette section, Paul commence à illustrer son exhortation à la soumission mutuelle générale dans la famille de l’église par les relations matrimoniales de soumission et d’amour fondées sur le conseil éternel de Dieu et sur la rédemption de l’Église par Christ.

Il y a trois domaines dans l’ancienne maisonnée chrétienne où Paul illustre son exhortation générale de Éphésiens 5:21 : « Soyez soumis les uns aux autres dans la crainte de Christ. » Ces trois domaines sont les relations entre les couples mariés (5:22-33), entre les parents et les enfants (6:1-4), et entre les esclaves et les propriétaires (6:5-9). Dans cet ensemble, il faut souligner que l’accent est mis sur le souci global et constant de l’épître pour l’unité de la communauté de la nouvelle création qui a été inaugurée ; elle s’étend maintenant à la maisonnée.

Le premier exemple que prend Paul de la soumission générale demandée en 5:21 est l’ordre juste de la relation conjugale (voyez aussi : Col 3:18; 1Pi 3:1–7). Notez qu’il ne dit pas aux épouses d’obéir à leur mari comme si elles étaient des enfants ou des esclaves (voyez Éph 6:1, 5) ; il ne dit pas non plus aux femmes d’obéir aux hommes, car les deux sexes ont été également créés en image de Dieu (Gen 1:26–28) et ensemble héritiers de la vie éternelle (Gal 3:28–29). Cette soumission est une déférence rendue au rôle conducteur du mari pour la santé et l’heureux fonctionnement dans l’harmonie de la relation conjugale.

Une partie de ce qui rend l’exhortation de Paul plus compréhensible est de mieux saisir le contexte original. La plupart des femmes dans le monde des Éphésiens se seraient mariées en moyenne à l’âge de 14 ans environ (certaines dès 12 ans) à des maris ayant en moyenne 10 à 30 ans de plus. De plus, en raison de carences alimentaires et de complications, notamment pendant la grossesse, ces femmes mouraient souvent dans la vingtaine ou la trentaine. Par exemple, une pierre tombale éphésienne datant de l’époque de cette lettre porte l’inscription de Claudia Magna, une grand-mère de 38 ans. En d’autres termes, parmi les épouses auxquelles Paul s’adresse dans les Éphésiens, certaines avaient 15 ans et allaitaient leur premier ou deuxième enfant avec des maris de 10 à 30 ans plus âgés. D’autres avaient 26 ans – l’âge auquel une femme se marie pour la première fois aux États-Unis – et étaient en mauvaise santé, souffrant d’emphysème et de léthargie chronique après avoir accouché de leur quatrième ou cinquième enfant (dont 50 % sont morts avant d’avoir atteint l’âge de six ans).

En conséquence, Paul exhorte alors le mari chrétien à aimer son épouse d’une manière auto-sacrificielle (Éph 5:23–33), sa femme étant, pour ainsi dire, « sa propre chair » (5,29 ; voir Gen 2:24; Matt 19:5; Marc 10:8; 1Cor 6:16). Le modèle de l’amour du mari est l’amour du Christ, qui s’est sacrifié pour son Église (voir en particulier Jean 15:13), qui est la référence originelle de l’union matrimoniale elle-même (Éph 5:23, 32).

Aux enfants et parents (6:1–4)

Dans cette section, Paul pousse à des relations fondamentales et appropriées entre les enfants et les parents dans le Seigneur.

C’est le deuxième de trois exemples particuliers de la manière dont les membres de la congrégation doivent se soumettre l’un à l’autre au sein de leurs familles et qui développent le verset de 5:21 : « Soumettez-vous l’un à l’autre dans la crainte de Christ. » Le premier exemple consistait dans les relations mutuelles des épouses avec leurs maris (5:22–33), le troisième et dernier sera celui des esclaves avec leurs maîtres (6:5–9). Ces trois situations sont les relations principales qui existaient dans l’ancienne maisonnée. Pourtant Paul ne se soucie pas de faire un long traité sur ces relations ; il se contente de donner quelques idées de base fondamentales pour que les chrétiens les appliquent à la grande diversité de circonstances et aux relations variées que l’on peut rencontrer dans la vie dans la maison, dans le monde et dans l’église.

L’exhortation qu’il destine aux enfants est de leur dire d’« obéir » (plutôt que d’« aimer ») à leurs parents : ce qui est tout à fait notable. L’obéissance demande une soumission de la volonté et ne peut être aisément feinte ; et il s’agit d’une expression d’obéissance au commandement de Dieu d’honorer leurs parents ¬ le cinquième des dix commandements (Exode 20:12; Deut 5:16) que Paul cite dans Éphésiens 6:2–3. Il convient de noter en particulier que les enfants chrétiens ont un modèle divin pour leur obéissance, puisque le Fils de Dieu incarné lui-même était « soumis » à Marie et à Joseph pendant son enfance (Luc 2:51; cf. Matt 19:19; Luc 18:20) ainsi qu’à la volonté de son Père céleste (par exemple, Jean 6:38).

Il est remarquable que Paul s’adresse aux enfants dans la congrégation directement en Éphésiens 6:1–3. Les grands moralistes de l’antiquité traitent la question de l’éducation des enfants avec une certaine ampleur, mais ils parlent aux pères et non aux enfants eux-mêmes. Alors que Paul parle directement aux enfants chrétiens en supposant qu’ils sont présents avec leurs parents quand cette épître sera lue dans la congrégation et qu’ils entendront la totalité de son instruction aussi bien parce qu’ils sont « dans le Seigneur », ce qui veut dire qu’ils sont membres de la communauté de l’alliance du peuple de Christ en même temps que leurs parents. C’est la base pour les deux parents (représentés dans l’appel de Paul aux « pères » en 6:4) d’élever leurs enfants « dans l’éducation et la correction du Seigneur ». Cette formation à la sagesse du Seigneur est leur héritage, comme le montre clairement, par exemple, le livre des Proverbes (voir en particulier Prov 1–9). « Mon fils, ne méprise pas la discipline du Seigneur et ne te lasse pas de sa réprimande, car le Seigneur reprend celui qu’il aime, comme un père le fils en qui il prend plaisir » (Prov 3:11–12).

Aux esclaves et maîtres (6:5–9)

Dans cette section, Paul préconise des relations sincères et pleines d’attentions entre esclaves et maîtres dans le Seigneur.

C’est la troisième et dernière prescription de la soumission l’un à l’autre dans la crainte de Christ découlant d’Éphésiens 5:21 dans ce qui touche à la maison chrétienne. L’épître va bientôt s’achever après la longue section qui suivra sur la « guerre » de la vie chrétienne (6:10–20). En attendant, Paul explique comment les esclaves doivent servir leurs maîtres « dans la chair » avec sincérité « comme pour le Christ » (6,5) en précisant qu’ils doivent particulièrement offrir leur obéissance comme le font aussi les enfants à leurs parents.

Dans les deux types de relations précédentes, Paul a abordé des relations qui sont enracinées dans la création (le mariage et les enfants) ¬ mais l’esclavage ne l’est pas. L’esclavage antique pouvait donner lieu à une vie des plus avilissantes ¬ mais il pouvait aussi conduire à une richesse et un pouvoir politique énormes. Pour la plupart des esclaves, il les mettait certainement à la merci de leur maître (cf. Matt 8:9; Luc 17:7–10), et les maîtres n’exerçaient pas toujours la miséricorde et la retenue.

Comment Paul traite-t-il l’esclavage ?

Pourquoi Paul ne condamne-t-il pas l’esclavage purement et simplement ici en Éphésiens 6:5–9 et en d’autres endroits (par exemple : Col 3:22–4:1; Philémon) ? On pose souvent cette question comme si Paul avait pu tout simplement condamner l’esclavage et ne pas s’attendre à ce que cela ait des répercussions tellement sérieuses que la poursuite de l’existence de l’église aurait pu en être gravement menacée. « Que tous ceux qui sont sous le joug de la servitude regardent leurs maîtres comme dignes de tout honneur, afin que le nom de Dieu et la doctrine ne soient pas blasphémés. » (1Tim 6:1, c’est nous qui soulignons ; cf. Tite 2:5).

L’esclavage n’était pas une caractéristique accessoire des anciennes économies agraires du premier siècle, mais faisait partie de leur constitution essentielle ¬ 80 à 85 % des gens dans l’Antiquité étaient directement impliqués dans la production alimentaire d’une manière ou d’une autre et une grande partie d’entre eux étaient des esclaves. Même si un empereur romain avait interdit l’esclavage par décret, cela aurait eu pour conséquence directe une inflation et des troubles sociaux inimaginables. Les fermes auraient été inoccupées, la famine et les émeutes de la faim auraient été la norme. On estime que la plupart des endroits avaient déjà connu des pénuries alimentaires une fois tous les deux ou trois ans. Il ne s’agit en aucun cas de justifier l’esclavage antique, mais Paul aurait été très irresponsable et imprudent s’il s’était contenté de s’élever contre lui et d’inciter les chrétiens à la révolution sociale.

Ainsi, Paul ne condamnait pas l’esclavage purement et simplement, pourtant ce qu’il a fait était plein de tact et sage et cela a probablement contribué à la disparition définitive de l’esclavage dans le monde antique : il met l’accent sur le plein héritage et la citoyenneté des esclaves dans le royaume du Christ dans des passages comme 1 Corinthiens 12:13, Galates 3:28 et Colossiens 3:11 ¬ et par implication dans Éphésiens 6:5–9. En attendant, il demande aux esclaves d’offrir une obéissance sincère à leurs maîtres et, ce qui est plus important encore, il rappelle à leurs maîtres que leur Seigneur et le Seigneur de leurs esclaves est au ciel, et qu’il a une préoccupation particulière pour les orphelins et les dépossédés du monde (par exemple : Deut 10:17–18; Ps 10:14–18; 82:3–4; Mal 3:5).

L’église équipée pour son combat (6:10–20)

Dans cette section, Paul presse l’église de persévérer avec prière dans sa vie en face de toute l’opposition spirituelle en s’appuyant sur les puissantes provisions assurées par le Seigneur.

Il s’agit de la plus longue section dans ce chapitre et elle fait fonction d’exhortation qui résume tout le livre. Éphésiens 6:10–20 peut commodément être divisé en deux sections : 6:10–17 qui se concentre sur une imagerie militaire et 6:18–20 qui contient une admonition de conclusion adressée aux croyants pour qu’ils adressent à Dieu des prières persistantes pour les saints et pour Paul particulièrement. Ce dernier élément sur la prière pourrait facilement être séparé de la section précédente d’un point de vue thématique et a peut-être été écrit de la main de Paul lui-même, mais il s’agit d’un élément essentiel dans le passage plus large de 6:10-20 puisque la prière est l’outil de guerre le plus efficace et le plus réel de l’église dans son combat.

Paul était d’une certaine façon dans la position de Josué. Alors que Moïse s’en allait, laissant à Josué la mission de conquérir Canaan, ainsi Jésus est monté au ciel, laissant à Paul la tâche d’entrer dans le monde des païens (Rom 11:13; 1Tim 2:7). De même que Josué s’est mis en route vers l’autre côté du Jourdain à la conquête de la terre promise, de même Paul s’est lancé dans une campagne offensive pour conquérir le monde entier. Mais la différence entre les deux est essentielle. Josué avait reçu l’ordre de lancer une invasion théocratique de la part du capitaine de l’armée du Seigneur, l’épée tirée (Jos 5:13–15). Paul était sous les ordres du Prince de la paix (Ésa 9:6; Éph 2:14–17) et sa seule arme offensive pour conquérir le monde était la bonne nouvelle de la paix (6:15) rendue efficace par la prière dans l’Esprit (6:18-20). Paul s’est lancé à la conquête d’un monde qui était déjà aux pieds de son Roi (1:20-23) qui a dit : « J’ai vaincu le monde » (Jean 16:33) et « Tout pouvoir m’a été donné dans le ciel et sur la terre, allez donc . . . » (Matt 28:18–19). Par conséquent, Paul demande à l’Église, en 6:10-20, non pas d’avancer en ordre de bataille dans la conquête théocratique, mais de tenir ferme et de prier.

L’un des aspects saillants de 6:10-20 qui est souvent observé est son lien avec le Seigneur en tant que Guerrier Divin. Les connexions avec Ésaïe et l’équipement militaire dans Éphésiens 6:14–17 en particulier sont manifestes. Il convient toutefois de souligner que l’armure d’Ésaïe est celle du Seigneur, qu’il revêt pour vaincre ses ennemis dans l’intérêt de son peuple sans défense :

Il voit qu’il n’y a pas un homme, il s’étonne de ce que personne n’intercède ; alors son bras lui vient en aide, et sa justice lui sert d’appui. Il se revêt de la justice comme d’une cuirasse, et il met sur sa tête le casque du salut . . . (Ésa 59:16–17)

Maintenant que le salut a été obtenu de manière décisive par le Roi messianique, son peuple est désormais équipé par cette même armure pour se défendre dans l’âge actuel.

Une question importante surgit dont on discute périodiquement : Qu’est-ce qui constitue l’armure du chrétien ? S’agit-il de sa piété ou de sa vertu personnelles, c’est à dire : la véracité dans la parole et la justice personnelles (6:14), sa préparation pour partager l’évangile (6:15), etc. ? Ou bien l’armure est-elle des aspects objectifs de la victoire de Christ que lui-même avait revêtus comme sa divine armure pour apporter le salut à son peuple (c’est à dire Ésa 59:16–17 cité ci-dessus) ?

La réponse est probablement une combinaison des deux avec un ingrédient interprétatif supplémentaire et essentiel. Éphésiens 6:10–20 ne traite pas les chrétiens de manière isolée et ne les invite pas à agir uniquement à titre individuel, mais en tant que membres d’une communauté, de la même manière que le soldat individuel doit faire partie d’une armée pour tenir bon contre une horde ennemie. Les exhortations de 6:10-20 s’adressent à l’église dans son ensemble pour qu’elle tienne ferme dans la panoplie que Dieu fournit en Christ, à laquelle, naturellement, les individus participent ¬ mais pas de manière isolée et chacun pour soi. Les membres du peuple uni de Christ, revêtus de Christ en qui se trouve toute la vérité (4:21), peuvent tenir bon revêtus de la vérité (6:14) et se dire la vérité les uns aux autres (4:25), mûrissant ensemble jusqu’à la stature de Christ produite par la Parole de Dieu et son instruction (4:7-16 ; 6:17). Dieu fournit « l’armure de lumière » que les chrétiens revêtent en revêtant Christ afin de pouvoir tenir fermement dans un équipement saint et sanctifié :

La nuit est avancée, le jour approche. Dépouillons-nous donc des œuvres des ténèbres, et revêtons les armes de la lumière. Marchons honnêtement, comme en plein jour, loin des excès et de l’ivrognerie, de la luxure et de l’impudicité, des querelles et des jalousies. Mais revêtez-vous du Seigneur Jésus Christ, et n’ayez pas soin de la chair pour en satisfaire les convoitises. (Rom 13:12–14, ESV, c’est nous qui soulignons)

 

Pensées de conclusion et bénédiction (6:21–24)

Dans cette section, Paul conclut sa lettre avec une remarque, pour les destinataires, quant aux services qu’accomplit Tychique en sa faveur, ainsi qu’avec une bénédiction apostolique sur l’église.

C’est une conclusion relativement brève pour la fin d’une épître paulinienne quand on la compare aux autres, pourtant on y trouve un certain équilibre. L’épître se termine comme elle a commencé : par la prononciation d’une brève bénédiction pour que la grâce et la paix de Dieu reposent sur les destinataires de la lettre (comparer : Éph 1:2 avec 6:23-24). Ce n’est pas un hasard si la grâce et la paix sont deux thèmes qui imprègnent l’ensemble de cette épître (par exemple, 2:8, 14-7).

Une façon d’authentifier une épître comme étant bien de son auteur était de la signer de sa propre main (voyez particulièrement : 2Thes 3:17; cf. 1Cor 16:21; Gal 6:11; Col 4:18; Phlm 19). Il est donc probable que Paul ait écrit lui-même au moins 6:21-24 comme, par exemple, 1Cor 16:21 où seules les salutations ont été écrites par Paul (« Cette salutation a été écrite de ma propre main, celle de Paul »). Cette signature d’une épître est illustrée, de façon intéressante, dans une lettre inscrite provenant d’Éphèse, lorsque Claudia Antonia Tatiane céda à son frère (« son Excellence, Aemilius Aristides ») un emplacement dans sa tombe près de la porte Magnésienne (à la limite sud-est de la ville, telle qu’elle est aujourd’hui fouillée) afin qu’il puisse y enterrer sa femme. Claudia Tatiane note : « J’ai écrit cette lettre par l’intermédiaire de mon esclave Dionysius, [lettre] à laquelle j’ai personnellement apposé ma signature » (Die Inschriften von Ephesos 2121 ; fin du IIe-début du IIIe siècle). Sa signature garantissait l’authenticité de l’épître.

En mentionnant Tychique en 6:21–22, Paul fournit aux destinataires originels une seconde façon de leur garantir que cette épître était authentiquement de Paul. Si Tychique, un frère d’Asie, de la province même où Éphèse était située (Actes 20:4; cf. 2Tim 4:12), que les Éphésiens avaient sans aucun doute connu personnellement, leur apportait l’épître, elle ne pouvait qu’être authentique. Il était en lui-même le sceau de son authenticité. Les faux ne pouvaient pas fournir cette bona fide (bonne foi) et c’est en partie pour cela que Paul a mentionné Tychique dans la lettre.

Paul conclut cette bonne petite épître aux Éphésiens avec une riche bénédiction finale sur ses lecteurs (et nous) : « Que la paix et la charité avec la foi soient donnés aux frères de la part de Dieu le Père et du Seigneur Jésus Christ ! Que la grâce soit avec tous ceux qui aiment notre Seigneur Jésus Christ d’un amour inaltérable » (Éph 6:23–24). En disant que notre Seigneur « demeure dans l’incorruptibilité », Paul fait allusion au thème central de la nouvelle création dans les Éphésiens, car l’« incorruptibilité » est au cœur de l’existence de Christ ressuscité en tant que prémices de la moisson de son peuple (ainsi 1Cor 15:20–28). « Car il faut que ce corps corruptible revête l’incorruptibilité, et que ce corps mortel revête l’immortalité . . . Ce que je dis, frères, c’est que la chair et le sang ne peuvent hériter le royaume de Dieu, et que la corruption ne peut hériter de l’incorruptibilité » (1Cor 15:53, 50; cf. 1Cor 15:42, 54; Rom 2:7; 2Tim 1:10).

C’est pourquoi les derniers mots de l’épître aux Éphésiens concluent son message central : en Jésus-Christ et par la grâce rédemptrice du Dieu trinitaire, les croyants vivent maintenant l’inauguration de la nouvelle création et habiteront avec notre Seigneur dans une paix unifiée, dans une nouvelle existence de résurrection incorruptible. De même que notre Roi messianique ressuscité habite maintenant dans l’incorruptibilité en tant que premiers fruits, ainsi tout son peuple vivra avec lui dans la gloire incorruptible pour toujours. « Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus Christ, qui nous a bénis de toute sortes de bénédictions spirituelles dans les lieux célestes en Christ . . . à la louange de la gloire de sa grâce qu’il nous a accordée en son bien-aimé. » (Éph 1:3, 6).

Bibliographie

Arnold, Clinton E. Ephesians. Zondervan Exegetical Commentary on the New Testament. Grand Rapids, MI: Zondervan, 2010.
Baugh, S. M. Ephesians. Evangelical Exegetical Commentary. Bellingham, WA: Lexham Press, 2015.
Ferguson, Sinclair B. Let’s Study Ephesians. Carlisle, PA: Banner of Truth, 2005.
Oden, Thomas C., ed. Galatians, Ephesians, Philippians. Ancient Christian Commentary on Scripture. Oxfordshire, UK: Routledge, 1999.

Permissions

Ce commentaire fait partie de la série The Gospel Coalition Bible Commentary (éditeur général, Phil Thompson).

Ce commentaire est adapté, avec sa permission, des notes de l’auteur sur Éphésiens dans la ESV Study Bible (Wheaton: Crossway, 2008) et du commentaire de l’auteur, Ephesians (Evangelical Exegetical Commentary; Lexham Press, 2015).

Ce commentaire est sous licence CC BY-SA 4.0

Éphésiens 1

SEGOND 21

Adresse et salutation

1 De la part de Paul, apôtre de Jésus-Christ par la volonté de Dieu, aux saints qui sont [à Ephèse] et qui sont fidèles en Jésus-Christ:
2 que la grâce et la paix vous soient données de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus-Christ!

Les merveilleuses bénédictions du salut en Christ

3 Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus-Christ, qui nous a bénis de toute bénédiction spirituelle dans les lieux célestes en Christ!
4 En lui, Dieu nous a choisis avant la création du monde pour que nous soyons saints et sans défaut devant lui. Dans son amour,
5 il nous a prédestinés à être ses enfants adoptifs par Jésus-Christ. C’est ce qu’il a voulu, dans sa bienveillance,
6 pour que nous célébrions la gloire de sa grâce, dont il nous a comblés dans le bien-aimé.
7 En lui, par son sang, nous sommes rachetés, pardonnés de nos fautes, conformément à la richesse de sa grâce.
8 Dieu nous l’a accordée avec abondance, en toute sagesse et intelligence.
9 Il nous a fait connaître le mystère de sa volonté, conformément au projet bienveillant qu’il avait formé en Christ
10 pour le mettre à exécution lorsque le moment serait vraiment venu, à savoir de tout réunir sous l’autorité du Messie, aussi bien ce qui est dans le ciel que ce qui est sur la terre.
11 En lui nous avons été désignés comme héritiers, ayant été prédestinés suivant le plan de celui qui met tout en oeuvre conformément aux décisions de sa volonté
12 pour servir à célébrer sa gloire, nous qui avons par avance espéré dans le Messie.
13 En lui vous aussi, après avoir entendu la parole de la vérité, l’Evangile qui vous sauve, en lui vous avez cru et vous avez été marqués de l’empreinte du Saint-Esprit qui avait été promis.
14 Il est le gage de notre héritage en attendant la libération de ceux que Dieu s’est acquis pour célébrer sa gloire.

Prière de Paul pour les Ephésiens

15 C’est pourquoi moi aussi, après avoir entendu parler de votre foi dans le Seigneur Jésus [et de votre amour] pour tous les saints,
16 je ne cesse de dire toute ma reconnaissance pour vous lorsque je fais mention de vous dans mes prières. 17 Je prie que le Dieu de notre Seigneur Jésus-Christ, le Père de gloire, vous donne un esprit de sagesse et de révélation qui vous le fasse connaître.
18 Je prie qu’il illumine les yeux de votre coeur pour que vous sachiez quelle est l’espérance qui s’attache à son appel, quelle est la richesse de son glorieux héritage au milieu des saints
19 et quelle est l’infinie grandeur de sa puissance, qui se manifeste avec efficacité par le pouvoir de sa force envers nous qui croyons.
20 Cette puissance, il l’a déployée en Christ quand il l’a ressuscité et l’a fait asseoir à sa droite dans les lieux célestes,
21 au-dessus de toute domination, de toute autorité, de toute puissance, de toute souveraineté et de tout nom qui peut être nommé, non seulement dans le monde présent, mais encore dans le monde à venir.
22 Il a tout mis sous ses pieds et il l’a donné pour chef suprême à l’Eglise
23 qui est son corps, la plénitude de celui qui remplit tout en tous.

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