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Proverbes

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À la recherche de la sagesse

Les êtres humains ont toujours eu besoin de sagesse, hier comme  aujourd’hui. La sagesse nous aide à décider ce que nous devons faire, ce qu’il faut dire (ou ne pas dire), qui nous devrions épouser (ou ne pas épouser), etc. La sagesse nous oriente vers les bonnes habitudes qui tendent à rendre la vie plus douce et plus heureuse. La sagesse donne forme et sens à nos cris de souffrance et de joie. En règle générale, la sagesse nous permet de mieux comprendre notre vécu d’êtres humains.

C’est le sens habituellement donné à la sagesse. Qui n’en aurait pas besoin ? Tout au long de l’histoire, les cultures du monde entier ont prêté l’oreille à divers sages qui transmettaient leur sagesse par leurs paroles. Aujourd’hui, on se tourne plutôt vers des blogueurs populaires, des coachs de vie, des auteurs de best-sellers sur les thèmes de la réussite, de la santé et du bonheur. Bien des gens recherchent la sagesse auprès de personnalités médiatiques comme l’américaine Oprah Winfrey, dont les conseils sur la confiance en soi ont été recueillis et répertoriés sur des dizaines de pages Web ; on pourrait parler des « proverbes d’Oprah » !

La Bible présente une sagesse inspirée de Dieu*. D’un côté, cette sagesse nous est tout à fait familière dans la mesure où, comme la sagesse populaire, elle nous permet de mieux comprendre notre vécu d’êtres humains. Mais, d’un autre côté, elle est totalement différente. La sagesse de la Bible apporte un éclairage divin sur notre vécu d’êtres humains dans un monde créé et dirigé par l’Éternel, le Dieu des Écritures.

Des textes de sagesse apparaissent à travers toutes les Écritures, mais trois « livres de sagesse » se distinguent en particulier : Job, les Proverbes et l’Ecclésiaste (le Cantique des cantiques est aussi souvent inclus dans ce groupe). Ces livres offrent une sagesse inspirée par Dieu dans différents registres, comme différents genres musicaux. Job et l’Ecclésiaste sont comme des symphonies sombres qui abordent les questions les plus profondes et les plus obscures de la vie. Le Cantique des cantiques ressemble davantage à un opéra lyrique, célébrant l’amour entre un mari et sa femme. Le livre des Proverbes s’apparente plutôt à une leçon de piano, couvrant les gammes et les accords qui constituent les bases de toute la musique. Toutefois, il en jaillit régulièrement des mélodies d’un style différent. Le livre de sagesse des Proverbes aborde l’ensemble des activités et préoccupations humaines du quotidien : le manger et le boire, la façon dont nous nous parlons les uns aux autres, les relations familiales et sociales, les relations sexuelles, les affaires, etc.

Plus nous lisons le livre des Proverbes, plus nous percevons notre besoin de sagesse et plus nous ressentons le besoin de voir cette sagesse influer sur notre quotidien si souvent chaotique. La sagesse des Proverbes nous appelle à voir toutes les expériences de notre vie en rapport avec l’Éternel, qui a créé le monde et qui le gouverne. L’Éternel nous appelle avant tout à le craindre, et nous indique luimême comment faire.

Attention à la forme !

Les Proverbes reconnaissent et reproduisent parfois le côté désordonné et arbitraire qui caractérise les activités et préoccupations de nos journées. Cependant, ce livre a été soigneusement mis en forme par plusieurs auteurs et éditeurs conduits par Dieu dans leur travail d’assemblage et d’organisation de cette partie des saintes Écritures. Le plan de base des Proverbes est donc clair :

  1. Prologue (1.1-7)
  2. Le fondement de la sagesse (1.8 à 9.18)
  3. Les proverbes de Salomon (10.1 à 22.16)
  4. Les paroles des sages (22.17 à 24.22)
  5. Autres paroles des sages (24.23-34)
  6. Les proverbes de Salomon copiés parl’entourage du roi Ézéchias (25.1 à 29.27)
  7. Les paroles d’Agur (30.1-33)
  8. Les paroles du roi Lemuel (31.1-9)
  9. Épilogue (31.10-31)

Pendant des années, j’ai lu les Proverbes sans prêter attention à la manière dont ce livre de sagesse était globalement construit. On peut bien sûr isoler telle ou telle thématique des Proverbes et en tirer quelques bons enseignements. J’ai souvent organisé des études autour de certaines instructions du livre sur des sujets tels que les paroles, le travail, la famille, les amitiés, la générosité, le cœur et, bien entendu, la crainte de l’Éternel*.

Mais nous devons être vigilants lorsque nous tentons de réorganiser ce livre en lui donnant notre propre logique. Le risque est de ne pas recevoir pleinement le livre, du début à la fin, tel qu’il nous a été donné dans le plan souverain de Dieu. Dans un souci de clarté et d’efficacité, nous pourrions passer à côté, non pas de la beauté des thématiques individuelles, mais plutôt de la relation vitale

existant entre les différentes composantes. Nous risquons de ne pas prendre en compte la façon dont les proverbes individuels se font écho les uns aux autres. Nous risquons de ne pas voir de quelle manière les grandes sections du livre, prises dans leur globalité, nous aident à comprendre de quelle manière nous devons rechercher et assimiler la sagesse divine.

Une approche principalement thématique pourrait également nous empêcher d’accorder une attention particulière à la forme de la poésie écrite à l’origine en hébreu mais qui nous est étonnamment accessible dans la traduction. Ce que nous devons remarquer et savourer, c’est la manière dont la forme poétique est liée au contenu thématique et théologique. Par exemple, ce qui nous aide à comprendre les deux voies de la sagesse, la sagesse et la folie, c’est la combinaison de deux vers poétiques qui, très souvent, expriment un contraste de ces deux voies. Nous n’aborderons le sujet de la poésie en détail que lorsque nous atteindrons le chapitre 10 des Proverbes. Cependant, tout au long du chemin, nous observerons de quelle manière la poésie fonctionne : par le biais de parallélismes et d’images saisissantes qui, sous une forme précise et condensée, appellent à la sagesse.

Cet exposé relativement court des Proverbes ne constitue qu’un point de départ pour saisir l’ensemble du livre dans toute sa richesse. Mais allons-y. Commençons par observer de quelle manière les neuf premiers chapitres établissent un socle pour tout ce qui suit, socle qui ne cesse de réapparaître, voire de s’approfondir à des moments essentiels du livre. Savourons les parfums qui émanent des différents recueils de proverbes construits sur ce socle, et écoutons attentivement les thématiques qui se développent et s’entrelacent, un peu comme elles le font dans la vraie vie !

J’espère que ce voyage à travers le livre des Proverbes contribuera à renforcer l’éclat de cet ouvrage à vos yeux, tel un brillant appel à écouter et à suivre la sagesse de l’Éternel. J’espère que cette perspective vous inspirera à puiser dans la sagesse des Proverbes toute votre vie. Nous avons besoin de cette sagesse. Et elle vient à nous sous la forme d’un recueil exceptionnel de littérature de sagesse, que nous faisons bien de commencer à lire et à étudier dans la forme littéraire voulue par Dieu.

* Crainte de l’Éternel : profonds respect et révérence envers Dieu.

À l’horizon : l’éclat de Jésus

Le livre des Proverbes a parfois été déconsidéré par certains parce qu’il ne semble pas contenir le message de l’Évangile. Ce message est bien présent dans le Pentateuque*, qui raconte l’histoire de la rédemption, ou dans les écrits prophétiques qui présentent le Roi-serviteur. Par contre, les Proverbes ne parlent pas beaucoup de quand et comment adorer Dieu. Cet ouvrage nous semble presque un peu… terre à terre.

Les Proverbes sont effectivement « terre à terre » dans la mesure où ils déclarent que la sagesse divine imprègne tout l’espace du monde créé par Dieu. Et c’est cela l’essentiel. Rien dans ce monde n’a de sens en dehors du Créateur de toutes choses. Inversement, tout a un sens au regard de celui qui a créé, au commencement, les cieux et la terre et tout ce qu’ils contiennent.

Les Proverbes n’établissent pas comme fondement une vérité abstraite au sujet de Dieu, le souverain Créateur et Régisseur de l’univers. Non, les Proverbes établissent une relation fondamentale avec ce Seigneur Dieu : une relation qui implique de le craindre. C’est là que se situe la différence fondamentale entre la sagesse telle qu’on la comprend habituellement et la sagesse de la Bible : la sagesse de la Bible appelle à une relation avec l’Éternel, une relation qui transforme chaque partie de notre vie à tout jamais.

Les Écritures dévoilent le plan de salut qui rend possible une relation entre l’homme déchu** et pécheur et son saint créateur. Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique (Jean 3.16). Ce Fils s’est fait chair et il a habité dans le monde qu’il a créé ; Jésus a incarné la sagesse pratique dont parlent les Proverbes. En réalité, Jésus est la sagesse dont parlent les Proverbes. Le Nouveau Testament affirme diverses représentations poétiques de la sagesse dans les Proverbes pointent dans une seule et même direction : vers la source.

Mais creusons un peu. Plutôt que de parler des illustrations des Proverbes, observons-les. Plutôt que de défendre une certaine construction du livre, recherchons-la nous-mêmes dans le texte. Et plutôt que d’élaborer des théories à propos de la sagesse, il est préférable d’écouter la sagesse lorsque Dieu lui-même s’exprime dans sa parole inspirée. En regardant et en écoutant, nous entendrons effectivement la voix de Dieu et nous serons éblouis par l’éclat de son Fils à travers tout le livre des Proverbes.

* Pentateuque : les cinq premiers livres de la Bible.

** Déchu : marqué par le jugement de Dieu qui est une conséquence de la chute.

Chapitre 1

Ce premier chapitre nous présente la sagesse des Proverbes. Dans une première partie, nous replacerons cette sagesse dans son contexte et commencerons à étudier le prologue du livre (Proverbes 1.1-7). La deuxième partie explore plus en profondeur le prologue et résume ce que nous pouvons apprendre sur la sagesse dès le départ. Les premiers vers des Proverbes nous invitent à découvrir les trésors et les énigmes de ce livre.

La sagesse : le contexte général

Tous les êtres humains ont besoin de sagesse. Aucun d’entre nous n’est le seul à essayer de comprendre comment gérer au mieux son quotidien : bien s’entendre avec ses voisins, bien gérer son argent, décider si l’on va se marier ou pas, et avec qui. En discutant avec un ami ce matin, j’ai eu besoin de sagesse pour savoir si je devais ou non relancer une conversation qui, à mon avis, ne s’était pas bien terminée entre nous. Je ne sais toujours pas si j’ai bien fait d’aborder le sujet à nouveau, mais je l’ai fait ! En tout cas, je suis certaine de ne pas être la seule à devoir lutter pour savoir quand je dois parler et quand je devrais plutôt me taire.

Le besoin de sagesse est universel. J’écris ces mots depuis Jakarta, en Indonésie. Cet après-midi, alors que j’attendais qu’on me serve un café dans un petit café-librairie local, j’ai jeté un coup d’œil à l’étagère des livres de poche proposés en anglais. Le premier qui a attiré mon attention était celui d’un écrivain japonais livrant le secret d’une vie longue et heureuse. J’ai vu aussi un livre sur l’art de vivre à la danoise, et un autre d’un auteur français expliquant comment vivre mieux et plus longtemps. Un petit livre-cadeau américain traitait du sujet du bonheur et de la façon de le savourer. J’avais là, sous la main, tout un monde d’auteurs de sagesse en herbe, au fond d’un petit café indonésien ! Partout dans le monde, les humains recherchent désespérément la sagesse.

Il y a des siècles, le peuple de Dieu vivant dans le royaume d’Israël connaissait également ce besoin universel de sagesse. En fait, dans le monde antique, beaucoup de nations voisines avaient une catégorie spéciale d’orateurs et d’auteurs de sagesse, qui servaient souvent de conseillers aux rois de l’époque. La Bible en donne quelques indices : le livre d’Esther, par exemple, parle des conseillers du roi de Perse comme étant des « sages astrologues » (Esther 1.13) – bien que ces sages aient été tout sauf sages ! La sagesse de Salomon, que nous trouvons dans les Proverbes, n’était pas seulement connue en Israël : « La sagesse de Salomon dépassait celle de tous les nomades de l’est et toute la sagesse des Égyptiens. […] De tous les peuples on venait pour écouter la sagesse de Salomon, de la part de tous les rois de la terre qui en avaient entendu parler » (1 Rois 5.10, 14).

L’Égypte était réputée pour sa littérature de sagesse, dont il reste un bon nombre de textes anciens. De nombreux commentateurs notent des similitudes entre certains de ces textes et divers aspects du livre des Proverbes. Les Égyptiens utilisaient également la forme d’instructions père-fils observée dans les Proverbes. Des parallèles encore plus spécifiques peuvent être établis entre des sections des Proverbes 22 à 24 et les instructions égyptiennes d’Aménémopé1. Mon expérience dans le café indonésien n’était pas exceptionnelle ! Déjà à l’époque de l’Ancien Testament, des voix s’élevaient de toutes parts (Égypte, Arabie, Babylone, Phénicie, …) pour offrir des conseils pratiques pour la vie de tous les jours.

La sagesse de Salomon : à la fois semblable et différente

Pourquoi la sagesse de Salomon s’est-elle distinguée des autres sources de sagesse ? Bien des nations environnantes n’auraient probablement pas su répondre à cette question. La plupart des habitants de ces pays n’ont pas reconnu le Dieu des Écritures, le Dieu créateur unique. Et pourtant c’est par sa grâce commune* qu’ils ont pu comprendre un peu du fonctionnement de son monde et de la manière d’y vivre au mieux. Salomon a eu le privilège de faire partie du peuple à qui Dieu s’est directement révélé. Au travers de ce peuple, cette révélation a été présentée au monde entier, de manière parfaite par le Seigneur Jésus lui-même. Les textes des Proverbes n’ont pas tous été écrits par Salomon ; certaines sections du livre sont attribuées à d’autres sages. Mais la grande majorité des proverbes lui sont attribués, et l’introduction du livre le désigne clairement en tant qu’auteur, comme nous allons le voir.

L’Écriture elle-même souligne et explique la sagesse singulière de Salomon : « Dieu donna à Salomon de la sagesse, une très grande intelligence et des connaissances aussi nombreuses que le sable qui est au bord de la mer » (1 Rois 5.9). Dieu s’était adressé au roi Salomon dans un rêve et l’avait invité à lui faire une requête. Salomon a humblement demandé la sagesse, « un cœur apte à écouter pour juger ton peuple, pour distinguer le bien du mal ! » (1 Rois 3.9). Sa demande a été exaucée : « Je vais te donner un cœur si sage et si intelligent qu’il n’y a eu avant toi et qu’on ne verra jamais personne de pareil à toi » (1 Rois 3.12). La sagesse de Salomon était donc une connaissance semblable à celle des peuples environnants, mais elle en était aussi différente : c’était un discernement donné par Dieu afin de savoir comment vivre dans le monde de Dieu.

Nous reconnaissons aujourd’hui cette spécificité du livre des Proverbes : il fait pleinement partie de la révélation inspirée de Dieu transmise jusqu’à nous dans les Écritures, de l’Ancien et du Nouveau Testament. Les livres de sagesse de la Bible apportent un discernement inspiré au sujet du quotidien de la vie humaine dans un monde créé et dirigé par le Dieu des Écritures. Le monde a été créé parfait, mais a chuté par la rébellion de l’homme contre son créateur. Le Créateur ne s’est pas détourné de sa création pour la laisser dans ses ténèbres, séparée de lui. Non, le Créateur avait un plan éternel de rédemption : par l’intermédiaire du Seigneur Jésus-Christ qui viendrait dans ce monde, Dieu se rachèterait un peuple de toutes les nations de la terre. Quelle grâce !

Dans les Proverbes, nous entrons dans l’histoire de la rédemption révélée par Dieu dans sa parole. Le contexte biblique est clairement posé dans le prologue et nous sert d’introduction à la sagesse proposée dans ce livre. Le tout premier verset présente ce que nous devons savoir pour commencer.

* Grâce commune : toutes les bonnes choses que Dieu donne indépendamment du fait que quelqu’un soit chrétien ou non (par exemple, la pluie, l’oxygène).

Le contexte explicite des Proverbes

Parfois appelé le « titre », Proverbes 1.1* introduit non seulement le prologue mais aussi le livre tout entier : « Proverbes de Salomon, fils de David, roi d’Israël ». Ces mots indiquent la première chose importante à savoir : la sagesse des Proverbes s’inscrit dans le contexte de la parole de Dieu et du peuple de Dieu. Ces trois noms propres (Salomon, David et Israël) évoquent à eux seuls toute l’histoire de l’Ancien Testament au cours de laquelle Dieu s’est choisi un peuple qui lui appartiendrait. Salomon n’était pas seulement un roi sage qui a écrit beaucoup de ces proverbes. Salomon est issu de la lignée de David, de la tribu de Juda : une tribu du peuple d’Israël qui, à partir d’Abraham, est devenue une grande nation conformément aux promesses de l’Éternel. Ces noms donnent vie à l’histoire et situent le livre des Proverbes dans le contexte le plus important qui soit : au milieu des livres de l’Ancien Testament.

Il est certes difficile d’intégrer les livres de sagesse dans le modèle des Écritures de l’Ancien Testament. Nous parlons souvent du grand récit de la Bible, de sa grande histoire : l’histoire de la rédemption d’un peuple par Dieu au travers de son Fils. Et nous appréhendons les différents types de livres en fonction de cette histoire. Les livres historiques racontent l’histoire en grande partie sous forme de récits. Les livres prophétiques nous font entendre la voix de Dieu qui s’exprime dans l’histoire par l’intermédiaire des prophètes qu’il a appelés. La poésie des Psaumes nous fait entendre la voix de personnes vivant cette histoire et criant à Dieu de l’intérieur de celle-ci. Alors, comment la littérature de sagesse se rattache-t-elle à cette grande histoire ?

Selon le commentateur Derek Kidner, les livres de sagesse sont, dans l’Ancien Testament, « l’instant où le pèlerin est libre de s’arrêter et de regarder longuement autour de lui, d’observer et de poser des questions au sujet de tout ce qu’il voit2 ». En d’autres termes, les auteurs des écrits de sagesse agissent comme des commentateurs

de l’histoire. Ils n’ont pas écrit pour faire progresser l’histoire, ni pour parler comme des prophètes dans le contexte de cette histoire, ni pour crier du sein de l’histoire. Ils se sont mis à l’écart pendant quelques instants afin de faire quelques observations au sujet de la grande histoire.

Même si leur position de commentateurs de l’histoire sépare quelque peu les auteurs de sagesse du grand récit de la Bible, tout ce qu’ils disent s’y rapporte directement. Cette « sagesse » n’était pas un concept nouveau ou étranger pour les Israélites. En effet, la sagesse avait toujours été perçue en lien avec Dieu et avec sa parole révélée. Dans Deutéronome 4.6, par exemple, alors que Moïse ordonne l’obéissance à la loi que Dieu leur a donnée, il dit au peuple :

Vous les respecterez et vous les mettrez en pratique, car ce sera là votre sagesse et votre intelligence aux yeux des autres peuples. Lorsqu’ils entendront parler de toutes ces prescriptions, ils diront : « Cette grande nation est un peuple vraiment sage et intelligent ! »

Moïse le savait bien : la sagesse doit être replacée dans le contexte de la parole de Dieu et de son peuple. La révélation de Dieu à son peuple est la pierre angulaire de la sagesse biblique. Aucune nation aujourd’hui n’est organisée sur cette base ; seul le peuple de Dieu, aujourd’hui l’Église, possède un tel fondement. Ce fondement, c’est ultimement le Christ lui-même, la sagesse de Dieu pleinement révélée et parfaitement vécue. Les livres de sagesse aident à poser ce fondement. Ils suivent la trajectoire de l’enseignement de l’Ancien Testament, ce qui rend la sagesse divine et la parole révélée de Dieu totalement indissociables pour le peuple de Dieu.

Depuis toujours, la parole de Dieu touche tous les aspects de la vie humaine. Si vous avez déjà lu l’Exode et le Lévitique, vous vous êtes probablement posé des questions au sujet de toutes les lois détaillées qui s’y trouvent. En effet, elles concernent non seulement les rituels du culte, mais aussi de nombreux autres sujets comme les nids d’oiseaux, les règles alimentaires, la construction des balcons sur les toits, les tissus pour les vêtements, et ainsi de suite. Pour ceux qui, en Israël, connaissaient la loi révélée par Dieu et la sagesse de Dieu dans sa globalité, un livre comme les Proverbes n’était pas différent des autres. Il faisait partie intégrante du grand récit du salut qu’ils étaient en train de vivre au jour le jour.

Nous pouvons donc lire les Proverbes en toute confiance, en situant ce livre de sagesse dans le contexte global des Écritures. Nous les appréhenderons comme faisant partie de la révélation de l’œuvre rédemptrice accomplie par Dieu au travers de la nation d’Israël et dont le point culminant est le Seigneur Jésus-Christ. Il est celui qui a apporté la bénédiction à toutes les nations par sa mort et sa résurrection. Nous ne ferons pas l’impasse sur ces livres de sagesse, mais nous allons les parcourir et célébrer la lumière dont ils éclairent l’ensemble de l’histoire.

Si nous lisions l’autobiographie d’un riche propriétaire terrien, nous pourrions être tentés de sauter les chapitres décrivant en détail les contours de son domaine et son fonctionnement. Ces chapitres ne nous paraîtraient pas essentiels à l’histoire de cet homme. D’un autre côté, ces détails pourraient nous en apprendre davantage sur ce propriétaire et nous faire découvrir qui il est et comment il travaille. Et si, d’une manière ou d’une autre, nous devions vivre sur son domaine, ces détails pourraient s’avérer extrêmement précieux…

Une sagesse pleine de couleurs et de motifs

Au fur et à mesure que nous avançons dans les premiers versets, nous voyons comment les Proverbes nous amènent à réfléchir à la sagesse qu’ils proposent. En regardant Proverbes 1.1, nous avons déjà fait la première de cinq observations : la sagesse des Proverbes s’inscrit dans le contexte de la parole de Dieu et du peuple de Dieu. Dans la suite de ce chapitre, les cinq observations vont se décliner dans cet ordre :

  1. La sagesse des Proverbes s’inscrit dans le contexte de la parole de Dieu et du peuple de Dieu.
  2. La sagesse des Proverbes a une signification pleine de couleurs et de motifs.
  3. La sagesse des Proverbes se découvre au sein d’une relation avec l’Éternel.
  4. La sagesse des Proverbes est l’alternative à la folie.
  5. La sagesse des Proverbes est présente à travers toute la révélation de Dieu, mais elle est pleinement révélée en Christ.

Pour introduire la deuxième observation, lisons le prologue dans son intégralité :

Proverbes de Salomon, fils de David, roi d’Israël,
pour connaître la sagesse et l’instruction, pour comprendre les paroles de l’intelligence,
pour recevoir des leçons de bon sens, de justice, d’équité et de droiture,
pour donner du discernement à ceux qui manquent d’expérience, de la connaissance et de la réflexion aux jeunes.
Que le sage écoute, et il augmentera son savoir ! Celui qui est intelligent gagnera en habileté
pour comprendre les proverbes et les paraboles, les paroles des sages et leurs énigmes.
La connaissance commence par la crainte de l’Éternel.
Il faut être fou pour mépriser la sagesse et l’instruction.

Proverbes 1.1-7

La deuxième observation est la suivante : la sagesse des Proverbes a une signification pleine de couleurs et de motifs, comme l’intérieur d’un kaléidoscope ! Bien des auteurs ont essayé d’organiser et de classer tous les mots relatifs à la sagesse dans le prologue des Proverbes. Cette démarche peut être source de nombreuses frustrations ! Je les appelle les mots lourds de sagesse, et nous en avons ici une belle collection. Le mot « sagesse » apparaît en premier (v. 2) et se retrouve à plusieurs reprises dans le texte. Mais cette sagesse est associée à un ensemble de mots qui s’entrecroisent et se rejoignent : « instruction », « compréhension », « intelligence », « bon sens », « justice », « équité », « droiture », « discernement », « connaissance », « réflexion », « savoir », « habileté ». Chaque mot suggère une perspective légèrement différente sur le processus d’acquisition de cette sagesse. Ensemble, les mots évoquent la complexité de ce processus.

On pourrait penser qu’au début d’un livre sur la sagesse, on en trouverait une définition claire et précise. Ce n’est pas le cas ici. Nous constatons dès le départ que ce livre échappe à toute forme de classement systématique et soigné. Je propose de prendre acte de cet état de fait et même de l’apprécier. Le prologue fournit un ensemble de termes que le livre s’attachera à développer par la suite. Mais ces mots ne se présentent pas sous la forme d’une liste bien ordonnée : ils s’enchaînent, parfois même se répètent, au rythme de la poésie des vers. Grâce à ces premiers versets, nous commençons à examiner les nombreuses facettes de la sagesse et à faire tourner ces mots dans notre esprit, comme nous ferions avec un kaléidoscope. De même qu’un kaléidoscope laisse voir des motifs changeant de formes et de couleurs, nous apercevons dans les Proverbes les multiples facettes de la sagesse vécue au quotidien. La sagesse touche toutes les facettes de la vie. Elle ne se réduit pas à des catégories soigneusement organisées, mais afflue dans la complexité toujours changeante de l’expérience humaine.

En nous demandant de réfléchir à la sagesse, le livre des Proverbes ne nous propose pas un ensemble de vérités à apprendre par cœur et à proclamer. Il nous présente plutôt une sagesse qui transforme toute la vie. C’est pourquoi nous trouverons la sagesse (ou la personnification de la sagesse, nous en reparlerons bientôt) dans ce livre, criant depuis les coins de rue et les marchés, s’invitant non seulement dans les cérémonies religieuses, mais aussi dans les cuisines et les chambres à coucher, les lieux d’affaires, les granges et les pâturages. Dans ce livre, la sagesse met son nez dans tous les petits détails de la vie. D’un côté, cela peut représenter pour nous un réel défi, mais d’un autre, c’est une source de grand réconfort. Quel que soit l’angle sous lequel nous regardons la vie, nous avons besoin de sagesse, et nous pouvons la trouver ! Kidner proclame brillamment cette vérité dans un commentaire qui est probablement le plus cité sur les Proverbes :

C’est un livre qui ne conduit que rarement à l’Église. Comme le personnage de la sagesse, il interpelle celui qui passe dans la rue à propos de quelque affaire de la vie quotidienne, ou attire l’attention sur ce qui se passe à la maison. Sa fonction dans l’Écriture consiste à mettre la piété en bleus de travail3.

Réfléchir pour agir

  1. Quelles sources de sagesse entendez-vous autour de vous aujourd’hui ? Quels types de sagesse offrent-elles ?
  2. Si quelqu’un vous demandait quelle est la place des Proverbes dans la Bible, que répondriez-vous ?
  3. En lisant le prologue (versets 1 à 7), quels mots ou phrases se détachent, et pourquoi ? Comment réagissez-vous dans un premier temps à l’appel qu’il contient ?

Regarder le kaléidoscope tourner

Après avoir constaté et même célébré la complexité des premiers  vers du livre, nous devons reconnaître qu’ils sont néanmoins bien structurés. Les versets 2 à 4 fonctionnent comme un ensemble, avec une succession de verbes à l’infinitif (« pour connaître », « pour comprendre », « pour recevoir » et « pour donner »). Les enseignants considèrent souvent que ces versets résument l’objectif du livre, à savoir orienter le lecteur vers la sagesse sous ses différents aspects : intellectuel au verset 2 (connaître et comprendre), éthique au verset 3 (recevoir les leçons de bon sens, justice, équité et droiture) et pratique au verset 4(discernement, connaissance, réflexion). Ces multiples catégories indiquent que, lorsque nous visons la sagesse, nous visons bien plus qu’un processus intellectuel. Il y a des « instructions » au verset 2 et au verset 3, tant pour la connaissance que pour l’action. Au fur et à mesure que ces vers s’enchaînent et que le kaléidoscope tourne, nous voyons que le type de connaissance présenté ici est une connaissance profonde : celle qui ne peut être séparée de la vie. La sagesse divine imprègne toute la personne, son caractère et sa vie.

Si les versets 2 à 4 résument l’objectif du livre en ce qui concerne la sagesse, les versets 5 et 6 renforcent cet objectif : il faut la rechercher et découvrir ses récompenses. La première partie de cet appel est cruciale : il s’agit d’écouter (v. 5). Les Proverbes ne cesseront d’insister sur le fait qu’entendre (c’est-à-dire écouter humblement les paroles de la sagesse) est le moyen incontournable pour rechercher et trouver la sagesse. Les récompenses sont multiples, incluant non seulement une augmentation du savoir mais aussi des conseils plus pratiques, pour celui qui écoute et comprend ces proverbes.

Le public auquel s’adresse cet appel à la sagesse s’élargit clairement et régulièrement au fil des vers. Au verset 4, les destinataires sont « ceux qui manquent d’expérience » et « les jeunes », confirmant l’idée selon laquelle ce livre était à l’origine destiné aux jeunes dirigeants israélites en formation. « Ceux qui manquent d’expérience » est traduit parfois aussi par « ignorants » ou « simples », comme le sont beaucoup de jeunes gens ; ces mots sont complémentaires. L’appel s’élargit cependant, peut-être pour interpeller ceux qui pourraient lire les premiers versets et estimer qu’ils sont déjà sages et n’ont pas besoin de cette sagesse.

Les destinataires de ces proverbes se révèlent aussi multicolores que la sagesse elle-même. Au verset 5, l’appel s’étend au « sage » et à « celui qui est intelligent », communiquant ainsi le besoin permanent de rechercher et d’appliquer la sagesse, et le besoin d’humilité afin de continuer à écouter. Ce livre n’est pas seulement destiné aux jeunes, cette sagesse est indispensable à tous, jeunes et vieux, hommes et femmes. Je fais partie, et vous aussi, de ceux qui ont besoin de s’arrêter et d’écouter.

Le verset 6 revient sur la compréhension introduite au verset 2 et réitérée au verset 5. La diversité des termes utilisés pourrait faire sourire mais elle semble souligner à quel point ce n’est pas chose facile d’interpréter correctement un « proverbe », une « parabole », des « paroles de sages » et des « énigmes ». Cela semble être une tâche ardue.

Même si nous essayons d’organiser et de catégoriser ces paroles empreintes de sagesse, nous sentons qu’elles constituent des « énigmes » – des mystères qui seront parfois difficiles à résoudre. De nombreux versets vont nous laisser perplexes ! Ils touchent à des connaissances étendues qui nous dépassent. Regarder dans un kaléidoscope peut nous couper le souffle. Nous pourrions penser à la sagesse et à la « très grande intelligence » de Salomon. Il a prononcé 3 000 proverbes et écrit 1 005 cantiques (1 Rois 5.12). Il a étudié les arbres, « depuis le cèdre du Liban jusqu’à l’hysope qui sort de la muraille », et les bêtes, les oiseaux, les reptiles et les poissons (1 Rois 5.13). Le monde de Dieu, tant dans la nature que dans la nature humaine, renferme des strates et des profondeurs que les plus sages d’entre nous trouveront impossibles à appréhender.

Le verset de conclusion du prologue indique la direction à suivre pour faire face à cette tâche ardue.

La sagesse au sein d’une relation avec l’Éternel

Nous avons dit que la sagesse des Proverbes ne s’apprend pas seulement intellectuellement, mais qu’elle se vit au quotidien. Elle n’est pas expérimentée de manière isolée. Nous sommes désormais prêts pour la troisième observation : la sagesse des Proverbes se découvre au sein d’une relation avec l’Éternel. Dans toute l’Écriture, la relation avec l’Éternel Dieu est centrale : nous ne devrions donc pas être surpris qu’il en soit de même dans les Proverbes. Il est important de le constater et de le dire pour éviter de tomber dans le piège de ne voir dans les Proverbes qu’une collection de dictons, plutôt qu’un livre au sujet de notre relation avec Dieu.

Plus nous lisons attentivement ce livre, plus nous voyons que la sagesse consiste à vivre dans une relation active avec Dieu : écouter, suivre, se repentir et, avant toute chose, craindre Dieu. Le verset culminant du prologue affirme : « La connaissance commence par la crainte de l’Éternel » (Proverbes 1.7a). Craindre Dieu (un appel que l’on retrouve tout au long de l’Ancien Testament) c’est autre chose que d’avoir simplement peur, comme nous aurions peur d’un orage ou d’un cambrioleur. Ces peurs sont conditionnées par des objets ou des événements qui nous font souffrir. Une juste crainte de Dieu est également conditionnée par son objet : le Dieu de l’univers, qui s’est révélé dans les Écritures. Craindre l’Éternel signifie le révérer pour ce qu’il est, conformément à sa parole. Le craindre c’est le commencement, le point de départ de toutes ces paroles de sagesse. C’est ce qui fait tourner le kaléidoscope.

Le texte ne parle pas de la « crainte de Dieu » mais de la « crainte de l’Éternel », Yahweh. Il s’agit du nom révélé de Dieu comme celui qui, dans un amour inébranlable, rachète un peuple pour luimême. Oui, l’Éternel est le Créateur souverain de toutes choses.

Oui, l’Éternel est le Juge saint de tous les peuples. L’Éternel Dieu est un Dieu unique. Et pourtant, Yahweh est un nom particulier pour désigner Dieu. C’est le nom que Dieu lui-même a donné à Moïse afin d’expliquer au peuple d’Israël qui est celui qui l’a envoyé pour les sauver d’Égypte : « Voici ce que tu diras aux Israélites : “L’Éternel, le Dieu de vos ancêtres, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob, m’envoie vers vous.” Tel est mon nom pour toujours, tel est le nom sous lequel on fera appel à moi de génération en génération » (Exode 3.15). L’Éternel est celui qui sauve un peuple pécheur, dans sa miséricorde, conformément à ses promesses.

Ce salut a été évoqué pour la première fois dans le jardin d’Éden, après la chute, lorsque Dieu a promis que la descendance de la femme écraserait la tête du serpent (Genèse 3.15). Dieu a fait venir le salut par Abraham et sa descendance, en promettant de les bénir, de faire d’eux une grande nation dans le pays qu’il avait promis de leur donner et, par leur intermédiaire, d’apporter la bénédiction à toutes les nations de la terre (Genèse 12.1-7). À l’époque du roi Salomon, la postérité d’Abraham que Yahweh avait sauvée d’Égypte était effectivement devenue une grande nation prospère, bénissant toutes les nations alentour grâce à la sagesse de son roi. Le peuple d’Israël recevait le fruit des promesses de Yahweh. Et pourtant, ce n’était pas le fruit ultime. Nous lisons aujourd’hui le livre des Proverbes en connaissant l’histoire du royaume d’Israël, qui a prospéré un temps puis qui est tombé, car le peuple de Dieu s’est détourné de l’Éternel.

Mais le nom de l’Éternel dure à jamais. Sa parole s’accomplit toujours. Nous savons également que, conformément à son alliance, l’Éternel a conduit la descendance promise dans ce monde. Elle est venue par la lignée de David, de Salomon et de leurs descendants, par la lignée de Juda, jusqu’à Jésus. Lorsque nous lisons le nom de « l’Éternel » aujourd’hui, nous ressentons la profondeur de ce nom tel qu’il a été révélé dans l’histoire, ainsi que la profondeur de l’amour avec lequel ce nom résonne. C’est le nom du Dieu miséricordieux qui rachète son peuple pour lui-même, ultimement au travers de son Fils.

Le point de départ de la sagesse dans les Proverbes, c’est le point de départ pour le peuple de Dieu de tous les temps : nous devons craindre l’Éternel. Nous devons le révérer pour qui il est selon sa parole. Cette relation avec l’Éternel conditionne tout dans nos vies. Les Proverbes sont remplis de relations humaines, tout comme nos vies : entre parents et enfants, maris et femmes, hommes et femmes qui ne sont pas mariés, dirigeants et citoyens, entre voisins, etc. Mais cette relation avec l’Éternel que nous sommes appelés à craindre est le seul fondement valable. Quelle grâce qu’il se soit révélé à nous ! Quelle grâce qu’il nous ait lui-même rachetés afin de nous rendre capables de le craindre comme son peuple racheté bien-aimé.

La crainte de l’Éternel sera présentée à maintes reprises, à des moments cruciaux du livre. Elle est l’unique point de départ pour une vie de sagesse et sera indispensable tout au long du chemin de la sagesse.

La sagesse ou la folie

Proverbes 1.7 présente cependant une deuxième idée. Ce n’est pas avec une simple déclaration positive concernant la crainte de l’Éternel que le prologue atteint son point culminant, mais avec deux vers poétiques parallèles qui établissent un contraste. Ceci nous conduit à la quatrième observation : la sagesse des Proverbes est l’alternative à la folie.

La connaissance commence par la crainte de l’Éternel.
Il faut être fou pour mépriser la sagesse et l’instruction.

Résumons le contenu du prologue jusqu’ici : une succession de mots lourds de sagesse, un appel irrésistible et kaléidoscopique à la sagesse, la mention du nom même de l’Éternel et l’appel à le craindre. Après tout cela, le deuxième vers du verset 7 fait l’effet d’une douche froide !

Ici, au tout début du livre des Proverbes, nous sommes évidemment censés ressentir le contraste dramatique et mortel qui existe entre la sagesse et la folie. Ces deux chemins sont présents à travers toute la littérature de sagesse, décrivant deux façons de vivre et deux destinations bien différentes. Ce verset est clair : il existe une voie de la sagesse, qui commence par la crainte de l’Éternel, mais il existe aussi une voie de la folie, dans laquelle la sagesse est méprisée et rejetée.

Ce n’est pas que les fous ne trouvent pas ou ne choisissent pas la sagesse, mais plutôt qu’ils la méprisent. Ils la détestent ! Ces deux vers établissent un intéressant parallélisme antithétique. Nous entrerons dans les détails de la poésie plus tard, mais pour l’instant, nous remarquons deux vers associés qui disent des choses tout à fait à l’opposé l’une de l’autre ; c’est ce que j’appelle le « parallélisme antithétique ». On pourrait s’attendre à ce que le « fou » du deuxième vers contraste directement avec un « sage » dans la première partie du verset. Mais ce n’est pas le cas : il n’y a pas de « sage » mentionné dans le premier vers. Il n’y a que la crainte de l’Éternel. C’est à l’Éternel lui-même, et à la crainte qu’il inspire, que ces insensés s’opposent. Les fous rejettent cette relation et en fin de compte, c’est l’Éternel lui-même qu’ils méprisent.

C’est une vérité importante à retenir : les personnes qui choisissent le chemin de la folie n’ont pas seulement besoin d’une argumentation raisonnée, elles ont besoin de rencontrer une personne. Les Proverbes invitent à cette rencontre.

Après avoir énuméré tous les avantages de la sagesse, le prologue ne révèle pas les conséquences de la folie. Les Proverbes aborderont cette question au fur et à mesure des différentes instructions. Nous serons alors confrontés de manière saisissante aux fins diamétralement opposées de la sagesse et de la folie. C’est une question de vie ou de mort ! Le prologue est un appel à la sagesse et à la vie. Il ne nous amène pas sur l’autre chemin ; le contraste dramatique suggère simplement le pire avec une remarque finale sinistre qui vient conclure l’appel extrêmement positif du prologue. La tension créée par le dernier vers nous pousse à aller de l’avant pour saisir la force des mots qui suivent au verset 8 : « Mon fils, écoute l’instruction de ton père ». Les fous méprisent cette instruction (v. 7), celle-là même que les Proverbes nous appellent avec insistance à suivre (v. 2-3).

Christ, notre sagesse

Nous l’avons déjà dit à plusieurs reprises, mais réaffirmons-le comme notre cinquième et dernière observation : la sagesse des Proverbes est présente à travers toute la révélation de Dieu, mais elle est pleinement révélée en Christ. Nous observerons des allusions et des répercussions de cette vérité tout au long du livre. Le prologue lui-même évoque implicitement cette vérité.

La forme du prologue nous oriente dans deux directions : vers l’extérieur puis vers les hauteurs. Dans son introduction, il est question de l’histoire du royaume d’Israël et, à la fin du prologue, de la crainte de Yahweh, l’Éternel, qui a conclu avec Israël une alliance qui se projette loin dans l’avenir. Dès le début, nous découvrons le peuple à travers lequel Dieu a déclaré vouloir manifester sa sagesse, comme nous l’avons vu en Deutéronome 4.6. C’est ce peuple qui, tout au long de la grande histoire de l’Écriture, a reçu maintes fois le commandement de craindre l’Éternel : « C’est l’Éternel, ton Dieu, que tu craindras » (Deutéronome 6.13).

Si nous suivons les traces de ce peuple tout au long de l’histoire, nous constatons qu’il a beaucoup de mal à craindre l’Éternel et à suivre ses lois. Les Israélites n’ont pas fait preuve de sagesse aux yeux du monde comme ils étaient appelés à le faire. Les promesses de Dieu à leur égard se sont néanmoins accomplies au travers du libérateur qui est venu dans leur descendance. C’est dans le Seigneur Jésus que sont cachés tous les trésors de la sagesse et de la connaissance (Colossiens 2.3), c’est lui que l’apôtre Paul appelle « la sagesse de Dieu » (1 Corinthiens 1.24).

S’il est vrai que notre relation avec l’Éternel est au cœur des Proverbes, alors les lecteurs de la Bible n’auront aucun mal à faire le lien entre les Proverbes et Jésus-Christ, le Messie promis ! En effet, en venant à nous, Jésus a rendu possible une telle relation, au travers de sa mort à notre place et de sa résurrection. Nous ne pourrons probablement pas faire abstraction de ce que Paul dit des saintes Écritures : elles « peuvent te rendre sage en vue du salut par la foi en Jésus-Christ » (2 Timothée 3.15).

En parcourant les Proverbes, nous souhaitons garder cette vérité à l’esprit de manière claire mais prudente. Nous voulons, dans un premier temps, nous pencher sur le texte inspiré qui nous est présenté en l’écoutant avec des oreilles ouvertes, comme l’auraient fait les premiers lecteurs. Avec prudence et humilité, nous serons alors prêts à comprendre comment ces paroles témoignent de notre Sauveur, comme il a lui-même dit au sujet des Écritures (Jean 5.39).

Jésus est venu pour nous enseigner et nous montrer la sagesse dans toute sa plénitude. Au plus fort moment du sermon sur la montagne en Matthieu 7, nous ne sommes pas surpris d’entendre Jésus raconter l’histoire d’un homme sage et d’un homme insensé ! Et que nous apprend cette histoire ? Jésus explique : « C’est pourquoi, toute personne qui entend ces paroles que je dis et les met en pratique, je la comparerai à un homme prudent qui a construit sa maison sur le rocher » (Matthieu 7.24). Les Proverbes nous appellent à entendre et à suivre les paroles de la sagesse : « Que le sage écoute » (Proverbes 1.5). Mettons-nous à l’écoute de la sagesse des Proverbes, dont nous avons tous si désespérément besoin, et puisse cette sagesse nous conduire à Jésus !

Jésus est le cadre définitif et parfait de la sagesse des Proverbes. En Jésus se trouve la révélation la plus éblouissante et la plus kaléidoscopique de la sagesse en action. Jésus est le chemin vers une relation avec Dieu. Jésus révèle la folie mortelle de l’autre chemin. La sagesse des Proverbes se déploie entièrement et s’illumine en la personne de Jésus.

Réfléchir pour agir

  1. Les Proverbes interpellent de multiples publics. Lesquels vous semblent particulièrement importants ?
  2. « Les personnes qui choisissent le chemin de la folie n’ont pas seulement besoin d’une argumentation raisonnée, elles ont besoin de rencontrer une personne. » De quelles manières les Proverbes démontrent-ils cette vérité, et comment en avez-vous été témoin vous-même ?
  3. Lisez 1 Corinthiens 1.18-25, et commentez ce que vous découvrez sur la sagesse en relation avec Jésus-Christ.

Chapitre deux

Le prologue nous a invités à la sagesse et à ses fruits. Maintenant,  les Proverbes vont développer cet appel. La première partie de ce chapitre nous fera découvrir la suite de Proverbes 1, avec une instruction paternelle et une interpellation personnelle de la part de la sagesse. Nous, lecteurs, allons donc rejoindre les auditeurs. La deuxième partie de ce chapitre regarde en avant pour découvrir comment le modèle d’enseignement de la sagesse est maintenant établi pour la première grande section du livre.

Écoute, mon fils

Le prologue des Proverbes, dans les versets 1 à 7, est un appel extrêmement positif, qui se termine par un court avertissement négatif. Tout de suite après vient une instruction dont le message développe de façon radicale le point négatif. La structure de cet enseignement se présente comme suit :

▶ Appel initial à écouter (v. 8-9)

▶ Instruction principale (v. 10)

▶ Tentation de ne pas écouter (v. 11-14)

▶ Raisons d’écouter (v. 15-18)

▶ Conclusion de l’enseignement (v. 19)

L’appel initial à écouter (v. 8a) est essentiel, non seulement parce qu’il prolonge l’appel retentissant du prologue (v. 5a), mais aussi parce qu’il établit cet appel (ou une variante de celui-ci) comme introduction de chaque instruction. C’est en réalité l’appel central du livre. Le livre des Proverbes ne dit pas : « Venez confirmer cette liste de vérités ! » Il dit plutôt : « Écoutez ces paroles qui vous sont adressées en direct ! » Dans un cadre chaleureux et vivant, un père et une mère sont présentés ensemble, offrant à leur fils « instruction » et « enseignement » (des mots parallèles qui donnent un poids équivalent aux conseils du père et de la mère). Les deux réponses possibles du fils sont anticipées dans les commandements parallèles : le commandement positif « écoute » et le commandement négatif « ne rejete pas ». Une véritable écoute signifie en réalité ne pas rejeter. Dans les Proverbes, la véritable écoute, comme la véritable connaissance, est plus qu’un exercice intellectuel. Elle implique toujours des conséquences qui changent la vie lorsque les mots pénètrent le cœur et transforment les actions.

Le commandement négatif est au cœur de cette instruction, mais très vite nous apercevons la récompense qui attend ceux qui l’écoutent et qui en tiennent compte. Le verset 9 présente brièvement une image attrayante de la vie bénie du fils qui écoute. La couronne de grâce et le collier évoquent des images de beauté et de richesse, ainsi que des connotations de succès et de prospérité. Nous retrouverons de telles images ailleurs dans le livre des Proverbes. Elles ne cessent d’apparaître et de nous attirer sur le chemin de la sagesse, nous montrant que, même si l’instruction peut parfois nous sembler difficile, les récompenses sont aussi merveilleuses que les plus belles parures et pierres précieuses que nous pourrions imaginer.

Cette première instruction est en effet difficile à recevoir. Juste après le prologue tellement exalté, elle ressemble pour moi à une descente étonnamment rapide vers des scènes sombres et sinistres. L’idée de l’auteur est probablement de nous effrayer en nous montrant la profondeur de cette folie opposée à la sagesse qui, elle, s’élève à des hauteurs vertigineuses. Il s’agit de faire apparaître clairement, dès le début, l’enjeu de cet enseignement : rien de moins qu’une question de vie ou de mort.

Le cœur de cette instruction se trouve au verset 10 : « Si des pécheurs veulent t’entraîner, ne cède pas ! » Aux versets 11 à 14, le père donne un échantillon des messages séduisants des pécheurs qui tentent de persuader le fils de les écouter et de les suivre. (Il devient clair que, bien que la mère soit mentionnée à plusieurs reprises dans les Proverbes, c’est principalement le père qui parle dans ces instructions, en s’adressant à son fils ; voir par exemple Proverbes 4.3.) En prononçant des paroles dures à l’encontre de ces pécheurs, le père montre à quel point leur cruauté est perfide : ils désirent « verser du sang » et « tendre sans raison un piège aux innocents » (verset 11). Ils se comparent eux-mêmes au séjour des morts, car ils veulent engloutir vivants les innocents qu’ils ont l’intention de dépouiller. En même temps, ils promettent des richesses débordantes à tous ceux qui se joindront à eux.

Le père s’exprime à nouveau en son nom au verset 15 (avec un autre « mon fils »), et explique la folie de se laisser diriger par de telles voix. Dans son explication, il utilise une image que les Proverbes montreront à maintes reprises. Lorsque le père dit : « Ne te mets pas en chemin avec eux » et « écarte ton pied de leur sentier », l’image d’un chemin est semée dans notre esprit. Dans ce cas précis, c’est un chemin sur lequel le fils ne doit pas marcher, en compagnie de tels individus.

L’image du chemin reviendra et sera développée. Dans ce texte, le père affirme que le chemin des pécheurs est une voie du « mal », sur laquelle les hommes ne se contentent pas de marcher, mais courent (v. 16). Cette image est développée au verset 17 lorsque ces individus sont comparés à des oiseaux qui, eux, sont suffisamment intelligents pour repérer le filet qui se déploie devant eux. Par un contraste des plus ironiques, ces hommes sont si stupides qu’ils se tendent eux-mêmes un piège sur leur propre chemin. Ils pensent piéger des innocents et verser leur sang (v. 11) alors qu’en réalité, « c’est contre leur propre vie qu’ils dressent des embuscades » (v. 18). Dans les sections suivantes, les Proverbes montreront clairement à quel point la cruauté et la violence détruisent non seulement la vie des autres, mais aussi celle de leurs auteurs.

La conclusion de l’instruction (v. 19) fait ressortir de cette image une leçon plus générale : « Tel est le sentier de tout homme assoiffé de profit ». C’est l’image d’un chemin de péché qui mène à la destruction : une orientation du cœur et de l’action qui détruit la vie. En écoutant cet enseignement, nous devrions nous rappeler que le prologue s’adresse à un public plus large que celui d’une jeunesse qui manque de maturité. L’appel concerne aussi les « sages » et « celui qui est intelligent » (v. 5). Nous pouvons d’ores et déjà comprendre que cette instruction initiale, bien qu’elle mette clairement en garde les jeunes contre le fait de rejoindre des bandes de pillards, nous met en réalité tous en garde contre la tentation de rechercher un profit sur le mauvais chemin.

De manière plus générale, elle nous met en garde contre le fait d’écouter la mauvaise voix. Le cadre est ici très personnel : il met en scène les vraies paroles d’un père à son fils, puis les paroles imaginaires d’hommes pécheurs à ce même fils. Rappelons-nous que les Proverbes ne présentent pas des règles mais une relation : une relation au sein de laquelle nous sommes appelés à écouter des paroles, celles de Dieu. Il est donc logique que nous nous retrouvions parachutés dans des scénarios où des paroles sont prononcées dans le contexte de diverses relations. La question est la suivante : qui prononce les paroles que nous allons entendre ? La prochaine section nous donne la réponse des Proverbes à cette question.

Présentation de la sagesse

Avant que nous entendions la sagesse parler, elle nous est d’abord présentée dans les versets 20 et 21. Dans cette scène (et dans plusieurs autres), les Proverbes représentent la sagesse sous les traits d’une femme. C’est ce que l’on appelle une personnification : une figure de style dans laquelle quelque chose de non humain est décrit comme s’il s’agissait d’une personne. Par exemple, les arbres battent des mains en Ésaïe 55.12 ou encore, la justice et la paix s’embrassent en Psaumes 85.11. Nous savons que ces images ne sont pas vraiment la réalité mais elles nous permettent de mieux percevoir la vérité.

L’image de la sagesse en tant que femme a fait l’objet de nombreuses discussions parmi les commentateurs et critiques. Qui est cette femme ? Pourquoi une femme ? S’agit-il d’un portrait du sexe féminin en tant qu’incarnation de la sagesse ? S’agit-il de la représentation d’une sorte de déesse ? Ou s’agit-il d’une représentation sexiste d’une femme comme étant la récompense à rechercher, dans un ancien manuel de formation pour les hommes ? Ou encore, si nous tentons d’établir un lien entre Jésus et l’ensemble de la Bible comme nous l’avons déjà suggéré, allons-nous nous attirer des ennuis en imposant à Jésus une identité féminine ?

Certains font remarquer que, dans le contexte, il est parfaitement logique que la sagesse soit représentée ici par une femme. Nous avons déjà souligné les interpellations à « mon fils », et avons évoqué l’utilisation ancienne des Proverbes pour former les jeunes dirigeants en Israël (qui étaient tous de jeunes hommes). Il semble donc raisonnable d’imaginer la sagesse sous les traits d’une femme à rechercher. Certes, une figure féminine aurait certainement attiré l’attention des jeunes hommes. Mais la sagesse ne joue pas le rôle d’une femme essayant d’attirer un homme d’une manière romantique ou sensuelle, son objectif est bien plus important que cela. Elle appelle tout le monde, et les jeunes en particulier, à l’écouter et à la suivre car, comme nous allons l’entendre, il s’agit pour tous d’une question de vie ou de mort.

Le commentateur Bruce Waltke fait référence à une tradition savante en lien avec cette figure féminine : les langues ayant des noms masculins et féminins (comme le français) ont généralement conservé cette distinction de genre dans le langage poétique, y compris dans les personnifications. « Le nom abstrait hokmâ (sagesse en hébreu) est féminin et, par conséquent, il est personnifié en tant que femme4 ». Le nom hébreu pour « folie » est également féminin, et nous rencontrerons en effet la personnification de la folie un peu plus loin dans le texte, au chapitre 9.

Comprendre l’imagerie est fondamental pour comprendre la sagesse. Le livre des Proverbes ne prétend pas que la sagesse est réellement une femme. Non, mais elle est personnifiée, décrite, sous les traits d’une femme. Dans le psaume 19, le soleil est représenté sous les traits d’un époux et d’un homme fort, et personne ne s’inquiète de ce que nous puissions confondre le soleil avec un homme ! La meilleure façon de comprendre cette sagesse est de regarder soigneusement l’image. À quoi ressemble cette femme ? Que fait-elle ? Qu’est-ce que cela nous apprend sur la sagesse ? Le prologue nous a fait découvrir la sagesse dans toute sa complexité et sa beauté ; grâce à la représentation de cette femme, nous pouvons maintenant en avoir un aperçu vivant. Nous étudierons son portrait en détail, d’abord ici dans le chapitre 1 où nous rencontrons la sagesse pour la première fois, et surtout plus tard, dans les chapitres 8 et 9 où l’imagerie atteint son apogée.

La sagesse nous est présentée à la suite de la première instruction du père, et elle donne elle aussi un avertissement et une promesse. Ses paroles ont néanmoins un écho plus global, car la sagesse ne s’exprime pas ici dans le cadre d’une scène familiale intime, mais elle lance son appel dans un contexte très public. Quatre verbes parallèles soulignent les paroles qu’elle adresse à tout le monde : elle « crie », « parle tout haut » (verset 20), elle « appelle » et « fait entendre ses paroles » (verset 21). Quatre décors exposent différentes parties d’une ville où toutes sortes de personnes se réunissent afin d’y partager les principales activités de la vie : « les rues » où les gens circulent, « les places » où ils achètent et vendent (verset 20), « l’entrée des endroits bruyants » où tout le monde peut tout voir et entendre et enfin les « portes » de la ville où les dirigeants politiques prennent les décisions (verset 21). La sagesse kaléidoscopique prend vie !

L’appel de la sagesse

Après avoir été présentée, la sagesse prend la parole (v. 22-33). Son avertissement largement négatif est assorti d’un bref instant de promesse positive, comme le suggère ce résumé :

▶ Reproche initial (v. 22)

▶ Promesse pour ceux qui entendent (v. 23)

▶ Avertissement pour ceux qui refusent d’entendre (v. 24-31)

▶ Résumé de l’enseignement : deux voies et deux fins (v. 32-33)

L’introduction du discours (v. 22) s’adresse à trois catégories de personnes sur le chemin de la folie : « ceux qui manquent d’expérience » ; les « moqueurs » (les insensés ou « insolents » qui se font remarquer, et « trouvent plaisir » dans leur moquerie) ; et les « hommes stupides » en général, qui (comme les « fous » du verset 7) « détestent la connaissance ». La sagesse les condamne mais désire ardemment que leur folie puisse prendre fin, répétant ces mots : « Jusqu’à quand ? »

L’ouverture de la sagesse me rappelle les paroles de Dieu interpellant Israël par l’intermédiaire de son prophète Jérémie :

Purifie ton cœur du mal, Jérusalem, afin d’être sauvée !

Jusqu’à quand garderas-tu en toi des pensées de malheur ?

Jérémie 4.14 (voir aussi Nombres 14.11, 27 ; Osée 8.5)

Les paroles de la sagesse offrent ensuite une promesse qui résonne de manière encore plus frappante : si ces gens « reviennent » vers elle lorsqu’elle les réprimande, alors, dit-elle, « je répandrai sur vous mon esprit et je vous ferai connaître mes paroles » (Proverbes 1.23 – BDS). De nombreux commentateurs soulignent le parallèle entre ce verset et la promesse formulée de manière similaire dans Joël 3.1-2 (voir aussi Ésaïe 32.15). Le Nouveau Testament reprend ces promesses, notamment en Actes 2.17, où l’apôtre Pierre cite le prophète Joël pour expliquer l’effusion du Saint-Esprit à la Pentecôte.

Avant de tirer une conclusion trop hâtive face à ces résonances, examinons brièvement le reste de l’appel de la sagesse. Nous avons vu qu’elle s’attachait à regagner le cœur des insensés, voici maintenant qu’elle lance un avertissement solennel à ceux qui refusent d’écouter.

L’avertissement de Proverbes 1.24-31 consiste en deux longues sections introduites chacune par « puisque/parce que » et « alors/ donc/c’est pourquoi ». La première (v. 24-28) se concentre sur ce que la sagesse a fait et sur la façon dont les gens ont réagi, et donc sur la façon dont elle finira par leur répondre. Elle a lancé un appel, elle a étendu sa main, et ils ont refusé d’écouter (v. 24-25) ; c’est pourquoi (« c’est pourquoi » est sous-entendu au début du verset 26) quand le malheur et la terreur fondront sur eux et qu’ils l’appelleront au secours, elle ne répondra pas (v. 26-28). Elle se moquera même de leur détresse. On ne peut s’empêcher de penser à l’image tout aussi saisissante de Psaumes 2.4, où Dieu, dans les cieux, rit et se moque des rois de la terre qui s’opposent à lui.

La deuxième section « c’est pourquoi » reprend les arguments de la première, mais se concentre davantage sur les fous et ajoute une expression importante qui permet de comprendre les versets tout autour. Proverbes 1.29b nous dit qu’ils « n’ont pas choisi la crainte de l’Éternel ». Le verset 30 reprend presque exactement les termes du verset 25 : les insensés rejettent les conseils de la sagesse et méprisent ses réprimandes. Et pourtant, à la lumière de l’avertissement du verset 29, nous comprenons que rejeter les conseils et la réprimande de la sagesse signifie rejeter la crainte de l’Éternel. L’écoute de la sagesse est ici directement assimilée à la crainte de Dieu.

Les deux derniers versets de son discours clarifient le message : les paroles de la sagesse sont la clé. Nous avons le choix : se détourner de son appel et être détruit (v. 32), ou bien être celui qui l’écoute et qui « habitera en sécurité » (v. 33).

Que conclure à ce stade au sujet de cette personnification de la sagesse ? Voici une manière de présenter les choses : cette femme nous donne une image vivante des paroles de Dieu. Elle ressemble souvent aux prophètes, ceux qui prononçaient les paroles mêmes de Dieu. Lorsqu’elle s’exprime, on a le sentiment d’entendre la voix de Dieu ! Son appel est lancé pour que tous l’entendent. Elle promet son esprit et, dans sa miséricorde, elle tend la main. Elle met en garde contre un jugement à venir. Elle affirme que ses paroles peuvent nous faire passer de la mort à la vie. Il est clair que cette sagesse n’est pas une apparition réelle d’une prophétesse, de Dieu, de Jésus ou de qui que ce soit. Non, c’est une image poétique qui éclaire notre imagination et nos cœurs pour nous aider à entendre la voix de Dieu alors qu’il se révèle à nous.

La voix de la sagesse nous aide à comprendre comment Dieu, par sa parole, nous interpelle avec miséricorde dans tous les domaines de nos vies. La voix de la sagesse nous aide à saisir l’ampleur de l’amour de Dieu. Comprendre son souhait de nous voir nous tourner vers lui, mieux comprendre sa grâce qui déverse son Esprit sur nous lorsque nous nous repentons et croyons en sa parole. La voix de la sagesse nous rappelle que Dieu condamne le péché et que, lorsque viendra le jour où il jugera le monde, il sera trop tard pour se repentir. La voix de la sagesse nous avertit solennellement : écouter et suivre la parole de Dieu n’est pas une question d’être plus heureux, mais une question de vie ou de mort ! C’est une question de salut éternel ou de destruction éternelle. « Habiter en sécurité » (v. 33a) implique d’être en sécurité chez soi et d’y rester.

Nous découvrirons bien d’autres choses au sujet de la sagesse dans la suite du texte. Ce n’est que le début, mais un début qui nous aide à comprendre l’appel des Proverbes à écouter. Cela commence avec la crainte de l’Éternel qui se révèle dans sa parole.

Réfléchir pour agir

  1. À votre avis, pourquoi les Proverbes consacrent-ils autant de temps pour présenter le chemin de la folie ?
  2. Avez-vous personnellement entendu la parole de Dieu vous appeler à quitter le chemin de la folie ? Avez-vous un jour interpellé quelqu’un qui marchait sur ce chemin ?
  3. Répondez à cette femme sagesse ! Résumez ce qu’elle nous montre sur Dieu.

La forme du livre

Dans le premier chapitre, l’instruction du père et l’appel de la  sagesse constituent un modèle d’enseignement de la sagesse qui s’étend jusqu’à la fin du chapitre 9. Cet enseignement peut s’organiser de diverses manières, mais beaucoup s’accordent à dire qu’on y trouve dix instructions principales qui commencent par « mon fils ». Les instructions sont entrecoupées de plusieurs sections de sagesse : un discours de la sagesse (comme nous venons de le voir), un poème à propos de la sagesse (chapitre 3), ou un autre genre de texte au sujet de la sagesse. Suite au prologue, les chapitres 1 à 9 constituent la première section principale du livre, que l’on pourrait décrire comme suit5 :

▶ Instruction n° 1 (1.8-19)

▶ 1re section de sagesse (1.20-33)

▶ Instruction n° 2 (2.1-22)

▶ Instruction n° 3 (3.1-12)

▶ 2e section de sagesse (3.13-20)

▶ Instruction n° 4 (3.21-35)

▶ Instruction n° 5 (4.1-9)

▶ Instruction n° 6 (4.10-19)

▶ Instruction n° 7 (4.20-27)

▶ Instruction n° 8 (5.1-23)

▶ 3e section de sagesse (6.1-19)

▶ Instruction n° 9 (6.20-35)

▶ Instruction n° 10 (7.1-27)

▶ 4e section de sagesse (8.1-36)

▶ 5e section de sagesse (9.1-18)

Ce n’est pas par hasard que cette première grande section d’enseignement de la sagesse occupe la première place dans le livre ! Lorsque nous pensons aux Proverbes, ce qui nous vient d’abord à l’esprit c’est souvent la collection des proverbes : un ensemble de courts dictons qui commencent au chapitre 10 et remplissent la plupart des chapitres qui suivent. Trop souvent, nous nous plongeons rapidement dans ces proverbes, sans avoir posé les bases établies par les chapitres 1 à 9.

Ne sommes-nous pas tous un peu tentés de vite commencer à extraire ces pépites de sagesse pour vivre une vie plus heureuse et plus vertueuse ? À bien des égards, les proverbes qui commencent au chapitre 10 sont beaucoup plus accrocheurs et divertissants que les longs textes poétiques des chapitres 1 à 9. Vous vous dites peutêtre que nous pourrions commencer par prendre un proverbe par jour, un peu comme des vitamines, pour que nos journées se déroulent de mieux en mieux. Ce sera peut-être le cas ! Mais voici le piège : si nous ne commençons pas par les fondements posés au début du livre, nous risquons de ne pas vraiment savoir que faire de ces proverbes, et nous serons très probablement frustrés parce qu’ils ne « fonctionnent » pas.

Que faire, par exemple, avec ce couple de proverbes bien connus du chapitre 26, qui semble annoncer des vérités contradictoires ?

Ne réponds pas à un homme stupide suivant sa folie, si tu ne veux pas lui ressembler toi-même ! Réponds à un homme stupide suivant sa folie, si tu ne veux pas qu’il se considère comme sage !
Proverbes 26.4-5

Un proverbe ne peut pas changer notre vie. Deux proverbes pourraient même tout simplement nous embrouiller ! Bien sûr, nous devrions savoir comment appliquer les proverbes dans diverses circonstances. Mais comment ? Nous pourrions finir par démontrer la vérité des propos de 26.7 :

Aussi faible que les jambes d’un boiteux, voilà ce qu’est un proverbe dans la bouche d’hommes stupides.

Alors, comment faire ? Il nous faut d’abord trouver la sagesse. Nous devons écouter la voix de la sagesse, c’est-à-dire la voix de Dieu. Nous devons commencer par la crainte de l’Éternel, sinon nous ne saurons pas comment avancer avec les proverbes. C’est bien pour cela que les Proverbes commencent par ces neuf premiers chapitres. Nous devons nous détourner de la voie de la folie pour apprendre la sagesse en relation avec l’Éternel, en développant une crainte de Dieu au fur et à mesure qu’il se révèle dans sa parole. En vivant au sein de cette relation, nous serons prêts à suivre la sagesse dans tous les méandres de la vie, car c’est le chemin qui mène à la vie et non à la mort.

Nous allons parcourir rapidement les neuf premiers chapitres, mais avec toutefois suffisamment d’attention pour voir comment ceux-ci nous préparent à recevoir les proverbes à venir. Le message principal a déjà été formulé, et il est maintenant développé : pour trouver la sagesse, nous devons écouter, et cette écoute commence par la crainte de l’Éternel.

Suivre les instructions

Trois questions vont nous aider à comprendre les trois prochaines instructions (instructions n° 2, 3 et 4). Nous commencerons par examiner en détail la deuxième instruction, puis les deux autres de manière plus succincte.

Instruction n° 2 (2.1-22)

1. Quelle est la structure de cet enseignement ?

Voilà comment nous pouvons visualiser la structure :

▶ si (v. 1-4)

▶ alors/car (v. 5-8)

▶ alors/car (v. 9-15)

▶ pour/car (v. 16-19)

▶ ainsi/car (v. 20-22)

Ce n’est pas la seule manière de diviser cette instruction, mais elle fonctionne bien car elle s’appuie sur des mots qui représentent des transitions logiques dans ce passage poétique. Je m’explique.

Les versets 1 à 4 contiennent six « si » qui établissent ensemble une série de conditions préalables à tout le reste du poème. Le père dit : « Si tu prêtes une oreille attentive à la sagesse » (BDS). Il appelle son fils à recevoir ses paroles parce qu’il se présente comme porte-parole de l’enseignement de la parole de Dieu (ce qui est le rôle d’un parent, selon Deutéronome 6.1-9). Proverbes 2.1-4 est un texte qui mérite d’être médité* dans la prière : est-ce que je reçois comme je le devrais les paroles de sagesse de Dieu et est-ce que je les garde précieusement dans mon cœur (v. 1) ? Que signifie prêter une oreille attentive et incliner mon cœur (v. 2) ? Est-ce que je recherche la sagesse et l’intelligence comme l’argent, comme le plus précieux des trésors (v. 4) ?

Les « si » sont suivis de deux « alors » : ils indiquent deux conséquences qui suivront si les conditions sont remplies.

La première conséquence est simplement extraordinaire, surtout si l’on se souvient de ce que les Proverbes nous ont enseigné jusqu’à présent : « Alors tu comprendras ce qu’est la crainte de l’Éternel et tu trouveras la connaissance de Dieu » (v. 5). Nous pouvons comprendre la crainte de l’Éternel ! Il ne s’agit pas d’un mystère insaisissable. Si nous recherchons la sagesse, nous la trouverons. Pourquoi ? Le « alors » est suivi d’un « en effet » (v. 6) : « En effet, c’est l’Éternel qui donne la sagesse, c’est de sa bouche que sortent la connaissance et l’intelligence ». Voici la vérité dans toute sa beauté : cette sagesse vient de Dieu, il nous la donne au travers de sa parole. Mais les choses ne s’arrêtent pas là : Dieu devient notre bouclier et il veille sur nous comme sur sa propre famille (v. 7-8).

La deuxième conséquence est introduite par les mêmes mots : « Tu comprendras alors » (v. 9). Les versets 9 à 15 décrivent le processus par lequel la sagesse pénètre dans notre cœur et notre âme, transformant ainsi notre intelligence et nos actes. Nous serons alors gardés par la réflexion et délivrés de ceux qui sont enclins au mal, qui ne marchent pas sur les sentiers de la sagesse mais sur des chemins ténébreux.

Après ces deux conséquences, viennent deux conclusions qui sont introduites dans l’ordre par les adverbes « alors » et « ainsi ». L’une est très précise et négative, l’autre plus générale et positive. La première (v. 16-19), la plus précise, annonce une nouvelle délivrance : celle de la « femme étrangère » (v. 16, que certaines Bibles traduisent par « la courtisane » ou « la femme d’autrui »). Cette femme étrangère est un personnage que nous rencontrerons à nouveau. Deux vers bouleversants la décrivent comme une femme adultère « qui abandonne l’ami de sa jeunesse et qui oublie l’alliance de son Dieu » (v. 17). Le fils qui recherche la sagesse sera délivré d’une telle personne, « car sa maison penche dans la mort » (v. 18).

Le dernier « ainsi » présente le fils en train de marcher « sur la voie des hommes de bien » et « sur les sentiers des justes » (v. 20). La conclusion des versets 21 et 22 récapitule les deux voies : celle des hommes droits qui habiteront le pays, et celle des méchants qui seront exclus du pays. La première instruction s’était terminée par une promesse d’être en sécurité chez soi (1.33). Voici à nouveau l’assurance d’un lieu sûr où l’on pourra vivre et demeurer, au sein de la terre promise.

2. Quelle est l’idée-clé de cette instruction ?

En relisant le texte et en réexaminant notre structure, nous constatons que l’idée-clé est que l’Éternel donne des trésors de sagesse au travers de sa parole, si nous ouvrons nos oreilles et nos cœurs. Il s’agit d’une instruction extrêmement encourageante.

Une fois encore, la crainte de l’Éternel est explicitement mentionnée dans le texte, nous rappelant que tous ces trésors sont le fruit d’une relation avec lui. Au sein de cette relation, nous honorons Dieu pour ce qu’il est selon sa parole, puis nous poursuivons notre chemin dans la sécurité de cette relation.

3. Comment les deux voies (sagesse et folie) sont-elles mises en évidence dans cette instruction ? Et comment sommesnous incités à marcher sur le chemin de la sagesse ?

Les instructions du père mettent en lumière les deux voies, non seulement en les présentant l’une et l’autre, mais en incitant le fils à rejeter l’une et à suivre l’autre. Dans cette deuxième instruction, le chemin de la sagesse est présenté comme étant sûr et agréable : il mène à un lieu de sécurité permanente. En contraste, le chemin tortueux sur lequel les méchants avancent descend vers la mort. En écoutant ces vérités, nous visualisons ce chemin de mort et nous nous en éloignons car nous sommes attirés par le chemin de vie. C’est une instruction réconfortante, qui nous pousse à aller de l’avant et nous fait sentir l’appel plein de grâce de Dieu le Père au travers des paroles de ce père.

En bref, si le message de la première instruction était de se tenir à distance du chemin des méchants, le message de celle-ci est de rechercher le bon chemin.

Instruction n° 3 (3.1-12)

1. Quelle est la structure de cet enseignement ?

La crainte de l’Éternel est présentée ici sous la forme de six commandements. Chacun d’eux est associé à une motivation ou à une récompense reçue pour avoir obéi à ce commandement.

Le livre des Proverbes aime dresser des listes de choses à faire et c’est formidable : cela nous aide à bien comprendre !

En examinant cette liste, notez de quelle manière ces commandements évoluent : au cœur du passage ils se concentrent sur la crainte de l’Éternel (3.7b) puis progressent jusqu’à la récompense d’une relation avec l’Éternel, notre Père aimant qui nous discipline parce qu’il nous aime (v. 12).

2. Quelle est l’idée-clé de cette instruction ?

Craindre l’Éternel implique une vie d’obéissance à sa parole et procure une vie débordante de son amour et de sa bénédiction.

3. Comment les deux voies sont-elles clairement définies ?

Cette instruction se concentre presque exclusivement sur le bon chemin, avec quelques allusions au chemin de la folie qui consisterait à se détourner de la parole de l’Éternel. L’avertissement est ici implicite.

Nos cœurs sont attirés par les promesses : les bénédictions débordent sur le chemin de la confiance et de l’obéissance à la parole de l’Éternel. C’est le chemin de la crainte de Dieu. Nos greniers seront-ils toujours abondamment remplis (v. 10a) ? En poursuivant notre lecture des Proverbes, nous constaterons que la réponse est clairement « non ». Mais pour l’instant, nous pouvons recevoir un modèle digne de confiance : la bonne main de Dieu (y compris sa main de discipline aux versets 11 et 12) est sur ceux qui connaissent la bénédiction de vivre en relation avec lui.

En définitive, si le message de la première instruction était de rester à l’écart du chemin des méchants, et celui de la deuxième de rechercher le bon chemin, le message de cette troisième instruction est de suivre ce bon chemin avec obéissance et d’y jouir de la présence et de la bénédiction de l’Éternel. Instruction n° 4 (3.21-35)

1. Quelle est la structure de cet enseignement ?

▶ Un appel initial à rester sur le chemin de vie de la sagesse (v. 21-24)

▶ Six choses à NE PAS faire le long du chemin (v. 25-31)

▶ Quatre contrastes qui nous encouragent sur le chemin de la sagesse (v. 32-35)

2. Quelle est l’idée-clé de cette instruction ?

Nous serons un jour ou l’autre tentés de désobéir alors que nous avançons sur le chemin de la sagesse : ne désobéissons pas ! Au contraire, persévérons dans la crainte de l’Éternel et dans l’obéissance à sa parole.

Cette instruction est plus négative que les autres. Elle souligne la nécessité de persévérer sur ce chemin car nous serons parfois tentés de perdre de vue la sagesse qui nous appelle à elle. Plutôt que de craindre ce que nous allons rencontrer le long du chemin, il nous faut demeurer dans la crainte de l’Éternel.

3. Comment les deux voies sont-elles clairement définies ?

Cette instruction nous dit de ne pas laisser les choses qui font partie du mauvais chemin traîner sur le bon chemin : elles n’y ont pas leur place ! Nous devons toujours garder à l’esprit d’où nous venons et où nous allons afin de bien ordonner nos pas sur le chemin. La conclusion motive à nouveau notre obéissance par une promesse de bénédiction : l’héritage de la gloire (pour les sages) par opposition au plus grand mépris (pour les insensés).

Cette instruction encourage tous ceux d’entre nous qui ont besoin d’un rappel et d’une motivation à persévérer dans leur marche avec Dieu : je suppose que tout le monde se sent concerné ! Je connais le Seigneur depuis bien longtemps et j’apprécie beaucoup cette instruction. J’ai besoin de cet appel à continuer à marcher fidèlement jusqu’à la fin, sans céder aux peurs ou aux mauvaises habitudes qui pourraient me faire dévier de ma route.

Pour résumer, le message de la première instruction était de ne pas s’engager sur le chemin des méchants. Celui de la deuxième était de rechercher le bon chemin. Celui de la troisième était de marcher sur ce chemin avec obéissance, en recevant des bénédictions en cours de route. Le message de cette quatrième instruction est de rester sur ce chemin jusqu’à la fin, sans se perdre.

Le chemin de la sagesse (et le fondement de la sagesse que ce livre établit) devient de plus en plus clair.

* Méditer : se concentrer et réfléchir sur quelque chose, en particulier un passage de la Bible, pendant un certain temps. Ce sens biblique est très différent de la méditation religieuse orientale, qui consiste souvent à essayer de faire le vide dans son esprit plutôt que de le remplir.

La bénédiction de la sagesse

Nous avons gardé le meilleur pour la fin ! La section de sagesse située entre les instructions 3 et 4 (3.13-20), est l’un des textes les plus beaux (et les plus importants) des Proverbes. On lui a parfois donné le titre d’« hymne à la sagesse ». C’est en effet un poème qui chante les louanges de ceux qui ont trouvé la sagesse. Cette fois, cependant, la sagesse ne parle pas en tant que personnage, mais on parle d’elle.

Le mot-clé de ce texte est « heureux » (bienheureux, béni). Il introduit l’idée principale au verset 13 et conclut le corps principal du poème au verset 18. Cet hymne a souvent été qualifié de béatitude de l’Ancien Testament à cause des parallèles existant avec les béatitudes que Jésus enseigne en Matthieu 5.2-11. Ces béatitudes présentent ce que certains appellent « le bonheur », mais qui, en réalité, est un bien-être encore plus profond de l’âme. Selon Waltke, les sages réservaient ce terme de « bienheureux » aux « gens qui vivent leur vie de manière optimale, comme le Créateur l’a conçu au départ6 ».

La meilleure façon d’assimiler ce poème sur la sagesse est de le lire plusieurs fois à voix haute et de le savourer. Après l’introduction de Proverbes 3.13, deux versets expriment la valeur de la sagesse (v. 14-15), puis deux autres versets décrivent ses bienfaits (v. 16-18). Sa valeur est inestimable ! On ne peut la décrire qu’en faisant appel à des images et en la comparant aux trésors terrestres les plus précieux : l’argent, l’or, les bijoux (v. 14-15 ; rappel 2.4). Tous ces trésors ont une grande valeur, mais la sagesse « est plus précieuse que les perles, elle a plus de valeur que tout ce que tu pourrais désirer » (3.15).

Ses bienfaits comprennent la richesse et la gloire, mais avant tout, dans sa main droite, une longue vie à marcher sur des voies agréables et des sentiers de paix (3.16-17). L’image de l’arbre de vie au verset 18 oriente nos pensées vers la vie éternelle à venir. En Genèse 3.24, après avoir péché, Adam et Ève ont été chassés loin de l’arbre de vie du jardin d’Éden. Désormais, la sagesse s’approche des hommes et offre, en sa personne, la possibilité d’avoir à nouveau accès à cet arbre et de recevoir la vie éternelle.

Ce poème offre une collection d’images qui, toutes, orientent notre réflexion vers la miséricorde divine. Celle-ci redonne la vie à des êtres humains pécheurs qui ont brisé la relation avec leur créateur et qui ont donc été condamnés à mourir. Les images se renforcent dans les derniers versets (Proverbes 3.19-20), où nous lisons que c’est par la sagesse que l’Éternel a créé la terre : des images de création se combinent à de belles paroles de sagesse.

Nous aurons, dans le livre des Proverbes, d’autres aperçus de la sagesse dans ce formidable rôle d’acteur de la création et de source de vie éternelle. Mais déjà maintenant, nos pensées se tournent vers Jésus, par qui et pour qui tout a été créé (Colossiens 1.16). Il est le Sauveur miséricordieux qui s’est approché de nous et a rendu possible notre réconciliation avec notre créateur, par sa mort à notre place et par sa résurrection. En nous attachant à lui par la foi, nous trouvons effectivement la vie éternelle et les chemins de la paix avec Dieu. C’est la plus grande et la plus profonde source de bonheur qui soit !

Nous verrons bien d’autres promesses de bénédictions dans les Proverbes, et nombre de ces bénédictions seront exprimées en termes de trésors terrestres : une longue vie, des profits florissants, des bijoux, etc. Ce sont effectivement des trésors et des cadeaux de Dieu. Mais gardons à l’esprit ce texte et d’autres encore qui évoquent de tels trésors afin de nous rappeler constamment que rien ne peut être comparé aux bienfaits de la sagesse, même les choses les plus précieuses de ce monde.

Réfléchir pour agir

  1. Le père ne cesse d’exhorter à l’écoute de l’instruction. Que devons-nous faire pour écouter véritablement la parole de Dieu ? Comment pouvons-nous le faire mieux ?
  2. Quel genre de cœur génère un sommeil paisible la nuit et bannit la crainte des attaques de la part des méchants (voir Proverbes 3.24-25) ?
  3. Les bienfaits de la sagesse vous font-ils penser à Jésus ? Expliquez.

Chapitre 3

Les instructions se poursuivent aux chapitres 4 à 6 dans lesquels  les thématiques de la sagesse s’imposent de plus en plus dans l’esprit et le cœur de l’auditeur. La première partie de ce chapitre présente Proverbes 4 et ses trois nouvelles instructions : une invitation à suivre la voie de la sagesse et non celle de la folie. La deuxième partie examine en Proverbes 5 et 6 les divers avertissements à s’éloigner de la folie, accompagnés d’instructions au sujet de la folie de l’adultère.

Avons-nous bien compris ?

Nous pourrions croire qu’à ce stade nous avons bien compris l’essentiel. Nous avons entendu l’appel pressant à écouter la sagesse plutôt que la folie. Cet appel a été lancé non seulement de la bouche d’un père sage, mais aussi de celle de la sagesse en personne ! Mais dans sa sagesse, Dieu notre Père sait combien nous sommes lents à nous souvenir de cet appel, et combien nous sommes prompts à nous écarter du bon chemin et à faire demi-tour. Les instructions du chapitre 4 résonnent comme celles de parents qui non seulement se répètent pour s’assurer que leurs enfants ont bien compris, mais qui les poussent aussi à y réfléchir à nouveau et sous un autre angle…

Lorsque nos enfants étaient petits, je leur disais d’utiliser la porte située sur le côté de la maison chaque fois que leurs chaussures étaient boueuses. Évidemment, je leur répétais régulièrement, surtout lorsqu’ils oubliaient : « Pas la porte d’entrée, la porte de côté ! Pourquoi ramener de la boue dans le couloir de l’entrée ? Et réfléchissez : si vous essuyez vos chaussures sur le paillasson, vous mettrez moins de boue à l’intérieur. Et bien sûr, enlevez vos chaussures une fois que vous êtes à l’intérieur ». Et ainsi de suite.

Les quatre instructions des chapitres 1 à 3 des Proverbes ont toutes pour point de départ l’appel d’un père à son fils, l’exhortant à écouter, à recevoir et à garder ses paroles de sagesse. Le même schéma se retrouve dans Proverbes 4 où chaque nouvelle instruction débute de la même manière : le père interpelle son fils et lui demande d’écouter ses instructions (4.1), d’écouter et de recevoir ses paroles (v. 10), et d’y être attentif (v. 20). Non seulement le contenu de l’instruction est ancré profondément en nous, mais il est également l’exemple d’un enseignement parental régulier comme moyen de transmission de la sagesse de Dieu.

Cet exemple correspond à un appel présent à travers toutes les Écritures : les familles sont invitées à transmettre la parole de Dieu aux jeunes générations. Lorsque l’Éternel a donné ses lois à son peuple, il a ordonné : « Tu les répéteras à tes enfants ; tu en parleras quand tu seras chez toi, quand tu seras en voyage, quand tu te coucheras et quand tu te lèveras » (Deutéronome 6.7). Ce principe divin est mis en évidence même lorsque les parents ne parviennent pas à l’appliquer. C’est le cas, par exemple, dans l’histoire tragique du prêtre Éli et du châtiment de Dieu qui s’abat sur sa famille car « ses fils se sont rendus méprisables, sans qu’il les ait réprimés » (1 Samuel 3.13 – COL). De nombreux psaumes soulignent le bienfait de transmettre la vérité de Dieu : « Que chaque génération dise à celle qui la suit combien tes œuvres sont belles. Qu’elle publie tes exploits » (Psaumes 145.4 – BDS). Bien des générations plus tard, le pasteur Timothée a lui aussi profité de ce bienfait comme le reconnaît l’apôtre Paul en parlant de sa « foi sincère » : « Elle a d’abord habité ta grand-mère Loïs et ta mère Eunice, et je suis persuadé qu’elle habite aussi en toi » (2 Timothée 1.5).

Comme nous l’avons vu dans le prologue, les instructions du livre des Proverbes visent un objectif plus global, celui d’enseigner la sagesse à tous. Chacun d’entre nous doit se placer dans la position du « fils » des premiers chapitres. Chacun d’entre nous doit humblement accepter les exhortations à s’éloigner du chemin de la folie pour se diriger vers le chemin de la crainte de l’Éternel. Parallèlement, en observant cette image répétée du père qui parle et du fils qui écoute, nous comprenons l’importance et la beauté de ce moyen de transmission, d’une génération à une autre.

Je me souviens de ce que m’a dit mon père après la naissance de mon premier fils : « Tu tiens dans tes bras l’une des plus belles occasions qui te sera offerte pour présenter l’Évangile ». Je n’ai jamais oublié ces paroles pleines de sagesse. Il existe aujourd’hui de nombreux ouvrages qui traitent du problème des jeunes qui quittent l’Église. Il n’y a pas de solution simple face à ce problème, toutefois on trouve dans les Proverbes un point de départ essentiel : un enseignement sage, régulier (voire insistant) transmis avec amour d’une génération à la suivante. Que nous soyons mères ou pères, oncles ou tantes, enseignants ou amis, nous tous qui avons été bénis par l’enseignement des autres, devons réfléchir à la manière dont nous pouvons contribuer à transmettre la parole de Dieu aux jeunes générations au sein de la famille de Dieu.

Instruction n° 5 : le chemin intergénérationnel

La cinquième instruction (Proverbes 4.1-9) est l’une de mes préférées car elle est très personnelle – mais aussi parce qu’elle fait intervenir un grand-père et une grand-mère ! L’idée principale est la suivante : écoutez attentivement ce conseil de rechercher la sagesse, car il m’a été transmis par mes parents. L’essentiel de l’instruction (v. 4b-9) est une longue citation que le père se rappelle avoir reçue quand, dit-il : « j’étais un fils pour mon père, un fils tendre et unique aux yeux de ma mère » (v. 3). Au verset 1, cette instruction s’adresse à « mes fils » (au pluriel). Cela pourrait indiquer l’importance de transmettre cette sagesse intergénérationnelle à de nombreuses personnes.

Cette instruction rassemble plusieurs des « mots lourds de sagesse » que nous avons rencontrés depuis le début du livre, démontrant ainsi que l’appel à la sagesse reste cohérent au fur et à mesure que cette instruction est transmise. L’appel à l’écoute est double : il provient du père au verset 1, puis du grand-père au verset 4. Les mots cités contiennent un thème récurrent : recherche la sagesse et l’intelligence ! Le verbe « acquérir » est utilisé deux fois au verset 5 et deux fois au verset 7. De toute évidence, il faut rechercher cette sagesse plus que toute autre chose et avec toute notre énergie, jusqu’à la fin de notre vie.

Mais il ne s’agit pas d’une recherche effrénée dans le but d’obtenir quelque chose. Chaque double appel à « acquérir » la sagesse est suivi de conseils qui s’adressent au cœur de la personne qui la recherche. Le verset 6b est une invitation à l’aimer et le verset 8a une exhortation à la tenir « en haute estime » (BFC : « Serre la sagesse contre toi »). Ici encore, la sagesse prend brièvement l’aspect d’une femme qui mérite d’être aimée et appréciée par celui qui la chérit et qui trouve son plaisir en elle. Nous l’avons dit précédemment, la personnification de la sagesse offre une image bien vivante des paroles mêmes de Dieu. Aimer cette sagesse, c’est ressembler au psalmiste qui s’écrie : « Combien j’aime ta loi ! Je la médite toute la journée » (Psaumes 119.97), car « mieux vaut pour moi la loi de ta bouche que 1 000 objets en or et en argent » (Psaumes 119.72).

Chaque double appel à « acquérir » s’accompagne d’une promesse de récompense. En Proverbes 4.6, la sagesse te « gardera » et te « protégera ». Au verset 8, elle « t’élèvera » et « fera ta gloire » (BDS : « te mettra en honneur »). La promesse suprême du verset 9 rappelle les images de la première instruction (voir 1.9) : « Elle mettra sur ta tête une couronne de grâce, elle t’ornera d’un magnifique diadème ».

Instruction n° 6 : les deux voies

Si la cinquième instruction se concentre principalement sur un appel à la sagesse, la sixième insiste à nouveau sur le contraste existant entre la sagesse et la folie. Une fois de plus, le père a recours à des images de chemins, de voies et de routes pour souligner la gravité des enjeux : il s’agit d’une question de vie ou de mort ! La structure est aussi claire que les sentiers eux-mêmes : quatre versets décrivent les « sentiers de la droiture » (4.10-13), quatre versets décrivent le « sentier des méchants » (v. 14-17) puis deux versets concluent en dressant une ultime comparaison (v. 18-19).

Deux choses ressortent de la description de chaque voie. Tout d’abord, le chemin de la sagesse est clairement présenté comme un chemin de vie (voir les versets 10 et 13). Au verset 10, une vie longue est promise au fils qui écoute les paroles de la sagesse, puis lorsqu’on arrive au verset 13, elle prend la forme de cette instruction à laquelle s’attacher, à ne pas délaisser et à garder précieusement car « elle est ta vie ». De nouveau, nous constatons que la sagesse n’est pas une qualité abstraite à rechercher, mais plutôt une relation au sein de laquelle il nous faut vivre.

Ensuite, la vie sur ce bon chemin est une vie de liberté. Les limites du chemin ne constituent pas des barrières mais procurent sécurité et force. Nous pouvons alors y courir librement et sans crainte : « Pendant ta marche, ton pas ne sera pas gêné, et si tu cours, tu ne trébucheras pas » (v. 12). Là encore, nous percevons des échos du psaume 119 : « Je cours sur la voie de tes commandements, car tu épanouis mon cœur » (Psaumes 119.32). Ces concepts seront approfondis dans les maximes à venir. Par exemple, en comparant les paroles de vérité aux paroles mensongères, certains proverbes souligneront le pouvoir libérateur et vivifiant de la vérité, en opposition au pouvoir destructeur du mensonge. Mais ici, dans les premiers chapitres des Proverbes, la voie est tracée et les concepts sont explicités ; avant toute chose, l’appel à la sagesse retentit.

L’entrée du chemin des méchants est jalonnée de panneaux de mise en garde : « N’emprunte pas le sentier des méchants » et « ne t’avance pas » (Proverbes 4.14) ; « Évite-le », « n’y passe pas », « Détourne-toi de lui et passe plus loin » (v. 15).

Deux terribles descriptions dépeignent l’expérience de ceux qui empruntent ce chemin. Premièrement, « ils ne dorment pas tant qu’ils n’ont pas fait le mal » (v. 16a). Si nous ne percevons pas immédiatement l’horreur de la situation, la suite du verset fournit des détails encore plus affligeants : « Le sommeil leur est enlevé s’ils n’ont pas fait trébucher quelqu’un » (v. 16b). Nous savons comment fonctionne notre conscience : elle nous empêche de dormir lorsque nous avons commis une faute. Quelle surprise d’observer ici l’exact opposé d’une conscience saine : pour pouvoir dormir, il leur faut avoir fait le mal, et pas seulement le mal d’une manière générale mais le mal qui consiste à blesser quelqu’un, à le faire trébucher.

La seconde description dépeint, elle aussi, une inversion choquante : au lieu de partager le pain et le vin d’un repas nourrissant, les méchants mangent « le pain de la méchanceté » et le vin qu’ils boivent, « c’est la violence » (v. 17). La perversion est devenue la règle, objet de désir et d’admiration. Quelle description pertinente de la manière dont le mal fonctionne : depuis toujours, il transforme les actes pécheurs contre nature en actes ordinaires de tous les jours.

Les deux derniers versets de cette instruction expriment de façon magistrale ce contraste par le biais de deux images de lumière et d’obscurité. Le verset 18 compare le chemin des justes à la lumière de l’aube : comme l’explique le second vers, il devient de plus en plus lumineux au fur et à mesure que le jour approche. Cette image est pleine d’espoir, elle décrit un chemin qui nous fait progresser vers la vie dans toute sa plénitude, sans aucune trace d’obscurité.

À l’inverse, le verset 19 présente la voie des méchants comme un chemin d’obscurité profonde. Aucun changement n’est possible, il n’y a pas d’espoir, pas de vie. Ironiquement, ceux qui marchent sur ce chemin ne peuvent même pas voir ce sur quoi ils trébuchent, puisqu’ils prennent eux-mêmes plaisir à faire trébucher les autres (voir v. 16).

Instruction n° 7 : le droit chemin

L’instruction qui clôt le chapitre 4 est une invitation à absorber les paroles de la sagesse (v. 20-23) et à les laisser se manifester à travers nous en paroles et en actes vivifiants (v. 24-27). Dans la première moitié de l’instruction, le fils est invité à être attentif aux paroles de la sagesse, à ne pas les perdre de vue et à les « garder dans le fond de [son] cœur » (v. 21). Elles doivent être assimilées en profondeur. Ce verset introduit une attention particulière donnée au cœur, comme le développe ensuite le verset 23 : « Garde ton cœur plus que toute autre chose, car de lui jaillissent les sources de la vie ».

Ces instructions nous renvoient sans cesse aux fondements de la sagesse, indispensables si l’on veut apprécier les proverbes qui suivent à leur juste valeur. Nous avons vu que cette sagesse commence par la crainte de l’Éternel : une crainte qui se traduit avant tout non par des actions mais par une attitude de cœur. Craindre Dieu signifie le révérer pour ce qu’il est et accueillir ses paroles au plus profond de nous avec humilité.

La répétition des ordres « garde mes paroles ! » et « garde ton cœur ! » sous-entend qu’il est nécessaire de continuellement méditer l’instruction de la sagesse. Ne soyons pas comme l’homme que Jacques décrit dans sa lettre, qui regarde son visage dans un miroir mais qui, « après s’être observé, s’en va et oublie aussitôt comment il était » (Jacques 1.23-24). Au contraire, nous devons être comme celui qui « a plongé les regards dans la loi parfaite, la loi de la liberté, et qui a persévéré, celui qui n’a pas oublié ce qu’il a entendu mais qui se met au travail » (Jacques 1.25).

Comme le souligne Jacques, laisser la Parole s’enraciner profondément en nous produira beaucoup de fruits qui jailliront de notre être intérieur. Les Proverbes le confirment également. Proverbes 4.23 est le verset-clé qui souligne ce mouvement de l’intérieur vers l’extérieur : les sources de la vie jaillissent d’un cœur où la sagesse a été soigneusement préservée. Ces sources orientent les paroles et les actions d’une personne en les maintenant, pourrions-nous dire, sur la bonne trajectoire. Sur le droit chemin, il ne peut y avoir de « fausseté » de la bouche ou de « détours » des lèvres (v. 24). Les yeux de celui qui suit ce chemin « regardent bien en face » et ses paupières « se dirigent droit devant » (v. 25). Ne te contente pas de vagabonder sans réfléchir, mais « observe bien le chemin sur lequel tu t’engages » (v. 26 – BDS), dit l’instruction, afin que tes pas ne dévient « ni à droite ni à gauche » (v. 27).

Ces versets devraient inspirer nos prières, surtout pour les jeunes de notre entourage ! Seigneur, dans ta grâce, plante ta Parole au plus profond de son cœur, et que les mots qui jaillissent de sa bouche soient porteurs de vie et de vérité. Seigneur, fais qu’il regarde droit devant lui, les yeux fixés sur Jésus qui marche devant nous. Seigneur, aide-le à marcher sur le bon chemin, sans dévier ni à droite ni à gauche, mais qu’il soit constamment attiré par ta voix lorsqu’il entend et médite tes paroles dans son cœur.

Réfléchir pour agir

  1. Quelles personnes sages (vos parents par exemple) Dieu a-t-il utilisées pour vous instruire dans la sagesse ? Comment ont-elles fait ?
  2. À quelles personnes plus jeunes ou moins expérimentées êtes-vous en train de transmettre la sagesse de Dieu ? Peut-être qu’il s’agit de vos enfants ou d’autres personnes dans l’Église. De quelle manière ces textes des Proverbes vous encouragent-ils à continuer à le faire ?
  3. Quelles vérités trouvées dans ce chapitre 4 des Proverbes pourraient nous aider à ne pas devenir moralisateurs et légalistes alors que nous avançons sur le chemin de la sagesse ?

La folie de la femme qui n’est pas la tienne

Après avoir reçu une instruction indiquant le droit chemin de  la sagesse, observons un instant l’autre chemin, celui des mé-

chants. Nous y retrouvons une femme qui est au cœur des trois instructions finales. Proverbes 2.16 nous l’a déjà présentée, il s’agit de la « femme étrangère », également appelée « l’inconnue au discours flatteur ». Cette femme réapparaît de manière saisissante dans ce chapitre 5 où elle est à nouveau appelée « l’étrangère » (5.3). Elle est systématiquement identifiée comme une femme adultère, c’est-à-dire une femme mariée infidèle à son mari (voir aussi 5.20 ; 6.24, 26, 29 ; 7.19).

Avant de nous pencher sur les avertissements relatifs à cette femme, essayons de répondre à cette question : pourquoi la première section des Proverbes s’attarde-t-elle autant sur cette personne et sur le fléau de l’adultère qu’elle représente ? Le livre des Proverbes examine toutes sortes de folies et de sagesses. Pourquoi cette forme particulière de folie occupe-t-elle une place si centrale dans cette section d’introduction du livre ?

La tentation sexuelle a toujours gravement perturbé les relations humaines. À l’origine, ce livre de sagesse était destiné, entre autres, à la formation des jeunes hommes. Il est donc naturel que la pureté sexuelle y soit une question centrale. En effet, pour les hommes comme pour les femmes, notre genre et notre sexualité sont au cœur de notre identité. Dieu nous a créés ainsi afin que nous reflétions sa gloire. Nous ne pouvons donc pas nous permettre de bousculer l’ordre établi par Dieu dans ce domaine sans remettre en question les fondements mêmes du projet de notre créateur pour la vie humaine.

La pureté sexuelle s’intègre dans quelque chose de plus grand. Si la question se limitait à se tenir à l’écart des adultères, elle serait certes importante, mais il lui manquerait l’ampleur que nous avons déjà pressentie dans le prologue : la beauté de la sagesse est multicolore, son appel s’adresse à un large public et elle est toujours perçue dans le cadre d’une relation avec l’Éternel.

L’appel des Proverbes à se tenir à distance de la femme adultère est assurément un appel aux hommes à garder le lit conjugal pur. Certains ont suggéré que les femmes peuvent aussi appliquer ce principe en rejetant les hommes adultères. Cette suggestion contribue sans aucun doute à élargir le champ d’application du message. Toutefois, l’accent spécifique mis sur le contexte du mariage (par opposition à d’autres contextes de péchés sexuels) doit attirer notre attention sur ce qui est en jeu ici : la relation entre un mari et son épouse. Tout au long des Écritures, l’image du mariage est utilisée pour représenter la relation entre Dieu et son peuple. Dans le Nouveau Testament, elle illustre de manière plus spécifique le lien qui unit Christ à l’Église (voir Éphésiens 5.22-33).

Cela ne veut pas dire que les instructions des Proverbes sur la pureté sexuelle au sein du mariage ne sont que symboliques et ne constituent qu’un appel à être fidèle à notre Seigneur. Toutefois, plus nous prendrons ces instructions des Proverbes au mot et les liront sérieusement, mieux nous pourrons saisir les liens étroits qui existent entre la relation conjugale et celle de Dieu avec son peuple. On ne détourne pas le regard d’une image pour en comprendre la signification. Au contraire, on prend le temps de l’étudier plus en profondeur. Et c’est ce que nous allons faire ! Allons donc à la rencontre de cette femme et regardons attentivement ce que la sagesse aimerait nous enseigner à son sujet.

Instruction n° 8 : un avertissement et une exhortation

La huitième instruction (Proverbes 5.1-23) est à la fois un avertissement à ne pas emprunter le mauvais chemin et une exhortation à marcher sur le bon chemin, en particulier en ce qui concerne le mariage. La structure est claire :

▶ Appel initial (v. 1-2)

▶ Avertissement face au désastre de l’adultère (v. 3-14)

▶ Exhortation à la joie de l’intimité conjugale (v. 15-19) ▶ Ultime plaidoyer contre l’adultère (v. 20-23)

Trois remarques s’imposent à propos de la « femme étrangère », sujet central de la première partie de cette instruction.

Premièrement, nous sommes invités à prêter attention à ses paroles. Cela ne devrait pas nous surprendre car l’introduction du livre a tout de suite mis l’accent sur l’importance des paroles. L’instruction commence par un appel que nous connaissons bien : l’appel du père au fils qui l’invite à être attentif et à prêter l’oreille à son enseignement. Mais la description des lèvres du fils qui retiennent la connaissance (v. 2) est immédiatement suivie de celle des lèvres de l’étrangère qui « ruissellent de miel » et de son palais (c’est-à-dire son langage) « plus doux que l’huile » (v. 3). Il s’agit ici d’une véritable guerre des mots. Le fils risque d’être entraîné loin des vraies paroles de la sagesse par les paroles séduisantes de la femme. L’huile et le miel qui ruissellent créent un charme sensuel, toutefois cet attrait ne provient pas (comme on pourrait s’y attendre) de l’apparence physique de la femme, mais bien de ses paroles ! Le livre des Proverbes nous enseigne le pouvoir de vie et de mort que possèdent les mots.

Deuxièmement, la femme adultère est associée à la ruine et en fin de compte à la mort. Elle n’a pas écouté la sagesse, et quiconque écoute cette femme ne trouvera pas le plaisir qu’elle lui fait miroiter, au contraire, il la trouvera « amère comme l’absinthe » (une herbe âpre, potentiellement toxique) et « coupante comme une épée à deux tranchants », c’est-à-dire aiguisée pour tuer (v. 4). Nous savons que la parole de Dieu est « plus tranchante que toute épée à deux tranchants » dans le sens où elle convainc de péché afin de produire la repentance et la vie (Hébreux 4.12). Cette femme à la parole douce est aussi une épée à deux tranchants mais elle ne produit que la mort. La suivre, c’est suivre celle dont les « pieds descendent vers la mort » et dont les « pas aboutissent au séjour des morts » (Proverbes 5.5). La dernière description faite de cette femme est profondément dramatique. Alors que le conseil de la sagesse en 4.26 (BDS) était de bien observer le chemin sur lequel on s’engage, cette femme « se garde bien d’examiner le chemin de la vie. Ses voies sont des voies d’errance, mais elle ne le sait pas » (5.6). C’est une âme perdue, qui entraîne d’autres âmes à s’égarer à leur tour.

Troisièmement, suivre cette femme aura des retombées non seulement individuelles mais aussi communautaires. Les versets 7 à 14 décrivent tout ce que perd l’homme qui suit cette femme : sa force, son honneur et ses revenus pour une maison qui n’est pas la sienne. À la fin de sa vie, nous entendons de sa bouche une litanie de regrets personnels : « Comment donc ai-je pu détester l’instruction et comment mon cœur a-t-il pu mépriser le reproche ? Comment ai-je pu ne pas écouter la voix de mes maîtres ? » (v. 12-13). Mais sa honte est également collective, il l’exprime avec force dans ses dernières paroles : « Me voilà vite tombé dans le pire des malheurs au milieu de l’assemblée du peuple » (v. 14 – BDS). Cette image est une sérieuse mise en garde : non seulement nous sommes sous la menace d’un grand malheur, mais, en tant que membres de la famille de Dieu, nous souffrons de notre malheur au milieu de « l’assemblée du peuple », c’est-à-dire de la famille des croyants réunis. Notre déshonneur est une honte devant Dieu et devant sa maison, sa famille.

Cet avertissement négatif est particulièrement puissant. Plus percutante encore est l’exhortation positive qui suit et qui nous encourage à choisir le contraire de l’adultère : une joyeuse intimité conjugale ! Contrastant avec les images mièvres d’huile et d’herbes amères, la deuxième partie de cette instruction est ponctuée d’images d’« eau » (v. 15a), d’eaux qui « jaillissent » d’une « fontaine » (v. 15b – BDS), de « sources » et de « ruisseaux » (v. 16, 18a) ; autant d’images qui célèbrent les joies du plaisir sexuel au sein du mariage. L’eau provient de « ta propre citerne […] de ta fontaine » (v. 15 – BDS). Les illustrations et le vocabulaire rappellent le Cantique des cantiques, et le message est le même : une célébration de l’amour exprimé sexuellement dans le cadre du mariage. Le message est clair : « Fais ta joie de la femme de ta jeunesse » (v. 18b).

Nous devrions nous délecter à lire des passages comme celui-ci ! En effet, ils contribuent à repousser les ténèbres de la perversion sexuelle qui nous environnent dans le monde d’aujourd’hui. Ce qui est merveilleux, c’est que la force qui repousse ces ténèbres n’est pas composée de règles ou de contraintes (même si elles sont parfois utiles). Au contraire, c’est la beauté de l’amour conjugal qui permet d’illuminer le paysage et qui dévoile la perversion telle qu’elle est.

Sans complexes, ce texte invite le mari à laisser les seins de sa femme le remplir de plaisir : « Enivre-toi sans cesse de son amour » (v. 19). Le verbe « s’enivrer » est à nouveau utilisé au verset 23 pour décrire comment le méchant se perd : « C’est de l’excès de sa folie qu’il s’enivrera ». Mais au verset 19, le mari s’enivre des charmes de son épouse, et c’est une bonne chose. En opposition directe, ce qui est mal est présenté dans les lignes qui suivent :

Pourquoi, mon fils, t’enivrerais-tu d’une étrangère et embrasserais-tu la poitrine d’une inconnue ?
Proverbes 5.20

L’instruction conclut en prenant un peu de recul et en offrant une vue d’ensemble : « En effet, les voies de l’homme sont devant les yeux de l’Éternel : il examine tous ses sentiers » (v. 21). En définitive, c’est le regard de Dieu sur nos chemins qui fait toute la différence. En suivant le conseil de la sagesse de bien observer le chemin sur lequel nous nous engageons (4.26 – BDS), nous sommes en train d’essayer de voir les choses comme Dieu les voit.

Dans cette conclusion, l’Éternel n’intervient pas pour juger celui qui s’est égaré du droit chemin. On découvre plutôt un homme pris au piège, enchaîné par son péché et qui meurt par manque de discipline : « Il périra faute d’avoir été discipliné, il s’égarera enivré par l’excès de sa folie » (5.23 – BDS). En définitive, c’est ça le jugement de Dieu, car Dieu a créé le monde pour qu’il fonctionne d’une certaine manière. La sagesse consiste à écouter et à suivre cette voie, en marchant dans la crainte de l’Éternel. Ce chapitre met sous nos yeux un exemple saisissant de la folie qui méprise la sagesse et l’instruction (voir 1.7) et qui conduit à la mort plutôt qu’à la vie.

Les avertissements de la sagesse

Le dernier verset de Proverbes 5 nous rappelle que nous sommes en train d’observer le chemin de la folie. Nous avons reçu une instruction au sujet de la folie de l’adultère et une autre viendra prochainement. En attendant, nous abordons une section de sagesse qui met en parallèle trois types de folie. Chacun d’eux se termine par le même piège mortel dans lequel nous avons vu l’adultère tomber. Tous les trois désignent par contraste la voie de la sagesse comme le meilleur chemin.

Proverbes 6 commence par « mon fils » et on pourrait croire à juste titre qu’il s’agit du début d’une nouvelle instruction. Cependant, les versets 1 à 19 constituent un ensemble d’avertissements plus généraux. À partir du verset 20, l’appel caractéristique du père à son fils retentit à nouveau, l’exhortant à écouter ses paroles. Les descriptions constantes et percutantes du malheur qui s’abattra soudainement sur tous ceux qui se livrent à la folie remplissent majoritairement cette section.

Premièrement, les versets 1 à 5 sont une mise en garde contre le danger de se porter garant pour quelqu’un d’autre. Nous retrouverons ce thème ailleurs dans les Proverbes. Chaque fois que

cette question revient, j’ai l’impression que c’est toujours un peu au hasard, et presque un peu méchant. Pourquoi ne pas aider une autre personne à obtenir un prêt en engageant un peu de son propre argent ? Ce type de « folie » semble presque ridicule à côté de la folie tragique de l’adultère, non ? C’est peut-être justement ça l’idée : la folie existe sous différentes formes et à des degrés différents. Le manque de vigilance qui mettrait en danger ses propres biens n’est peut-être qu’une variante, de moindre intensité, du manque de vigilance qui mènerait à partager les plaisirs intimes du mariage avec des étrangers.

Toutes sortes de nuances peuvent être apportées sur le sujet. Par exemple, il importe de savoir qui nous aidons et pourquoi, quelle est la situation de cette personne et quelle est la nôtre. Il ne s’agit pas d’un appel à ne plus être généreux mais plutôt à être prudent. Toutefois la voix de la sagesse ne prend pas le temps d’ajouter des réserves ici. Son avertissement est pressant et l’homme ne doit pas s’endormir avant d’avoir tenté de se dégager d’une promesse insensée. La dernière phrase donne deux images fortes d’un désastre imminent :

Dégage-toi comme la gazelle de la main du chasseur, comme l’oiseau de la main de l’oiseleur.
Proverbes 6.5

Deuxièmement, les versets 6 à 11 sont une mise en garde contre la paresse. L’homme qui s’était porté garant de manière inconsidérée a peut-être besoin d’un coup de pouce ! Il a peut-être le même problème que le paresseux dont il est question ici et qui est sévèrement repris.

Il s’agit du fameux mot d’ordre : « Va vers la fourmi, paresseux ! » (v. 6). Il lui est suggéré d’observer le comportement travailleur des fourmis et d’apprendre d’elles la sagesse. Sans même un chef pour la diriger, la fourmi travaille à préparer et à amasser sa nourriture pendant l’été et au moment de la récolte. La fourmi connaît l’ordre établi par le Créateur et organise sa vie à la lumière de cet ordre. Dans un contraste à la fois délirant et délicieux avec la petite fourmi bien organisée, le grand paresseux (qui, lui, a un chef et des règles) reste allongé en se disant : « Somnoler un peu, [se] reposer encore, juste croiser les mains pour dormir ». Nous connaissons tous ce sentiment, n’est-ce pas ? Mais l’avertissement tombe, à nouveau sous la forme de deux images fortes d’un désastre imminent :

Voilà que la pauvreté te surprend comme un rôdeur, et la misère comme un homme armé.
Proverbes 6.1

Troisièmement, les versets 12 à 15 sont une mise en garde contre celui que nous pourrions appeler le trompeur malveillant. Cet homme ressemble au paresseux dans le sens où c’est un « vaurien » qui ne fait rien de bon (v. 12). Mais à la différence du paresseux, il est actif, il s’affaire à tromper les autres, à « méditer le mal » et à « provoquer des conflits » (v. 14). Le verset 13indique que son corps tout entier est animé par sa méchanceté : il cligne des yeux, tape du pied, fait des signes accusateurs avec ses doigts, comme un méchant petit pantin dans un spectacle de marionnettes qui essaye d’attirer l’attention sur lui. L’avertissement à propos de ce fou laisse brusquement place à une image plus générale mais tout aussi inquiétante d’un désastre imminent. Ce personnage va s’effondrer :

C’est pourquoi la ruine le surprendra soudain, tout d’un coup il sera brisé sans remède.
Proverbes 6.15

La section se termine par un zoom arrière qui permet d’admirer la vision d’ensemble de l’Éternel. Les versets 16 à 19présentent le premier des ensembles de proverbes numériques de ce livre, avec six, puis sept éléments. De telles listes progressent souvent vers un point culminant, mais pas toujours. Elles suggèrent parfois aussi que cette liste pourrait s’allonger indéfiniment ! Ces choses pour lesquelles l’Éternel éprouve de la haine vont dans toutes les directions et en particulier vers l’homme malveillant qui vient d’être décrit. Sa « langue menteuse » (v. 17a) correspond à « la fausseté aux lèvres » (v. 12b) du personnage précédent. Son « cœur qui médite des projets injustes » (v. 18a) rappelle « la perversité » dans le cœur du personnage correspondant (v. 14a). L’expression « celui qui provoque des conflits » (v. 19b) reprend mot pour mot les termes du verset 14b ; ce dernier élément montre à quel point tout le mal précédemment cité aboutit à une rupture des relations humaines.

L’Éternel voit et déteste ces manifestations du mal qui émanent d’un cœur rempli de pensées perverses (v. 14a). La folie ne se limite pas à des actions que l’on peut définir comme mauvaises. La folie est un rejet personnel d’une sagesse qui a pour point de départ la crainte de l’Éternel. En tout premier lieu, la folie détruit notre relation avec le Créateur. En dehors du cadre de cette relation, toutes sortes d’insensés trébuchent sur le chemin recouvert de profondes ténèbres, comme nous l’avons observé. Nous avons rencontré différents types de folies, notamment celle de l’adultère, à nouveau mise en évidence dans le texte qui suit.

 

Instruction n° 9 : retour à l’adultère

Suite à toutes ces mises en garde insistantes, nous devrions être disposés à recevoir le message des versets 20 à 24 : cet appel est une forme d’introduction à cette nouvelle section. Comme dans la toute première instruction, le père et la mère sont mentionnés comme étant les enseignants, ce qui souligne peut-être l’image d’une union conjugale qui ne doit pas être brisée. Les termes et expressions qui qualifient leurs enseignements sont les mêmes que ceux utilisés dans les Écritures en référence à la parole de Dieu. Le fils doit attacher ces paroles sur son cœur, les laisser le diriger et lui parler (v. 21-22) :

En effet, le commandement est une lampe et l’enseignement une lumière,
et les avertissements de l’instruction sont le chemin  de la vie.
Proverbes 6.23

Le psalmiste affirme de la même manière : « Ta parole est une lampe à mes pieds et une lumière sur mon sentier » (Psaumes 119.105).

La femme mauvaise que nous avons rencontrée précédemment réapparaît dans cette instruction. L’appel préliminaire se termine en affirmant que ces enseignements préserveront le fils des « flatteries de l’inconnue » (Proverbes 6.24). Alors qu’une nouvelle guerre des mots s’engage, nous sommes censés comprendre que la langue doucereuse de la femme adultère est en contradiction directe avec la parole de Dieu.

L’instruction se divise ensuite en deux parties distinctes : premièrement, un avertissement à ne pas se laisser séduire par la femme adultère (v. 25-29) ; deuxièmement, les conséquences qui suivent l’adultère avec elle (v. 30-35). Les raisons invoquées semblent presque étonnamment pragmatiques :

Celui qui commet un adultère avec une femme manque de bon sens.
Il veut se détruire lui-même, celui qui agit de cette manière.
Proverbes 6.32

Nous devons nous rappeler que dans un monde créé et dirigé par l’Éternel, il est profondément insensé de se rebeller contre les lois de Dieu, quel que soit le domaine. Il est donc parfaitement logique que les conséquences du terrible dérèglement de l’adultère soient redoutables.

Notons à nouveau la position centrale du mariage et la gravité du péché sexuel qui s’y rattache. Le verset 26 (BFC) affirme, de manière assez mystérieuse, que le prix d’une prostituée n’est qu’une bouchée de pain, alors que pour une femme mariée, en revanche, « on risque sa vie entière ». Cela ne signifie pas que la prostitution est banalisée, mais lorsqu’un mariage est brisé à cause de l’adultère, le prix à payer est bien plus élevé.

Au commencement, Dieu a institué le mariage afin de nous révéler quelque chose à son sujet, quelque chose qui ne cesse de se préciser tout au long de l’histoire biblique, quelque chose à propos de la relation qu’il entretient avec son peuple et qu’il entretiendra pour toujours, grâce au salut accompli par son Fils Jésus-Christ. Le mariage est au cœur de la création de Dieu et de la manière dont il communique avec nous. Dans le monde de Dieu, l’adultère n’a vraiment pas sa place.

Nous n’en avons pas encore fini avec la femme adultère. Elle fera une autre apparition spectaculaire au chapitre 7, au moment de la dernière instruction. Nous aurons alors l’occasion d’entendre les paroles de sa langue doucereuse et de la voir en action. Mais d’autres voix vont s’exprimer avant la fin de cette première section des Proverbes. Nous devons observer une dernière fois les deux chemins de la sagesse et de la folie, et également entendre et répondre à la voix de la sagesse qui nous appelle à la vie plutôt qu’à la mort.

Réfléchir pour agir

  1. On dit parfois que rendre visite à la femme étrangère reviendrait de nos jours à aller sur un site web pornographique. Quels parallèles y voyez-vous ?
  2. Pour quelles raisons est-il important pour nous tous (mariés ou non) de comprendre l’importance de la pureté et de la beauté du mariage ?
  3. Sur un autre sujet, que pouvez-vous apprendre des fourmis ?

Chapitre 4

La première grande section des Proverbes s’achève par des voix  qui interpellent, les mêmes voix que celles entendues tout au long de cette introduction. Nous examinerons tout d’abord les chapitres 7 et 8 qui présentent un contraste saisissant. Au chapitre 7 (la dernière instruction), le père présente et fait entendre une femme adultère très séduisante. Puis au chapitre 8, la sagesse lance un appel qui se termine par une invitation à écouter et à suivre. Enfin, le chapitre 9 conclut la section par une mise en scène frappante qui indique le choix à faire, et comment réussir à le faire.

Une histoire et une leçon à apprendre

Suite aux deux instructions précédentes qui mettent en évidence des situations d’adultère, le père change de stratégie dans cette dernière instruction. Celle-ci commence par l’appel habituel invitant « mon fils » à écouter (7.1-5). Mais le père poursuit en racontant une petite histoire afin de bien illustrer ce qu’il vient de dire. C’est un habile conteur. Il commence par planter le décor (v. 6-9). Ensuite, un grand danger apparaît et la tension monte de façon spectaculaire (v. 10-20) jusqu’à atteindre son point culminant et son épilogue soudain (v. 21-23). Finalement, le père conclut en élargissant et en expliquant l’idée centrale de cette histoire (v. 24-27).

L’appel du père exhorte à nouveau le fils à retenir et à garder ses paroles (quatre fois). Il est question de s’imprégner des préceptes de Dieu (v. 1 – BDS), d’y trouver la vie et le plaisir (v. 2), et de les tenir non seulement dans ses mains, mais de les écrire « sur la table de ton cœur » (v. 3). Nous commençons désormais à connaître la sagesse, nous sommes donc prêts à comprendre l’importance d’appeler la sagesse « ma sœur » et l’intelligence son « amie » (v. 4). Dès l’introduction du livre, l’accent est mis sur les relations personnelles, et ce type de relation intime avec la sagesse, au travers de ses paroles, permettra au fils de se tenir loin de la femme adultère, de « l’inconnue au discours flatteur » (v. 5).

Le décor donné à cette histoire est particulièrement bien pensé. Le père se décrit lui-même en train de regarder par la fenêtre de sa maison et il ajoute un détail intéressant : il regarde à travers le treillis (ou : la croisée, les persiennes, les rideaux). Ainsi, au fil du récit, nous restons conscients que nous voyons et entendons cette histoire à travers les yeux et la voix du père sage (même lorsque celui-ci cite les propos de la femme). Cette histoire est sa dernière instruction, destinée à être retenue et transmise comme telle.

De sa fenêtre, le père aperçoit un jeune homme (v. 7). Comme nous l’avons vu en 1.4, il représente le public que ciblent les Proverbes. Ce jeune homme « manque d’expérience » (7.7) : c’est en ces termes qu’est décrit celui qui commet l’adultère en 6.32. Ce jeune homme marche dans la rue, près de l’angle où se tient la femme adultère, puis se dirige lentement vers sa maison (7.8 ; voir 5.8). Les références croisées entre ces deux passages nous aident à voir dans cette histoire l’aboutissement de tous les conseils du père au sujet de l’adultère ! Le décor est rapidement planté, mais il rassemble tout ce qui précède et prépare le lecteur à ce qui va suivre.

Petit à petit, l’ampleur du danger se précise : quatre versets le décrivent (7.10-13) et sept versets retransmettent les paroles de la femme (v. 14-20). Elle est « habillée comme une prostituée » (v. 10) mais elle est mariée (v. 19) : c’est une épouse dont les « pieds ne tenaient pas en place chez elle » (v. 11). « Bruyante » et « effrontée », elle saisit le jeune homme, l’embrasse… et lui parle. En effet, elle le « séduit » (v. 21) par ses paroles, faisant appel à tous ses sens. De nombreux commentateurs suggèrent que le fait de mentionner qu’elle a offert des sacrifices (v. 14) suppose qu’elle a rapporté chez elle de la viande fraîchement préparée. Ils peuvent ainsi partager un repas ensemble. Par ses paroles, elle l’attire à l’intérieur : pour goûter la viande, pour voir ses magnifiques tissus en lin d’Égypte, pour sentir l’odeur de son lit parfumé à la myrrhe, à l’aloès et au cinnamome… Ce sont des mots forts et très suggestifs. Le jeune homme ne dit pas un mot.

Le discours de la femme est clairement trompeur. Elle reconnaît apprécier les rituels religieux afin d’emporter chez elle quelques restes savoureux. Son discours est une invitation à « s’enivrer d’amour » (voir 5.19) alors qu’elle évoque ouvertement son mari qui ne sera pas de retour à la maison avant longtemps (7.19-20). Elle a « la ruse dans le cœur » (v. 10) et ses désirs sont pervers, mais elle ne cache pas au jeune homme ce qu’elle recherche. Toutes les descriptions de la femme adultère dans les Proverbes la présentent telle qu’elle est. L’idée n’est pas de lui demander de changer sa façon de vivre, même si ce sujet mériterait de faire l’objet d’un autre livre ou d’une autre histoire. Le message des Proverbes consiste plutôt à montrer que la tentation du mal existe bel et bien. Nous, lecteurs, devons nous reconnaître dans celui appelé à y résister.

Dans cette histoire, le jeune homme ne résiste pas. Le point de non-retour est atteint « tout à coup » et nous comprenons qu’il suffit d’un bref instant d’abandon pour que les conséquences soient désastreuses. Son sort est comparé à celui d’animaux (et d’un fou) capturés puis violemment abattus :

Il s’est tout à coup mis à la suivre, pareil au bœuf qui va à la boucherie, au fou qu’on attache pour le corriger, jusqu’à ce qu’une flèche lui transperce le foie. Il était pareil à l’oiseau qui se précipite dans un piège sans savoir que c’est au prix de sa vie.
Proverbes 7.22-23

En conclusion : suivre le chemin de la sagesse est une question de vie ou de mort ! Nous pourrions presque entendre la voix du père se briser à la fin de son récit, tant il souhaite que son fils (et tous les fils ! voir v. 24) écoute ses paroles et protège son cœur pour ne pas s’égarer sur le chemin de folie qu’il vient de nous décrire. À nouveau, nous prenons de la hauteur, et le père décrit les nombreuses victimes de cette femme, « tous ceux qu’elle a détruits » sur son chemin (v. 26) : « Sa maison, c’est le chemin du séjour des morts qui descend vers les chambres de la mort » (v. 27).

Que faire de ce message aujourd’hui ? Le monde dans lequel nous vivons tournerait en dérision ce conseil d’éviter l’adultère ! Le concept même de l’adultère présuppose certaines vérités fondamentales au sujet du mariage que beaucoup contestent. Nous ne pouvons cependant nous empêcher de remarquer que la plupart des combats les plus virulents de notre société concernent des questions de genre, de sexualité et de mariage. Ces questions touchent au cœur de notre humanité. D’un point de vue biblique, elles remettent en cause notre création en tant qu’êtres humains à l’image de Dieu, hommes et femmes. À terme, nous le servirons et l’adorerons tous ensemble en tant que son corps, son Église rachetée par son Fils.

La sagesse des Proverbes insiste fortement sur ces questions dès l’introduction, en nous demandant d’examiner sérieusement la tentation de l’adultère et de privilégier vivement la beauté de la fidélité conjugale. Ce chemin de la sagesse opposé à celui de la folie, nous l’expérimentons chaque jour de bien des manières : dans la façon dont nous prêtons de l’argent, dans la qualité de notre travail, dans la façon dont nous traitons les gens qui nous entourent, etc. Un cœur rempli des paroles de la sagesse fait toute la différence entre une personne qui sera attirée par la folie et celle qui restera sur le chemin qui mène à la vie, au sein d’une relation fondée sur la crainte de l’Éternel.

C’est dans cette direction que nous avançons, alors que la première section des Proverbes touche à sa fin. Nous entendons la voix de la sagesse et nous dirigeons vers elle, en absorbant ses paroles, ce qui fait toute la différence.

L’appel de la sagesse

Passer du chapitre 7 au chapitre 8 c’est faire un grand saut entre la voix de la femme adultère et la voix de la sagesse. Ces deux femmes appellent les gens à les écouter et à les suivre. Alors que la femme adultère conduit de nombreuses personnes à la mort, nous observons maintenant la sagesse offrir la vie à de nombreuses personnes. La femme adultère, qui a pris la parole au chapitre 7, était une femme bien réelle, en chair et en os : une femme prise au piège des plaisirs sensuels et charnels. En revanche, le chapitre 8 marque le retour de la personnification de la sagesse rencontrée au chapitre 1 (v. 20-33) qui criait et élevait sa voix partout dans la ville.

Dans l’introduction de cette quatrième et ultime section de sagesse, nous la retrouvons en train de crier et d’élever sa voix dans des lieux publics où toutes sortes de personnes peuvent l’entendre (8.1-3). Le début et la fin de ce discours nous rappellent une formidable vérité : avec miséricorde, ces paroles continuent à nous appeler aujourd’hui encore, aussi stupides et pécheurs que nous sommes.

Entre l’introduction (v. 1-3) et l’appel final (v. 32-36), le discours du chapitre 8 se divise en trois grandes sections. Premièrement, la sagesse parle de la qualité de ses paroles (v. 4-11), puis des bienfaits qu’elle procure (v. 12-21) et enfin de son identité (v. 22-31). La sagesse se révèle progressivement dans chacune de ces sections, comme si elle levait petit à petit son voile : nous ne pouvons alors que nous émerveiller de ce que nous voyons.

Ses paroles

L’appel de la sagesse à écouter et à suivre ses paroles (v. 4-11) ressemble beaucoup aux nombreux appels du père. Nous sommes évidemment censés établir ce lien : ces deux voix offrent la même sagesse, fondée sur la crainte de l’Éternel. Il n’y a aucune autre source de sagesse en dehors de l’Éternel. Cette vérité est au cœur du discours de la sagesse.

La sagesse appelle les « êtres humains » (v. 4), c’est-à-dire tout le monde. Les versets suivants mentionnent ceux qui « manquent d’expérience » et les « stupides ». Ce sont eux qui sont ici montrés du doigt mais tout le monde a besoin d’être interpellé à un moment ou à un autre, afin d’être orienté sur le droit chemin par la voix de la sagesse. On peut faire confiance aux paroles de la sagesse, car ce qu’elle dit est « capital », elle parle avec « droiture », elle proclame « la vérité » par des paroles qui sont « justes », « exactes » et « droites » (v. 6-9). Elle nous rappelle la mise en garde contre « la fausseté » (4.24 ; 6.12) que nous avons entendu sortir de la bouche d’une autre femme (7.14-20). La sagesse précise explicitement que « toutes les paroles de [sa] bouche sont justes » et qu’il n’y a en elles jamais « rien qui soit faux ou perverti » (8.8).

La comparaison avec l’argent, l’or et les perles des versets 10 et 11 nous est familière. La sagesse reprend ici l’hymne du chapitre 3, affirmant que gagner la sagesse vaut mieux que l’argent ou l’or (3.14) et qu’elle « est plus précieuse que les perles » (3.15). Le chapitre 3 précisait alors que la sagesse « a plus de valeur que tout ce que tu pourrais désirer » (3.15), les mêmes mots sont rappelés ici : la sagesse « a plus de valeur que tout ce qu’on pourrait désirer » (8.11). Le message est le suivant : « Écoutez ! Mes paroles vous diront la vérité. Cette vérité est plus précieuse que tout ce que vous pourriez rechercher ! »

Ses bienfaits

Après avoir proclamé l’excellence de ses paroles, la sagesse explique cette excellence en énumérant certains des bienfaits qu’elle procure (v. 12-21). Une fois de plus, nous retrouvons un condensé des mots lourds de sagesse évoqués dans le prologue : discernement, réflexion, conseil, raison et intelligence (v. 12-14). Le fondement annoncé est à nouveau « la crainte de l’Éternel » (v. 13a) : en accord avec tout le message du livre, cette crainte trace une ligne de démarcation entre la sagesse et la folie. Cette crainte, dit la sagesse, « c’est détester le mal » et elle souligne à nouveau qu’elle déteste l’arrogance, l’orgueil et la bouche perverse (v. 13).

Les versets 15 et 16 appliquent les bienfaits de la sagesse plus particulièrement aux dirigeants politiques : la sagesse permet aux rois, aux gouvernants, aux princes et aux nobles d’exercer un juste pouvoir. Assurément, ces « proverbes de Salomon, fils de David, roi d’Israël » (1.1) sont le fruit de cette vérité, appliqué avec éclat au contexte du peuple que l’Éternel Dieu a appelé pour lui appartenir. Mais « les chefs, les grands, tous les juges de la terre » (8.16), y compris tout souverain terrestre qui gouverne avec sagesse, ont tous reçu de Dieu une sagesse dont il est la source.

La sagesse lance ici un appel universel : elle souhaite distribuer ses bienfaits partout dans le monde. Nous l’avons entendue s’adresser aux « êtres humains ». Elle appelle maintenant des gens qui ont une qualification particulière : ceux qui l’aiment. « J’aime ceux qui m’aiment », dit-elle, « et ceux qui me cherchent me trouvent » (8.17). Nous devrions nous arrêter un instant et prendre le temps de méditer ce verset. Il contient des échos des paroles de Dieu à son peuple : dans Deutéronome 4.29 par exemple, Dieu dit : « Tu chercheras l’Éternel, ton Dieu, et tu le trouveras si tu le cherches de tout ton cœur et de toute ton âme ». Au travers des Écritures, nous entendons la voix de Dieu qui appelle son peuple – son peuple parmi toutes les nations – et qui promet que lorsque nous répondrons à son appel et que nous le rechercherons, par sa grâce, nous le trouverons (Jérémie 29.13-14). Mieux encore, il nous aime. Ces bienfaits sont tout à fait personnels.

Proverbes 8.18-21 regorge de trésors d’amour : richesse et gloire, biens durables et justice ; une curieuse combinaison de dons à la fois matériels et spirituels, tous plus précieux que l’or, même l’or pur (v. 19). Voilà « l’héritage », dit la sagesse, offert « à ceux qui m’aiment » (v. 21). Un héritage survit toujours à la mort. L’impression dominante est celle d’un trésor durable, voire éternel, qui attend tous ceux qui recherchent la sagesse de tout leur cœur.

Son identité

Dans les versets 22 à 31, le discours atteint son niveau le plus glorieux. La sagesse révèle ici qui elle est, et affirme qu’elle était déjà avec Dieu avant la création du monde : « L’Éternel me possédait au commencement de son activité » (v. 22). La poésie ressemble à celle de Job et nous invite à imaginer l’éternité des temps passés :

J’ai été mise au monde quand il n’y avait pas de mer, pas de source chargée d’eau.

Avant que les montagnes ne soient formées, avant que les collines n’existent, j’ai été mise au monde.
Proverbes 8.24-25

Le verbe posséder du verset 22 a suscité de nombreux débats dont nous ne pouvons pas rendre compte ici de manière adéquate. Toutefois, le sens de ce mot semble clairement indiquer que la sagesse a été générée par Dieu et non pas créée par Dieu à un instant donné (comme certaines anciennes traductions l’ont laissé entendre).

L’idée centrale de cette section est la présence de la sagesse aux côtés de Dieu lors de la création : « Lorsqu’il a disposé le ciel, j’étais là » (v. 27). L’Éternel a demandé à Job : « Où étais-tu quand je fondais la terre ? » (Job 38.4). La sagesse dit qu’elle était déjà là, mais elle affirme plus encore. Voici la déclaration la plus formidable qui soit, une affirmation qui fait référence au temps de la création, lorsque l’Éternel a fixé les limites de la mer et tracé les fondations de la terre :

J’étais à l’œuvre à ses côtés. Je faisais tous les jours son plaisir, jouant constamment devant lui, jouant dans le monde, sur sa terre, et trouvant mon plaisir parmi les hommes.
Proverbes 8.30-31

Ces mots font écho à des vérités qui seront révélées bien plus tard dans l’histoire de la rédemption :

Au commencement, la Parole existait déjà. La Parole était avec Dieu et la Parole était Dieu. Elle était au commencement avec Dieu. Tout a été fait par elle et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans elle.
Jean 1.1-3

Ce que Jean écrit au sujet de la Parole, la sagesse des Proverbes l’affirme à propos d’elle-même. En tant que maître d’œuvre aux côtés de Dieu, la sagesse se présente comme l’agent de la création de Dieu, celle par qui tout a été fait. La sagesse revendique pour ellemême le rôle que le Nouveau Testament attribue au Fils de Dieu : la Parole qui s’est faite homme et qui a habité parmi nous (Jean 1.14). Paul dit que « tout a été créé par lui et pour lui » (Colossiens 1.16).

Ces vérités qui se font écho devraient nous pousser à nous émerveiller devant le projet éternel de Dieu qui, petit à petit, se déploie sous nos yeux. Tout pointe finalement vers Jésus. Cependant, gardons bien à l’esprit le contexte particulier des Proverbes qui se situe à un moment précis du déroulement de ce grand projet. Cette figure de la sagesse n’est pas présentée comme une sorte d’apparition divine, mais bien comme une image (une personnification) qui oriente nos regards vers quelque chose de bien plus grand. À la lumière de toutes les Écritures, nous pouvons dire que cette image, même si elle n’est pas le Christ, oriente nos regards vers le Christ. Kidner dit à ce sujet : « La personnification de la sagesse, loin de dépasser la vérité littérale, était une préparation à sa pleine affirmation7 ».

Dès que Dieu révèle pleinement sa parole dans le Christ, nous entendons les auteurs du Nouveau Testament célébrer sans réserve cette Parole en tant que « Jésus-Christ, lui qui est devenu, par la volonté de Dieu, notre sagesse » (1 Corinthiens 1.30), « en lui sont cachés tous les trésors de la sagesse et de la connaissance » (Colossiens 2.3). Le livre des Proverbes annonce cette plénitude à venir, en l’illustrant réellement à travers ses paroles inspirées de Dieu.

Au beau milieu de ces discussions théologiques, nous ne devrions pas passer à côté du sentiment de joie et de plaisir débordants qui est au cœur de ce texte. Les termes utilisés en Proverbes 8.30-31 (BDS) tissent un motif de joie dans les perfections de la création de Dieu : « objet de ses délices », « je dansais », « jouant sur la surface de la terre », « je trouvais mes délices ». Le plaisir se déverse sur le même public auquel la sagesse s’adresse : les êtres humains (v. 4b ; v. 31b). L’appel de la sagesse dans les Proverbes n’est pas un appel théorique à la vertu. C’est l’appel de l’Éternel aux êtres humains qu’il a créés à son image, pour sa gloire et pour sa joie !

Dans sa conclusion, la sagesse (v. 32-36) interpelle ses « fils » (au pluriel) faisant écho à la voix du père et offrant un ultime appel général. Cet appel est à la fois une invitation à écouter l’instruction pour devenir sage, mais aussi une promesse de bénédiction (v. 32, 34 ; voir aussi 3.13) pour tous ceux qui veilleront aux portes de la sagesse jour après jour. Les deux derniers versets donnent un éclairage ultime concernant les deux chemins : « Celui qui me trouve a trouvé la vie », dit la sagesse, et « tous ceux qui me détestent aiment la mort » (8.35-36).

Réfléchir pour agir

  1. L’histoire du jeune homme (Proverbes 7) est l’histoire frappante d’une personne qui a cédé à la tentation. Quels éléments de ce récit correspondent à votre propre expérience ?
  2. Choisissez quelques versets du chapitre 8 et lisez-les à haute voix pour le plaisir. Que révèlent ces versets au sujet de Dieu ?
  3. Jetez un coup d’œil à la fin des Écritures et lisez Apocalypse 5.11-12. De quelle manière la sagesse est-elle enfin pleinement révélée dans cette scène ?

Réelle ou allégorique ?

Si le chapitre 8 est le point culminant de la première section du  livre des Proverbes, le chapitre 9 constitue une étape parfaite pour introduire la section suivante. En entendant toutes ces voix qui nous appellent, il est évident que nous devons répondre. C’est ce que le dernier chapitre de cette section nous invite à faire.

Commençons par un aperçu de la structure générale de ce chapitre. La section d’introduction et la section de fin de chapitre s’équilibrent l’une l’autre car deux femmes y sont en concurrence directe : la sagesse (9.1-6) et la folie (9.13-18).

De nombreux commentateurs voient dans ces figures féminines deux personnifications opposées : ces deux figures féminines illustrent les qualités qu’elles représentent. Pour la sagesse, cela ne pose pas de problème : nous avons déjà rencontré cette personnification à plusieurs reprises. Pour la folie, c’est un peu plus délicat : non seulement nous n’avons pas encore rencontré cette personnification, mais nous avons entendu parler de femmes en chair et en os qui lui ressemblaient beaucoup. Nous serons très vite en mesure de reconnaître la femme adultère dans ce portrait.

On pourrait défendre l’idée que la folie du chapitre 9 est effectivement une femme bien réelle : la femme adultère. À mon avis, il est plus facile de défendre l’option suivante : la folie du chapitre 9 est, comme la sagesse, une figure allégorique qui personnifie la folie. Certes, la folie est représentée sous les traits de la femme adultère, mais elle n’est pas ici appelée la femme adultère : elle est appelée la folie ou la femme insensée. Ce qui est mis en avant dans ce texte, ce ne sont pas les détails de son adultère mais plutôt le fait que cette femme offre tout le contraire de la sagesse : elle apporte la mort plutôt que la vie.

Nous allons examiner en détail ces deux portraits, mais pour l’instant, nous remarquons que ces deux personnages profondément opposés se situent précisément à l’opposé l’un de l’autre dans le chapitre : au début et à la fin. Au milieu, de sages instructions sont dispensées (v. 7-12). Certains considèrent que les versets 7 à 12 sont la suite des paroles prononcées par la sagesse. C’est tout à fait possible. Cependant, le contraste flagrant et spectaculaire entre les versets 1 à 6 et les versets 13 à 18indique plus probablement que ces sections sont parallèles et que la section médiane est distincte du reste du chapitre.

Cette section centrale est thématiquement reliée dans les deux sens, à la fois à la sagesse et à la folie. Il existe toutefois une raison majeure qui nous porte à considérer la section médiane de ce chapitre comme centrale : au cœur de celle-ci se trouve le message principal de tout le chapitre, qui est en réalité une reprise du message principal de tout le livre.

La sagesse de plus près

Avant d’aborder la partie centrale du chapitre 9, examinons l’une après l’autre les sections du début et de la fin en commençant par la première, avec la sagesse.

Nous avons rencontré la personnification de la sagesse un peu plus tôt, mais elle n’était pas chez elle. Elle se trouvait dans les quartiers animés de la ville, appelant tout un chacun à écouter ses paroles. Maintenant, elle est à l’œuvre dans sa maison, d’où elle envoie ses jeunes servantes lancer ses invitations (v. 3).

Avant l’appel, il y a le décor (v. 1-3) et il faut nous y arrêter pour en admirer les différents aspects. Chaque détail de l’histoire a pour sujet la sagesse. Tout tourne autour de ce qu’elle a fait, et elle a tout fait :

La sagesse a construit sa maison, elle a taillé ses sept colonnes. Elle a abattu son bétail, mélangé son vin et dressé sa table.
Proverbes 9.1-2

La scène se situe manifestement dans la maison de la sagesse où elle a préparé un grand festin. Elle a tout préparé de A à Z en commençant par la maison qu’elle a construite elle-même ! Les sept piliers ont fait l’objet de nombreux débats, mais la plupart des commentateurs sont arrivés à la conclusion qu’ils démontrent simplement à quel point cette maison est grandiose et peut accueillir beaucoup de monde. Dans les Écritures, le chiffre sept symbolise souvent la perfection ou la plénitude (voir par exemple Apocalypse 1.12-20). Ces piliers pourraient bien évoquer ces mêmes qualités chez la sagesse ainsi que dans son œuvre. En fait, la sagesse a réalisé parfaitement tout le travail depuis le gros œuvre jusqu’aux finitions. Quelle belle réussite : de la taille des grands piliers à l’abattage des bêtes pour la viande, en passant par la préparation des vins et la mise en place de la table. Elle a tout fait pour ses invités, il ne leur reste plus qu’à entrer et à festoyer avec elle.

Maintenant que le décor est planté, l’appel peut être lancé :

« Qui manque d’expérience ? Qu’il entre ici ! »

Elle dit à ceux qui sont dépourvus de bon sens :

« Venez manger de mon pain et boire du vin que j’ai mélangé ! Abandonnez la naïveté et vous vivrez, avancez sur la voie de l’intelligence ! »
Proverbes 9.4-6

À qui s’adresse son appel ? À ceux qui « manquent d’expérience » et « à ceux qui sont dépourvus de bon sens ». Quel était le premier public mentionné dans le prologue du livre (et à de nombreuses reprises par la suite) ? C’était « ceux qui manquent d’expérience » (1.4), qui manquent de maturité, bien souvent les « jeunes ». Qui était la victime de la femme adultère au chapitre 7 ? Un jeune homme « qui manque d’expérience », un « garçon dépourvu de bon sens » (7.7 ; voir aussi 6.32). La dernière image du chapitre 7 s’inscrit dans le contexte des neuf premiers chapitres, s’adressant à chaque être humain, certes, mais portant une attention toute particulière à celui qui n’a pas encore trouvé le bon chemin ou qui serait tenté de s’en écarter.

Cette attention particulière ressort de la nature même de cet appel, invitant celui qui manque d’expérience à changer de direction : « Qu’il fasse un détour par ici ! » (9.4 – COL) et « Abandonnez la naïveté et vous vivrez ! » (v. 6). Ces deux phrases passent de la simple description physique de l’appel (faire un détour) à sa véritable signification (vivre). Il s’agit clairement d’une représentation symbolique d’un appel à passer de la mort à la vie, au travers des paroles de vie qui nous indiquent le chemin.

Résonances bibliques

Il faut être vigilant lorsque nous cherchons à déterminer la signification de ces images. Il est important de prendre en compte le contexte et d’éviter les sauts allégoriques* qui tendent à établir des correspondances directes entre les différents éléments du texte. Le repas dans la maison de la sagesse n’est pas une image de la Cène dans l’Ancien Testament. Cependant, il se peut que parfois nous ne prêtions pas l’oreille à certaines résonances bibliques de l’Ancien et du Nouveau Testament. Le mot « résonances » suggère que nous pouvons entendre des échos et ainsi comprendre de quelle manière un thème est peut-être connecté à un autre. Nous pouvons aussi comprendre comment tous ces thèmes se développent à travers les Écritures, sans pour autant les enfermer dans des tableaux et des listes de significations symboliques spécifiques.

Festoyer dans la présence de l’Éternel est, par exemple, un thème biblique présent à travers toutes les Écritures. Déjà dans Exode 24, une scène mystérieuse attire notre attention : Moïse et soixante-dix des anciens** d’Israël montent sur la montagne et contemplent la gloire resplendissante de la présence de Dieu. Moïse résume en quelques mots ce qu’ils ont fait sur cette montagne : « Ils virent Dieu, puis ils mangèrent et burent »

(Exode 24.11). Ce thème du festin en présence de Dieu ne cesse de se développer. Pensez à tous les jours de fête mis en place par Dieu dans le cadre des cérémonies habituelles du culte des Israélites. Il y avait la fête des pains sans levain, associée à la fête de la Pâque : le pain et la viande consommés pendant ces fêtes symbolisaient la délivrance par Dieu de son peuple esclave en Égypte. Toutes ces fêtes étaient centrées sur les œuvres de Dieu en faveur de son peuple.

Un peu plus tard, les prophètes ont parlé des festins à venir dans la présence de Dieu. Ésaïe, par exemple, a dépeint une scène qui résonne fortement avec le festin de la sagesse :

Sur cette montagne, l’Éternel, le maître de l’univers, prépare pour tous les peuples un festin de plats succulents, un festin de bons vins, de plats succulents, pleins de moelle, de bons vins clarifiés.
Ésaïe 25.6

Ces résonances sont de plus en plus nombreuses au fur et à mesure que la grande histoire de la rédemption se précise. L’Agneau promis par Dieu, son propre Fils, vient sauver son peuple. Non seulement il multiplie les pains et nourrit des foules de milliers de personnes, mais il dit à ses disciples : « C’est moi qui suis le pain de la vie » (Jean 6.35). Et de leur expliquer ce qu’il fera pour eux afin qu’ils puissent manger, boire et ainsi vivre : il va offrir sa vie en sacrifice (Jean 6.50-55). Il accomplira toute l’œuvre du salut pour eux, afin qu’ils puissent vivre.

Le livre de l’Apocalypse associe ce thème du festin à d’autres images, laissant à nouveau entrevoir certaines réalités que nous ne sommes pas encore en mesure de comprendre pleinement. En tant qu’épouse du Christ, nous, les croyants, attendons avec impatience le repas des noces de l’Agneau, où nous serons vêtus d’un « fin lin, éclatant, pur » (Apocalypse 19.6-9). Ce symbole est clairement expliqué en Apocalypse 19.8 où il est dit que « le fin lin, ce sont les œuvres justes des saints* ». Il nous est également dit qu’« il a été donné [à l’épouse] de s’habiller » de ce lin. La justice nous a été accordée, car quelqu’un d’autre a fait le travail à notre place. Jésus est mort pour nous et il est ressuscité. En plaçant notre confiance en lui, nous avons accès à la salle du festin.

La sagesse a accompli tout le travail et nous convie dans sa maison, afin de festoyer autour du pain et du vin qu’elle a préparés pour nous.

J’ai pris le temps d’explorer quelques-unes de ces résonances, tellement elles sont belles et riches. Bien évidemment, la meilleure façon de les apprécier n’est pas de chercher un mot pour en trouver toutes les références dans la Bible, mais plutôt de lire inlassablement nos Bibles et d’observer ces thèmes prendre sens à mesure que le récit biblique se déroule sous nos yeux. Ce n’est que lorsque nous arriverons nous-mêmes à la fin de l’histoire, lorsque Jésus reviendra, que nous comprendrons parfaitement de quelle manière tous ces thèmes se conjuguent en lui. Mais les Écritures sont pleines d’indices qui nourrissent nos âmes durant cette attente.

* Allégorique : qui exprime un sens caché en utilisant des personnages, des objets ou des histoires symboliques.

** Anciens : dans l’Ancien Testament, hommes qui étaient les chefs d’Israël (ou, dans certains contextes, chefs de leur tribu ou de leur famille).

La folie de plus près

La folie personnifiée présente à la fois quelques similitudes surprenantes avec la sagesse mais surtout des différences majeures. La section qui lui est consacrée ne se contente pas de planter le décor, mais nous présente aussi son caractère : elle est « bruyante, naïve » et « ne sait rien » (Proverbes 9.13). Elle est l’exemple par excellence du manque de bon sens.

La folie n’a pas la créativité nécessaire pour faire quoi que ce soit par elle-même, elle ne peut qu’imiter les autres. Plusieurs des phrases de cette section reprennent mot pour mot la section de la sagesse. Comme elle, la folie se place sur « les hauteurs de la ville » (9.14). La première partie de son invitation est identique à

celle de la sagesse (voir v. 16 et v. 4). Elle promet, elle aussi, nourriture et boisson.

Mais les similitudes ne peuvent masquer les différences. Prenons le temps d’en observer quelques exemples. La sagesse travaille sans relâche alors que la folie reste assise à la porte de sa maison ; la folie n’offre pas le vin qu’elle a préparé elle-même, mais de l’eau volée (v. 17), ce qui rappelle l’eau jaillissante provenant « de ta propre citerne » (5.15 – BDS). La sagesse cherche à détourner les insensés de leur mauvais chemin alors que la folie interpelle les passants « qui vont droit leur chemin » (9.15) dans le but de les diriger vers le sien.

Le dernier verset met à jour la folie du plaisir qu’elle offre, tout en rappelant (encore une fois !) que ce qui est en jeu ici est une affaire de vie ou de mort (voir 2.18-19 ; 5.5 ; 7.27) :

Et il ne sait pas que là se trouvent les défunts, que ceux qu’elle a invités sont dans les vallées du séjour des morts.
Proverbes 9.18

La vérité enseignée de façon répétée n’est pas, bien sûr, que vous allez mourir immédiatement si vous commettez un adultère, même s’il s’agit en effet de la sanction prévue dans l’Ancien Testament (voir Deutéronome 22.13-30), et même si le « séjour des morts » mentionné ici n’est pas l’enfer mais bien la tombe. Cependant, nous constatons que le chemin de la folie entraîne la mort à de nombreux niveaux, sans aucun espoir éternel. Le chemin des justes est un chemin qui devient de plus en plus lumineux jusqu’à la pleine lumière du jour (4.18). La route des méchants est une route « plongée dans l’obscurité » à perte de vue (4.19 – BDS).

* Saints : c’est-à-dire les chrétiens.

La clé au cœur du chapitre

Comment bien faire la différence entre ces deux chemins ? Comment enseigner à la prochaine génération, aux jeunes qui nous entourent, à choisir la bonne maison, celle qui est pleine de vie et de festins et non celle qui mène à la mort ?

La clé se situe au cœur du chapitre :

Le commencement de la sagesse, c’est la crainte de l’Éternel. La connaissance du Dieu saint, voilà en quoi consiste l’intelligence.
Proverbes 9.10

En offrant une clé qui permet de choisir la sagesse plutôt que la folie, ce verset donne une cohésion au chapitre tout entier. D’autre part, avec la déclaration phare du prologue (1.7), il forme une « inclusion » (une sorte de sandwich). Ces deux versets agissent en quelque sorte comme des serre-livres qui maintiennent toute la première section du livre.

Ce n’est que dans le cadre d’une relation avec l’Éternel, avec crainte et dans une humble écoute de ses paroles, que l’on peut reconnaître la bonne maison. Veiller et monter la garde aux portes de la sagesse (8.34) nous permet de la connaître de mieux en mieux et d’apprendre à distinguer sa voix de celles des imposteurs. Seule cette « connaissance du Dieu saint » nous procure le discernement dont nous avons tant besoin. Ici, par sa parole, l’Éternel nous appelle à le connaître et à le suivre, lui et lui seul.

Lorsque nous le suivons, avec crainte, nous sommes rendus capables de recevoir ses sages instructions, et c’est ce que nous devrons faire dans le chapitre 10. La section centrale du chapitre 9 (v. 7-9) souligne également cette vérité en comparant la manière dont une personne sage et une personne insensée reçoivent l’instruction. Pour résumer, l’insensé déteste et maltraite le maître alors que le sage aime le maître et apprend la sagesse.

Les versets 11 et 12 annoncent les résultats : au verset 11, celui qui écoute la sagesse vivra plus longtemps ; le verset 12 avertit solennellement que chacun assumera individuellement les conséquences de ses choix. Nous ne saurions nous cacher au milieu d’une foule de sages ou d’insensés. La connaissance du Dieu saint est une connaissance personnelle. C’est formidable ! La merveilleuse sagesse divine atteint chacun de nous individuellement, au moyen de la parole de Dieu, puis finalement par la Parole faite chair qui est venue habiter parmi nous.

Nous sommes à présent avertis et préparés à recevoir les instructions qui se présenteront sous la forme de proverbes individuels. Les avertissements ont été sévères, mais les promesses de vie sur le chemin de la sagesse débordent de bénédictions.

Réfléchir pour agir

  1. Comment vivez-vous chaque jour les appels antagonistes de la sagesse et de la folie ?
  2. La crainte de l’Éternel est à la fois au cœur du chapitre 9 et de part et d’autre des chapitres 1 à 9. Essayez de résumer ce que vous avez appris au sujet de la crainte de l’Éternel dans les Proverbes.
  3. De quelles manières la figure de la sagesse vous montret-elle les bénédictions du salut en Christ ?

Chapitre cinq

La première grande section des Proverbes (chapitres 1 à 9) nous  a aidés à reconnaître que la sagesse commence par la crainte de l’Éternel. Sur cette base, nous sommes prêts à recevoir, à partir du chapitre 10, l’enseignement des « proverbes » à proprement parler. Tout d’abord, nous essayerons de comprendre ce qu’est un proverbe et comment fonctionne la poésie. Puis nous nous intéresserons au chapitre 10, en prêtant attention à certains proverbes en particulier.

Qu’est-ce qu’un proverbe ?

Nous n’avons pas, pour l’instant, beaucoup parlé de poésie, mais depuis le début de notre étude, nous en avons beaucoup lu ! La littérature de sagesse peut inclure à la fois poésie et prose, mais le livre des Proverbes est entièrement constitué de poésie, d’une grande variété de genres.

Qu’est-ce que la poésie ? Contrairement à la prose, qui en général développe des idées à travers des phrases et des paragraphes, la poésie est un langage plus concis, le plus souvent sous forme de vers. La poésie est un langage condensé, soigneusement structuré, qui en dit le plus possible avec le moins de mots possible. Pour s’exprimer, la poésie utilise souvent des images, ou du moins une forme d’imagerie.

Dans une grande partie des neuf premiers chapitres des Proverbes, nous trouvons un style de poésie qui développe des idées sur plusieurs vers. Mais au chapitre 10, nous rencontrons la collection des proverbes. Certains d’entre eux sont regroupés et développent une même idée, mais beaucoup sont indépendants les uns des autres. Comment définir ce qu’est un proverbe ? On dit souvent qu’un proverbe, c’est de la sagesse concentrée. En tout cas, c’est surtout de la poésie condensée. Un proverbe est un dicton court et percutant, facile à retenir.

Selon le professeur Leland Ryken, un proverbe apporte un « instant d’épiphanie8 », c’est-à-dire une illumination soudaine. Très souvent, la lecture d’un proverbe fait jaillir de nos lèvres un « Ça c’est vrai ! » lorsqu’une vérité devient tout à coup claire à nos yeux. « Un cœur joyeux est un bon remède, mais un esprit abattu dessèche les os » (17.22). Ça c’est vrai ! « Un avertissement donné par une personne sage et reçu d’une oreille attentive est comme un anneau d’or et une parure d’or fin » (25.12 – BDS).

Ça c’est vrai !

Ce type de proverbes se retrouve dans toute la Bible, pas seulement dans le livre des Proverbes ou dans les livres de sagesse en général. Jésus a lui-même parfois adopté cette façon d’enseigner, par exemple lors du sermon sur la montagne. Jacques propose lui aussi plusieurs proverbes dans sa lettre, par exemple : « Celui qui doute est semblable au flot de la mer, que le vent agite et soulève » (Jacques 1.6). Mais le livre des Proverbes représente une concentration exceptionnelle de ces concentrés de sagesse.

La rime des idées

Attardons-nous un instant sur deux caractéristiques principales de la poésie des Proverbes : le parallélisme et les images. Ces deux éléments caractérisent toute la poésie de l’Ancien Testament, mais leur impact est condensé et accentué dans les proverbes individuels.

Le parallélisme fait référence à une combinaison recherchée entre deux unités de sens comparables. Lorsque nous lisons des proverbes traduits de la langue hébraïque originale, nous voyons généralement les unités de sens comparables comme des vers poétiques distincts, le plus souvent deux vers à la fois. Dans ce livre, je me réfère aux unités de sens en utilisant l’expression « vers parallèles ». Dans des ouvrages plus techniques, on parlera de « distique » (ou « couplet ») lorsque deux unités de sens forment ensemble un tout, ou de « tristique » pour trois unités de sens ensemble. Quelle que soit la terminologie, il s’agit de souligner le parallélisme des idées. La poésie hébraïque possède de nombreuses caractéristiques techniques particulières, mais le parallélisme est l’élément essentiel. Comme l’ont dit certains de mes professeurs, la poésie nous est transmise, non seulement par la rime des sons, mais surtout par la rime des idées.

Au tout début de l’instruction du père, en Proverbes 1.8, le décor est rapidement planté avec ces deux vers parallèles (couplet) :

Mon fils, écoute l’instruction de ton père et ne rejette pas l’enseignement de ta mère !

Les éléments correspondants sont facilement identifiables : « écoute » et « ne rejette pas » ; « de ton père » et « de ta mère » ; « instruction » et « enseignement ». Nous avons souligné plus haut que ces vers traduisent à la fois l’appel positif à entendre et l’avertissement négatif à ne pas rejeter. Nous avons aussi salué la beauté de la famille, le père et la mère transmettant ensemble la sagesse. Tout cela est exprimé dans deux petits vers parallèles !

Dieu, dans sa providence, a conçu sa parole pour qu’elle fonctionne de cette manière, et cela est merveilleux ! Le plus souvent, la poésie est difficile à traduire correctement. Il est tout simplement impossible de bien reproduire dans une autre langue des éléments tels que la rime et la métrique (le rythme d’un vers). Mais la signification de la poésie hébraïque ne repose pas prioritairement sur ces éléments et peut en réalité très bien franchir la barrière des langues.

L’idéal serait, bien sûr, que vous et moi devenions des experts en hébreu, afin que nous puissions lire ces textes dans la langue originale. Mais, en attendant, nous pouvons nous émerveiller et nous réjouir du fait que nous sommes en mesure de lire une bonne traduction et de saisir l’essence même de la pensée de Dieu. Voici comment C.S. Lewis s’exprime sur le sujet :

Chacun, selon son point de vue personnel, verra une merveilleuse coïncidence ou un signe de la sagesse de Dieu dans le fait que des poèmes traduits dans toutes les langues aient pour caractéristique principale un élément formel qui perdure malgré la traduction (contrairement à la métrique)9.

J’ai récemment passé plusieurs semaines à enseigner en France. Quelle joie de pouvoir se retrouver avec nos Bibles ouvertes, qu’elles soient en anglais ou en français, et de laisser la parole de Dieu pénétrer nos cœurs ! Mon mari et moi avons des amis qui traduisent la Bible dans la langue d’une tribu isolée de Papouasie-Nouvelle-Guinée. C’est tellement extraordinaire de se rendre dans cette tribu et d’y rencontrer des pasteurs, des enseignants et des enfants qui tiennent dans leurs mains la parole de Dieu traduite dans leur propre langue ! C’est tellement merveilleux de savoir que Dieu, par sa parole, s’adresse avec clarté au cœur de chaque être humain, quelle que soit sa langue ou sa culture.

Le parallélisme en action

Au fil de notre lecture, nous observerons que les vers parallèles s’équilibrent entre eux de diverses manières. Je vais donc vous présenter trois types de parallélisme parmi les plus répandus. Il est vrai que ces catégories simplifient considérablement le flot d’idées complexe et souvent impossible à classer qui caractérise la collection des proverbes. Cependant, si nous apprenons à utiliser ces catégories de manière prudente et nuancée, elles peuvent être extrêmement utiles.

Tout d’abord, deux vers parallèles donnent parfois l’impression de dire la même chose : c’est ce qu’on appelle le parallélisme synonymique. Les vers ne sont jamais exactement identiques et il s’agit pour nous de chercher les différences et les ressemblances. Examinons par exemple le texte de 22.24 :

Ne fréquente pas l’homme colérique, ne va pas avec l’homme violent !

Les deux vers donnent fondamentalement le même conseil et pourtant on discerne une certaine progression. Dans le premier vers, « l’homme colérique » évoque quelqu’un qui a tendance à se mettre en colère souvent. Dans le deuxième vers, on parle d’un « homme violent », le mot utilisé pour parler de sa colère est alors plus fort et plus agressif. Le passage de « fréquenter » à « aller avec » peut lui aussi indiquer la progression d’une relation qui permet de découvrir le genre de personne qu’il est. Voici donc un avertissement au sujet de ce qu’il ne faut pas faire, suivi de quelques indications de ce qui pourrait se passer si vous le faites malgré tout. En réalité, comme nous le verrons lorsque nous aborderons cette section, le verset suivant décrit exactement ce qui pourrait se produire.

Le parallélisme synonymique permet souvent d’approfondir le sens, ou de le rendre plus vivant dans le deuxième vers. Prenons le proverbe bien connu de 16.18 :

L’arrogance précède la ruine et l’orgueil précède la chute.

Les deux vers parallèles renvoient à la même vérité, mais le deuxième vers est plus concret. Le premier vers énonce le grand principe. Le second, quant à lui, invite à réfléchir à la manière dont une personne à l’esprit arrogant expérimente ce principe. Alors même qu’elle est en train de nourrir une grande estime d’ellemême, elle subit une forme d’humiliation qui la remet à sa place. Peut-être avons-nous vécu ce genre de chute. Ou peut-être risquons-nous de le vivre bientôt. (Ou bien peut-être existe-t-il encore une autre façon de penser à la relation entre ces deux vers ?)

Deuxièmement, deux vers parallèles présentent parfois les choses de manière opposée : c’est ce qu’on appelle le parallélisme antithétique. Les vers ne sont jamais exactement opposés l’un à l’autre, et nous devons donc rester attentifs aux surprises ! Les Proverbes sont pleins de parallélisme antithétique et cela ne devrait pas nous surprendre d’un livre de sagesse qui distingue si explicitement deux voies opposées : la sagesse et la folie.

Les vers de Proverbes 15.1 soulignent les effets contrastés que produisent des paroles sages et des paroles insensées sur une personne en colère. Mais il y a des surprises dans ce petit proverbe qui utilise le même parallèle entre « colère » et « fureur » que le verset 22.24. Il ne s’agit pas de dire simplement qu’une réponse douce et qu’une parole blessante produisent des résultats contraires, mais d’affirmer qu’une réponse douce est bien plus puissante qu’une parole dure, et qu’elle est capable de faire échec au mal le plus violent :

Une réponse douce calme la fureur, tandis qu’une parole dure augmente la colère.

Notre troisième catégorie prend souvent le nom de parallélisme synthétique. Cette catégorie fonctionne surtout comme une catégorie « fourre-tout » dans laquelle on range divers autres types de parallélismes. Le vers parallèle ne fait parfois que compléter une pensée : « Ne te vante pas du lendemain, car tu ne sais pas ce qu’un jour peut amener » (27.1). Souvent, le proverbe établit simplement une comparaison : « Un anneau d’or au groin d’un porc, voilà ce qu’est une femme belle mais dépourvue de discernement » (11.22).

De nombreuses catégories et sous-catégories de parallélisme existent. Ce n’est pas une science exacte. Il arrive qu’un proverbe ne corresponde pas à une catégorie particulière, ou qu’au contraire il semble correspondre à plusieurs catégories simultanément. L’objectif n’est pas de placer chaque proverbe dans la bonne catégorie. Il s’agit plutôt de comprendre la structure du parallélisme : pourquoi les idées ont été mises en relation les unes avec les autres, et comment deux unités de sens parallèles interagissent pour transmettre une vérité. En apprenant comment fonctionne cette poésie, nous percevons plus clairement le sens voulu par le poète ; et en fin de compte par le Dieu qui a inspiré ces paroles magnifiques.

L’imagerie

En parlant d’anneaux d’or dans des groins de porc, venons-en à la deuxième grande caractéristique de la poésie des Proverbes. Cette poésie se distingue non seulement par son parallélisme, mais aussi par son imagerie, c’est-à-dire son langage imagé.

C’est souvent le choix des images qui rend de nombreux couples de vers si parlants et si riches d’enseignements. Le langage imagé attire notre attention et nourrit notre imagination. Nous devons prendre le temps de nous arrêter plutôt que de chercher à assimiler rapidement la leçon enseignée afin de passer à la suivante. S’arrêter et réfléchir aux images nous protège du danger du moralisme. En prenant le temps d’analyser les images, nous évitons de nous précipiter vers la morale de l’histoire.

Cette poésie imprègne notre esprit et notre cœur lorsque nous prenons le temps de la « ruminer ». Certains aiment dire qu’il nous faut sucer lentement les proverbes un peu comme s’il s’agissait de bonbons durs : si l’on essaye de les croquer, on risque de se casser les dents ; mais si on les suce lentement, on profite de leur saveur.

Alors, êtes-vous en train de visualiser ce groin de porc ? Avezvous déjà vu le museau d’un vrai cochon, surtout après qu’il a farfouillé dans sa bouillie ou dans la boue ? Je suis en train de lire La toile de Charlotte (E. B. White) à mes petits-enfants, et c’est clair que l’auteur des Proverbes n’avait pas à l’esprit un animal qui ressemble au charmant petit cochon Wilbur de cette histoire ! L’image de Proverbes 11.22 est répugnante, grotesque, horrible. Elle nous pousse à considérer en effet combien la beauté physique de cette femme est vaine si elle n’a pas le discernement et la maîtrise de soi que procure la sagesse. Elle ressemble à un anneau d’or dans le groin d’un porc.

J’ai cité précédemment 25.12 (BDS) : « Un avertissement donné par une personne sage et reçu d’une oreille attentive est comme un anneau d’or et une parure d’or fin ». Voici un anneau d’or bien brillant et à la bonne place ! Nous avons déjà rencontré la symbolique de l’or, de l’argent et des bijoux associés à la sagesse qui illumine les neuf premiers chapitres du livre (voir par exemple 1.9 ; 2.4 ; 3.14-15 ; 8.11). Un magnifique collier de joyaux et de métaux précieux se dessine à travers tout le texte des Proverbes, éveillant notre imagination et notre désir de saisir la beauté et la valeur de la sagesse selon Dieu.

De nombreuses images particulièrement saisissantes ont éveillé nos sens : de violentes scènes de chasse, des scènes de rue avec des femmes qui crient, des chemins bien éclairés et des chemins d’obscurité profonde, des scènes où l’on mange et où l’on boit, du miel qui coule, des herbes amères, des épées tranchantes, des sources rafraîchissantes, de charmantes biches, des fourmis qui amassent de la nourriture, et nous en découvrirons bien d’autres encore. Elles défileront au fil des pages, mais j’espère que vous prendrez le temps de vous arrêter pour y réfléchir.

Le parallélisme et l’imagerie sont les deux principaux moteurs poétiques de la poésie des proverbes. Ce ne sont pas de simples ornements qui viennent agrémenter les idées. Dieu n’a pas uniquement inspiré les idées derrière les mots, il a inspiré les mots euxmêmes, des mots qui ont ensuite été écrits exactement comme Dieu l’a désiré, par des écrivains qui ont été poussés par le Saint-Esprit (2 Pierre 1.21). Il convient donc de prendre soin de tout ce qui se rapporte à ces paroles, y compris leur forme poétique. C’est aussi cela que veut dire veiller chaque jour aux portes de la maison de la sagesse (8.34).

Réfléchir pour agir

  1. Lisez-vous souvent de la poésie ? À votre avis, pourquoi Dieu a-t-il inspiré autant de textes poétiques dans sa parole ?
  2. De quelle manière la culture environnante remplit-elle votre esprit d’images, influençant ainsi votre imagination ? Comment les images dans la parole de Dieu peuvent-elles aider à « purifier » notre imagination ?
  3. Quelles sont les images que Jésus a utilisées pour se révéler à nous et nous communiquer sa vérité ? Pourquoi sont-elles si percutantes ?

Un tourbillon de thèmes

Les « proverbes » à proprement parler commencent par la plus  grande collection, celle que l’on nomme habituellement « les proverbes de Salomon » (10.1 à 22.16). Dès le chapitre 10, nous plongeons dans une multitude de thèmes qui tourbillonnent tout autour de nous. Nous avons remarqué plusieurs répétitions thématiques au cours des neuf premiers chapitres, mais les thèmes étaient alors abordés par le biais d’instructions particulières et de sections de sagesse. C’était comme si nous nagions dans une baie où les courants étaient puissants. Désormais, à partir du chapitre 10, nous nageons en plein océan, souvent ballottés d’un thème à l’autre.

Vous avez peut-être déjà eu l’occasion de voir des listes de thèmes abordés dans les Proverbes. En effet, l’étude de ce livre de la Bible s’organise souvent autour de ses thématiques. Cette approche peut parfois être utile. Ainsi, sont regroupés, au sein de catégories bien distinctes, tous les proverbes relatifs au travail, à l’argent, aux paroles, au mariage et au sexe, et ainsi de suite. (Peut-être même que si nous avions nous-mêmes dirigé la rédaction des Proverbes, les lecteurs auraient bien mieux compris ces différentes thématiques.) Une approche thématique claire nous donnerait peut-être le sentiment d’être plus organisés et nous permettrait de contempler l’ensemble de l’enseignement de la sagesse, un thème après l’autre.

Mais nous devons nous poser la question : pourquoi Dieu nous a-t-il donné des proverbes organisés de la sorte ? La littérature de sagesse biblique n’est pas la seule à proposer de telles collections de proverbes : d’autres peuples en ont également écrit et transmis, dans un format semblable à celui des Proverbes. Les éléments de véritable sagesse inclus dans les recueils de ces autres cultures étaient tous le fruit de la grâce commune de Dieu aux êtres humains, tous créés à son image. Mais les Proverbes sont une littérature de sagesse tout à fait unique. En effet, Dieu, l’auteur divin, a inspiré ce livre, c’est sa main souveraine qui a conduit son écriture et sa transmission. Notre question est donc pertinente : pourquoi Dieu nous a-t-il donné les proverbes organisés de la sorte ? Pourquoi ce tourbillon de thèmes ?

Nous avons déjà observé la nature kaléidoscopique de la sagesse dans le prologue, et avons entendu la sagesse interpeller les gens à travers toute la ville. Dans les Proverbes, la sagesse investit chaque recoin de la vie. C’est probablement un début de réponse à la question du tourbillon des thèmes : la sagesse des Proverbes investit chaque recoin de la vie, et le livre lui-même reproduit le tourbillon de la vie réelle.

En nous réveillant le matin, nous ne décidons pas de commencer la journée en nous occupant d’abord de nos problèmes de couple et de famille, puis de nos problèmes d’argent, puis de notre langage, le tout dans un ordre parfaitement logique. Non, dès notre réveil, la vie nous tombe dessus avec le même sentiment de confusion que celui présenté par les Proverbes. Ils nous enseignent que la sagesse consiste à appliquer la vérité de Dieu à toute notre vie, dans tous ses recoins, et dans tout son désordre. C’est merveilleux de constater que Dieu voit et se manifeste dans ce que nous ressentons souvent comme le chaos de nos vies. Cette vérité devrait nous faire penser à Jésus, qui est entré dans le grand désordre de la vie humaine et a connu le sang, la sueur, la joie et la souffrance de tous côtés, afin de racheter chaque domaine de nos vies.

Un ami m’a fait remarquer un jour que si les thèmes abordés par les Proverbes étaient organisés en catégories, nous ne choisirions probablement que les thématiques dont nous pensons avoir le plus besoin ou sur lesquelles nous aimerions nous concentrer. Quelqu’un m’a aussi fait remarquer que cet étonnant tourbillon de proverbes rend très concret le processus de recherche décrit dans la première section du livre : comprendre les paroles des sages et leurs « énigmes » (1.6) et rechercher la sagesse avec soin, comme un trésor (2.4).

Le contraste principal est évident

Au milieu de ce tourbillon, certains thèmes et groupes de thèmes apparaissent clairement. Alors que Proverbes 10 nous fait entrer dans la collection des proverbes, les cinq premiers versets indiquent sans ambiguïté le contraste thématique à l’œuvre : il s’agit du contraste principal introduit dans les chapitres 1 à 9, celui de la sagesse et de la folie. Le parallélisme antithétique domine cette section, rendant le contraste d’autant plus flagrant.

Suite aux nombreux appels à « mon fils » des chapitres précédents, le verset 1 est, avec ses premiers mots, une transition agréable et rassurante : « Un fils sage ». Toutefois nous devons lire les deux vers parallèles ensemble car ils introduisent immédiatement le contraste :

Un fils sage fait la joie d’un père, et un fils stupide le chagrin de sa mère.

Je ne sais pas exactement pourquoi c’est la mère qui a droit au vers le plus triste. Cependant, et heureusement, la mère et le père sont ici impliqués ensemble auprès de leur fils ; le couple est uni à travers un « couplet » ! Les versets 1.8 et 6.20 présentaient les deux parents en train d’enseigner leur fils. Le verset 4.3 montrait des générations de parents ensemble. Ici, nous voyons un père et une mère éprouver la joie et la tristesse pour des fils qui suivent la voie de la sagesse ou celle de la folie.

Les proverbes expriment ce contraste fondamental en termes de justice et de méchanceté, deux qualités que nous avons rencontrées respectivement sur les chemins de la sagesse et de la folie. (En 4.10-19, par exemple, l’instruction du père indique le chemin de la droiture et tente d’éloigner le fils du chemin des méchants.) Les justes sont donc ceux qui suivent le chemin de la sagesse, dans la crainte de l’Éternel. Cela ne signifie pas qu’ils sont parfaits. En réalité, ils doivent souvent accepter les reproches qui leur sont adressés, se repentir et changer de comportement. Les méchants, en revanche, suivent le chemin de la folie : ils n’écoutent pas et se dirigent vers la mort plutôt que vers la vie.

En prenant en compte toutes les Écritures, nous savons qu’un seul homme a vécu une vie parfaitement juste : Jésus-Christ, le Fils de Dieu. Il a reçu toutes les bénédictions de Dieu, et les croyants reçoivent ces bénédictions en lui. Dans l’Ancien Testament, les « justes » attendaient avec foi l’arrivée de ce juste qui viendrait pour sauver, s’offrant lui-même en sacrifice parfait pour les péchés de tous ceux qui croient (Romains 3.21-22 ; 4.3). Les sacrifices cérémoniels ne faisaient qu’annoncer ce sacrifice ultime. En se conformant à la parole de Dieu, les croyants de l’Ancien Testament mettaient leur foi dans le plan que Dieu avait prévu pour leur péché. Nous faisons la même chose aujourd’hui, maintenant que l’Évangile est pleinement révélé. Les « méchants », quant à eux, ne tenaient pas compte de la parole de Dieu ; ils suivent leur propre voie.

Les deux versets suivants (Proverbes 10.2-3) continuent à décrire à la fois le contraste fondamental qui existe entre les justes et les méchants mais aussi les effets bénéfiques de la justice. Le verset 2 établit une comparaison surprenante :

Les trésors acquis par la méchanceté ne sont d’aucun profit, mais la justice délivre de la mort.

Dans les situations de parallélisme antithétique, alors que nous cherchons à déceler les « surprises », il est bon de se demander ce que nous pourrions attendre du deuxième vers si celui-ci était exactement l’opposé du premier. Le deuxième vers pourrait par exemple ressembler à ceci : « Mais les trésors acquis par la justice profitent au juste ». Mais le mot « trésors » n’y est même pas mentionné ! Le mot est peut-être simplement sous-entendu, comme c’est parfois le cas dans les vers parallèles. Quoi qu’il en soit, tout ce que nous avons au deuxième vers, c’est le mot « justice » : c’est cette justice qui est le grand trésor ! Et cette justice n’apporte pas seulement un profit temporaire : elle délivre de la mort !

Le verset 3 (BDS) offre lui aussi une belle récompense si nous prenons la peine de le méditer. Quel pourrait être le contraire de « L’Éternel ne permet pas que l’homme droit souffre de la faim » ? Nous constatons que Dieu ne se contente pas de laisser les méchants avoir faim : il « frustre », non seulement leur faim, mais également tous leurs « désirs ». Ce proverbe est riche en enseignements : Dieu prend soin de ceux qui le suivent, Dieu punit ceux qui se rebellent contre lui et frustre leurs désirs.

Les versets 4 et 5 reprennent le contraste principal et le transposent au cadre du travail en opposant l’activité et l’intelligence de la sagesse à la nonchalance et à la paresse de la folie. Les récompenses sont, respectivement, la richesse et la pauvreté. Le verset 5 retourne à la personne du fils, qui semble être le point d’ancrage de ces cinq versets. Nous ressentons toute la joie qu’un père (ou une mère) éprouverait pour ce fils prudent (v. 5a), mais aussi la tristesse qu’une mère (ou un père) éprouverait pour ce « fils qui fait honte » par sa paresse (v. 5b). En rappelant quel était le plus grand bénéfice de la justice, le verset 2 a déjà élargi notre compréhension des notions de richesse et de pauvreté : la justice délivre de la mort ! Nous reviendrons plus tard sur ce sujet des récompenses.

Nous n’aurons ni le temps ni la place de discuter en détail de chaque proverbe. Je vous propose donc de le faire seulement pour certains groupes de proverbes au fur et à mesure de leur apparition dans le texte, en mettant souvent l’accent sur les thèmes et les connexions à l’intérieur de ces sections. Inévitablement, certains proverbes isolés seront laissés de côté. Ma prière est que l’analyse minutieuse que nous allons faire ensemble vous équipe pour étudier le reste des proverbes et savoir les appliquer à votre vie.

La parole dans Proverbes 10

Proverbes 10.6 débute un premier ensemble de proverbes qui sont tous liés à la thématique de la parole et de la langue. Les expressions « ce que disent les méchants » (v. 6) et « la bouche des méchants » (v. 32) tiennent ensemble ce groupe de proverbes. Ce n’est pas la première fois que nous rencontrons cette thématique, et ce ne sera pas la dernière. Il est vrai que nous ne sommes pas systématiquement confrontés à toutes les thématiques des proverbes dès notre réveil, mais le sujet de la parole nous suit partout et toujours.

Les proverbes du chapitre 10 qui abordent la question de la parole reprennent la description du contraste qui existe entre les justes et les méchants :

Les bénédictions reposent sur la tête du juste, mais la violence accompagne tout ce que disent les  méchants.
Proverbes 10.6

Pourquoi le juste qui reçoit les bénédictions est-il opposé aux méchants dont les propos sont accompagnés de violence ? Peutêtre que le mal caché des méchants les empêche de recevoir la bénédiction ? Nous voyons la tête du juste et pouvons facilement imaginer quelqu’un en train de prononcer des paroles de bénédiction, tout en posant une main sur sa tête (comme le faisaient les pères lorsqu’ils bénissaient leurs fils, par exemple en Genèse 48.14-18). En ce qui concerne les méchants, nous ne voyons que leur bouche, elle domine toute la scène.

Les méchants parlent, mais leurs discours sont une mascarade. Des pensées et des intentions violentes se tapissent derrière leurs paroles. La même image est reprise en Proverbes 10.11 et le contraste est plus marqué encore :

La bouche du juste est une source de vie, mais la violence accompagne tout ce que disent les méchants.

Derrière les paroles des méchants se cache le mal. En revanche, le juste fait jaillir le bien à travers ses paroles. On peut imaginer une source qui jaillit librement, offrant une eau pure et vivifiante.

D’autres contrastes apparaissent et se combinent entre eux dans ce passage. Imaginez un instant cette source vivifiante que nous venons de voir. Ensuite, imaginez une eau qui bouillonne de manière incontrôlée. C’est à cela que ressemblent les paroles des méchants. Même si le méchant est décrit à trois reprises comme « cachant » la violence derrière ses paroles (v. 6b, 11b, 18a – BDS), ses paroles continuent à bouillonner, il « parle comme un fou » (v. 8b, 10b). La personne prudente et avisée « met un frein à ses lèvres », alors que la personne méchante « parle beaucoup » et « ne manque pas de pécher » (v. 19).

Ce qui compte, c’est ce qu’il y a à l’intérieur d’une personne. À l’intérieur du méchant, dissimulées derrière les paroles du « fou », se cachent la violence et de mauvaises intentions. À l’intérieur du juste se trouve quelque chose de très différent. C’est un contraste saisissant :

L’homme au cœur sage fait bon accueil aux commandements, mais celui qui parle comme un fou court à sa perte.
Proverbes 10.8

À l’intérieur de la personne sage, le cœur est ouvert à recevoir la sagesse, les paroles sages, et en fin de compte les commandements de la loi de Dieu. Il n’y a rien de caché, mais plutôt une grande réceptivité et, par conséquent, une plénitude qui fait jaillir la bénédiction comme une source de vie. Ce qui en sort est magnifique : « La langue du juste est un argent affiné » (v. 20). Mais le deuxième vers de ce même verset porte un jugement terrible, revenant sur ce qui se trouve à l’intérieur d’une personne : « Le cœur des méchants ne vaut pas grand-chose ».

Mettre en pratique les paroles de la sagesse

Comment pouvons-nous concrètement mettre en pratique ces paroles de sagesse dans nos discussions ? Il ne fait aucun doute que ces paroles nous concernent tous. Nous sommes des créatures de paroles, à l’image de notre Dieu. Il a parlé et le monde a été créé, il nous parle avec bonté au travers de sa parole inspirée et il nous a envoyé la Parole faite chair, son propre Fils.

Nous manifestons si souvent notre déchéance et notre péché par nos paroles ! Nous sommes si rapides à parler et à nourrir de mauvaises pensées ou de mauvaises intentions derrière nos paroles. Ce sont des réalités qui ne dérangent pas vraiment notre société. Peu de gens nous demandent de modérer nos propos. Au contraire, de toutes parts nous sommes encouragés à dire et à écrire tout ce que nous pensons, ressentons et faisons, à publier nos paroles pour que des centaines ou des milliers de personnes puissent les lire. Et pourtant, nous reconnaissons que nous ne maîtrisons pas très bien nos paroles. Il est si rare qu’elles apportent renouvellement et vie à ceux qui nous entourent, elles sont plutôt sources de blessures.

Les proverbes peuvent être utilisés de la bonne ou de la mauvaise manière. Lorsque je cherche à les mettre en pratique, j’ai souvent tendance à serrer les dents et à essayer de faire tout ce qu’ils prescrivent (ou à espérer que la personne à laquelle je pense comprendra et mettra elle-même en pratique ce que disent les proverbes). Lorsque je lis des proverbes sur la maîtrise de la langue, je peux prendre la résolution de mieux contrôler les paroles qui sortent de ma bouche. Je peux décider de quitter les réseaux sociaux pendant un certain temps. La prochaine fois que je parlerai à cet ami ou à ce membre de ma famille qui m’irrite constamment, je peux décider de ne pas me mettre en colère et de ne pas dire des choses que je regretterai plus tard.

Mais je sais que je vais échouer. J’échouerai toujours si j’essaie d’appliquer les règles morales à la manière d’un fouet, que ce soit à moi-même ou aux autres.

La clé est pourtant là, sous nos yeux, dans les Proverbes. La sagesse ne cesse de nous le rappeler. La clé, c’est de craindre l’Éternel, vivre en relation avec lui, honorer sa personne et écouter humblement ses paroles de vie. La clé se trouve également dans ce passage : c’est avoir un cœur qui, avant toute chose, reçoit la parole de Dieu. Les paroles que nous prononçons ne sont que le débordement de ce qui nous habite. Jésus a dit : « La bouche exprime ce dont le cœur est plein » (Matthieu 12.34). Il a promis de donner une eau qui deviendra en nous une source d’eau qui jaillira jusque dans la vie éternelle (Jean 4.13-14).

Comment les Proverbes nous poussent à travailler sur nos paroles ? Les Proverbes nous exhortent à ouvrir nos cœurs à la parole de Dieu. C’est elle qui transforme nos cœurs et, par conséquent, qui transforme aussi nos paroles. Tout cela ne se produit qu’au travers de Jésus, la Parole faite chair, il est venu et a habité parmi nous, il est mort pour nous sauver, et son Esprit vit en nous tous qui croyons.

Derniers contrastes

Une autre thématique est abordée au chapitre 10 : les récompenses à venir.

Les Proverbes sont connus pour associer de belles récompenses à des comportements honorables, et de terribles conséquences à de mauvais comportements. On fait souvent référence à la relation caractère-conséquences dans les Proverbes. La première chose que l’on peut dire à ce sujet est que c’est bien souvent vrai. Le Dieu créateur a façonné le monde de telle sorte que, par exemple, la paresse engendre souvent la pauvreté alors qu’un travail diligent produit généralement une certaine forme de richesse (Proverbes 10.4). Pensez un instant au monde de l’agriculture : si vous ne labourez pas le sol, si vous n’arrachez pas les mauvaises herbes et ne travaillez pas dur au moment de la moisson, alors vous ne récolterez probablement pas grand-chose, et vice-versa (v. 5).

La deuxième chose que l’on peut dire à ce sujet, c’est que cette association ne se vérifie pas toujours. Les proverbes ne sont pas des règles et des promesses. Ils nous offrent un aperçu de l’ordre qui existe au sein de la création de Dieu, ainsi ceux qui craignent Dieu voudront connaître et respecter cet ordre. Mais le péché a bouleversé cet ordre. C’est pourquoi, parallèlement aux nombreux proverbes qui associent les belles récompenses aux comportements honorables, on trouve des proverbes qui reconnaissent que, parfois, c’est l’inverse qui est vrai. Le proverbe de 10.4 est précédé par celui de 10.2 dans lequel nous lisons que les trésors sont parfois acquis par la méchanceté. Il nous faut donc lire tous les proverbes !

Nous devons aussi être attentifs à la durée qui peut s’écouler jusqu’à la récompense. Souvent ce n’est pas très explicite. Certaines récompenses sont matérielles et immédiates, alors que bien d’autres s’inscrivent dans une perspective temporelle indéfinie. Les Proverbes ne précisent pas ce que sera notre condition éternelle, mais ils projettent parfois nos pensées jusque dans l’éternité.

Il est dit par exemple, à plusieurs reprises au chapitre 10, que l’homme qui parle comme un fou court à sa « perte » ou à sa « ruine » (v. 8b, 10b, 14b). Nous sentons cette ruine arriver lorsque la violence monte en lui et menace d’exploser, mais nous ne savons pas quand cela se produira. Les deux proverbes qui suivent annoncent des conséquences bonnes et mauvaises qui se prolongent dans l’avenir, même jusque dans l’éternité :

Ce que redoute le méchant, c’est ce qui lui arrive, tandis que les justes reçoivent ce qu’ils désirent. Quand la tempête passe, le méchant disparaît, tandis que le juste a un fondement éternel.
Proverbes 10.24-25

Il nous faut lire tous ces proverbes à la lumière des neuf premiers chapitres et de leur enseignement au sujet de la sagesse, de la folie, de la vie, de la mort et de la crainte de l’Éternel. Régulièrement, nous trouverons des rappels du fondement qui a déjà été établi. Le verset 27 en est un exemple tout à fait remarquable :

La crainte de l’Éternel prolonge la vie, tandis que les années des méchants sont abrégées.

Au milieu des proverbes, ce fondement brille comme une lumière : la crainte de l’Éternel est le début de la sagesse. Cette sagesse apporte la vie par opposition à la mort : une vie abondante ici et maintenant. Mais la perspective de la vie éternelle avec le Seigneur Dieu que nous craignons n’est jamais très loin dans le texte.

Une dernière remarque : dans chaque chapitre, certains proverbes semblent être différents des autres, c’est le cas du verset 26, par exemple. Nous y rencontrons à nouveau le paresseux, celui qui voulait somnoler un peu en 6.6-11. Nous le croiserons à nouveau. C’est un personnage dérangeant qui ne cesse de se manifester alors que nous sommes en train de vaquer à nos occupations. Nous reviendrons sur lui plus tard : il ne va pas disparaître.

Réfléchir pour agir

  1. Les croyants de l’Ancien Testament étaient appelés « justes » lorsqu’ils plaçaient leur confiance en l’Éternel et dans ses promesses. De quelle manière les croyants « justes » d’aujourd’hui reçoivent-ils toutes ces promesses qui sont désormais pleinement révélées (voir 2 Corinthiens 5.21 ; 1 Pierre 3.18) ?
  2. Vous souvenez-vous d’une situation dans laquelle vous avez dit quelque chose que vous avez ensuite regretté ? Que s’est-il alors passé dans votre cœur ?
  3. Choisissez un proverbe du chapitre 10 que vous aimeriez « ruminer » pendant un moment. Pourquoi avoir choisi ce proverbe ?

Chapitre 6

Nous nous trouvons maintenant dans un océan de proverbes,  entourés des « proverbes de Salomon » dont la collection a débuté au chapitre 10. Le chapitre 11 présente à la fois une perspective nettement centrée sur Dieu ainsi qu’une nouvelle série de contrastes entre les justes et les méchants. Nous nous attarderons un instant aussi sur la thématique de la richesse. Dans les chapitres 12 et 13, les contrastes se poursuivent avec une intensité croissante et une attention renouvelée sur la question de nos paroles et leurs divers effets.

Se souvenir de l’Éternel

Nous avons vu la crainte de l’Éternel briller au cœur du chapitre 10 (v. 27). De temps à autre, une référence à l’Éternel vient éclairer le texte et s’assurer que nous n’avons pas oublié le fondement de la sagesse. Les proverbes reflètent vraiment le cours de la vie normale, c’est vrai que nous ne parlons pas de Dieu à chaque instant de la journée. Mais nous parlons de lui régulièrement, si possible très souvent, en reconnaissant la réalité de sa sainte présence continuelle et de sa révélation pleine de grâce au travers de sa parole. Les mentions ponctuelles de l’Éternel dans les Proverbes sont de cette nature : elles ne sont pas placées de façon aléatoire, mais sont soigneusement réparties dans tout le livre, comme nous le constaterons de plus en plus clairement.

Le chapitre 11 mentionne l’Éternel à deux reprises, en élargissant à chaque fois notre champ de vision : de la peur à la bénédiction, jusqu’à voir un instant notre vie sur la terre à travers le regard de l’Éternel. En tout début de chapitre, on a le sentiment que Dieu examine chacune de nos transactions commerciales :

La balance faussée fait horreur à l’Éternel, mais un poids exact lui est agréable.
Proverbes 11.1

D’une part, ce verset met en lumière le point de vue de Dieu sur les transactions malhonnêtes : une « balance faussée » est une balance truquée qui donne un poids ou une mesure qui n’est pas juste, et ce, toujours à notre avantage. Mais ce verset fait aussi référence à la loi révélée par Dieu dont les Israélites étaient parfaitement conscients. Le Lévitique aborde très clairement ces questions. Je cite ce texte en incluant un peu de contexte mais tout cela était très présent dans l’esprit des Israélites :

Vous ne commettrez pas d’injustice ni dans les jugements, ni dans les mesures de dimension, ni dans les poids, ni dans les mesures de capacité. Vous aurez des balances justes, des poids justes, des mesures de solides justes et des mesures de liquides justes. Je suis l’Éternel, votre Dieu, qui vous ai fait sortir d’Égypte. Vous respecterez toutes mes prescriptions et toutes mes règles, vous les mettrez en pratique. Je suis l’Éternel.
Lévitique 19.35-37

Dans les Écritures, il n’est pas question d’obéir à la loi juste pour la forme. Il s’agit de reconnaître que celui qui parle, c’est l’Éternel. C’est lui qui, dans sa bonté, a racheté son peuple de l’esclavage. C’est lui qui lui a ensuite révélé comment vivre une relation étroite avec lui, leur Dieu.

Le lien entre Proverbes 1 à 9 et le reste du livre n’est pas unique, on le retrouve un peu partout dans les Écritures.

Tout d’abord, notre relation avec l’Éternel est primordiale : il est notre rédempteur et nous le craignons. Puis, en écoutant sa parole, nous apprenons à vivre au sein de cette relation. Les épîtres du Nouveau Testament éclairent pleinement ce lien au moyen de l’Évangile : tout d’abord nous venons au Christ, nous croyons en lui et en son œuvre de rédemption pour nous. Puis, en tant que nouvelles créatures en Christ, nous apprenons à vivre en lui en écoutant sa parole.

Proverbes 11.1 souligne cette dimension relationnelle par un langage qui exprime la réponse vigoureuse de Dieu : il y a des choses qu’il a en « horreur » et d’autres qu’il trouve « agréables ». Ces mots traduisent des émotions fortes, qui nous aident à percevoir le caractère personnel de la réponse de l’Éternel à ces questions juridiques qui peuvent nous paraître abstraites. Ces questions ne sont pas abstraites pour Dieu, elles ont un poids éternel et peuvent offenser ou réjouir son cœur.

Un proverbe comme celui-ci nous aide à comprendre tous les autres proverbes. Regardez le verset qui contient la deuxième mention de « l’Éternel » dans ce chapitre :

Ceux dont le cœur est perverti font horreur à l’Éternel, mais les hommes intègres dans leur conduite lui sont agréables.
Proverbes 11.20

Les mêmes termes, « horreur » et « agréables », expriment la réponse de l’Éternel. Mais cette fois, c’est comme si l’Éternel pénétrait un peu plus profondément dans le cœur même des tricheurs. Leur cœur est « perverti » ou rempli de « fausseté ». Ces termes étaient précédemment associés aux paroles injustes (4.24 ; 6.12 ; 8.8) lorsque nous avons observé l’image du chemin droit de la justice (4.25). Dans 11.3, l’intégrité de ceux qui sont droits est opposée aux tromperies des tricheurs. « Ceux dont le cœur est perverti » ont assurément rejeté la crainte de l’Éternel. Dieu les a en horreur ! Nous imaginons rarement à quoi ressemble nos activités quotidiennes aux yeux de notre Dieu. Nous l’adorons le dimanche matin, puis nous l’oublions trop facilement lorsque nous retournons aux occupations qui remplissent notre semaine. Percevons-nous un écho céleste le lundi matin alors que nous sommes en train de manipuler à notre avantage quelques chiffres dans un rapport ? Si le vendeur oublie de nous facturer l’un de nos articles et que nous remarquons cet oubli sans le signaler, est-ce vraiment important ? Ou sommes-nous à l’écoute de la réponse du Dieu qui voit tout ?

Richesse et avertissements

L’éclairage fourni par certains proverbes nous aide à appréhender les nombreuses récompenses qui s’opposent dans les Proverbes. Elles sont toutes en lien avec le comportement humain, mais aussi, en réalité, avec l’Éternel, celui qui juge chaque comportement humain. Le reste du chapitre 11 poursuit cette présentation des contrastes, tout en maintenant le parallélisme antithétique qui domine cette première partie des « proverbes de Salomon ».

Le thème de la richesse et de la fortune revient souvent dans Proverbes 11. Au beau milieu des nombreuses promesses de bénédictions matérielles pour les justes, bien des proverbes dans ce chapitre offrent une autre perspective. Rappelons-nous que ces proverbes ne sont pas des règles strictes, mais plutôt de simples observations qui révèlent le schéma d’ordre établi par le Dieu créateur. Puisque la création est déchue, ces observations incluent des situations de désordre qui sont perçues comme telles à la lumière des fondements de l’ordre posé par le Créateur.

Au chapitre 10, nous avons ressenti une certaine ambiguïté à propos des richesses : oui, l’activité est source de richesse (10.4b) ; oui, la bénédiction de l’Éternel enrichit (10.22a), et pourtant… les trésors peuvent être « acquis par la méchanceté » (10.2a). Le sentiment de mise en garde est encore plus fort au chapitre 11. Les hommes violents s’enrichissent (11.16b) et « le méchant réalise un gain trompeur » (v. 18a). Examinons deux proverbes au début du chapitre :

Le jour de la colère, la richesse ne sert à rien : c’est la justice qui délivre de la mort.
Proverbes 11.4

Quand le méchant meurt, tous ses espoirs périssent, et la confiance qu’il avait placée en ses ressources  s’effondre.
Proverbes 11.7 – BDS

Ces deux proverbes traitent de la futilité des richesses à la lumière de la mort. Le « jour de la colère » du verset 4 n’est pas précisé. Cette expression annonce simplement qu’un jour de malheur arrive, un jour de tourment et de jugement où toute la richesse ne servira plus à rien. Par contraste, le vers parallèle se tourne vers la justice pour être délivré de la mort. Ce parallélisme associe le jour de la colère à la mort et précise que lorsque ce jour viendra, il ne provoquera pas la mort des justes.

De tels proverbes peuvent facilement être détournés, et ils le sont souvent. Une personne pourrait les lire hors de leur contexte et en conclure que si nous menons une vie juste, le cancer ne nous tuera pas car nous en guérirons. Ou encore, si le « jour de la colère » évoque pour nous le jugement final de Dieu (à la lumière de toute l’Écriture ou des versets 1 et 20, cela pourrait bien être le cas), nous pourrions en conclure que nous devons mener une vie juste afin d’échapper à la colère divine à venir. Si nous ne replaçons pas la justice dans le contexte global du livre, à savoir qu’elle est enracinée dans la crainte de l’Éternel, nous finirons par compter sur notre propre justice afin d’apaiser Dieu et de gagner sa faveur.

En fin de compte, il y a beaucoup de points communs entre placer ses espoirs dans ses richesses et se confier dans sa propre justice. Ces deux attitudes rejettent la sagesse d’en haut. Le verset 7 souligne la futilité d’une telle confiance, non seulement dans la vie présente, mais aussi après la mort. De temps à autre, dans cette section où le parallélisme antithétique domine, un autre type de parallélisme fait son apparition. C’est ce qui se produit ici avec le deuxième vers du verset qui n’établit pas de contraste mais qui ajoute une vérité plus profonde. Le changement de rythme poétique nous incite à nous arrêter pour observer cette vérité centrale qui fait l’objet de deux poussées dans la même direction.

Nous pourrions nous attendre à ce que les « espoirs » et « la confiance dans les richesses » apparaissent dans l’ordre inverse. En effet, la perte de l’espoir pourrait nous sembler plus définitive et totalement dévastatrice. Mais on nous dit d’abord que, face à la mort (physique), les espoirs du méchant périssent, et qu’ensuite sa confiance dans les richesses s’effondre. Le proverbe pose la question : Lorsqu’un jour tout espoir aura disparu, pensez-vous que votre richesse pourra encore vous sauver ? Jamais de la vie ! répondent les Proverbes. Il n’y a aucun espoir dans la richesse ni dans tout ce que nous pouvons accumuler.

Les richesses des justes

Toutes sortes de richesses sont associées aux justes et nous avons observé le lien qu’établissent les Proverbes entre le caractère (ou le comportement) et certaines conséquences. La générosité est source de richesse (v. 24). Celui qui bénit les autres connaîtra « l’abondance » (v. 25 – BDS). Au verset 18, nous avons noté le « gain trompeur » du méchant, mais le vers parallèle dit : « Semer la justice procure un vrai salaire ». Le parallèle entre « salaire » et « gain » indique bien qu’il peut s’agir d’un avantage financier, un revenu qui est, cette fois-ci, honnêtement gagné.

La nature trompeuse du gain du méchant (sans sécurité durable) souligne par contraste la valeur sûre et durable du « vrai salaire » spirituel. Le proverbe suivant offre un éclairage supplémentaire. Il traite des récompenses de la justice et de celles du mal :

Ainsi, la justice conduit à la vie, mais celui qui poursuit le mal trouve la mort.
Proverbes 11.19

Que signifient ici « la vie » et « la mort » ? Aucune échéance n’est proposée. L’image que les Proverbes donnent du chemin aide à comprendre ce qui est dit : c’est une image qui a été reprise plusieurs fois dans les chapitres 1 à 9 et qui revient régulièrement par la suite (voir 10.17 ; 11.5 ; 12.28). Les Proverbes ne fournissent jamais d’échéances précises, mais ils se projettent toujours dans l’avenir, soit sur un chemin de vie, soit sur celui de la mort. L’une des voies est celle de la sagesse, empruntée par ceux qui craignent l’Éternel et écoutent sa parole. L’autre voie est celle de la folie, empruntée par ceux qui méprisent la sagesse et l’instruction.

Après le verset 11.19, on découvre au verset 20 le point de vue de l’Éternel sur les deux voies. Le verset 21 nous replace le long du chemin et nous laisse entrevoir le châtiment qui attend le méchant (celui qui rejette la crainte de l’Éternel) et la délivrance qui sera accordée à la descendance des justes (ceux qui craignent l’Éternel). Nous ne savons pas quand cela se produira mais il semblerait que les châtiments et les délivrances jalonnent déjà le parcours de ces deux voies. Mais notre regard est attiré vers le futur, loin devant nous.

Ce qui attire notre attention, ce sont les images de la vie dont jouissent les justes. Nous avons à l’esprit l’image du sentier qui ressemble à la lumière de l’aube et dont l’éclat grandit jusqu’au milieu du jour (4.18). Le long de ce sentier, nous voyons des sources de vie (10.11) et des trésors d’argent affiné (10.20). Nous y découvrons aussi des feuillages verdoyants et de beaux arbres, la vie de la nature illustrant la vie humaine qui s’épanouit au sein d’une relation avec l’Éternel :

Celui qui se confie dans ses richesses tombera, tandis que les justes verdiront comme le feuillage.
Proverbes 11.28

Le fruit que porte le juste est un arbre de vie et le sage gagne des âmes.
Proverbes 11.30

Un aperçu de cet arbre nous est donné au début du livre : la sagesse « est un arbre de vie pour ceux qui s’attachent à elle » (3.18). Cela nous rappelle un arbre qui se trouvait jadis dans le jardin d’Éden et qui donnait « la vie pour toujours » à celui qui en mangeait (Genèse 2.9 ; 3.22). Cela tourne aussi nos regards vers l’avenir, nous pouvons apercevoir l’arbre de vie dans la Jérusalem céleste. Cet arbre pousse le long du fleuve d’eau de la vie et il donne son fruit chaque mois, pour toute l’éternité (Apocalypse 22.1-2). Notre esprit se remplit alors d’images de fruits abondants et inépuisables.

La vie riche associée aux justes est une vie riche de sagesse, vécue en relation avec l’Éternel. C’est une vie qui grandit et se développe. Toutes les images de Proverbes 11.28 et 30 présentent des justes eux-mêmes florissants et verdoyants, car ils portent le fruit de la sagesse. Le verset 30 offre l’un de ces parallélismes non antithétiques qui interrompt le cours normal de la section pour insister sur un aspect particulier. L’attention se porte alors sur une vie qui se multiplie. Dans ce contexte immédiat, l’expression « gagner des âmes » signifie attirer d’autres personnes à la vie de la sagesse. Dans le contexte de l’ensemble des Écritures, il s’agit de conduire les gens à Jésus, qui est le chemin, la vérité et la vie (Jean 14.6).

Les répercussions de la sagesse et de la folie sur la communauté

Dans Proverbes 11.9-14, un petit groupe de proverbes décrit quelles sont les répercussions de la sagesse et de la folie sur la communauté. Un accent particulier est à nouveau placé sur les paroles. Parmi les proverbes que nous avons examinés jusqu’à présent, beaucoup s’intéressent aux individus, à leur vie et aux conséquences de leurs choix ; ces quelques versets ont une portée plus large.

Ils commencent par toucher notre « prochain », la personne avec laquelle nous entrons en contact presque tous les jours. Trois proverbes (v. 9, 12 et 13) décrivent comment un insensé (un « impie », « celui qui manque de bon sens ») fait du tort à son prochain par ses seules paroles : il le « méprise » et « propage des calomnies » en dévoilant des secrets ou en insinuant des mensonges. À l’opposé, le sage (celui qui possède « connaissance » et « intelligence », celui qui est « digne de confiance ») se tait.

Qui n’a jamais été blessé d’une manière ou d’une autre par les paroles dévalorisantes ou calomnieuses de quelqu’un d’autre ? Et qui n’a jamais ressenti le besoin désespéré de pouvoir retirer des paroles qui ont blessé un proche ?

Un jour lors d’une fête, j’ai entendu un homme se moquer de son ami qui se tenait à côté de lui. En apparence, tout se passait dans la bonne humeur. Il se moquait du ronflement bruyant de son ami en donnant des détails assez crus, pour le plus grand plaisir de ceux qui l’écoutaient. Mais les rires se sont vite transformés en embarras général quand les gens se sont rendu compte que le « ronfleur » avait l’air très mal à l’aise d’entendre ces détails privés exposés ainsi à la moquerie. C’était quelqu’un de timide et, ce soir-là, il était accompagné d’une jeune femme pour laquelle il commençait à éprouver une grande affection. C’est une simple anecdote, mais ce genre de paroles peut provoquer une réelle humiliation. Pensez au préjudice causé lorsque quelqu’un révèle, à la légère, des chagrins profondément enfouis. Ou lorsque quelqu’un expose les erreurs passées d’une personne qui a eu tant de mal à les surmonter. Pensez aux commentaires irréfléchis qui se moquent des parents ou des membres de la famille d’un ami. Pensez aux conséquences néfastes que peuvent provoquer de fausses accusations. Une personne digne de confiance fait preuve de discrétion afin de protéger son prochain.

Les versets 10 et 11 présentent, non pas un seul prochain (ou voisin), mais une ville tout entière. Les deux vers du verset 10 insistent sur l’importance de se réjouir. La réussite des justes et la disparition des méchants sont mis en contraste de manière plaisante : les deux vers manifestent un sens de la justice et sont source de « joie » et de « cris d’allégresse » à travers toute la ville.

Le verset 11 reprend un contraste plus habituel, mais percutant : par les paroles du juste ou du méchant, une ville tout entière peut prospérer ou être renversée. Les grands titres des journaux d’aujourd’hui illustrent ces deux cas de figure. Toutefois, il est bien plus facile de repérer les exemples bruyants de discours politiques corrompus, plutôt que de trouver des exemples de conseils dispensés avec discernement par un sage dirigeant (d’une ville ou d’une nation).

Nous n’avons pas abordé chaque verset du chapitre 11. Il faudra donc continuer à creuser. Mais arrêtons-nous un instant sur les deux femmes qui apparaissent rapidement dans ce chapitre. Après les nombreuses mentions de femmes dans les chapitres 1 à 9, nous pourrions regretter leur absence dans la section des proverbes à proprement parler. Elles se manifestent néanmoins de temps à autre, de façon remarquée. Au verset 16, un contraste inhabituel est établi : une femme pleine de grâce obtient la gloire et une bande d’hommes violents la richesse. La femme est clairement gagnante, tant sur son caractère que sur les conséquences qui en découlent.

Ce verset ne décrit pas toutes les femmes d’une manière générale. Il ne faudrait pas oublier la femme du verset 22, belle mais dépourvue de discernement. Ces deux femmes constituent peutêtre une sorte d’opposition dans cette section, offrant un nouvel exemple du contraste qui sépare la sagesse de la folie.

Réfléchir pour agir

  1. De quelle manière pourrions-nous être tentés de réduire la distance qui sépare la droiture de la méchanceté alors que les Proverbes sont si clairs ? Auriez-vous un exemple à donner ?
  2. Les versets sur la richesse dans ces chapitres ont-ils un lien avec les paroles de Jésus dans Matthieu 6.19-21 ? Lequel ?
  3. De quelle manière les paroles d’autres personnes ontelles été pour vous source de bénédiction et de vie ?

Mettre en place un ordre

Les contrastes ordonnés qui dominent la première partie de cette  collection se poursuivent dans les chapitres 12 et 13. Au fil de notre lecture, nous nous attendons maintenant à ces contrastes ainsi qu’aux relations caractère-conséquences. Nous commençons à percevoir l’ordre bien établi et digne de confiance qui existe à travers tout l’univers : c’est l’ordre établi par l’Éternel qui le gouverne.

En début de chapitre 12, nous sommes confrontés à plusieurs contrastes importants. Nous commençons toutefois à mieux comprendre, dans le contexte, que ces vérités décrivent comment Dieu opère dans sa souveraineté mais qu’elles ne donnent pas des promesses qui s’appliquent à telle ou telle situation :

L’homme ne s’affermit pas par la méchanceté, et le juste ne sera pas déraciné.
Proverbes 12.3

On renverse les méchants et ils ne sont plus là, tandis que la maison des justes reste debout.
Proverbes 12.7

Ces deux proverbes, avec leurs images de racines solides et de maisons inébranlables, nous invitent à percevoir le sentiment d’ordre solide réservé aux justes. Ceux qui défient l’ordre que Dieu a mis en place feront logiquement l’expérience inverse : pas de racines, pas de construction solide. Ils seront détruits.

Plusieurs proverbes dans ces chapitres tournent autour du sens de l’ordre, démontrant, avec une pointe d’ironie, la futilité d’essayer de le renverser. « Mieux vaut être de condition modeste et avoir un serviteur », dit le verset 9, « que de faire l’important et de manquer de pain ». En d’autres termes, il vaut mieux accepter humblement sa position modeste (et avoir vraiment un serviteur pour vous aider) que faire semblant d’être quelqu’un d’important alors que vous êtes en réalité fauché. Pour diverses raisons, les gens tentent d’inverser l’ordre des choses, mais la réalité finit toujours par s’imposer :

L’un fait le riche et n’a rien du tout, l’autre fait le pauvre et a de grands biens.
Proverbes 13.7

Les proverbes continuent de rappeler ces schémas : ceux qui travaillent avec zèle gouverneront alors que les nonchalants seront des serviteurs (12.24 – BDS). Ces affirmations se multiplient dans le texte au point que la sagesse commence à façonner notre perception de ce monde qui appartient au Dieu qui l’a créé.

Des paroles de réprimande

Ces chapitres nous ramènent systématiquement à la thématique des paroles ! J’ai longtemps sous-estimé l’insistance de cette thématique dans les Proverbes. Souvent, nous l’abordons comme un sujet parmi tant d’autres et lui accordons autant de temps et de place qu’à tous les autres… Mais c’est une erreur. En agissant ainsi, nous passons à côté de l’insistance avec laquelle le livre revient sur ce sujet. La thématique des paroles traverse tous les chapitres des Proverbes, tout comme les paroles sont présentes à chaque instant de chaque jour de notre vie. L’appel prioritaire des Proverbes est un appel à écouter les paroles de la sagesse. La question des paroles est au cœur même de la sagesse.

Proverbes 12.1 présente une catégorie spécifique de paroles qui sera largement développée dans les chapitres 12 et 13 : les paroles de réprimande (ou de reproche) qu’une personne sage écoute (et qu’une personne insensée n’écoute pas). Le contraste de 12.1 ne pourrait pas être plus marqué : il oppose l’amour et la haine. Celui qui « aime l’instruction » (associée à la réprimande) démontre ainsi qu’il aime quelque chose de plus noble encore : la « connaissance » (étroitement associée à la sagesse). En revanche, celui qui déteste le reproche est simplement qualifié d’« idiot ».

Mes petits-enfants ne sont pas autorisés par leurs parents à qualifier quelqu’un ou quelque chose d’« idiot ». Il m’arrive parfois d’utiliser ce mot et d’essuyer alors leurs reproches. Dans ce verset, cependant, « idiot » ne signifie pas « incapable d’apprendre » ou « ridicule ». Au contraire, il a le même sens que l’expression rencontrée en 11.12 : « manque de bon sens ». Les reproches participent à notre apprentissage et à notre croissance, tout au long de notre vie,  il est donc sage de les écouter. Ce serait idiot de ne pas le faire !

Le verset 2 ne semble pas, à première vue, se rattacher directement à l’idée de réprimande du verset 1. Toutefois, la mention de faveur ou de condamnation de la part de l’Éternel pourrait nous amener à voir dans « l’instruction » et le « reproche » du verset 1des répercussions plus importantes que nous ne l’avions d’abord imaginé. Ce verset tourne à nouveau notre regard vers l’Éternel. Dans cette perspective, il paraît évident que la stupidité qui consiste à détester la réprimande entraîne des conséquences éternelles.

Certains proverbes qui abordent le même sujet donnent à comprendre que la parole de Dieu est l’instruction ultime qu’il ne faut surtout pas refuser d’entendre. Lisez 13.13-14 :

Celui qui méprise la parole se perd, mais celui qui craint le commandement est récompensé. L’enseignement du sage est une source de vie pour détourner des pièges de la mort.

Dans le contexte immédiat, la « parole » serait la parole d’instruction de la sagesse. Dans le contexte du livre entier, la « parole » et le « commandement » font référence à la parole de Dieu adressée au peuple d’Israël, comme cela est mentionné dans les premiers versets du livre. (En réalité, la « parole » inclut aussi les paroles de sagesse que nous sommes en train de lire !) Respecter ou mépriser la parole de sagesse (la parole de l’Éternel) est à nouveau une question de vie ou de mort.

Pour chacun d’entre nous, la parole de sagesse est une parole de réprimande, donnée afin de se « détourner des pièges de la mort » (v. 14b). Cette parole met en évidence la futilité des voies insensées, et invite à s’en détourner pour emprunter le chemin de la vie. Il semble normal que le premier appel de la sagesse soit essentiellement une réprimande : « Revenez pour écouter mes reproches ! » s’écrie-t-elle (1.23).

Le thème de la réprimande se développe avec insistance dans cette section. Celui qui rejette l’instruction est un « fou » dont la voie est droite à ses propres yeux (12.15a), un « moqueur » qui n’écoute pas la menace (13.1b), un orgueilleux qui attise les querelles (13.10a) et une personne qui « néglige l’instruction » s’exposant ainsi à la pauvreté et à la honte (13.18a).

La lecture de 2 Timothée 3.16 (BDS) apporte un éclairage nouveau sur ce thème. Nous ne remarquons pas toujours à quel point la réprimande occupe une place importante dans ce verset connu : « Car toute l’Écriture est inspirée de Dieu et utile pour enseigner, réfuter, redresser et apprendre à mener une vie conforme à ce qui est juste ». Dans un monde déchu, la parole de Dieu s’adresse toujours à des pécheurs, elle continue de les appeler à se détourner de leur péché afin de recevoir sa miséricorde, sa grâce et sa justice. « Réfuter » et « redresser » (ou « corriger » – S21) sont des éléments essentiels dans cet appel.

À cause de notre péché, nous avons du mal à accepter les reproches. Nous n’aimons pas nous entendre dire que nous avons tort, nous nous sentons rabaissés. Nous nous agrippons fortement à nos convictions : la voie que nous empruntons est droite à nos yeux ! (Proverbes 12.15). Nous voulons toujours nous justifier. Mon mari me fait parfois remarquer que j’ai tendance à réagir trop rapidement lorsqu’une nouvelle idée me paraît mauvaise. Je n’écoute pas jusqu’au bout et je ne réfléchis pas sérieusement à ce qu’elle peut impliquer. Lorsqu’il me fait cette remarque, mon réflexe immédiat est bien sûr de contester, ce qui a tendance à lui donner raison ! J’ai besoin de ce reproche. Combien il est important, surtout avec nos proches, de cultiver la retenue et le respect qui nous permettent de bien écouter, même lorsque nous entendons un reproche.

Des paroles de vérité et de puissance

Le chapitre 12 des Proverbes met particulièrement l’accent sur la véracité de nos propos. Une distinction claire est établie entre vérité et non-vérité :

Celui qui dit la vérité proclame la justice, et le faux témoin la tromperie.
Proverbes 12.17

Cette distinction tend à disparaître aujourd’hui, et nous entendons toutes sortes d’arguments au sujet du sens variable et discutable des mots, qu’il s’agisse des paroles d’un personnage public, des mots d’un document juridique ou même de la Bible. Il est vrai que la signification de tel ou tel mot peut varier en fonction de nos propres grilles d’interprétation ou de notre vécu. Mais les Proverbes rappellent que nous ne pouvons pas rejeter le sens objectif des mots. Certaines paroles peuvent être qualifiées de « vérité », d’autres de « tromperie », selon qu’elles sont dignes de foi (elles proclament la « justice ») ou mensongères (un « faux témoin » en est la source).

Les mots correspondent donc à une réalité qui dépasse notre expérience personnelle. Toute la Bible atteste cette vérité en affirmant que cette parole sort de la bouche de Dieu (2.6). Elle descend jusqu’à nous comme la pluie et la neige du ciel (Ésaïe 55.10-11). Tous les proverbes qui évoquent les paroles de vérité s’inscrivent dans ce contexte plus global :

La lèvre qui dit la vérité est affermie pour toujours, tandis que la langue mensongère ne subsiste qu’un instant.
Proverbes 12.19

Le contexte global est celui du point de vue de l’Éternel, donné en rapport avec cette question de la vérité face au mensonge :

Les lèvres mensongères font horreur à l’Éternel, tandis que ceux qui agissent avec fidélité lui sont agréables.
Proverbes 12.22

Nous retrouvons ici deux termes connus, « horreur » et « agréable » (voir 11.1, 20). Le contraste oppose les lèvres mensongères aux actions fidèles. Cela signifie qu’avoir des lèvres mensongères implique bien plus que prononcer des paroles fausses : c’est une question de caractère. L’Éternel regarde du haut des cieux et voit nos cœurs et toutes nos actions, y compris nos paroles.

Notre tendance naturelle est au mensonge. Si vous en doutez, passez un peu de temps avec des enfants en bas âge et vous en serez convaincus. Les enfants mentent. Une petite fille tape son amie et on lui pose la question : « Est-ce que tu l’as tapée ? » – « Non ! », répond-elle. On demande au petit garçon qui vient de voler le crayon de la petite fille : « Est-ce que tu as pris son crayon ? » Il nous répond : « Non ! » Ils sont petits et mignons mais ils tapent, ils volent et ils mentent.

C’est pourquoi nous, les plus grands, disciplinons nos petits et nous leur apprenons à se tourner vers Dieu pour recevoir pardon et force afin de vivre la vie fidèle qui lui est agréable. Par la grâce de Dieu, nous, les adultes, apprenons aussi les leçons que nous enseignons à nos enfants. Le mensonge représente une partie importante des « vieux vêtements » dont nous devons nous débarrasser lorsque, par la foi, nous commençons à mener une vie nouvelle en Christ (Colossiens 3.8-9). À la fin de l’histoire de l’humanité, tous ceux qui pratiquent le mal, y compris « tous les menteurs », seront jetés dans l’étang de feu* (Apocalypse 21.8). Le grand séducteur, le diable, y sera lui aussi précipité : « Il est menteur et le père du mensonge » (Apocalypse 20.10 ; Jean 8.44).

Lorsque nous évoquons les paroles vraies ou fausses, nous parlons de la bataille spirituelle la plus fondamentale de l’univers. Satan est un menteur vaincu. Mais Jésus, le Fils de Dieu, est le chemin, la vérité et la vie (Jean 14.6) ! Notre seul espoir se trouve en Jésus. Les paroles de la sagesse en Proverbes 8 dirigent notre attention vers lui :

Oui, c’est la vérité que ma bouche proclame et mes lèvres ont horreur de la méchanceté.
Proverbes 8.7

La prochaine fois que nous sommes tentés de dire des mots qui ne sont pas honnêtes et justes, rappelons-nous que l’Éternel regarde. Souvenons-nous de la grâce du Seigneur Jésus qui est descendu du ciel afin de nous libérer de notre péché, en prenant sur lui notre condamnation.

Lorsque nous devons faire un choix entre dire la vérité ou mentir, les enjeux sont souvent plus importants que lorsqu’il s’agit de répondre à la question « As-tu tapé ta copine ? » ou « Est-ce que tu as volé son crayon ? » Mais le problème est le même : il s’agit de savoir si nos paroles correspondent honnêtement à la réalité, ou non. Qu’avez-vous exactement promis au nouveau collaborateur qui a rejoint votre organisation ? Quel était précisément votre rôle dans le projet qui a mal tourné ? Qu’avez-vous vraiment dit à cette personne qui est blessée ou en colère ? Cela vous est-il arrivé d’annoncer que vous aviez terminé un travail alors que vous l’aviez presque terminé, mais pas vraiment ? Avez-vous dit exactement combien vous aviez dépensé pour ce repas ou pour ce manteau ?

Le peuple de Dieu a une compréhension toute particulière du pouvoir des paroles. Dieu a créé le monde en prononçant des paroles. À son image, nous parlons et accomplissons des choses grâce à nos paroles, qu’il s’agisse de conversations ordinaires, de poèmes ou de contrats de mariage. Nous les humains sommes des créatures douées de parole, tout comme notre créateur. Jésus est la Parole, la Parole faite chair (Jean 1.1, 14). Pas surprenant que les Proverbes soulignent ainsi le pouvoir de vie et de mort des mots. Les paroles des méchants sont des « embuscades meurtrières », mais les paroles qui sortent de la bouche des hommes droits apportent la délivrance (Proverbes 12.6). Les paroles prononcées à la légère blessent « comme une épée », mais une langue sage apporte la guérison (v. 18). Une bonne parole est si puissante qu’elle peut apporter joie et réconfort là où règnent l’inquiétude et le désespoir (v. 25).

* Étang de feu : cette image de l’Apocalypse représente le jugement de Dieu sur les pécheurs (voir Apocalypse 19.20 ; 20.10 ; 20.14-15 ; 21.8).

Contextes

Les thèmes abordés jusqu’à présent sont ceux que tout être humain connaît bien : la richesse, le travail, les paroles. Ces thèmes se développent en utilisant deux grands ensembles de contrastes : la sagesse opposée à la folie et la justice (ou droiture) opposée à la méchanceté. Ces catégories restent néanmoins compréhensibles car elles sont ancrées dans le monde réel. Le contexte de la vie ordinaire et quotidienne est omniprésent.

Le verset 9, par exemple, ne parle pas uniquement d’humilité et d’orgueil ; il nous fait entrer dans deux foyers. Dans l’une de ces maisons, il y a un serviteur mais dans l’autre, on n’a même pas de pain à mettre sur la table. Le proverbe qui suit reste dans le domaine du foyer et nous explique que le juste « veille au bien-être de ses bêtes » (v. 10a – BDS), un bel exemple de bonté en pratique.

Le proverbe suivant illustre concrètement la récompense d’un travail consciencieux : « Celui qui cultive son terrain est rassasié de pain » (v. 11a). Le contexte est celui d’une société agraire, un environnement riche en exemples que chacun peut aisément imaginer et comprendre. Même si je n’ai jamais chassé le gibier pour me nourrir, je comprends ce que veut dire : « Le paresseux ne fait pas rôtir son gibier » (v. 27 – BDS).

Le contexte de la famille est un autre sujet important auquel il est régulièrement fait allusion. Il est développé dès le début des Proverbes dans la sagesse que les parents (et grands-parents) transmettent au fils. Dans notre section des proverbes, une nouvelle femme fait son apparition et il s’agit cette fois-ci d’une épouse (en fait, de deux épouses) :

Une femme de valeur est une couronne pour son mari, mais celle qui fait honte est comme une carie dans ses os.
Proverbes 12.4

Nous reviendrons sur cette « femme de valeur » lorsque nous parviendrons à Proverbes 31. Les deux épouses participent ici au rythme antithétique et les résultats contrastés ne pourraient pas être plus saisissants, en particulier pour les maris : une des épouses est une couronne pour son mari, l’autre est une maladie qui ronge ses os !

Le contexte familial ne cesse de refaire surface. C’est au sein de nos relations familiales que nous passons notre vie, génération après génération. Le verset 13.1 évoque à nouveau le fils sage qui écoute l’instruction de son père. Le verset 22 parle de laisser un héritage aux enfants des enfants. Le verset 24 évoque un sujet lié à la famille sur lequel nous reviendrons : ne pas ménager le bâton et ne pas hésiter à discipliner un enfant que l’on aime.

Ces chapitres se placent dans un contexte plus global : le Dieu éternel veille constamment sur chacun de nos pas. Certains proverbes invitent à lever les yeux pour reconnaître l’Éternel. Nous avons également vu quelques proverbes qui cassent le rythme du parallélisme antithétique pour souligner une idée en particulier. L’un d’eux conclut le chapitre 12 :

La vie est dans le sentier de la justice, son chemin ne conduit pas à la mort.
Proverbes 12.28

Ce proverbe devrait attirer notre attention. Le deuxième vers ne s’oppose pas au premier, mais le confirme. Il met en valeur « la vie » en précisant « pas à la mort ». La vie gagne dans les deux vers ! Nous regardons droit devant nous, sur le chemin de la vie.

Malgré ses nombreux avertissements inquiétants, le livre des Proverbes offre une promesse de vie à tous ceux qui veulent bien écouter. Lorsque nous voyons réapparaître l’image d’un « arbre de vie » (13.12) et celle d’une « source de vie » (v. 14), naît en nous une espérance durable. Le contexte général des Proverbes est celui d’une vie et d’une espérance fondées sur l’Éternel lui-même, lorsque nous le craignons et le suivons.

Réfléchir pour agir

  1. Vous souvenez-vous du dernier reproche que vous avez reçu ? Comment cela s’est-il passé ?
  2. Quel regard le monde porte-t-il sur le mensonge ? Comment et pourquoi la perspective des Proverbes est-elle si différente ? (Voir aussi Colossiens 3.1-10).
  3. De quelle manière les proverbes que nous avons étudiés peuvent-ils marquer vos prières ?

Chapitre 7

Cette section nous amène au milieu des « proverbes de  Salomon », nous verrons qu’il s’agit d’une étape essentielle ! Nous examinerons d’abord les chapitres 14 et 15 pour voir les thèmes qui y sont développés, puis nous verrons ces thèmes s’unir et culminer dans un passage central : Proverbes 16.1-9. Ici, au cœur des proverbes de Salomon, on retrouve le cœur de la pensée de ce livre : vivre dans la crainte de l’Éternel.

Deux chemins

En Proverbes 14 et 15, trois thèmes forts continuent de se développer, le premier étant celui des deux chemins, celui de la sagesse et celui de la folie. Nous avons vu ce modèle dès le début de cette collection de proverbes (10.1). En utilisant principalement le parallélisme antithétique, les proverbes ont toujours souligné le contraste direct entre la voie de la sagesse et celle de la folie. Cette distinction apparaît parfois sous des termes différents (« justice » en opposition à « méchanceté », par exemple), mais la différence fondamentale est celle expliquée dès le début du livre : le chemin de la sagesse est le chemin de celui qui craint l’Éternel et écoute sa parole ; le chemin de la folie est le chemin de celui qui méprise l’Éternel et son instruction. Le premier mène à la vie, le second à la mort.

Le chapitre 14 s’ouvre sur une image frappante de ces deux chemins, frappante car elle nous ramène à l’image des deux femmes du chapitre 9. La « femme sage » ici en 14.1 nous rappelle la sagesse personnifiée de 9.1, qui a construit sa maison, tout comme le fait cette femme. La maison de la sagesse au chapitre 9 était un lieu de vie chaleureux, avec un festin qu’elle avait elle-même préparé. La femme sage du chapitre 14 semble manifestement se donner la même mission de partager la vie avec ceux qui l’entourent. L’image est à nouveau celle d’une maison : un lieu où l’on vit.

L’image parallèle permet de mieux comprendre : « La folle la démolit de ses propres mains » (14.1b). Cette femme insensée (qui rappelle la folie de 9.13) ne démolit pas physiquement sa maison, mais plutôt les relations avec les gens qui l’entourent. L’expression « de ses propres mains » fait peser la responsabilité directement sur cette femme. Telle était la « femme étrangère » des chapitres 1 à 9 « qui abandonne l’ami de sa jeunesse et qui oublie l’alliance de son Dieu » (voir 2.16-19). Sa maison était décrite comme penchant vers la mort, elle l’avait démolie de ses propres mains.

Une fois de plus, deux femmes représentent les deux chemins, mettant en évidence les différentes voies qui s’offrent à chaque être humain. Ces images sont particulièrement parlantes pour les femmes, car elles montrent comment une femme peut renforcer ou détruire la stabilité des vies qui l’entourent, créant un lieu sûr et propice à la vie, ou alors un lieu de destruction où la vie de son entourage est comme aspirée, « vampirisée ». Une femme peut détruire sa famille, tout comme un homme, bien sûr (voir 11.29 et 15.27, des passages qui montrent que le méchant « trouble sa maison » de diverses manières). Une preuve tangible de la main de la folie dans le monde qui nous entoure aujourd’hui est certainement l’effondrement du mariage et de la famille. De nombreuses maisons et foyers sont remplis de couples et d’enfants troublés qui cherchent un endroit où vivre.

Les deux chemins en action

Proverbes 14.2 explique une fois de plus la différence entre les deux chemins : « Celui qui marche dans la droiture craint l’Éternel, mais celui qui emprunte des voies tortueuses le méprise ». Le fond de la question, c’est notre attitude de cœur envers l’Éternel.

Cette attitude se manifeste dans la façon dont on « marche », c’est-à-dire dans notre façon de vivre. Nous avons vu des exemples de transactions honnêtes comparées à des transactions malhonnêtes, de paroles véridiques comparées à des mensonges, et ainsi de suite. Les exemples se poursuivent dans ces chapitres, à mesure que la folie dévoile son visage. Nous venons de voir la « folle » démolir sa maison. Au verset 9 (COL), les fous « se moquent d’un sacrifice de culpabilité », ce qui implique un mépris du culte institué par l’Éternel lui-même. En revanche, « parmi les hommes droits se trouve la faveur ». De toute évidence, l’Éternel accepte ce sacrifice, pardonnant aux « hommes droits » qui le craignent et suivent sa parole.

Dans ces chapitres, nous trouvons des insensés qui agissent et parlent de manière imprudente, sans retenue :

Le sage craint le mal et s’en détourne,

tandis que l’homme stupide se montre arrogant et plein d’assurance.

Le colérique fait des bêtises et le conspirateur s’attire la haine.
Proverbes 14.16-17

Dans ces deux versets, le vantard occupe le devant de la scène et évince rapidement le personnage sage et prudent qui lui fait contraste. Bien sûr, les Proverbes s’empressent d’annoncer un retournement de situation par un autre verset qui indique les conséquences à venir :

Les mauvais doivent s’incliner devant les bons, et les méchants aux portes du juste.
Proverbes 14.19

Cependant, ce tempérament insensé continue de s’enflammer, ce qui est un signe indéniable du chemin de la folie. L’homme compréhensif est « lent à la colère », mais celui qui « s’énerve facilement proclame sa folie » (v. 29). Connaissez-vous cette personne colérique ? Êtes-vous parfois cette personne ? Il est facile de reconnaître la colère chez une autre personne, et de se rendre compte de ses effets néfastes lorsque nous entendons des mots durs brandis comme des armes ou lorsque nous sommes témoins d’actions qui peuvent laisser de profondes blessures. Il est aussi particulièrement facile de justifier sa propre colère, de ne pas la voir au travers d’un regard extérieur et de ne ressentir que cette satisfaisante vague d’émotions dont la colère nous nourrit. Les personnes en colère sont gonflées par la violence de leurs sentiments. Il est impossible de craindre humblement Dieu et en même temps de s’abandonner à une colère incontrôlée. Ces deux chemins sont bien différents.

La colère juste existe. Mais les Proverbes traitent de la colère que la plupart d’entre nous connaissons bien mieux : la colère injuste qui provient d’un cœur impur. Beaucoup d’entre nous avons déjà été témoins d’un dîner entre amis ou en famille qui devient soudainement désagréable lorsqu’une personne prononce une parole dure et que la tension monte. Parfois, il s’agit simplement d’un sous-entendu un peu agressif, mais parfois, la conversation dégénère en conflit ouvert. Quelle que soit la qualité du repas, on perd l’appétit. Les Proverbes connaissent bien ce genre de tableau :

Mieux vaut un plat de légumes là où règne l’amour qu’un bœuf engraissé dans la maison de la haine.
Proverbes 15.17

Ce contraste révèle que les choses ne sont pas toujours ce qu’elles semblent être. Un dîner avec un bœuf engraissé serait le festin d’une personne riche ; cela semble être un bien meilleur repas. Mais, comme le dit 14.8 : « La sagesse de l’homme avisé, c’est de discerner sa voie ». Ce discernement est nécessaire car « la folie des hommes stupides, c’est la tromperie ».

Un proverbe particulièrement réjouissant aborde la question des apparences trompeuses :

S’il n’y a pas de bétail, la mangeoire est propre, mais c’est à la vigueur des bœufs qu’on doit l’abondance des récoltes.
Proverbes 14.4

En d’autres termes, ne vous laissez pas tromper par l’apparence agréable d’une étable propre. Si quelqu’un y travaillait dur ou de manière productive, on trouverait forcément de la boue, de la sueur et des bêtes sales ! Je ne peux m’empêcher de transposer cette pensée à la façon dont beaucoup d’entre nous cherchons à afficher nos maisons toujours propres et bien rangées. Cela signifie parfois que nous avons mis de côté l’important « travail » relationnel pour lequel nous permettons, par exemple, que la cuisine soit mise en désordre par divers coups de main, ou que les gens nous voient au milieu de projets en cours, sans que cela ne nous dérange ! Il y a mieux qu’une mangeoire impeccable.

En fin de compte, si nous ne sommes pas assez avisés pour discerner au-delà des apparences, nous serons trompés bien au-delà des petites choses temporaires. À ce sujet, le verset 12 offre un avertissement familier :

La voie qui paraît droite à un homme peut finalement conduire à la mort.

La tromperie survient petit à petit sur le chemin de la folie. Le livre des Proverbes nous invite à « être attentifs à [nos] pas » (v. 15), il nous avertit que nos pas suivent inévitablement l’un des deux chemins, nous menant soit à la vie, soit à la mort.

La justice

Un deuxième thème-clé de cette section est la justice. C’est un thème qui était implicite dans les chapitres précédents, mais qui prend maintenant de l’importance, surtout à la lumière des abus commis par des insensés sans retenue. Nous avions laissé de côté un proverbe situé à la fin du chapitre 13 qui, au milieu de tous les discours sur la richesse, semble plaider en faveur des pauvres :

Le champ que défriche le pauvre donne une nourriture abondante, mais l’absence d’équité provoque la perte de certains.
Proverbes 13.23

Nous ne savons pas exactement de quel type d’injustice il s’agit ici, ni de la part de qui. Le verset donne simplement l’aperçu d’un homme qui aurait pu être riche, mais le pauvre reste pauvre, avec peu de nourriture. Nous avons lu que la pauvreté était le résultat de la paresse ou de la méchanceté (voir par exemple, 6.10-11 et 10.3-4). Mais nous avons également lu des scénarios différents (voir par exemple 10.2 ou encore le meilleur dîner composé uniquement de légumes).

Les chapitres 14 et 15 développent un souci évident de justice à l’égard des « pauvres », définis simplement dans ces contextes comme des personnes qui n’ont pas assez pour satisfaire leurs besoins matériels. Le verset 14.20 fait un triste constat, mais qui se vérifie souvent :

Le pauvre est détesté même par son prochain, tandis que les amis du riche sont nombreux.

Le proverbe qui vient juste après offre le jugement de valeur que nous pourrions attendre après avoir lu ce verset. D’abord, il y a l’observation sur le terrain, puis vient la perspective de la sagesse, qui va droit au but :

Celui qui méprise son prochain commet un péché, mais celui qui a pitié des plus humbles connaît le bonheur.
Proverbes 14.21

Finalement, la vision la plus révélatrice sur la question de la justice envers les pauvres arrive quelques versets plus loin :

Exploiter le faible, c’est insulter son créateur, mais faire grâce au pauvre, c’est l’honorer.
Proverbes 14.31

Quel aperçu saisissant de la manière dont les Proverbes se fondent sur la vérité de notre Dieu créateur, qui a parfaitement ordonné ce monde dès le commencement. Même déchu, ce monde est toujours celui de notre Père, et chaque être humain qui s’y trouve est fait à l’image de Dieu, bien que cette image ait été altérée. Ainsi, opprimer un être humain, c’est insulter son créateur, l’Éternel. En revanche, être généreux envers une personne dans le besoin, c’est honorer l’Éternel, en montrant que l’on prend soin de tout ce qu’il a créé. Une fois de plus, notre relation avec Dieu occupe le premier plan. Il n’est pas question d’une loi abstraite. La façon dont nous traitons ce qu’il a créé (ou qui il a créé) est une question très personnelle pour Dieu. Il nous demande de reconnaître la valeur de chaque personne en tant que créature de Dieu, et non sur la base de nos évaluations en tant que créatures limitées.

Les Israélites savaient que Dieu avait inclus le soin des pauvres dans la révélation de sa loi. Par exemple, Deutéronome 15.7-11 explique en détail que si l’un d’entre eux devenait pauvre dans le pays que Dieu leur donnait, il leur était demandé de ne pas endurcir leur cœur ou de fermer leurs mains : « Tu ouvriras ta main à ton frère, à celui qui vit dans la misère et la pauvreté dans ton pays » (Deutéronome 15.11). Leur générosité avait pour contexte le rappel de ce que Dieu avait fait pour eux : « Tu te souviendras que tu as été esclave en Égypte et que l’Éternel, ton Dieu, t’a racheté » (Deutéronome 15.15).

Ici, dans les Proverbes, le contexte de l’Ancien Testament n’est pas explicite mais implicite, bien que nous ayons toujours à l’esprit l’introduction du livre, à savoir la parole de Dieu et le peuple de Dieu (Proverbes 1.1). Il est fascinant et merveilleux que dans ces proverbes du chapitre 14, les principes de générosité et de justice pour les pauvres reposent fermement sur le fondement du Dieu créateur. Ce fondement est suffisant pour exiger la justice. Lorsque nous pensons à toutes les autres dimensions de la révélation, qui culminent dans le grand don du salut que Dieu nous a fait en Christ, son Fils, nous ne pouvons même pas exprimer combien notre générosité devrait déborder, comme une réponse pleine de reconnaissance et de miséricorde.

Le cœur

Un troisième thème-clé de cette section est le cœur, c’est-à-dire la personne intérieure : pas simplement nos émotions, mais plutôt le centre de notre être tout entier.

Les Proverbes parlent de notre cœur. Même s’il met l’accent sur l’aspect pratique, le livre aborde la complexité de nos expériences humaines les plus profondes. Nous avons déjà noté le lien entre le cœur et les paroles. Au chapitre 14, quelques proverbes semblent s’arrêter pour regarder, avec une sorte de compassion sincère, à l’intérieur du cœur humain :

Le cœur connaît ses propres chagrins et un étranger est incapable de s’associer vraiment  à sa joie.
Proverbes 14.10

Par son observation, la sagesse fait preuve d’une honnêteté réconfortante : elle éclaire tout autour d’elle, jusque dans le cœur des gens. C’est vrai, personne autour de vous ne peut comprendre les amertumes et les joies particulières que vous portez en vous. (Même si, entendre cette vérité formulée, c’est voir notre expérience personnelle reconnue et en quelque sorte validée par la voix de la sagesse. Nous y reviendrons.)

La sagesse des Proverbes le voit et le proclame sous différents angles. Oui, « un cœur joyeux rend le visage plaisant », et à l’inverse, « quand le cœur est triste, l’esprit est abattu » (15.13). Mais là encore, les apparences ne révèlent pas toujours toute l’histoire :

Au milieu même du rire le cœur peut être dans la peine, et la joie peut finir en tristesse.
Proverbes 14.13

Ces proverbes ne parlent pas seulement de notre expérience personnelle, ils nous gardent également de tirer des conclusions hâtives sur les gens qui nous entourent, et en particulier de croire que nous pouvons comprendre ce que les autres vivent. Régulièrement, lorsque je m’adresse à divers groupes de femmes, je regarde mon auditoire et j’essaie d’imaginer la profondeur des peines, des joies et des histoires que ces femmes portent sous leurs visages joyeux et prêts pour le moment d’adoration. Je sais bien que je n’y arriverai pas.

Mais l’Éternel, lui, le peut. Les Proverbes nous font voir les mystères du cœur humain, à travers le regard de l’Éternel. Nous voyons ce qui se passe lorsque la sagesse y réside : « Dans un cœur intelligent la sagesse repose tranquillement » (14.33a). Le cœur compréhensif est celui qui « recherche la connaissance » (15.14a), la connaissance de l’Éternel que nous sommes appelés à craindre.

Réfléchir pour agir

  1. D’après votre expérience, qu’est-ce qui déclenche la colère ? Faites la liste de tout ce que vous pouvez observer sur la colère dans le verset 14.29.
  2. De quelle manière notre vision de Dieu façonne-t-elle notre regard sur les riches et les pauvres qui nous entourent ?
  3. Lesquels des proverbes abordés dans cette section vous font penser à la façon dont vous vous comportez et parlez lorsque vous êtes à la maison et avec votre famille ?

L’Éternel

Si nous devions nommer un quatrième thème-clé pour l’ensemble de cette section, ce serait tout simplement le nom de Yahweh, « l’Éternel ». Nous avons découvert la crainte de l’Éternel dès le verset 14.2 qui définit le contraste fondamental. La présence de l’Éternel devient de plus en plus évidente au fil des chapitres 14 et 15, rassemblant les thèmes que nous avons notés et les amenant à un point culminant dans les premiers versets du chapitre 16.

Proverbes 14.26 offre un aperçu passionnant de la crainte de l’Éternel à l’œuvre, génération après génération :

Celui qui craint l’Éternel possède un puissant appui et ses enfants ont un refuge auprès de lui.

Beaucoup d’entre nous avons certainement déjà observé cela : des croyants qui transmettent à leurs enfants, non seulement des vérités intellectuelles, mais aussi une confiance personnelle dans l’Éternel qu’ils craignent. Cela ne fonctionne pas toujours, mais ce proverbe montre la voie. Il nous aide à prier, d’abord pour nousmêmes, puis, avec confiance en Dieu, pour ceux qui viendront après nous, afin que nous puissions, eux et nous, trouver ce refuge et y vivre.

Le verset 27 est un excellent exemple de la façon dont les proverbes ont tendance à graviter autour de nous par le biais de répétitions (et de variations) significatives. Ce verset répète le verset 13.14, avec la même image glorieuse de la source de vie. Mais ici, au chapitre 14, « l’enseignement du sage » est remplacé par « la crainte de l’Éternel ». Les deux expressions sont interchangeables, et l’une ne va pas sans l’autre. Sans la crainte de l’Éternel, nous n’avons pas de sagesse et pas de vie véritable.

La crainte de l’Éternel est une vérité fondamentale qui continue de briller et de faire toute la différence. Vous vous souvenez de ce plat de légumes partagé dans un climat d’amour, bien meilleur que le bœuf engraissé partagé dans un climat de haine (15.17) ? Juste avant ce verset, on peut lire un autre proverbe en « mieux vaut » :

Mieux vaut peu avec la crainte de l’Éternel, qu’un grand trésor avec le trouble.
Proverbes 15.16

Ainsi, avant l’exemple spécifique des repas opposés, nous retrouvons d’abord la perspective fondamentale. Les Proverbes nous disent que la crainte de l’Éternel est la question au cœur du contraste.

Considérons le thème de la justice. Nous avons vu que le Dieu créateur est à la base du souci de justice et de générosité envers les pauvres, manifesté dans les Proverbes (14.31). En 15.25, l’Éternel lui-même est désigné comme celui qui agit en faveur de la justice :

L’Éternel démolit la maison des orgueilleux, mais il préserve le domaine de la veuve.

Ce proverbe est fascinant à la lumière de 14.1. Ce verset ne peut que nous rappeler l’image troublante de la folle qui démolit sa maison de ses propres mains, mais ici, c’est l’Éternel qui démolit. Alors, lequel démolit ? Les deux. La folie humaine provoque des conséquences désastreuses, mais toutes sont dans la main du Dieu souverain qui a créé et qui gouverne toute la création.

Le règne de l’Éternel est actif : il est représenté ici non seulement comme démolissant la maison des orgueilleux (qui exploitent probablement la veuve), mais par contraste, il consolide également la propriété de la veuve. En d’autres termes, il veille sur les plus vulnérables et les moins protégés, comme la loi le déclare : « Il fait droit à l’orphelin et à la veuve, il aime l’étranger et lui donne de la nourriture et des vêtements » (Deutéronome 10.18). C’est ce qui ressort de l’histoire de Ruth et Naomi. Veuves, elles ont été protégées non seulement par des lois leur permettant de glaner dans les champs, mais aussi par des dispositions prévoyant un rédempteur* qui prendrait soin d’elles et de leur famille (Ruth 2 à 4).

Cette vérité est parfaitement incarnée par Jésus. Il a vu une pauvre veuve mettre ses deux petites pièces dans le tronc de l’offrande et il a veillé à ce que les autres la voient également, non seulement ses disciples qui étaient présents, mais nous aussi, chaque fois que nous lisons la parole de Dieu (Luc 21.2). Dieu voit et dirige toute chose, c’est ainsi que la Bible le montre :

Les yeux de l’Éternel sont partout, observant les méchants autant que les bons.
Proverbes 15.3

Considérons le thème du « cœur ». Bien sûr, c’est l’Éternel qui connaît les voies du cœur :

Le séjour des morts et le gouffre de perdition sont devant l’Éternel.

C’est d’autant plus le cas du cœur des hommes.
Proverbes 15.11

Ce verset explique clairement que la sagesse connaît même nos expériences personnelles. L’Éternel est au commencement, à la fin et au cœur de tout. Le « séjour des morts » et le « gouffre de perdition » sont les endroits sombres que nous, êtres humains, ne pouvons qu’imaginer et craindre. Ces lieux nous sont fermés, ils ne sont ouverts que devant Dieu. Cela nous renvoie non seulement à sa connaissance souveraine, mais aussi à son jugement souverain. Le parallélisme montre ici que les « cœurs » sont mis à nu devant Dieu, nos pensées et nos désirs les plus profonds sont donc soumis aux mêmes qualités divines.

Autour de ce proverbe sur les cœurs à nu se trouvent plusieurs proverbes qui nous parlent à nouveau de la réponse personnelle de l’Éternel à nous, êtres humains, lorsque nous suivons l’un ou l’autre des chemins. Il connaît et juge nos pensées : « les mauvaises intentions » lui « font horreur », mais les « paroles bienveillantes », qui viennent manifestement de cœurs qui le craignent, sont « pures » (v. 26). Le verset 8 oppose le sacrifice des méchants à la prière des hommes droits : l’un fait à nouveau « horreur à l’Éternel » tandis que l’autre lui est « agréable ». Le verset suivant dit à nouveau de la voie des méchants qu’elle « fait horreur à l’Éternel » ; en revanche, « il aime l’homme qui poursuit la justice » (v. 9).

Il l’aime ! Voilà une affirmation à ne pas manquer ou ne pas laisser assombrir par les condamnations. Le jugement de Dieu sur le mal est puissant, mais l’amour qu’il a pour son peuple qui le craint est tout aussi puissant, sinon plus. Rappelez-vous cette image de la sagesse qui nous appelle encore et encore, disant : « J’aime ceux qui m’aiment, et ceux qui me cherchent me trouvent » (8.17). L’amour de Dieu est un amour éternel et personnel. C’est l’amour que nos cœurs recherchent. Cet amour s’est pleinement révélé dans le Seigneur Jésus qui a donné sa vie pour nous sauver de notre péché.

* Rédempteur : dans ce contexte, quelqu’un qui rétablit les droits d’un proche parent ou venge ses torts (voir Lévitique 25.25-55 ; Nombres 35.18-21). Plus précisément, un rédempteur peut racheter un parent de l’esclavage, racheter la propriété d’un parent qui a dû la vendre à cause de la pauvreté, venger un meurtre, épouser la veuve de son frère afin d’avoir un enfant qui sera l’héritier de son frère, ou recevoir un paiement convenu pour compenser les torts causés à son parent. Dans le livre de Ruth, Boaz est un rédempteur pour Ruth et Naomi ; il achète le champ de Naomi et épouse Ruth, la veuve de son parent.

La « couture » au milieu

Nous arrivons maintenant de toute évidence à un concentré de références à Yahweh, l’Éternel, au centre même de ce recueil. Dans son commentaire, Lindsay Wilson désigne les versets qui relient les chapitres 15 et 16 comme une « couture théologique au milieu10 ». Nous avons vu comment la crainte de l’Éternel tenait ensemble les neuf premiers chapitres. Elle avait été introduite dans le prologue (1.7) et était réapparue de façon décisive au cœur du chapitre 9. Nous verrons à la fin comment ce concept unit l’ensemble du livre. Mais même au cours de notre voyage, nous constatons que l’Éternel et la crainte qui lui est associée sont les fils conducteurs de l’ensemble du livre.

L’accumulation de références à l’Éternel dans les chapitres 14 et 15 le fait apparaître de plus en plus clairement. Les versets 30 à 33 du chapitre 15 nous amènent à une magnifique promesse. Le verset 30 et le verset 31 abandonnent le parallélisme antithétique pour montrer de manière positive la lumière et la vie qui attendent ceux qui écouteront et suivront le chemin de la sagesse. Les « reproches » et « l’instruction » sont mentionnés plusieurs fois comme étant la substance du message vital qui nous détourne du mal et nous dirige vers l’Éternel.

Le message important à venir en 16.1-9 se trouve bien résumé par le dernier verset du chapitre 15 :

La crainte de l’Éternel enseigne la sagesse et l’humilité précède la gloire.
Proverbes 15.33

Dans le premier vers, la crainte de l’Éternel est un enseignement de sagesse : la crainte de l’Éternel ne doit pas être séparée de la compréhension des paroles de sagesse. Le vers parallèle nous dit comment nous positionner : non pas comme les orgueilleux, dont l’Éternel démolit la maison (v. 25), mais avec une humilité qui reconnaît l’Éternel et écoute sa voix.

Les neuf premiers versets du chapitre 16 développent l’idée de notre humble confiance en Dieu qui est souverain. Le verset 1 et le verset 9 forment une paire de serre-livres : chacun évoque d’abord le cœur d’un homme qui forme ses projets, puis place à côté de ces projets la parole finale de Dieu (v. 1b) ou sa direction finale (v. 9b).

Le verset 2 répète l’idée de la souveraineté de Dieu, cette fois dans la connaissance suprême qu’il a de nous, ses créatures. Nous pourrions penser que nous nous jugeons correctement, car…

Toutes les voies de l’homme sont pures à ses yeux, mais celui qui évalue les dispositions d’esprit, c’est l’Éternel.

À bien considérer ce Dieu souverain, il n’y a qu’un seul commandement dans toute cette section qui nous dit comment répondre :

Recommande ton activité à l’Éternel et tes projets seront affermis.
Proverbes 16.3

Devant un Dieu souverain, il n’est pas question d’abandon passif. Au contraire, comme le fait remarquer Kidner, le verbe « recommander » implique une action, littéralement « rouler », comme dans le verset 5 du psaume 37 : « Recommande ton sort à l’Éternel »11. Les Proverbes appellent à une action finalement très humble, celle de faire rouler notre activité et tous nos efforts entre les mains de Dieu, en lui faisant confiance pour « affermir » nos projets selon son plan souverain.

Faire rouler quelque chose dans les mains de quelqu’un, comme on fait rouler une balle, signifie devoir lâcher prise. Cela ne signifie pas que je ne travaille pas dur et que je ne fais pas de projets ; cela signifie que je remets activement ce travail et ces projets entre les mains de Dieu, l’Éternel, qui est bon. Je peux lui confier une réunion que j’ai organisée, une carrière que j’ai planifiée, ou bien un mariage ou une famille que j’ai envisagé d’une certaine manière. Souvent, la voie de Dieu n’est pas celle que nous avions envisagée. Et pourtant, en marchant en relation avec lui et en le craignant, nous découvrons que le chemin s’ouvre devant nous, étape par étape. Ces mots font écho aux paroles de sagesse données par le père à son fils, au chapitre 3, versets 5 et 6 :

Confie-toi en l’Éternel de tout ton cœur, et ne t’appuie pas sur ton intelligence ! Reconnais-le dans toutes tes voies et il rendra tes sentiers droits.

Le problème du péché

L’appel des Proverbes à faire confiance à l’Éternel et à se confier en lui s’inscrit dans la complexité de notre monde déchu. Les trois versets du milieu de cette section abordent de front la réalité du péché et la nécessité d’y faire face.

Trois vérités sur le péché apparaissent clairement. Premièrement, le péché n’échappe pas au contrôle souverain de Dieu. Il est difficile de comprendre l’affirmation de 16.4 : « L’Éternel a tout fait pour un but, même le méchant pour le jour du malheur ». Cela ne signifie pas que Dieu est l’auteur du péché, mais plutôt qu’il est souverain sur lui, et que ses desseins prennent toujours le dessus sur le péché. Les croyants de l’Église primitive priaient leur « Maître », et reconnaissaient que Hérode, Ponce Pilate et d’autres s’étaient rassemblés contre Jésus pour accomplir « tout ce que ta main et ta volonté avaient décidé d’avance » (Actes 4.24-28). Quelle vérité étrangement rassurante : malgré tout le mal que nous voyons autour de nous, nous avons la certitude que les desseins de Dieu triomphent.

La deuxième vérité concernant le péché est qu’il sera puni :

Tous ceux dont le cœur est orgueilleux font horreur à l’Éternel.
C’est certain, ils ne resteront pas impunis.
Proverbes 16.5

L’orgueil du cœur s’oppose à l’humilité d’un cœur qui craint l’Éternel (voir 15.33). Il est très révélateur que ce ne soit pas une action mauvaise qui sera punie ici, mais plutôt un cœur mauvais. En effet, c’est le cœur qui est la source intérieure de toutes nos actions, et l’endroit profond où, soit nous craignons Dieu, soit nous le rejetons. Si celui qui a le cœur orgueilleux semble prospérer maintenant, ne nous inquiétons pas, disent les Proverbes, le châtiment viendra bel et bien. Ce châtiment n’est pas défini ici, même si nous avons vu l’Éternel démolir la maison des orgueilleux en 15.25.

La troisième vérité sur le péché dans ce passage est la plus surprenante, et finalement la plus réconfortante. C’est que le péché est expié*, d’une manière certaine :

Par la bonté et la vérité on expie la faute, et par la crainte de l’Éternel on se détourne du mal.
Proverbes 16.6

Certains commentateurs attribuent cette « bonté » et cette « vérité » au juste qui craint l’Éternel. Le verset 2, cependant, nous a déjà avertis que, même lorsque les voies d’un homme sont pures à ses propres yeux, l’Éternel « évalue les dispositions d’esprit ». La méchanceté que nous avons vue dans les versets 4 et 5 exigera une expiation plus grande, semble-t-il, que celle qu’un homme serait capable d’offrir, à moins que cet homme ne soit parfaitement juste aux yeux de Dieu.

Nous avons déjà rencontré l’expression « bonté et vérité ». Au verset 14.22, ceux qui « méditent le bien » trouvent sur leur chemin la bonté et la vérité. Ces deux qualités étaient bien connues des Israélites qui avaient entendu la parole de Dieu, car ce sont les mots utilisés à plusieurs reprises pour décrire l’amour de l’alliance de Dieu pour son peuple (voir, par exemple, Exode 34.6 ; Nombres 14.18-19 ; Psaumes 33.18-22).

En effet, c’est en raison de sa bonté pour son peuple que Dieu, dans sa miséricorde, a pourvu à un moyen de pardon de leurs péchés, ou d’expiation. Pendant des siècles, ce moyen a consisté en un système de sacrifices au temple, établi par la loi cérémonielle. Mais finalement, il a trouvé son plein accomplissement dans un unique sacrifice parfait vers lequel tous ces autres sacrifices tendaient. C’est par le sang de Jésus, le Fils de Dieu qui est sans péché, que notre péché a été définitivement expié. En effet, Jésus a lui-même pris la condamnation de notre péché à notre place sur la croix (Romains 3.22-26 ; Hébreux 10.12-14). Lorsque, par la foi, nous nous confions en Christ pour le pardon de nos péchés, nous faisons l’expérience de la signification complète et définitive de Proverbes 16.6.

* Expier : réparer une faute qui existe entre deux parties pour restaurer leur relation.

Marcher dans la lumière

Le vers parallèle du verset 6 présente les résultats de l’œuvre expiatoire : une vie vécue dans la crainte de l’Éternel, et qui se détourne du mal. Ces versets du chapitre 16 nous ont invités à suivre ce que nous pourrions nommer un « raisonnement centré sur l’Évangile ». Nous sommes appelés à faire confiance au Dieu souverain, nous sommes confrontés à notre péché et au châtiment que nous méritons ; nous trouvons l’expiation de ce péché dans la bonté et la vérité de Dieu ; et enfin, nous marchons en relation avec lui.

Il s’agit clairement de l’Évangile, bien qu’il soit ici encore voilé dans le contexte de l’Ancien Testament, avant que toutes les promesses de bonté de Dieu ne soient révélées en Christ. Et pourtant, c’est la vérité de l’Évangile, fondée sur ces promesses et sur le caractère de l’Éternel qui est le même hier, aujourd’hui et à jamais.

Les versets 7 à 9 soulignent les bénédictions d’une vie juste, c’est-à-dire vécue dans la crainte de l’Éternel. Une telle personne plaît réellement à l’Éternel et vit dans la paix (v. 7). Même si ceux qui craignent Dieu ne sont pas matériellement riches, ce qu’ils ont « honnêtement gagné » vaut mieux que « de grands revenus acquis injustement », même si c’est « peu » (v. 8). Il est intéressant de noter qu’ici, c’est celui qui a peu qui pratique la justice. Il n’est pas nécessaire d’être riche pour vivre d’une manière qui honore les pauvres.

Le verset 9 reprend le contraste entre le cœur de l’homme qui médite sa voie et l’Éternel qui dirige ses pas. Mais après avoir suivi le raisonnement centré sur l’Évangile, nous lisons ces mots avec une confiance renforcée et une perspective renouvelée. Une fois encore, nous avons été confrontés à notre besoin et au fait que Dieu y pourvoit par sa bonté et sa fidélité. Ainsi, nous pourrons plus rapidement lui confier notre route et faire rouler notre vie entre ses mains souveraines.

Ces versets marquent la fin de l’utilisation constante du parallélisme antithétique qui a caractérisé la première moitié des « proverbes de Salomon ». Après cette section centrale, les proverbes utilisent des formes plus variées (parfois antithétiques, parfois synonymiques, et souvent des variations du parallélisme synthétique, où le deuxième vers poursuit ou développe simplement le sens du proverbe). Cela s’explique peut-être par le besoin de marquer un fort contraste entre la sagesse et la folie, avant d’aborder divers autres sujets dans les chapitres suivants.

Quoi qu’il en soit, lorsque nous avançons, nous le faisons avec le fondement de la sagesse, c’est-à-dire la crainte de l’Éternel.

Dans le parc national du Lake District en Angleterre, alors que je conduisais dans une région montagneuse escarpée où les routes serpentent dans tous les sens, je me souviens d’une série de panneaux avertissant d’une descente particulièrement périlleuse. Après plusieurs panneaux signalant la pente dangereuse toute proche, un dernier panneau indiquait simplement : « VOUS AVEZ ÉTÉ PRÉVENUS ». Si nous sommes tentés de prendre les prochains proverbes comme des règles auxquelles nous plier et auxquelles obéir par nos propres forces, ou bien comme des promesses dont nous bénéficierons si nous sommes assez bons, nous ne pourrons pas dire que nous n’avons pas été prévenus !

À ce stade de notre lecture des Proverbes, nous avons été mis en garde avant tout contre notre cœur. Nous sommes si facilement durs et orgueilleux de cœur, particulièrement nous qui nous considérons « bons » et « moraux ». Les Proverbes rappellent avec insistance l’existence d’un Dieu souverain qui voit et juge nos cœurs. Mais dans sa miséricorde, il nous appelle à lui et nous conduit avec amour sur le chemin de la vie plutôt que celui de la mort. Nous avons été prévenus de l’existence des deux chemins. Et nous avons été invités à craindre Dieu et à suivre humblement le chemin de la vie.

Réfléchir pour agir

  1. Avez-vous déjà vécu un moment où vous avez mieux compris ce que les Proverbes veulent dire en affirmant que nos cœurs forment des projets mais que c’est l’Éternel qui dirige nos pas ?
  2. Qu’est-ce que cela signifie pour vous concrètement de recommander votre activité à l’Éternel (16.3) ?
  3. En Proverbes 16.1-9, quelles vérités à propos de l’Éternel vous apportent réconfort et joie ? Comment ces vérités vous conduisent-elles vers Christ ?

Chapitre huit

Nous avons étudié la première moitié des « proverbes de Salomon », qui établit les contrastes entre la sagesse et la folie. La crainte de l’Éternel qui fait toute la difference nous a été rappelée. Nous sommes maintenant prêts à entrer dans la seconde moitié de cette section, qui montre à quoi ressemble la vie dans ces contrastes. Nous allons d’abord examiner la suite du chapitre 16, qui porte un regard réaliste mais plein d’espoir sur l’avenir. Puis nous nous pencherons sur les chapitres 17 à 19, où le mal pourrait menacer de nous accabler, mais ne le fait pas.

Tout d’abord, un roi

Après la « couture » centrale de 16.1-9 qui se concentre sur l’Éternel, nous entrons maintenant dans une section qui se concentre sur un roi (v. 10-15). Naturellement, nous pensons au roi mentionné en 1.1 : « Salomon, fils de David, roi d’Israël ». Le contexte des Proverbes parle d’un roi (et d’une lignée royale) établi par Dieu pour son peuple, afin que ce roi gouverne selon la parole révélée de l’Éternel.

En 16.1-9, nous avons porté nos regards vers le Dieu souverain, qui dirige et juge toutes choses depuis le ciel. Maintenant, nous regardons non seulement vers Dieu, mais aussi vers le trône qu’il a établi. Le verset 11 nous rappelle le souverain parfaitement juste qui est au-dessus du roi terrestre ; mais il parle aussi de ce roi terrestre. En effet, même le roi est jugé par « le poids et la balance justes », car il doit représenter la justice de Dieu auprès du peuple.

Ce verset pourrait teinter d’ironie les autres versets vantant la justice du roi terrestre. Au verset 10, le roi a des « oracles » sur les lèvres, car il transmet la parole de l’Éternel. C’est ce qu’ont fait le roi David et le roi Salomon : ce sont eux qui ont fait mettre par écrit la loi de Moïse. Dieu a ensuite continué à communiquer sa parole par l’intermédiaire des prophètes, mais aussi directement à ces rois. Lorsque le verset 10 recommande « que sa bouche ne soit pas infidèle quand il juge », nous comprenons qu’il s’agit là de la vocation du roi : gouverner avec droiture selon la parole de Dieu. Il suffit de connaître les histoires de David et Salomon pour savoir que ces rois ont péché dans de nombreux domaines.

Le verset 12 continue de s’intéresser à la nature de la royauté : « Les rois ont horreur des actes de méchanceté ». Le terme « horreur » est systématiquement utilisé pour exprimer le jugement de Dieu sur le mal (11.1, 20 ; 12.22 ; 15.8, 9, 26 ; 16.5). Comme le verset 11, le verset 12 place le jugement parfait de Dieu au-dessus de la tête du roi, qui ne doit pas faire le mal car « c’est par la justice que le trône s’affermit ». Il s’agit de la justice de l’Éternel, une justice qui doit être reflétée par le roi qu’il a oint*.

Les Proverbes ne cherchent pas à raconter les péchés des rois. Cela relève d’autres parties de la Bible (voir par exemple, 2 Samuel 11 et 24 ; 1 Rois 11). Ces versets clarifient plutôt la hiérarchie de l’autorité et observent ensuite comment elle est exercée (ou non). Proverbes 16.13-15 montre les interactions d’un roi avec ses sujets : le roi se réjouit des « lèvres justes » et aime « celui qui parle avec droiture », tout comme Dieu, qui a établi le trône avec droiture.

En réalité, les vérités révélées par ces versets à propos du roi établi par Dieu sont aussi des vérités à propos de Dieu : le roi aime les paroles vraies (v. 13), sa colère entraîne la mort et doit être apaisée (v. 14). Et le verset 15 est trop beau pour ne pas être cité en entier :

Quand le visage d’un roi s’éclaire, c’est un gage de vie ; sa faveur est pareille aux dernières pluies.

Les versets 10 à 15 appliquent au roi les vérités révélées dans les versets 1 à 9 à propos de l’Éternel : le juge souverain punira la faute. Cette faute doit être expiée pour faire place à la justice et à la paix.

Comment nous, lecteurs du XXIe siècle, pouvons-nous nous approprier ces versets qui parlent d’un roi ? De nombreux rois et reines terrestres se sont succédé, mais aucun ne s’est approché aussi près que David et Salomon du jugement sans péché décrit dans les Proverbes. L’une des réalités douloureuses de notre monde moderne est la divulgation publique détaillée, par les médias, des graves péchés de nos dirigeants politiques de tous bords. Nous aspirons tellement à un dirigeant juste !

Dieu avait promis à David que dans sa lignée viendrait un roi dont le trône serait établi pour toujours (2 Samuel 7.12-16). Pendant des siècles, le peuple de Dieu a cherché et désiré ce roi, même si, après Salomon, le royaume a été divisé et détruit et a fini par tomber sous la domination de rois et d’empires païens.

Nous, chrétiens, qui vivons après la venue du roi Jésus, nous savons que le vrai roi de la lignée de David est venu. Ce qui est vrai au sujet de Dieu est parfaitement vrai au sujet de ce roi. Ce roi est mort, s’offrant comme le sacrifice parfait pour apaiser la colère de Dieu sur les pécheurs. Ce roi est ensuite ressuscité des morts pour régner à jamais. Il reviendra pour juger chacun, dans une justice parfaite. Le Nouveau Testament met pleinement en lumière le roi tant attendu : non pas le roi d’une seule nation, mais celui d’un peuple issu de toutes les nations. Pour les lecteurs de l’époque du roi Salomon et des époques suivantes, ces versets ont certainement fortifié leur désir et leur foi. Ces versets appellent tous les lecteurs à lever les yeux avec foi vers le trône d’un tel roi, dont la faveur apporte vie et lumière à la terre entière.

* Oint : choisi, nommé ou consacré. Dans l’Ancien Testament, les rois d’Israël étaient oints d’huile pour marquer qu’ils étaient le roi ou l’héritier.

Avancer, en choisissant le meilleur

Après les sections de Proverbes 16 consacrées à l’Éternel et au roi, notre regard se porte sur le chemin (ou la « route », v. 17) que nous sommes appelés à suivre à la lumière des vérités que nous venons de voir. Les versets 16 à 19 contiennent deux proverbes de type « mieux vaut », que nous avons déjà vus à plusieurs reprises (15.16-17 ; 16.8). Le verset 16 présente un contraste dans le premier vers : « Acquérir la sagesse vaut bien mieux que l’or », puis établit un contraste synonyme dans le second : « Acquérir l’intelligence est préférable à l’argent ». Ces vers résument l’appel à la sagesse lancé dans les premiers chapitres du livre (voir 2.4 ; 3.14-16 ; 8.10-11). Ils reprennent l’image des métaux précieux pour souligner la valeur encore plus grande de la sagesse et insistent doublement : contraste antithétique et accentuation synonymique, le tout dans un seul proverbe.

Les versets 18 et 19 insistent doublement à leur tour : le premier proverbe donne un double avertissement concernant l’orgueil, et le suivant montre que l’humilité dans la pauvreté vaut mieux que l’orgueil dans la richesse. Nous avions déjà vu le verset 18comme un exemple de parallélisme synonymique. Il est utile de mettre ce verset en relation avec celui qui lui fait suite et qui renvoie à l’humilité (sa vertu positive opposée) tout en la comparant à un autre exemple négatif d’orgueil. L’introduction de la pauvreté et de la richesse dans la comparaison ajoute encore un niveau de difficulté supplémentaire. En effet, il ne s’agit pas de formules toutes faites, mais de vérités qui doivent être appliquées dans la réalité de tous les jours.

Ces versets nous montrent ce qu’il y a de meilleur. En effet, acquérir la sagesse vaut mieux que tout le reste, même l’or ou l’argent (v. 16). Rechercher cette sagesse avec une attitude d’humilité vaut mieux encore que l’orgueil, même l’orgueil avec beaucoup de richesses. Car l’orgueil précède la ruine, et les richesses ne valent rien devant la colère de l’Éternel qui a horreur des cœurs orgueilleux (v. 5). Le message des Proverbes ne pourrait être plus cohérent.

Le chemin des paroles de grâce

Le reste du chapitre 16 montre les deux chemins. Cette fois-ci, le contraste n’est pas souligné par un parallélisme antithétique à l’intérieur de proverbes individuels, mais avec deux blocs de proverbes qui nous emmènent d’abord sur le chemin de la sagesse, puis sur celui de la folie.

À votre avis, qu’est-ce qui permet d’identifier d’abord les sages, puis les fous ? Leurs paroles. Les versets 20 à 24 décrivent à merveille les paroles des sages, alors que les versets 26 à 30 racontent la réalité inverse. Bien que le sujet abordé soit la parole, ces sections décrivent deux types de personnes radicalement opposés, qui diffèrent à la fois intérieurement et extérieurement.

Le verset 20 vient pertinemment introduire le premier bloc : il décrit la source des bonnes paroles du sage. L’expression « attentif à ce qui est dit » a été interprétée de diverses manières. On peut comprendre les vers parallèles ensemble, « ce qui est dit » faisant référence à la parole de l’Éternel, en qui cette personne bénie se confie. En 13.13, nous avons vu que « la parole » était associée au « commandement ». La source des paroles décrites ici est donc un cœur qui craint l’Éternel et écoute sa parole : un cœur plein de sagesse.

En effet, le verset 16.21 décrit « l’homme au cœur sage », qui est appelé « intelligent » et dont « la douceur des lèvres augmente la force de persuasion ». Le verset 21 et le verset 23 mentionnent tous deux cette « force de persuasion ». Les deux versets insistent également sur le cœur de celui qui est sage : c’est un cœur qui discerne ce qui se trouve dans le cœur des autres ainsi que les paroles qui les entraîneront véritablement sur le bon chemin. Les paroles persuasives ne sont pas mauvaises lorsqu’elles proviennent d’un cœur sage.

La « douceur » de la parole est également mentionnée à deux reprises (v. 21 et 24). Au verset 24, cette douceur est mise en parallèle avec les « paroles agréables ». Ce sont des mots offerts par un cœur bienveillant et d’une manière qui exprime la grâce à celui qui les reçoit. Ce sont des paroles soigneusement choisies pour conduire une personne vers la vie et l’éloigner de la mort. Ce verset décrit ces paroles de grâce comme un rayon de miel, qui apporte à la fois la douceur à l’âme et la guérison au corps.

Face à de tels versets, je pense souvent à Abigaïl. Abigaïl fait une apparition brève mais saisissante dans 1 Samuel 25, lorsque David (oint mais pas encore roi) est furieux contre Nabal, le mari insensé d’Abigaïl, qui refuse de partager ses provisions avec les hommes de David traqués par le roi Saül dans le désert. David est en route avec ses hommes pour détruire la maison de Nabal lorsque Abigaïl apparaît dans le désert sur un âne, accompagnée d’un grand nombre d’ânes chargés d’abondantes provisions. L’atmosphère est très tendue. Abigaïl voit David, descend de son âne, se prosterne à terre et prononce l’un des discours les plus perspicaces, persuasifs, judicieux, remplis de grâce et de douceur de toute la Bible (1 Samuel 25.24-31). Voici une femme qui dit la vérité de la manière la plus désarmante qui soit ! Elle aurait pu faire la morale à David : Mais qu’est-ce que tu es en train de faire ? Au lieu de cela, elle appelle David à se souvenir de la fidélité et de la parole de l’Éternel. Elle le fait avec humilité et élégance, usant de figures de style qui ont certainement transpercé le cœur du poète David.

Les paroles qui sont comme le miel peuvent être dangereuses lorsqu’elles sont sur les lèvres d’un fou (rappelez-vous Proverbes 5.3-5). Mais sur les lèvres de celui qui craint Dieu, les mots agréables sont comme un rayon de miel qui apporte la vie. Dans 1 Samuel 25, l’âme de David est effectivement touchée par les sages paroles d’Abigaïl. En conséquence, l’oint de l’Éternel est retenu de se venger et tout un foyer est sauvé.

Est-ce que vous réfléchissez et priez souvent pour vos paroles ? Je dois avouer que la plupart du temps, ce sont mes paroles que je regrette à la fin de la journée. Est-ce que c’est vrai pour vous aussi ? Pour moi, ce ne sont pas seulement les mots prononcés, je regrette aussi souvent les paroles de grâce que je n’ai pas prononcées. Les paroles de grâce que je n’ai pas offertes à une personne en colère, que j’ai finalement laissé me mettre en colère à mon tour. Les paroles de grâce que je n’ai pas données à un employé de magasin épuisé, qui aurait sûrement eu besoin d’un moment de grâce. Des paroles de grâce que je n’ai pas partagées avec une personne qui se dirigeait vers le péché et qui, par la grâce de Dieu, aurait pu s’en détourner.

L’autre chemin

Au milieu de tous ces proverbes sur les bonnes paroles se trouve un vers d’avertissement. Après avoir célébré le « bon sens » comme une « source de vie », Proverbes 16.22 nous rappelle qu’à l’inverse, « la punition des fous, c’est leur folie ». Les Proverbes ne nous laissent jamais oublier la réalité de cette autre voie présentée pour la première fois en 1.7b. Le « bon groupe » (16.20-24) est suivi d’un « mauvais groupe » (v. 26-30).

Le virage entre les deux s’effectue avec le verset 25. Il répète le verset 14.12 : « La voie qui paraît droite à un homme peut finalement conduire à la mort ». Placé ici, le proverbe semble nous avertir de ne pas nous considérer comme les « bonnes personnes », mais plutôt d’examiner attentivement nos vies pour voir s’il faut éviter le mal (16.17).

Les versets 26 à 30 dressent un portrait saisissant des personnes aux paroles insensées, non pas motivées par un cœur sage, mais guidées par leur appétit (v. 26). Cela sous-entend certainement toutes sortes d’appétits : pour la nourriture, l’argent, le plaisir, la vengeance, etc. Contrairement au paresseux qui ne fait rien, le travailleur présenté dans ces versets fait beaucoup, mais beaucoup de mal. Les mots utilisés pour décrire cette personne – « vaurien » (v. 27a), « homme pervers » (v. 28a), « homme violent » (v. 29a) – correspondent à ses actions. Il est occupé à méditer le mal avec des paroles qui ressemblent à un « feu ardent » (v. 27b), à répandre des rumeurs et des querelles qui séparent les amis proches (v. 28) et à pousser son prochain à faire le mal (v. 29). Le verset 30, qui parle de fermer les yeux et de se mordre les lèvres, rappelle l’homme décrit de la même manière en 6.12-15, dont le corps tout entier est secoué comme celui d’une marionnette, tordu par le mal qui blesse les autres et finit par le briser au-delà de toute guérison.

Quel contraste avec la douceur de celui qui est sage de cœur et de paroles ! La mise en scène de ces deux voies est frappante. Au fur et à mesure que les vers et les proverbes se succèdent, chacun des groupes fait ressortir l’autre. La force des images utilisées vise certainement à renforcer notre volonté d’emprunter la meilleure voie.

Les trois derniers proverbes du chapitre attirent à nouveau notre attention vers cette meilleure voie. Moi qui ai de plus en plus de cheveux blancs, j’apprécie tout particulièrement le verset 31 ! Ce verset exhorte le lecteur à persévérer sur le chemin de la sagesse, promettant le cadeau d’une longue vie qui sera savourée et célébrée :

Les cheveux blancs sont une couronne d’honneur : c’est sur le chemin de la justice qu’on la trouve.
Proverbes 16.31

Après toute la violence dont nous venons d’être témoins dans les

versets 26 à 30, nous sommes prêts à croire la saisissante affirmation du verset 32 : celui qui est lent à la colère « vaut mieux » qu’un héro, et celui qui est maître de lui-même qu’un conquérant. Pour affronter le genre de mal que nous avons vu, nous aurons besoin d’une force plus puissante que tout ce que nous connaissons : une force spirituelle intérieure.

Ce dernier point nous ramène au point de départ : Dieu voit chaque être humain et chaque chemin, il est l’unique source de la force d’esprit nécessaire pour suivre le chemin de la sagesse. Nous terminons cette section en regardant une fois de plus vers le haut, au-dessus des chemins, vers le Dieu souverain que nous sommes appelés à craindre et à qui nous devons faire confiance :

On jette les sorts dans le pan de l’habit, mais c’est de l’Éternel que vient toute décision.

Réfléchir pour agir

  1. Alors que nous naviguons entre le bien et le mal autour de nous et en nous, pourquoi avons-nous tant besoin d’humilité (et pourquoi avons-nous tant de mal à combattre l’orgueil) ?
  2. Est-ce que vous priez au sujet des paroles que vous prononcez ? Comment et quand devrions-nous prier pour nos paroles ?
  3. Comment pouvons-nous apprendre aux futures générations à ne pas se concentrer uniquement sur les bonnes et les mauvaises actions mais surtout sur l’attitude du cœur ?

Avancer, dans la vraie vie

Nous aborderons les chapitres 17 à 19 de manière moins détaillée, mais en nous y plongeant suffisamment pour appré-

cier la diversité des proverbes qui s’y trouvent. Quelques groupes se distinguent, mais en général, on passe encore plus d’un sujet à l’autre… comme dans la vraie vie ! Ces chapitres communiquent moins d’optimisme et davantage l’impression de devoir affronter les réalités d’hier et de demain.

Environ la moitié des proverbes de ces chapitres présentent des observations purement négatives sur les comportements insensés. Ceux qui proposent des observations purement positives sont rares, mais ils se distinguent. Certaines observations présentent deux points de vue. D’autres n’impliquent aucun jugement explicite. Ce n’est que vers la fin du chapitre 19 que nous trouverons finalement une section positive qui élèvera nos regards vers l’Éternel.

Il nous faut apprécier de tels enchaînements de proverbes. Bien souvent, nos semaines ressemblent à ces chapitres : beaucoup de choses difficiles et seulement quelques rayons de lumière pour nous rappeler ce que nous croyons au-delà de ce qui est visible. Ces chapitres nous encouragent à avoir du discernement, à continuer notre marche sur le droit chemin et à espérer.

Pour chaque chapitre, nous nous poserons deux questions. Premièrement, quelle folie est exposée ? Et deuxièmement, quelle sagesse transparaît ?

La sagesse au milieu des disputes

Quelle folie est exposée ? Il n’est pas facile de rassembler ces chapitres par thème, mais voici une vérité sur le chapitre 17 : il dénonce la folie des « querelles ».

Proverbes 17.1 introduit le thème de la dispute par un proverbe en « mieux vaut », un type de parallélisme que nous connaissons bien. Celui-ci nous rappelle le plat de légumes là où règne l’amour qui vaut mieux qu’un bœuf engraissé là où il y a de la haine (15.17). Nous revenons sans cesse à table dans les Proverbes, comme nous le faisons chaque jour de notre vie. Lorsque nous nous réunissons pour un repas, ce sont les relations autour de la table qui font toute l’ambiance. Ici, « un morceau de pain sec avec la tranquillité » est préférable à « une maison pleine de viandes avec des disputes » (17.1). Imaginez un repas des plus modestes autour d’une table paisible et, à l’opposé, une cuisine animée, pleine de plats riches et de commentaires cinglants.

Malgré toutes ses observations avisées, ce chapitre ne contient qu’un seul commandement. Il concerne les disputes et illustre de manière frappante leur aspect et la sensation qu’elles provoquent :

S’engager dans un conflit, c’est ouvrir une vanne ; avant que la dispute n’éclate, retire-toi !
Proverbes 17.14

Au début, il n’y a qu’un filet d’eau, provenant d’un petit trou, mais il ne faut pas longtemps pour que l’eau censée être retenue se répande de manière incontrôlée. On retrouve ce moment dans une conversation tendue où l’on sait que si l’on dit un mot de plus, la dispute va éclater – mais si on s’arrête, on peut éviter un véritable conflit. Alors, retire-toi !

Le verset 19 formule un jugement percutant : « Celui qui aime les querelles aime la révolte ». En d’autres termes, l’amour de la dispute se rattache à une rébellion pécheresse contre Dieu, à laquelle nous tenons. Le vers parallèle représente celui qui « rehausse sa porte », il construit fièrement une entrée élevée pour sa maison, qui n’est autre qu’une barrière contre les gens. Celui qui vit dans le conflit s’isole des autres et, en fin de compte, de Dieu, son créateur. Cependant, aucune porte n’est assez haute pour empêcher le désastre annoncé par ce verset.

Proverbes 17 montre de nombreuses relations à différents stades de dispute et de conflit. Le verset 5 présente celui qui se moque du pauvre (et insulte son créateur), et celui qui se réjouit du malheur des autres. L’homme stupide qui, dans sa folie, est pire qu’une « ourse privée de ses petits » (v. 12) rôde de façon inquiétante parmi ces proverbes, prêt à détruire quiconque se trouve sur son chemin. Les gens rendent le mal pour le bien (v. 13) ; les pots-de-vin abondent, faisant prospérer les méchants et pervertissant le chemin de la justice (v. 8 et 23).

Beaucoup de choses ne sont pas à leur place dans ce chapitre. Il ne semble pas immoral qu’un serviteur avisé domine sur un fils honteux (v. 2), et pourtant cette inversion représente un ordre familial qui a dérapé à cause de la folie du fils. Les versets 21 et 25commentent avec tristesse une telle situation, nous faisant voir qu’« un fils stupide est une source de chagrin pour son père » et « d’amertume » pour sa mère. Là encore, il ne semble pas immoral que les fous s’expriment dans un langage élégant, et pourtant « les paroles distinguées ne conviennent pas à un fou » (v. 7a). De belles paroles sur les lèvres d’un homme mauvais sont complètement déplacées et un homme stupide qui achèterait la sagesse avec de l’argent (v. 16) est totalement absurde.

Deuxièmement, quelle sagesse transparaît ? Parmi tout le désordre, les disputes et les relations brisées, c’est au travers des relations fidèles que la sagesse resplendit. Je ne pense pas que ce soit uniquement parce que je suis grand-mère que le verset 6 me saute aux yeux parmi toutes les observations négatives du texte. Ce verset évoque une nouvelle couronne (comme en 16.31), également pour les personnes âgées, qui est cette fois-ci composée des petits-enfants, qui sont « la couronne des vieillards ». Le vers parallèle nous ramène à la génération des enfants qui lèvent les yeux pour trouver la gloire dans leurs pères. Nous sommes censés nous souvenir du père des chapitres 1 à 9, qui a fidèlement appelé son fils à écouter la sagesse. Le verset 17.6 brille donc de mille feux, insistant sur la possibilité et la beauté de la fidélité intergénérationnelle, même si des exemples du contraire parsèment le paysage.

Le verset 17 souligne également la beauté des relations paisibles, loin des disputes et de la folie :

L’ami aime en toute circonstance, et dans le malheur il se montre un frère.

En toute simplicité, ce proverbe parle des magnifiques relations d’amour désintéressées qui peuvent exister entre les amis et entre les frères. « En toute circonstance » et « malheur » impliquent que la relation sera mise à l’épreuve mais qu’elle restera forte malgré les difficultés. Ce proverbe se détache avec sérénité au milieu des disputes qui occupent une grande partie de ce chapitre, même celles qui séparent parfois des amis proches (v. 9).

Ce chapitre nous retient de placer notre espoir simplement dans des relations humaines de confiance. La perspective du livre, centrée sur Dieu, plane au-dessus de ces proverbes. L’Éternel n’en est pas absent, il est même nommé deux fois : il « met les cœurs à l’épreuve » (v. 3) et a en « horreur » celui qui acquitte le coupable et celui qui condamne le juste (v. 15). Dieu voit, juge et règne sur tous les désordres qui ont envahi sa création parfaite. Quand il est dit que c’est le malheur qui attend les méchants (comme aux versets 5, 11, 13, 19 et 20), nous savons que ce malheur fait partie des desseins souverains de Dieu (voir 16.1-5).

Nous apercevons également la façon de vivre de ceux qui sont sages. Il y a l’« homme intelligent » pour qui un reproche est douloureux (17.10). Il y a le cœur joyeux qui est un bon remède, à la fois pour lui-même et pour ceux qui l’entourent. Mais la lumière de ce vers disparaît rapidement, assombrie par son parallèle déchirant de vérité : « Mais un esprit abattu dessèche les os » (v. 22 ; voir aussi 18.14). Le verset 17.27 montre des personnes douées de connaissance et d’intelligence qui maîtrisent leurs paroles et leur esprit. Cet aperçu purement positif d’une sagesse vécue apporte un véritable soulagement à la fin du chapitre.

Le chapitre se conclut par l’un de mes proverbes préférés, qu’il est sûrement bon de rappeler à chacun d’entre nous :

Même le fou, quand il se tait, passe pour sage ; celui qui ferme ses lèvres est un homme intelligent.
Proverbes 17.28

Le mal est fort, l’espoir l’est encore plus

Passons au chapitre 18. Quelle folie est exposée ? Après l’aperçu positif de la maîtrise des paroles dans les derniers versets du chapitre 17, le chapitre 18 commence par une série de proverbes qui exposent la folie des paroles d’un insensé. Les personnes et les paroles mentionnées en 16.26-30 sont toujours actives et malfaisantes, ça ne va pas changer. Ainsi, on voit autour de nous les lèvres de l’homme stupide qui « se mêlent aux querelles » (18.6a).

Aujourd’hui, il suffit de faire un tour sur Twitter pour voir comment les mots sont utilisés comme des épées, même avec un nombre de mots restreint ! (En fait, je pense que la limite de mots amène les gens à être encore plus tranchants.) Plus d’une personnalité chrétienne a dû s’excuser publiquement pour des propos postés dans la précipitation ou la colère. Si nous trouvons que les Proverbes se concentrent un peu trop sur ce sujet, il suffit de jeter un coup d’œil aux dérapages qui se multiplient rapidement sur les réseaux sociaux ou encore aux mots que nous avons prononcés la dernière fois que nous nous étions fâchés contre un ami…

Dans la première série d’observations négatives du chapitre 18, quasiment un verset sur deux porte sur le thème des paroles (v. 2, 4, 6, 7, 8). On associe alors facilement la manière dont ces versets décrivent les personnes en train de parler au mal mentionné dans les proverbes alternatifs (v. 1, 3, 5). Si nos paroles sont insensées, nous sommes nous-mêmes des insensés qui manifestons notre méchanceté de diverses manières. Le mal ne se réduit pas à des actes mauvais isolés. Il est le fruit d’un cœur pécheur. Même dans ses passages les plus sombres, le livre des Proverbes ne se contente pas d’observer : il nous instruit sur la sagesse, la folie et le cœur humain.

Nous connaissons tous la personne décrite au verset 2 :

Ce n’est pas à l’intelligence que l’homme stupide prend plaisir, c’est à l’étalage de ses pensées.

Avez-vous déjà été dans un groupe de discussion où quelqu’un de vraiment irritant n’arrête pas de parler ? Voici un excellent conseil pour nous tous : écouter davantage que l’on ne parle ! En effet, donner une réponse sans vraiment écouter n’apporte que de la « honte » (v. 13). Jacques donne le même encouragement : « Que tout homme soit prompt à écouter, lent à parler, lent à se mettre en colère » (Jacques 1.19).

Les Proverbes ne cessent de souligner la profondeur de cette question liée à la distinction vie/mort des deux voies. Les paroles de l’insensé sont sa « ruine », et « ses lèvres sont un piège pour luimême » (Proverbes 18.7). Plus loin dans le chapitre, nous trouvons ce qui pourrait être la sentence la plus sévère des Proverbes sur le pouvoir des mots :

La langue a pouvoir de vie et de mort ; ceux qui aiment parler en goûteront les fruits.
Proverbes 18.21

Les paroles peuvent brûler comme un feu ou procurer de la douceur à une âme (16.27, 24). Elles peuvent être des eaux profondes qui détruisent, ou une fontaine de sagesse qui apporte la vie (18.4 ; 16.22). Elles peuvent être des calomnies toxiques qui ont un goût délicieux mais qui pénètrent profondément et détruisent les relations (16.28 ; 17.9 ; 18.8). Elles peuvent aussi être porteuses de vie, comme la parole de 16.20 qui procure du bien à celui qui la reçoit. L’appel des Proverbes à écouter la sagesse est un appel à recevoir des paroles bonnes qui donnent la vie, des paroles de sagesse, celles de Dieu. Les Proverbes nous invitent également à prononcer des paroles pleines de la sagesse que nous avons reçue de Dieu.

D’autres folies apparaissent au chapitre 18, par exemple la folie de se fier à la richesse, en s’imaginant qu’elle est une « forteresse » ou une « haute muraille » (18.11). De nombreux proverbes apparaissent comme de simples observations (dont le jugement est seulement implicite). C’est le cas du verset 11 qui montre comment un homme riche considère sa richesse. Le verset 16 observe simplement que les cadeaux « ouvrent la voie », donnant accès aux « grands ». Il s’agit peut-être ici d’un regard positif sur les cadeaux. Cependant, comme les Proverbes mentionnent souvent les potsde-vin (voir 15.27 ; 17.8, 23), il pourrait aussi s’agir de cela ici. La lecture des proverbes dans leur contexte nous apprend à observer les comportements autour de nous et à porter des jugements avec discernement.

Quelle sagesse transparaît dans le chapitre 18 ? Juste avant l’homme riche de 18.11, dont la richesse est sa forteresse, vient une merveilleuse image de la sécurité véritable (et non imaginaire) trouvée en Yahweh, l’Éternel :

Le nom de l’Éternel est une tour fortifiée :
le juste s’y réfugie et il se trouve en sécurité.
Proverbes 18.10

Comme une tour se détache d’un paysage, de tels versets ressortent clairement dans ce chapitre. Le verset 15 se distingue également, comme un sage entouré de fous. Le parallélisme synonymique montre une personne qui « acquiert » et « recherche » toujours la connaissance, persévérant sur le bon chemin.

L’espoir brille à nouveau au travers des relations, avec Dieu, la famille et les amis. Le verset 18.22 est souvent cité. Il affirme que trouver une femme, c’est trouver « le bonheur » et recevoir « une faveur » de l’Éternel (voir 12.4 ; 19.14). À vrai dire, nous avons raison de citer ce verset de nos jours, alors que le taux de mariages décline considérablement parmi les nouvelles générations. Cela ne veut pas dire que tout le monde devrait se marier. Mais le mariage est véritablement un bon cadeau de Dieu, qu’il faut rechercher et recevoir à bras ouverts. Lorsque nous mettons en avant le don du mariage, à la lumière des Écritures, nous saisissons davantage les vérités que Dieu nous montre sur lui-même et sur son amour pour nous au travers du mariage. Toutes ces relations sont étroitement liées.

Dans le dernier verset du chapitre, une autre personne émerge de la foule : un ami plus attaché qu’un frère (18.24). Les Proverbes soulignent constamment la valeur de l’amitié fidèle (voir 17.17). Dans les Proverbes, un « ami » n’est pas simplement quelqu’un qui a appuyé sur un bouton sur un réseau social. Non. Un « ami » est une personne en chair et en os qui vous soutient et vous aime tout au long de votre vie, dans vos joies et vos épreuves.

Éclaircies

Au chapitre 19, quelle folie est exposée ? Les quinze premiers versets du chapitre 19 sont essentiellement négatifs. Le verset 1est un proverbe en « mieux vaut » qui laisse entrevoir un « pauvre qui marche dans son intégrité », mais qui est rapidement remplacé par l’homme stupide dans le vers parallèle (et les vers suivants). La seule mention de l’Éternel dans ces versets intervient avec le fou dont le « cœur s’irrite » contre l’Éternel lorsque sa voie est pervertie (v. 3). On y voit aussi des amis, mais ils abandonnent le pauvre (v. 4 et 7) et font seulement semblant d’être amis avec un homme généreux (v. 6).

Quelle sagesse transparaît ? Des éclaircies apparaissent entre les nuages. Une personne sensée apparaît deux fois (v. 8 et 11), montrant les qualités de la sagesse et les bénéfices de ces qualités. Au verset 14 apparaît une femme « prudente » et qui est « un don de l’Éternel ». Mais avec le verset 16, les nuages semblent se dissiper de manière plus globale, avec un retour au parallélisme antithétique, qui nous rappelle les chemins contrastés et comment trouver le bon. Tout comme 13.13 et 16.20, ce proverbe renvoie directement à la parole révélée de Dieu, qui éclaire le chemin de la sagesse :

Celui qui garde le commandement se garde lui-même ; celui qui ne veille pas sur sa conduite mourra.
Proverbes 19.16

Les versets 16 à 23 se concentrent sur les signes d’une vie vécue dans la crainte de l’Éternel et dans l’observation de ses commandements : la générosité envers les pauvres qui est un prêt à l’Éternel (v. 17), la discipline d’un fils, porteuse d’espérance (v. 18) et l’écoute des conseils pour être « sage dans la suite de ta vie » (v. 20). Le chemin indiqué ici permet de regarder vers l’avenir, vers de bonnes choses, vers l’espoir. Même dans ce monde déchu, où les gens sont pauvres et où les enfants ont désespérément besoin de discipline, on trouve de l’espoir en suivant la parole de sagesse de Dieu.

Cet espoir ne réside qu’en Dieu lui-même. Cette section revient sur les « vérités de l’Éternel » les plus fondamentales : « C’est le plan de l’Éternel qui s’accomplit » (v. 21b) et « La crainte de l’Éternel mène à la vie » (v. 23a). Celui qui marche dans cette crainte « passe la nuit rassasié », dit le verset 23b. Cette petite section se termine donc avec une certaine promesse de repos à venir, mais aussi pour maintenant, alors que le chemin est difficile.

Des versets plus sévères concluent ce chapitre. Alors que le chemin continue, la persévérance est nécessaire. Le paresseux, lui, n’en a pas. Il réapparaît ici au verset 24 (et au verset 15) et il est tellement paresseux qu’il ne peut même pas lever la main à sa bouche pour manger. Laissons-le dans cette position amusante pour l’instant, nous reviendrons à lui plus tard ; il sera toujours là.

Les derniers versets mettent en garde celui qui refuserait d’écouter la parole d’instruction : le fils qui n’apprend pas de l’éducation de ses parents. Bien que le verset 25 répète que la réprimande apportera la connaissance à un homme intelligent, les versets d’après décrivent un fils qui rejette violemment ses parents et cesse d’écouter l’instruction, ainsi que quelqu’un qui se moque du droit et un moqueur qui ne mérite que la condamnation (v. 26-29).

Voilà à quoi ressemble la vie dans les contrastes. Le bien continue de resplendir : la crainte de l’Éternel (v. 23) brille avec éclat, peut-être même davantage que le mal tout autour de nous. Il est important de voir le mal et de le nommer. Mais le plus important est de le traverser, de marcher vers la lumière, dans la crainte de l’Éternel qui mène à la vie.

Réfléchir pour agir

  1. Ces proverbes correspondent-ils à la manière dont votre vie s’est déroulée cette semaine ? Si oui, lesquels en particulier ?
  2. Décrivez un exemple d’ami fidèle, un exemple que vous avez vu de près.
  3. Méditez sur Jésus, le Fils de Dieu. Il a marché dans un monde rempli de péchés, tel qu’il est décrit dans ces proverbes. Comment Jésus nous montre-t-il le chemin à suivre ?

Chapitre neuf

Dans cette dernière partie des « proverbes de Salomon », nous examinerons d’abord Proverbes 20.1 à 21.4, puis 21.5 à 22.16. Ces chapitres élargissent le cadre de l’action (avec une attention accrue accordée au roi), ils font une synthèse intéressante des thèmes traités jusque-là, et montrent une perspective cohérente qui reconnaît la généralisation du péché mais aussi la justice et le règne souverain de l’Éternel sur toutes choses.

Le roi et les autres

Le roi va faire une apparition plus marquée dans ces derniers chapitres des « proverbes de Salomon ». Nous avions vu l’accent mis sur le roi en 16.10-15, juste après l’accent mis sur le Dieu souverain (v. 1-9). Le chapitre 19 comparait la fureur du roi au rugissement d’un lion, par opposition à sa faveur comparée à la rosée sur l’herbe (v. 12). Ici, au chapitre 20, nous entendons à nouveau le rugissement du lion, signalant la « terreur qu’inspire le roi » dont on a provoqué la colère (20.2). Dans ce verset, sa colère n’est pas atténuée par un quelconque contraste ; en fait, celui qui le provoque « pèche » contre lui-même.

Nous retrouverons bientôt le roi, mais arrêtons-nous pour constater l’élargissement du cadre du comportement humain dans les Proverbes. La sagesse éclaire ce qui concerne l’individu : le foyer et la famille, le voisinage, les transactions commerciales, le domaine du culte et des sacrifices, mais aussi le royaume tout entier, sous le règne d’un roi. Le verset 3 (qui vient après l’avertissement du verset 2) peut suggérer qu’un roi doit lui-même apprendre à « éviter les disputes », c’est-à-dire se tenir au-dessus des querelles de fous12. Le verset 1 qui se situe juste à côté du regard et du rugissement du roi, peut laisser penser que c’est la personne ivre qui provoque la colère du roi.

Dans ce premier verset, le vin et les boissons fortes sont qualifiés respectivement de « moqueur » et de « bruyantes ». Ces personnifications de l’alcool consommé sans modération montrent son pouvoir : il s’empare d’une personne qui perd alors toute chance de devenir sage. (Nous reviendrons sur ce sujet de l’ivresse, notamment avec un long passage en Proverbes 31.4-7 expliquant pourquoi les rois eux-mêmes ne doivent pas s’adonner au vin ou aux boissons fortes.)

Pourquoi retrouvons-nous le paresseux ici (20.4) ? Il rôde partout. Nous ne cessons de le croiser à mesure que nous parcourons les proverbes. Ici, nous le voyons incapable de labourer ses champs au moment des labours (automne), et le « rien » qui en résulte lors de la moisson. Nous le rencontrerons à nouveau dans cette section, en train de subir les conséquences de sa paresse.

Le roi et l’Éternel

Les versets 5 à 12 présentent à nouveau le roi à la lumière de l’Éternel. Au début, il semble que le roi est juge de tous, mais en fin de compte, c’est l’Éternel qui est juge de tous, même du roi. Ces proverbes peuvent être compris individuellement, mais le contexte permet de clarifier et d’approfondir leur signification.

Le verset 5 pose le problème : « Les projets dans le cœur de l’homme sont des eaux profondes ». Cela suggère peut-être simplement que personne ne peut voir parfaitement dans les profondeurs du cœur, et cela renvoie peut-être aussi à la noirceur du péché (voir 18.4). Il faut un « homme intelligent » pour discerner (ou « puiser ») ce qui y est caché. Ce problème est aggravé par le fait que « beaucoup proclament leur bonté » (20.6a) ; autrement dit, beaucoup de gens disent qu’ils sont bons, et même bons comme Dieu (comme nous l’avons vu, la « bonté » est un terme qui exprime la bonté de l’alliance et l’amour miséricordieux de Dieu ; voir 16.6).

Le vers parallèle surgit alors : « Mais l’homme fidèle, qui le trouvera ? » (20.6b). Beaucoup de gens en parlent, mais ce verset dit en réalité que cela doit se voir ! Où est cet homme fidèle ? Le verset 7 s’arrête pour se réjouir de cet homme, ce « juste » qui « marche dans l’intégrité », et dont les enfants qui viennent après lui sont heureux ! C’est cet homme que nous recherchons.

Le roi aussi :

Le roi qui siège pour rendre la justice disperse tout mal par son regard.
Proverbes 20.8

Imaginez ce grand roi assis sur le trône pour exercer la justice, scrutant le cœur et la vie des gens et dispersant le mal comme on sépare le blé de la mauvaise herbe. Sous ce regard si perspicace, le verset 9 demande :

Qui pourra dire : « J’ai purifié mon cœur, je suis pur de mon péché » ?

Qui peut dire cela ? Personne. À l’époque de Salomon, les purifications au temple et les sacrifices pour le péché devaient être accomplis à maintes reprises, car personne ne reste pur du péché. La question de ce verset résonne à travers le temps et dans toute l’Écriture, et la réponse continue d’être « personne ». « Tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu » (Romains 3.23).

La question de Proverbes 20.9 résonne puissamment dans ce passage, atteignant même le roi assis sur son trône pour juger. Le verset 10 dirige nos regards vers le seul juge parfait, l’Éternel, qui déclare à nouveau qu’il a en horreur les « deux poids différents » et les « deux mesures différentes » (voir 11.1 ; 16.11 ; 20.23). Il voit et juge tout : les cœurs, les paroles et les actes. Même l’acte apparemment anodin de tricher dans une transaction commerciale attire son regard et son courroux.

En fin de compte, malgré les cœurs cachés et les paroles prétentieuses, les actes témoignent indéniablement de la vérité. Rappelez-vous, le juste « marche » dans l’intégrité (v. 7). Cela doit se voir ! C’est également l’idée maîtresse du verset 11 :

L’enfant se laisse déjà connaître par sa manière d’agir : On devine si sa conduite sera pure et droite.

Oui, ce proverbe souligne l’importance de bien éduquer les enfants, mais plus encore, que les actes des gens révèlent clairement l’état de leur cœur. Si c’est vrai même pour un enfant, suggère le verset, alors à combien plus forte raison pour un homme ou une femme adulte !

Nous vivons notre vie sous « les yeux de l’Éternel », qui sont partout (15.3) ; les cœurs et les vies sont à nu devant lui (15.11). Les yeux du roi dispersant le mal en 20.8 sont comme les yeux de l’Éternel, car le jugement du roi doit refléter celui de Dieu. Mais le verset 12 rappelle que tous les yeux (et les oreilles) ont été faits par l’Éternel. Le roi des cieux a tout créé et règne sur toutes choses.

Il s’agit du recueil du roi Salomon. Les paroles qu’il prononce ici reconnaissent implicitement à la fois son appel décidé par Dieu et ses limites en tant qu’être humain pécheur qui a besoin de Dieu. Elles encouragent également chacun à se considérer dans la même perspective. Les questions retentissantes des versets 6 et 9 nous appellent à reconnaître notre péché. Cependant, au lieu de nous écraser, elles nous poussent à regarder vers l’Éternel. Nous avons lu que la faute est expiée par la bonté et la vérité (16.6). De ce côté-ci de la croix, nous savons que notre péché a été expié de manière totale et définitive par le seul homme parfaitement fidèle, le Roi du ciel en personne qui est descendu pour nous sauver.

Les Proverbes nous appellent à craindre et à suivre ce Dieu miséricordieux, par la foi en sa parole. Il nous appelle à ne faire confiance qu’à sa bonté et à sa vérité, révélées par son Fils, qui nous a montré cet homme fidèle. En nous en remettant à lui, en marchant humblement sur le chemin de la sagesse tracé par sa parole, vous et moi pouvons, par la grâce de Dieu, devenir des hommes et des femmes fidèles – ceux que l’on recherche dans ce passage.

En route pour le marché

Proverbes 20.13-19 nous emmène au marché, où le « pain » (v. 13 et 17) représente les provisions dont nous avons tous besoin et pour lesquelles nous travaillons jour après jour. Ces versets offrent une série d’observations et d’avertissements relatifs aux questions économiques.

Le verset 13 évoque le paresseux. « N’aime pas le sommeil ! », tel est le commandement donné, accompagné d’un avertissement : « Tu risquerais de t’appauvrir ». Le vers parallèle donne quant à lui un commandement positif : « Garde les yeux ouverts », avec une récompense à la clé : « Tu seras rassasié de pain ». Pour gagner son pain, il faut sortir de son lit et aller travailler !

Comment voyez-vous, ou comment les gens autour de vous voient-ils le travail ? Dans les Écritures, le travail n’est pas un mal nécessaire, mais un bien fructueux. Dans la Bible, le premier que nous voyons à l’œuvre est Dieu lui-même ! Il a achevé son œuvre de création en six jours et s’est reposé le septième (Genèse 2.2-3). Avant la chute, Dieu a placé Adam et Ève dans le jardin d’Éden pour le cultiver et pour le garder (Genèse 2.15). Façonnés à l’image de notre créateur, nous, les êtres humains, sommes appelés à travailler.

Les versets suivants s’adressent à ceux qui travaillent et qui font des affaires dans un monde déchu. L’observation de Proverbes 20.14 fera sourire beaucoup d’entre nous, surtout si nous nous retrouvons régulièrement à marchander pour faire une bonne affaire. Pendant que nous négocions pour acheter quelque chose, nous qualifions l’offre de « mauvaise, mauvaise », mais une fois l’achat effectué, nous partons en nous vantant de la bonne affaire que nous avons conclue. Le verset suivant commente peut-être de telles manœuvres verbales, en affirmant que « les lèvres qui transmettent la connaissance » (qui disent la vérité) sont plus précieuses que « l’or et des perles en quantité » (v. 15).

Nous avons déjà vu le principe du verset 16, et nous le verrons à nouveau (6.1 ; 27.13). Le proverbe se concentre ici sur les inconnus et les étrangers : c’est-à-dire les personnes extérieures à la communauté du peuple de Dieu. Celui qui se rend responsable des dettes de ces personnes court un risque : prenez donc son vêtement en garantie si vous faites des affaires avec lui. Ce principe n’a rien à voir avec l’attitude à l’égard des étrangers ou le fait de donner généreusement aux pauvres ; il est simplement question d’exercer la prudence dans les transactions financières impliquant des dettes. En réalité, lorsque nous sommes dégagés de dettes imprudentes, nous sommes beaucoup plus libres et capables de donner généreusement à ceux qui sont dans le besoin.

Ces proverbes supposent un monde de péché. Il y a de la tromperie dans les affaires : le pain acquis par le mensonge paraît doux mais se transforme en gravier dans la bouche du menteur (20.17). Les conflits économiques se reflètent dans les conflits politiques. Ainsi, le verset 18 prévoit qu’une guerre se prépare et recommande de la mener selon de bons conseils et des directives avisées. Le verset 19 pointe du doigt le calomniateur qui, dans tous les domaines, révèle des secrets et sème le trouble ; ne vous associez pas à « l’homme trop bavard », nous dit-on.

Ces appels à exercer une sage prudence dans un monde marqué par le péché peuvent nous encourager, en particulier lorsque nous traversons des moments sombres et que nous sommes confrontés à beaucoup de folie autour de nous (et en nous). Le livre des Proverbes ne cède pas devant le mal. Il l’affronte directement et l’appelle par son nom. Il considère ce monde pécheur et désordonné pour ce qu’il est : un monde déchu. Et il ne perd jamais espoir en l’Éternel qui tient tout dans sa main, jusqu’à la fin.

Compter sur l’Éternel

Proverbes 20.20 à 21.4 révèle un monde de péché, avec un roi terrestre sur le trône et un Dieu souverain dans les cieux. Nous trouvons ici un autre groupe de « proverbes de roi » intégrés dans un groupe exceptionnellement dense de proverbes qui mentionnent l’Éternel.

Tout d’abord, ces versets décrivent le péché comme un choix délibéré et provocateur de faire le mal. Après les nombreux appels lancés aux enfants pour qu’ils écoutent leurs parents, le verset 20 donne une image choquante de celui qui « maudit son père et sa mère » et dont « la lampe s’éteindra au milieu d’épaisses ténèbres ». La « lampe » représente l’esprit qui est en lui ; c’est une image de la mort, car cette lampe s’éteint comme une bougie. De même, le verset 4 décrit « l’éclat des méchants », révélant le « péché » des « regards hautains » et du « cœur orgueilleux ».

La précipitation dans le péché est soulignée à plusieurs reprises, d’abord en 20.21 :

Une possession trop vite acquise au départ ne sera pas bénie à la fin.

Il s’agit peut-être de la même personne qui a maudit son père et sa mère et qui, maintenant, s’empare de l’héritage. Il est l’équivalent, selon les Proverbes, du jeune insensé de l’histoire racontée par Jésus, ce fils cadet qui est allé voir son père en disant : « Mon père, donne-moi la part d’héritage qui doit me revenir » (Luc 15.11-32).

Les Proverbes mettent en garde contre toutes sortes de précipitations insensées qui nous entraînent vers le mal. Le verset 22dévoile notre désir de céder à la vengeance, et le verset 25 souligne le « piège » des engagements pris sans réfléchir. Nous attribuons souvent aux jeunes ce genre de hâte imprudente – c’est pour une bonne raison que ce livre s’est efforcé (et s’efforce toujours) d’apprendre aux jeunes la sagesse de la discipline et de la retenue. Cependant, si l’on se souvient du vaste public auquel s’adresse le prologue (1.1-7), et si l’on considère toutes les possibilités de précipitation qui s’offrent aux personnes plus âgées disposant de plus de temps et de moyens, comment ne pas s’humilier devant ce conseil ? Je connais beaucoup de personnes, jeunes et moins jeunes, qui ont appuyé sur le bouton « envoyer », « acheter » ou « poster » dans un moment de précipitation, irréfléchi et longuement regretté par la suite.

La sagesse de 20.22b s’adresse à toutes ces impulsions irréfléchies : « Compte sur l’Éternel, et il te sauvera ». Les deux proverbes suivants mentionnent également l’Éternel : il juge les actions injustes (v. 23 ; voir aussi v. 10) et il dirige souverainement nos pas (v. 24). Ces trois mentions de l’Éternel sont comme des feux rouges sur la route de la hâte insensée, ils nous invitent à lever les yeux pour chercher sa main avant de vouloir prendre nous-mêmes les choses en main.

Trois mentions du roi le relient à nouveau à l’Éternel. Premièrement, un « roi sage disperse les méchants » (v. 26), il voit et juge le mal comme il le faisait au verset 8, et comme Dieu le fait aux versets 10 et 23. Deuxièmement, le roi est protégé de tous côtés par les qualités associées à Dieu lui-même :

La bonté et la vérité protègent le roi, et il soutient son trône par la bonté.
Proverbes 20.28

La troisième mention du roi atteste directement de la souveraineté de Dieu : le cœur du roi est un « simple courant d’eau dans la main de l’Éternel », qui « l’oriente comme il le désire » (21.1). Ces versets s’appliquent en premier lieu au roi Salomon et à la lignée de David que Dieu a établie et conduite pour son plan rédempteur qui devait s’accomplir en Christ. Mais l’image du courant d’eau dans la main de l’Éternel devrait nous donner une grande confiance dans sa souveraineté sur les dirigeants de toutes les époques (même aujourd’hui), conformément à son plan mondial de rédemption en Christ. Voilà une vérité dans laquelle nous pouvons avoir confiance ! Même lorsque nous vivons sous des autorités injustes qui ne connaissent pas l’Éternel, leurs actions se déroulent néanmoins sous sa main souveraine.

Ces versets ne cessent d’orienter nos cœurs vers l’Éternel. C’est lui qui dirige le cœur de l’homme (v. 1). L’Éternel dont les balances sont parfaitement justes « pèse les cœurs » (v. 2 – COL ; voir 20.27).

Qu’est-ce que l’Éternel cherche à voir dans nos cœurs ? Le contraire de l’orgueil (21.4), autrement dit, une humble crainte de l’Éternel et l’écoute de sa parole. Il cherche un cœur qui espère en lui, et une vie qui reflète ce cœur. À son tour, le verset 3 dit que cela doit se voir ! (voir 20.6, 7, 11) :

La pratique de la justice et de l’équité, voilà ce que l’Éternel préfère aux sacrifices.
Proverbes 21.3

Il y a beaucoup plus à lire et à méditer dans cette section. C’est en partie ce que nous devrions retenir : la nécessité de s’arrêter et d’écouter plus attentivement, en fait, de compter sur l’Éternel (20.22). Avant de parler trop vite de nous-mêmes, ou d’agir précipitamment pour accomplir ce que nous voulons, que diriez-vous de faire une pause, d’écouter, de réfléchir, de prier et de demander ce que Dieu veut accomplir en nous et par nous, selon sa parole ?

Réfléchir pour agir

  1. Ces proverbes qui parlent de comportements pécheurs pourraient nous déprimer. Que pensez-vous que la sagesse dirait de cela ?
  2. Vous êtes-vous reconnu dans la hâte et la précipitation mises en évidence dans ces versets ? Comment l’appel à compter sur l’Éternel vous parle-t-il ?
  3. Comment ces versets révèlent-ils la souveraineté de Dieu ? Et pourquoi cette révélation est-elle réconfortante ?

Le paysage

Après les trois mentions de l’Éternel dans les premiers versets  du chapitre 21, le paysage s’assombrit, rempli de péchés de tous côtés. Il comporte cependant d’importants rayons de lumière et quelques versets à la fin de ce recueil qui nous ramènent explicitement à l’Éternel.

Proverbes 21.5-7 évoque les compagnons pécheurs contre lesquels le père a d’abord mis en garde son fils : ceux dont les « pieds courent au mal » et qui sont « pressés de verser le sang » (1.16). Les mauvaises actions et leurs résultats se développent rapidement dans ces versets : d’abord, en contraste avec l’homme actif et son abondance, nous apercevons l’homme pressé, qui n’arrivera qu’à la misère (21.5) ; ensuite viennent ceux qui recherchent la mort par leurs mensonges (v. 6) ; puis vient la violence qui emportera ses auteurs (v. 7). La précipitation vers le péché est suivie d’une précipitation de conséquences.

Nous remarquons davantage les exemples de parallélisme antithétique car ils sont beaucoup moins nombreux dans cette partie des Proverbes. Au verset 5, le contraste commence par le positif (« l’homme actif ») et finit au deuxième vers par le négatif (« celui qui agit avec précipitation ») qui prend ensuite le relais jusqu’au verset 8, où le contraste commence par le négatif et finit au deuxième vers par le positif :

L’homme malhonnête emprunte une voie tortueuse, tandis que celui qui est pur agit avec droiture.

Alors que nous observons le mal et la destruction, nous éprouvons un certain soulagement d’être partis sur une base solide et d’y revenir, en déclarant que la conduite de ceux qui sont purs est droite.

La femme querelleuse

Au fur et à mesure que les observations se poursuivent, nous retrouvons une figure bien connue : la femme querelleuse (v. 9). Nous l’avons déjà croisée plus tôt, avec ses querelles comme « une gouttière sans fin » (19.13). Ce personnage est comme le paresseux : toujours en train d’irriter quelqu’un. Nous passons souvent devant ces personnages. Chaque fois que nous rencontrons cette femme querelleuse, nous avons droit à une comparaison théâtrale qui montre à quel point elle est vraiment irritante.

Au chapitre 21 se trouvent deux proverbes en « mieux vaut » ; les endroits décrits comme meilleurs montrent à quel point partager la vie de cette femme est difficile :

Mieux vaut habiter à l’angle d’un toit que faire maison commune avec une femme querelleuse.
Proverbes 21.9 et 25.24

Mieux vaut habiter dans une terre déserte qu’avec une femme querelleuse et irritable.
Proverbes 21.19

Le même mot hébreu peut être traduit à la fois par « épouse » et « femme ». Ici, les deux proverbes font probablement référence à une épouse, une femme avec qui un homme vit. Avant d’élargir le champ d’application, commençons avec les épouses, car ce n’est certainement pas par hasard que les épouses difficiles et querelleuses font l’objet d’une attention particulière dans les Écritures, donnant ainsi l’occasion aux épouses qui lisent ces lignes d’en tirer humblement des leçons.

En tant que femme mariée, je dois me demander comment toutes les instructions des Proverbes concernant l’orgueil, la colère, les mots durs et les querelles s’appliquent à moi dans tous les contextes de ma vie, et notamment dans mon attitude d’épouse. Y a-t-il en moi un certain ressentiment à l’égard de mon mari, qui éclate en paroles agressives ? Est-ce que je respecte et écoute attentivement mon mari, ou suis-je prompte à le remettre en question ? Qu’est-ce qui sort régulièrement de ma bouche : du mécontentement à propos de ce que j’aimerais voir changer, ou de la reconnaissance pour ce qui est et des idées constructives pour ce qui pourrait être ? Suis-je honnête avec mon mari ? Est-ce que je tourne ses pensées vers Dieu ? Comment pourrais-je mieux contribuer à faire de notre foyer un lieu de paix ?

Les hommes mariés peuvent aussi prêter attention à ces proverbes relatifs aux épouses et se poser des questions telles que : comment pourrais-je encourager ma femme à avoir un cœur paisible ? Ou, de quelle manière ne l’ai-je pas encouragée avec amour, contribuant peut-être à son mécontentement ? Est-ce que je tourne ses pensées vers Dieu ? Comment toutes les instructions des Proverbes concernant l’orgueil, la colère, les mots durs et les querelles s’appliquent-elles à moi dans tous les contextes de ma vie, et notamment dans mon attitude en tant que mari ?

Nous devons prendre le temps de reconnaître qu’un esprit querelleur chez un conjoint, qu’il s’agisse du mari ou de la femme, est un mal dont l’un doit se repentir et pour lequel l’autre doit faire preuve de patience dans la prière. Comme nous l’avons vu dans le prologue du livre (1.1-7), les Proverbes s’adressent à nous tous, envahissant tous les contextes de notre vie avec la sagesse de Dieu. Pour les épouses et les maris (ou pour ceux qui envisagent de le devenir) ces versets constituent un enseignement.

Il s’agit là d’un enseignement efficace, donné non pas par un commandement positif, mais de toute évidence par le rapport honnête de quelqu’un qui a vécu de près la folie du cœur querelleur d’un autre. Il est dégoûté. Il voudrait s’échapper. Si je cherche la discorde avec la personne avec laquelle je vis, il est bon pour moi d’imaginer ce que cette personne pense de moi.

Mieux encore, il est bon pour moi de regarder vers Dieu et d’imaginer ce que lui pense de moi !
Le juste examine la maison du méchant et il précipite les méchants dans le malheur.
Proverbes 21.12

Les méchants sont appelés méchants ici par le juste qui les voit et les punit : l’Éternel (voir 11.21). La méchanceté n’existe pas par elle-même et ne se développe pas non plus de manière incontrôlée ; Dieu dirige souverainement tout ce qu’il a créé. Si je suis une personne qui cherche les querelles, alors c’est finalement contre l’Éternel lui-même que je me bats. J’ai besoin de revenir au point de départ : la crainte de l’Éternel.

Récompenses

Proverbes 21 attire notre attention non seulement sur les observations du temps présent, mais aussi sur les attentes futures. Ce chapitre poursuit le lien établi par Proverbes entre les récompenses positives et la sagesse, et entre les récompenses négatives et la folie. Nous avons vu le contraste entre le « profit » des travailleurs appliqués et la mort et la destruction destinées aux méchants (21.5-7). Nous avons également vu que le Dieu juste voit et provoque luimême le malheur des méchants (v. 12).

La perspective des jugements et des récompenses à venir rétablit un certain ordre au milieu du désordre créé par le péché. Les injustes seront confrontés à une justice appropriée, parfois ironique :

Celui qui ferme son oreille au cri du plus faible criera lui aussi, et il n’aura pas de réponse.
Proverbes 21.13

Celui qui s’écarte du chemin se retrouvera non pas libre mais bloqué, reposant « dans l’assemblée des défunts » (v. 16). Celui qui court après les richesses (en aimant le plaisir, le vin et l’huile) se retrouvera pauvre au lieu d’être riche (v. 17) ; « On trouve de précieux trésors et de l’huile dans le domaine du sage » (v. 20).

Le paresseux réapparaît alors, et subit lui aussi les conséquences de sa folie (v. 25-26). Il ne récolte rien (des champs qu’il a refusé de labourer, en 20.4) sinon la récompense de sa paresse : un désir non satisfait, qui finit par le tuer. « Toute la journée il éprouve des désirs » (21.26 ; voir 10.3). En regardant en arrière, nous nous rappelons finalement que « le paresseux a des désirs qu’il ne peut satisfaire » (13.4). Quelle triste et horrible image du désir constant et insatisfait de l’âme de celui qui ne craint pas l’Éternel.

Trois proverbes réunis dans cette section montrent, par contraste, les récompenses des justes. Le verset 21 est rempli de mots forts qui communiquent la nature des trésors de la sagesse :

Celui qui poursuit la justice et la bonté trouvera la vie, la justice et la gloire.

La « justice » présente dans les deux vers ressort avec éclat : ici, la récompense correspond exactement à ce qui est recherché. La « bonté » est le mot aussi traduit par « amour inébranlable ». Ce verset rime avec la vérité des paroles de la sagesse en Proverbes 8.17 : « Ceux qui me cherchent me trouvent ». À la lumière de l’ensemble des Écritures, nous savons que celui que nous trouvons est Jésus, notre Sauveur, le juste parfait.

Les deux proverbes suivants montrent la force de la sagesse pour vaincre la ville d’un ennemi (v. 22) et pour retenir une langue (v. 23). Quelle force est la plus grande ? Proverbes 16.32 l’a dit : « Mieux vaut être maître de soi que s’emparer de villes ».

Le chapitre 21 se termine par une exhortation solennelle à réfléchir non seulement à l’avenir, mais plus encore à celui qui le dirige. Le mot « horreur » au verset 27 oriente nos pensées vers l’Éternel ; en effet, Proverbes 15.8 dit explicitement que « le sacrifice qu’offrent les méchants fait horreur à l’Éternel ». Pris individuellement, le sens de certains proverbes peut paraître flou, comme s’il manquait des informations. Mais l’ensemble des proverbes permet de compléter le tableau.

Deux parallélismes antithétiques opposent le méchant à celui qui « sait écouter » (v. 28) et à celui qui « affermit sa voie » (v. 29). Nous sommes appelés ici à nous arrêter, à écouter et à lever les yeux vers le Dieu souverain. Le message à retenir est que rien ne peut s’opposer à l’Éternel et à ses bons desseins : « ni sagesse, ni intelligence, ni conseil » (v. 30). Le dernier verset du chapitre place cette grande vérité dans un contexte de bataille :

On prépare le cheval pour le jour du combat, mais c’est à l’Éternel qu’appartient la victoire.
Proverbes 21.31

Le riche et le pauvre – et la discipline

Vers la fin des proverbes de Salomon, une grande attention est portée au riche et au pauvre. Les neuf premiers versets de Proverbes 22 juxtaposent ces deux situations de manière très variée. Au début, les richesses sont dévalorisées, elles sont moins importantes que la « bonne réputation » ou la « grâce » (22.1). Le but n’est pas de rechercher les richesses mais les relations, en premier lieu avec l’Éternel qui, dans les Écritures, est souvent celui aux yeux de qui nous trouvons grâce ou qui accorde sa grâce de manière visible aux yeux des autres.

Le verset 2 réunit le riche et le pauvre pour rappeler une vérité que nous avons entendue à plusieurs reprises : « C’est l’Éternel qui les a faits l’un et l’autre ». Encore une fois, il est question de valoriser les personnes, car nous sommes tous créés par Dieu à son image. « Évidemment », disons-nous, nous le savons. Mais nous sommes avertis de ne pas être comme ceux qui manquent d’expérience et avancent sans tenir compte des mises en garde (v. 3b). Nous sommes plutôt appelés à être comme « l’homme prudent » qui voit le mal et se met à l’abri (v. 3a), et comme celui qui « veille sur lui-même » pour se tenir loin des « épines » et des « pièges » qui bordent le chemin (v. 5). Ce sont là de puissantes tentations humaines : faire passer les richesses avant les personnes, et les riches avant les pauvres. Si nous pensons que nous ne sommes pas exposés à ces tentations, il y a de fortes chances que nous soyons naïfs, voire complètement insensés.

Au centre de cette section se trouve la vérité qui permet d’ajuster notre échelle de valeurs :

Le fruit de l’humilité, de la crainte de l’Éternel, c’est la richesse, la gloire et la vie.
Proverbes 22.4

Voici un autre verset riche de mots qui expriment le poids et la valeur des trésors de la sagesse. La crainte de l’Éternel en est le commencement, dans un cœur qui écoute humblement sa parole. Au fur et à mesure que cette personne suit le chemin de la sagesse, elle trouve une grande récompense. La richesse est citée en premier, certes, mais elle débouche sur des choses encore plus grandes : la gloire et la vie.

Juste après ces versets, nous trouvons cette célèbre instruction :

Éduque l’enfant d’après la voie qu’il doit suivre !
Même quand il sera vieux, il ne s’en écartera pas.
Proverbes 22.6

Oui, il y aura des épines et des pièges, et nous devons aider les jeunes à apprendre à trouver le bon chemin : celui de la sagesse fondée sur la crainte de l’Éternel. Les Proverbes (et l’ensemble de la Bible) sont là pour nous aider à apprendre, et pour nous aider à former.

Suivre l’instruction du verset 6 fait partie de la crainte de l’Éternel. La sagesse voudrait que nous l’appliquions avec un cœur humble (v. 4), en reconnaissant la souveraineté de Dieu sur le cœur de chaque être humain qu’il a créé, y compris le jeune que nous sommes en train de former. Nous ne pouvons prétendre connaître les étapes que Dieu choisira pour cet enfant (16.9). Dans le contexte de cet enseignement de sagesse, ce verset n’est pas une promesse, mais un modèle que Dieu a établi dès le début. Ainsi, les parents enseignent à leurs enfants à connaître et à servir Dieu, transmettant la foi de génération en génération.

Nous suivons la parole de Dieu dans un monde déchu, envahi par le péché. Les Proverbes le soulignent très clairement, même lorsque 22.15 revient sur le sujet de l’éducation des enfants : « La folie est attachée au cœur de l’enfant ». Le problème des cœurs pécheurs que nous avons vu en 20.9 est profond : il apparaît dès le ventre de la mère (Psaumes 51.7). La sagesse conseille l’éducation (Proverbes 22.6) et la discipline (v. 15 ; voir 19.18).

La signification du « bâton de la discipline » de 22.15 peut être plus large que la discipline corporelle ; un bâton peut représenter la direction et l’instruction, même si dans 23.13, le bâton est clairement utilisé pour la discipline corporelle. Quelle que soit notre opinion sur cette méthode disciplinaire particulière, il ne s’agit certainement pas ici (ou ailleurs dans les Proverbes) de justifier la dureté ou la colère. Non, la discipline est une question d’amour. Les versets 11 et 12 du chapitre 3 comparent la discipline de l’Éternel envers ceux qu’il aime à celle d’un père qui reprend son fils qu’il aime. Ce qu’il faut comprendre ici, c’est que les enfants ont besoin de discipline, c’est-à-dire de conséquences pour leurs actes mauvais, mais aussi de conseils et d’instructions sur la voie à suivre.

Les cœurs des enfants, attachés à la folie, ont besoin d’un enseignement régulier et sincère de la parole de Dieu comme celui décrit en Deutéronome 6.6-7 :

Les commandements que je te donne aujourd’hui seront dans ton cœur. Tu les répéteras à tes enfants ; tu en parleras quand tu seras chez toi, quand tu seras en voyage, quand tu te coucheras et quand tu te lèveras.

Dieu utilise sa parole révélée pour parler aux cœurs des pécheurs, jeunes et vieux, et pour les ramener à lui lorsque l’Esprit applique cette parole. Nous, croyants du Nouveau Testament, avons la possibilité de transmettre à la génération suivante l’ensemble des Écritures qui révèlent l’accomplissement de toutes les promesses de Dieu en Christ. En transmettant sa parole, nous pouvons croire avec assurance que Dieu accomplira sa volonté (Ésaïe 55.11). En fin de compte, la victoire appartient à l’Éternel.

Conclusion des proverbes de Salomon

 

Malheureusement, cette section ne finit pas sur une victoire. Juste après Proverbes 22.15 qui apporte l’espoir de la discipline d’un enfant, le dernier verset de cette section (le verset 16) nous ramène directement aux complexités entre riches et pauvres : les pauvres sont exploités, mais c’est la misère qui attend leurs oppresseurs.

Si nous revenons au verset 6, où l’éducation d’un enfant offre également un espoir, nous constatons que les versets suivants nous ramènent également aux relations complexes entre riches et pauvres : le riche domine sur les pauvres et l’emprunteur est contraint d’être l’esclave du prêteur (v. 7). La semence de l’injustice récoltera le malheur, nous en sommes avertis (v. 8). Les choses ne sont pas encore comme elles devraient être. Voici le monde déchu dans lequel l’éducation et la discipline sont nécessaires.

Et pourtant, les Proverbes montrent toujours les deux côtés de la médaille. Le proverbe qui conclut à la fois les versets 7 à 9 et les versets 1 à 9 porte sur le bienfait de la générosité et sur la bénédiction pour celui qui « donne de son pain au plus faible » (v. 9).

Entre le verset 9 et le verset 15, une dernière série de proverbes illustre toute la palette de la sagesse et de la folie que nous avons rencontrée. Tout d’abord vient le moqueur, celui qui refuse systématiquement la réprimande (9.7 ; 13.1 ; 15.12). Lorsqu’il sera chassé, alors le « conflit », la « contestation » et le « mépris » prendront fin (22.10). Quelle affirmation ! Le moqueur est celui qui, dans son orgueil, non seulement rejette la crainte de l’Éternel, mais s’en moque ! La sagesse s’est écriée au commencement : « Jusqu’à quand les moqueurs trouveront-ils leur plaisir dans la moquerie ? » (1.22b). Le recueil de Salomon se termine par un regard sur le châtiment du moqueur, qui, selon 21.11, peut enseigner la sagesse même à celui qui manque d’expérience.

Ces derniers proverbes reprennent magnifiquement les thèmes des précédents. Le thème des paroles fait bien sûr une apparition : les versets 22.11-12 réaffirment le lien qui unit le cœur et les paroles, les paroles pures ou mensongères étant respectivement récompensées par le bien ou le mal, non seulement de la part du roi mais aussi de l’Éternel lui-même (tous deux sont à nouveau représentés ici, l’un après l’autre, élevant nos yeux vers le trône céleste).

Une fois de plus, nous croisons le paresseux (v. 13). Il est toujours là et ne fait toujours rien. Cette fois, son excuse est vraiment fantastique (et nous la verrons à nouveau) : Il y a un lion dehors !

Le verset 14 renvoie aux neuf premiers chapitres, rappelant la « femme étrangère » avec ses paroles mensongères et séduisantes. Sa bouche est une « fosse profonde », et « celui contre qui l’Éternel est irrité y tombera ». Sa réapparition à ce stade réaffirme son rôle dans le livre ; elle est là non seulement pour montrer le vrai mal de l’adultère, mais aussi pour illustrer la façon dont la folie nous détourne du chemin de la sagesse. Ces proverbes ont éclairé les deux voies, et la femme adultère offre un dernier avertissement saisissant à propos du chemin de la folie qui mène à la mort.

Nous terminons ce premier recueil sur un ton grave, contemplant le chemin de la folie, mais non sans espoir car nous entendons l’appel à emprunter le chemin de la sagesse et l’appel à former d’autres personnes à emprunter ce chemin après nous. Le chemin de la sagesse nous invite, génération après génération, à craindre l’Éternel et à écouter attentivement sa parole.

Réfléchir pour agir

  1. Que pouvons-nous apprendre de la femme querelleuse ?
  2. Quelle que soit votre situation dans la vie, comment pouvez-vous entendre et répondre à l’appel à former la prochaine génération à craindre et à suivre Dieu ?
  3. Comment le fait d’avoir un regard bienveillant et de donner de son pain au pauvre (22.9) est-il lié à l’attention que Dieu nous porte en tant que ses créatures, et finalement à notre rédemption par son Fils ?

Chapitre dix

Un nouveau recueil est introduit en Proverbes 22.17 : « Les paroles des sages ». Plusieurs de ces proverbes sont étroitement liés à un recueil plus ancien de sagesse égyptienne intitulé « Enseignement d’Aménémopé ». Certaines données suggèrent que Salomon (ou des sages sous son autorité) aurait emprunté et adapté des sections de cette source égyptienne dans le livre des Proverbes13. L’adaptation ancre cette sagesse dans la crainte de Dieu, transformant la révélation générale accessible à tous en une révélation spécifique rendue vivante par le souffle de Dieu. Nous examinerons d’abord 22.17 à 23.11, puis 23.12 à 24.34.

Nouvel appel, même question

Le fait que ces écrits inspirés côtoient des écrits profanes devrait-il nous mettre mal à l’aise ? Non, cela devrait nous rendre encore plus attentifs à l’unique source de vérité, l’Éternel, notre créateur à tous. Salomon était capable de discuter de la sagesse avec des non-Israélites du monde antique. C’est ce qu’il a fait, par exemple, avec la reine de Séba, qui avait entendu parler de la sagesse de Salomon et lui a rendu visite (1 Rois 10.1-10). Les réponses sages qu’il a données à toutes les questions difficiles de la reine lui ont coupé le souffle (10.5) et lui ont permis d’entrevoir, au-delà de Salomon, « l’Éternel, ton Dieu, qui t’a choisi pour te placer sur le trône d’Israël […] pour que tu exerces le droit et la justice » (10.9).

Les Écritures disent que la sagesse que Dieu a accordée à Salomon surpassait la sagesse de tous les peuples de l’Orient et toute la sagesse de l’Égypte (1 Rois 5.9-10). De telles comparaisons impliquent non seulement des différences mais aussi des similitudes : les nations voisines connaissaient la sagesse, mais de manière limitée car elles en ignoraient la source. Cependant, des interactions internationales ont manifestement eu lieu. Peut-être qu’une réflexion plus approfondie sur ce type d’interactions pourrait nous inciter à entrer en contact avec les personnes qui nous entourent aujourd’hui et qui ne connaissent pas la source de la sagesse. Peut-être que parler de la sagesse et de sa source leur fera « perdre le souffle » ; et leur donnera un aperçu du Seigneur Jésus, celui qui est « plus que Salomon » (Matthieu 12.42). Je me demande si certains Égyptiens ont pu lire la version de Salomon de leurs enseignements de sagesse et ont ainsi pu découvrir l’Éternel.

La section Proverbes 22.17-21 commence par un appel à écouter, semblable aux exhortations du père dans Proverbes 1 à 9. Dans cet appel, le locuteur et le destinataire ne sont pas identifiés, bien que la répétition ultérieure de « mon fils » (23.15, 19, 26 ; 24.21) implique un contexte similaire aux instructions précédentes. Le style de cette section rappelle également les chapitres d’ouverture : un certain nombre de proverbes semblent former des paragraphes plutôt que de fonctionner indépendamment en une série de proverbes distincts.

Waltke précise avec pertinence la structure symétrique que nous percevons immédiatement dans cet appel introductif de 22.17-2114. Il considère le verset central, le verset 19, comme un « Janus », c’està-dire un verset qui regarde dans les deux sens : vers l’arrière pour observer le fils (v. 17-18) et vers l’avant pour observer le père qui parle (v. 20-21). Ils se retrouvent au centre, là où l’accent est mis sur l’Éternel ! Le verset central de l’introduction se détache et souligne l’objectif de toutes ces paroles : « Que ta confiance soit placée en l’Éternel » (v. 19a).

Nous retrouvons une fois encore un lien étroit entre l’oreille qui écoute et le cœur qui applique :

Tends l’oreille, écoute les paroles des sages !

Applique ton cœur à ma connaissance !
Proverbes 22.17

Le verset suivant montre la suite du processus, cette fois de l’intérieur vers l’extérieur : ces paroles seront agréables si elles sont d’abord gardées « au fond de toi » (littéralement « dans ton estomac »15), et ensuite, si elles sont « présentes sur tes lèvres » (v. 18).

Voilà une description très belle et remarquablement concise de l’apprentissage de la sagesse, dont le résultat final est « que tu répondes par des paroles vraies à celui qui t’envoie » (v. 21b). On ne sait pas très bien qui a envoyé ce fils (peut-être la famille ou des chefs qui le préparent à exercer des responsabilités), mais l’image qui est donnée de lui comme un messager mandaté correspond bien à l’importance que les Proverbes accordent aux messagers (voir 13.17 et 25.13). Elle correspond également à la portée plus large de la sagesse des Proverbes pour transmettre la vérité. Aujourd’hui, nous, les « messagers » de l’Évangile, devons être toujours prêts à défendre l’espérance qui est en nous (1 Pierre 3.15).

De sages interactions – 1re partie

L’appel du début est suivi d’une section de proverbes variés qui envoient le fils (et nous) dans le monde pour interagir sagement avec toutes sortes de personnes, en particulier les riches et les pauvres. Les versets 22 et 23 appellent immédiatement à la justice pour les pauvres. L’oppression des pauvres était la préoccupation finale du recueil précédent (v. 16), et la voici au début du nouveau.

Toutefois, il faut aussi regarder vers l’avenir. Ce que la plupart reconnaissent comme les dix premières paroles de ce recueil commence et se termine par la défense des pauvres et des personnes vulnérables : 22.22-23 et 23.10-11 donnent des commandements et leurs justifications correspondantes ; ils sont comme des serrelivres. Pour commencer, « ne dépouille pas le faible » et « n’écrase pas le malheureux » car « l’Éternel défendra leur cause » (22.22-23). Puis, en 23.10, « ne déplace pas la limite ancienne » (probablement dans le but de dépouiller les pauvres de leurs terres) et « n’empiète pas sur le champ des orphelins » (probablement pour voler les personnes vulnérables), et ce, exactement pour la même raison :

Car celui qui les rachète est puissant.
C’est lui qui défendra leur cause contre toi.
Proverbes 23.11

En ce qui concerne l’identité de « celui qui rachète » dans ce contexte, nous pourrions d’abord penser à la disposition de la loi de l’Ancien Testament prévoyant un rédempteur sous la forme d’un proche qui subvient aux besoins de la veuve de son parent (Lévitique 25.25 ; Ruth 3.12-13). Mais cette formule est également utilisée à de nombreuses reprises dans l’Ancien Testament pour désigner Dieu lui-même. C’est certainement le cas ici, car il est nommé directement en Proverbes 22.23.

Plusieurs de ces exemples concernent des questions de justice civique : la « porte de la ville » du verset 22 était l’endroit où les anciens décidaient des questions de justice, comme une salle d’audience. La « limite ancienne » (23.10 ; voir 22.28) n’était pas qu’une simple tradition, elle marquait la distribution souveraine par Dieu de la terre promise aux tribus d’Israël, telle qu’elle est consignée dans la loi (Deutéronome 19.14 et 27.17). Ces proverbes ne traitent pas seulement de l’oppression dans la sphère privée, mais aussi des formes de corruption politique qui la rendent possible, en particulier lorsque ceux qui détiennent le pouvoir dominent égoïstement ceux qui n’en ont pas.

Les portes et les limites anciennes ne s’appliquent pas directement à nous aujourd’hui. Mais le message de Dieu est clair, il se soucie des pauvres et des faibles et les soutiendra. Être sage, c’est être comme lui dans ce domaine aussi. Dans ces proverbes, l’Éternel n’est pas décrit comme se tenant à l’écart et réagissant à telle ou telle chose. Non, il anticipe et s’avance pour « défendre la cause » de ceux qui sont sans défense et pour punir ceux qui leur font du mal.

Ce sont nos contextes particuliers qui détermineront ce que cela signifie pour nous. Mais ces proverbes devraient certainement inciter chacun d’entre nous, peu importe le contexte, à ressembler à notre Père. Il ne nous a pas laissé mourir, même lorsque nous étions sans défense et sans espoir et que nous méritions la mort, mais il a envoyé son propre Fils pour nous sauver.

Près de chez vous, qui sont les pauvres ou les personnes sans défense dont vous pourriez défendre la cause et contribuer à éclairer la vie par la justice et la miséricorde de Dieu, manifestées parfaitement en Christ ? Qui sont vos voisins dans le besoin, à quelques rues de chez vous ? À cet égard, l’avortement est certainement un sujet incontournable. Une femme enceinte est vulnérable, et le bébé dans son ventre est totalement sans défense. Nous ne pouvons pas échapper à notre complicité face à cette question liée aux personnes et au pouvoir des sociétés et des communautés dans lesquelles nous vivons. Considérez ces versets très à propos, situés un peu plus loin dans cette section :

Délivre ceux qu’on traîne à la mort, retiens ceux qu’on amène tout tremblants pour les tuer !
Si tu dis : « Ah, nous ne savions pas ! » celui qui évalue le cœur n’a-t-il rien compris ?
Celui qui veille sur toi ne sait-il pas tout ?
Il paiera à chacun le salaire de ses actes.
Proverbes 24.11-12

De sages interactions – 2e partie

En continuant d’observer ce premier groupe de paroles des sages, nous trouvons au milieu trois sous-sections qui traitent également de la richesse et de la pauvreté, cette fois dans un cadre plus privé. Dans deux d’entre elles, nous sommes invités à dîner (23.1-3 et 6-8). Le premier repas est offert par quelqu’un de riche et d’important, un « grand » (v. 1), et le second par quelqu’un de riche mais de méchant, un homme « au regard malveillant » (v. 6). Les deux hommes servent des « bons plats » que le fils est prié de ne pas convoiter (v. 3, 6).

Dans les deux scènes, le fils est appelé à réfréner son appétit et à voir au-delà de la tromperie pour discerner la vérité. La « nourriture trompeuse » de l’homme important (v. 3) est peutêtre destinée à le tester ou à le contraindre d’une manière ou d’une autre, ou peut-être est-il simplement averti que les délices de la richesse peuvent elles-mêmes devenir un piège redoutable au point qu’il devrait placer un couteau devant sa gorge s’il a « trop d’appétit » (v. 2).

Il est possible que 22.29 introduisent cette scène : l’invité pourrait être celui qui est « habile dans son travail » et qui est convié à rendre visite aux rois. L’habileté dans le travail est précieuse et bonne ; elle fait même partie de la sagesse. Mais la sagesse doit imprégner toutes les catégories de notre vie, y compris nos appétits physiques et nos appétits de richesse et de prestige.

La tromperie de l’homme au regard malveillant, c’est son hypocrisie : il semble généreux, avec ses invitations chaleureuses à manger et à boire, mais « son cœur n’est pas avec toi » (23.7).

Plus tard, le fils « vomira le morceau » qu’il a mangé, se rendant compte de la tromperie et du gâchis de ses paroles agréables envers cet homme mauvais (v. 8). Le verset 9 peut être considéré comme faisant partie de cette sous-section, puisqu’il conseille : « Ne parle pas aux oreilles de l’homme stupide », qui méprisera les paroles de bon sens.

Entre ces deux scènes de dîner se trouve la leçon à retenir : le discernement de la sagesse en matière de richesse. C’est un très beau passage :

Ne te fatigue pas à acquérir la richesse, n’y applique pas ton intelligence.
Veux-tu la poursuivre du regard ? La voilà disparue ! En effet, la richesse se fait des ailes, et, comme l’aigle, elle prend son envol vers le ciel.
Proverbes 23.4-5

Bien que la richesse soit souvent la récompense des sages dans les Proverbes, elle n’est jamais un prix à tenter d’obtenir ou pour lequel travailler. L’image marquante de ces versets montre la folie d’un tel désir mal placé : la richesse déploie ses ailes et s’envole comme un aigle. Ces passages parlent du désir de notre cœur, qui peut si facilement être capturé par des choses qui disparaîtront.

D’autres interactions apparaissent dans cette section : il y a l’homme colérique que nous avons remarqué en introduisant le parallélisme synonymique (22.24). Nous avons vu comment les vers de ce verset se répètent mais montrent également une progression en suggérant un danger croissant. En effet, le verset 25 poursuit l’affirmation et exprime clairement le danger encouru, même si ce n’est peut-être pas celui auquel nous aurions pensé en premier. Nous pourrions d’abord craindre d’être blessés par la personne en colère. Mais le danger énoncé en premier lieu est que nous apprenions à agir comme cette personne colérique, ce qui deviendrait un « piège » pour nous. Il s’agirait en effet d’un piège blessant, mêlant querelles et relations brisées… le genre de piège que nous connaissons bien dans notre monde brisé. Cette section des proverbes révèle un monde plein d’interactions qui nécessite un cœur avide de sagesse : un cœur qui place sa confiance en l’Éternel (22.19).

Réfléchir pour agir

  1. Dans un monde où les gens sont en quête de sagesse, comment les Proverbes pourraient-ils vous préparer à partager la sagesse pleinement révélée en Christ ?
  2. De quelle manière le cœur de Dieu pour ceux qui sont pauvres et vulnérables vous bénit et vous interpelle ?
  3. Quelles sont les différences entre travailler dur pour gagner sa vie et travailler dur pour acquérir des richesses ?

Une affaire de cœur

Proverbes 23.12 lance un nouvel appel à la sagesse, en utilisant les mots « instruction » et « connaissance », qui sont toujours

liés. L’accent est mis ici sur le cœur. Le père ouvre son cœur et implore le cœur de son fils :

Ouvre ton cœur à l’instruction et tes oreilles aux paroles de la connaissance.
Proverbes 23.12

Mon fils, si ton cœur est sage, mon cœur à moi sera dans la joie.
Proverbes 23.15

Que ton cœur n’envie pas les pécheurs, mais qu’il ait toujours la crainte de l’Éternel.
Proverbes 23.17

Deux versets qui prônent la discipline surgissent en plein milieu de ces versets chaleureux et affectueux où le père aspire manifestement au bien de son enfant. Ce n’est que dans ce contexte d’amour que la discipline trouve sa place. Les versets 13 et 14 incitent à la discipline, et même à frapper un enfant avec un bâton, cela ne le tuera pas mais pourrait au contraire sauver « son âme ». Comme nous l’avons déjà noté à propos de 22.15 (voir aussi 13.24 et 19.18), quelle que soit notre position à propos de la discipline corporelle, le principe clair est que les enfants ont besoin de discipline, qu’il s’agisse de l’enseignement des bons comportements ou des conséquences des mauvais comportements.

Il faut toujours partir du principe que nous vivons dans un monde déchu, où la folie est ancrée dans le cœur de chacun d’entre nous (voir 22.15). Ce n’est que lorsque nous apprenons à craindre l’Éternel et à écouter sa parole que nous sommes capables de nous détourner du chemin de la mort pour emprunter celui de la vie. Les Proverbes insistent ouvertement sur l’importance d’enseigner la parole de Dieu aux enfants afin qu’ils puissent l’entendre au plus tôt et diriger leur cœur dans la voie de la sagesse (23.19).

Bien sûr, de tels points de vue vont tout à fait à contre-courant de bon nombre des idées qui nous entourent aujourd’hui : que les enfants sont bons par nature, qu’il faut les laisser trouver leur propre voie en fonction de leurs désirs naturels, que les règles et la discipline sont des carcans plutôt que des outils, que la civilisation humaine progresse dans sa compréhension du comportement humain, abandonnant progressivement les vieilles idées néfastes pour en adopter de nouvelles, libératrices. Nous pourrions nous sentir menacés par l’assaut de ces idées. Mais les Proverbes nous rappellent de les voir telles qu’elles sont : insensées et contraires à la parole de Dieu. C’est elle qui doit rester notre confiance et notre force sur le chemin qui mène véritablement à la vie.

Il est bon de répéter que le contexte de la discipline est celui de l’amour (voir 3.11-12). Ces versets de Proverbes 3 sont directement cités en Hébreux 12.5-6, où l’auteur aux Hébreux appelle les croyants à considérer les souffrances que Christ a endurées pour nous, afin que nous ne nous fatiguions pas et ne nous découragions pas sous la main de Dieu qui nous discipline. « Supportez la correction : c’est comme des fils que Dieu vous traite », dit Hébreux 12.7. « Certes, au premier abord, toute correction semble un sujet de tristesse, et non de joie, mais elle produit plus tard chez ceux qu’elle a ainsi exercés un fruit porteur de paix : la justice » (Hébreux 12.11).

L’appel du père dans les Proverbes est un appel d’amour et d’espoir. S’appuyant sur l’exhortation à persévérer dans la crainte de l’Éternel (Proverbes 23.17), le verset 18 regarde au-delà de nos circonstances, vers un avenir indéfini mais sûr :

Car il y a un avenir, et ton espérance ne pourra pas être brisée.

Des relations sincères

L’espoir des Proverbes n’a rien d’une proposition abstraite. Il s’inscrit dans le contexte des relations, tout d’abord avec l’Éternel que nous craignons, puis aussi avec la famille, chargée de transmettre la Parole. Si vous êtes le premier de votre famille à connaître Dieu, autrement dit, si vous n’avez pas eu la joie de recevoir une instruction fidèle à Dieu de la part de vos parents ou de votre famille, alors vous pouvez adopter la perspective d’espoir des Proverbes : vous pouvez la transmettre à d’autres après vous. Les personnes qui vous ont donné cette instruction sont votre famille en Dieu. Quel que soit le type de famille que Dieu vous a donné, c’est une formidable chaîne de transmission de l’instruction, à laquelle  vous êtes vous-mêmes appelé à participer.

Les versets 22 à 25 mettent en valeur la relation spécifique entre un fils et ses parents qui l’instruisent. Il ne s’agit pas uniquement d’un appel à écouter ses parents, mais avant tout à reconnaître et respecter la nature profonde de la relation des enfants avec leurs parents. Cet appel correspond au cinquième commandement : « Honore ton père et ta mère » (Exode 20.12). Et pas seulement parce qu’ils sont sages, mais surtout parce que ton père « t’a donné naissance » (Proverbes 23.22) et que ta mère « t’a mis au monde » (v. 25). Ce n’est pas non plus uniquement pour obéir au commandement ; c’est aussi pour que tes parents « se réjouissent » et soient « dans l’allégresse » au sujet de leur enfant (v. 24-25 ; voir 10.1).

C’est très beau. Et c’est difficile à faire pour les enfants, car la folie est tellement ancrée dans nos cœurs à tous ! La force de cet appel tout au long du livre démontre clairement la force de l’attrait du péché pour la désobéissance. Le verset 23.22 comprend un deuxième vers presque troublant qui suggère que notre tendance à désobéir au cinquième commandement persiste à l’âge adulte : « Ne méprise pas ta mère quand elle est devenue vieille ». Cela signifie qu’avec l’âge, elle a acquis davantage de sagesse, alors continue à l’écouter ! Cela implique également qu’on peut être tenté de « mépriser » (dédaigner, ou du moins cesser d’honorer) nos parents âgés. Les parents devenus vieux sont de plus en plus lents et faibles. Les enfants adultes doivent faire des efforts pour que leurs parents prennent toujours part à leur vie. Il faut apprendre aux petits-enfants et aux arrière-petits-enfants débordants d’énergie à s’arrêter et à discuter avec eux de manière prévenante, par téléphone ou par appel vidéo… Et encore plus en face-à-face, car le tourbillon de l’action et les conversations rapides peuvent trop souvent laisser les personnes âgées de côté. Il y a beaucoup à réfléchir et à mettre en œuvre sur ce sujet.

« Mon fils, donne-moi ton cœur », dit le père, et « que tes yeux prennent plaisir à mes voies » : suis mon exemple (v. 26) ! Pour qu’un père puisse dire cela, il doit mener une vie fidèle devant ses enfants et se repentir quand il pèche (ce qui arrivera certainement). C’est dans ce contexte qu’intervient un autre avertissement contre la prostituée ou la femme adultère : « comme un brigand » le long du chemin, elle « se tient en embuscade » pour détourner les gens du bien vers le mal (v. 27-28). Cette figure, de nouveau, montre à la fois le mal particulier de la tentation sexuelle et le danger puissant qu’il représente. Ce mal n’est pas quelque chose qui nous tombe simplement dessus. Au contraire, il nous prend pour cible et cherche à nous faire tomber, comme le serpent l’a fait avec Ève dans le jardin d’Éden. C’est pourquoi les avertissements, l’instruction et la discipline sont nécessaires, transmis avec amour de génération en génération par ceux qui craignent Dieu.

Cœurs égarés : des gloutons aux ivrognes

Dans ces passages, le père vise plus particulièrement la gloutonnerie et l’ivrognerie. Ces péchés vont souvent de pair et sont cités ensemble à deux reprises dans les versets 20 et 21. Le père vient de dire à son fils de diriger son cœur dans la voie de la sagesse (v. 19), il le met maintenant en garde contre l’autre voie, sur laquelle se trouvent les gloutons et les ivrognes (v. 20). On dénonce souvent l’ivrognerie en oubliant de relever les méfaits de la gloutonnerie, qui représente également un manque de retenue et un désir déraisonnable. Dans ces versets, la pauvreté et les haillons sont des conséquences désastreuses qui découlent de ces deux péchés à la fois.

Pour mettre en garde contre l’ivrognerie, cette section comporte un passage remarquable (v. 29-35) qui ne se contente pas de souligner les méfaits de l’excès d’alcool, mais nous emmène faire l’expérience même de l’ivresse. Cette description nous étourdit, nous fait peut-être rire (momentanément), et nous impressionne vraiment quant aux dangers mortels de l’ivresse.

Au verset 29, six questions jouent aux devinettes avec le lecteur, esquissant le portrait de personnages terriblement tristes, querelleurs, grincheux, meurtris, aux yeux rouges. Qui sontils ? Le verset 30 répond : « Ceux qui s’attardent auprès du vin ». Non seulement ils ont trop bu, mais ils y ont passé beaucoup de temps. L’alcool occupe une place importante dans leur vie et dans leurs plaisirs, comme en témoigne la recommandation du verset 31 : certes il ne faut pas trop boire, mais il ne faut pas non plus regarder le vin, sa couleur et comment il « fait des perles dans la coupe ». Il s’agit ici d’une sorte d’abandon au plaisir des sens, ce qui est très différent de la consommation modérée d’alcool.

Les Proverbes ne disent pas si nous devons consommer de l’alcool ou quand nous devons le faire. Ce qui est décrit ici est simplement la folie destructrice des excès. Le verset 32 compare ce plaisir étourdissant à un serpent mortel : « il finit par mordre comme un serpent, par piquer comme une vipère ». Cet avertissement déjà très clair est ensuite précisé par d’autres images dans les versets 33 à 35, illustrant la désorientation d’une personne en état d’ébriété. Le verset 33 décrit une vision floue, voire une hallucination, et des paroles incontrôlées venant du cœur : pas seulement mal articulées, mais sans aucun sens. Le verset 34 propose une image intrigante :

Tu serais pareil à un homme couché en pleine mer, à un homme couché au sommet d’un mât.

Imaginez cette personne qui titube et qui cherche désespérément un endroit où s’allonger, mais qui s’effondre dans les endroits les plus dangereux qui soient : sur les vagues de l’océan ou au sommet du mât d’un navire. Ces deux images peuvent donner le mal de mer (c’est peut-être là le but). Elles soulignent également la nature déraisonnable et autodestructrice de ces pulsions. Nous imaginons ce personnage sombrant dans les flots ou plongeant vers la mort. Dernière remarque : il ne trouve finalement pas de lieu où se reposer.

Le verset 35 est bien triste. On y entend la voix du buveur qui raconte qu’il a été frappé et battu mais qu’il n’a rien senti ; ses sens ont été comme anesthésiés. Tout ce qu’il est capable de dire est :

Quand me réveillerai-je ? J’en veux encore !

Les Proverbes prennent le temps de développer ce portrait ; nous devrions prendre le temps de le méditer. Nous connaissons tous sûrement une ou plusieurs personnes dont la vie a été détruite par les effets dévastateurs de l’alcool, de la drogue ou de tout ce que les gens trouvent pour brouiller leurs sens jusqu’à finir par les perdre. Ces dangers ne sont pas nouveaux. De génération en génération, les personnes douées de bon sens doivent transmettre ces mises en garde, dans une démarche aimante qui amène à la connaissance et à la crainte de l’Éternel.

Les deux premiers versets du chapitre 24 concluent toute cette section commencée en 23.12 avec un accent mis sur le cœur. Le conseil de 24.1 est de ne pas envier les hommes méchants et de ne pas désirer être avec eux. Pourquoi ? Le verset 2 dit que « leur cœur médite la ruine », qui se manifeste ensuite sur leurs lèvres. Leur cœur et leurs paroles se révèlent être à l’opposé de la crainte de l’Éternel, comme nous l’avons vu avec les exemples de la gloutonnerie et de l’ivrognerie.

Mais ces versets permettent aussi d’introduire la prochaine section, qui conclut les « paroles des sages ».

La sagesse face à la folie

La dernière section des « paroles des sages » exalte la bonté et la force de la sagesse. Les versets 1 et 2 et les versets 19 à 22fonctionnent comme une paire de serre-livres : tous deux appellent celui qui écoute à ne pas envier les méchants ou à ne pas désirer se joindre à eux. Leur mauvaise vie contraste avec la vie de sagesse que décrit cette section, et les derniers versets décrivent une fin qui contraste finalement avec l’espoir donné à ceux qui craignent l’Éternel.

Entre ces deux appels à ne pas envier les méchants ou se joindre à eux, se trouve l’appel majeur de cette section : suivre la sagesse (par opposition à la folie). Les versets 3 et 4 nous ramènent à Proverbes 9, où la sagesse construit sa maison, prépare un festin et nous invite à entrer. Notez comment des mots lourds de sagesse sont regroupés dans cette riche image de la maison de la sagesse :

C’est par la sagesse qu’une maison est construite et par l’intelligence qu’elle s’affermit ;
c’est par la connaissance que les chambres se remplissent de toutes sortes de biens précieux et agréables.
Proverbes 24.3-4

L’image de la maison de la sagesse nous a toujours présenté un réseau de relations, en premier lieu avec l’Éternel, car la sagesse en action témoigne de sa grâce et de ses dons. Cette maison représente non seulement l’endroit où nous devrions vivre, mais aussi l’endroit où nous devrions le plus avoir envie de vivre : dans la présence de l’Éternel. « Plutôt que d’envier les méchants, disent les Proverbes, voilà ce que ton cœur doit rechercher ! » Le verset 13 décrit la douceur d’un rayon de miel et le verset 14 ajoute : « De même, connais la sagesse pour le bien de ton âme » (v. 14a).

Voici un bon test pour nos âmes : que désirons-nous vraiment, au fond de nous ? Où vont nos pensées quand nous sommes réveillés en pleine nuit, ou quand nous nous réveillons le matin ? Quel genre de désir nous pousse à faire du sport et à suivre un régime ? Que recherchons-nous par là ? Avons-nous soif de la parole de Dieu ? Remplit-elle régulièrement nos esprits ? Les Proverbes nous aident à désirer la sagesse de Dieu pour qu’elle imprègne toute notre vie. Ils nous donnent envie de vivre dans la maison de la sagesse. Les Proverbes nous aident à rechercher le Seigneur Jésus, notre sagesse venue de Dieu.

Le passage décrit ensuite « un homme sage » ; celui-ci vit dans cette maison et en reflète la stabilité et la bonté. L’accent est mis ici sur la « force » et la « puissance » de cet homme (v. 5), en référence non pas à ses muscles mais à sa sagesse. Le texte souligne également la sagesse d’un « grand nombre de conseillers », grâce à laquelle la guerre est menée et la victoire remportée (v. 6).

Le dernier commentaire que fait ici le verset 7 au sujet de la sagesse est qu’elle est « inaccessible au fou » ; il n’est même pas capable de se joindre aux discussions à la porte de la ville, où se réunissent les anciens. Ce verset marque une transition entre les sages d’un côté et les fous et les méchants de l’autre ; peut-être ceux-là mêmes contre lesquels les sages font la guerre et gagnent (v. 7-9). Le pire des pécheurs, le moqueur, fait cette fois-ci « horreur », non pas à Dieu, mais « aux hommes » (v. 9). Ce passage appelle les sages à voir le mal pour ce qu’il est, à ne jamais l’envier, et à toujours s’y opposer, comme dans les versets 10 à 12.

Plus tôt, nous avons relevé les versets 11 et 12, dans un contexte de défense des pauvres et de ceux qui sont sans défense. Dans ce chapitre qui célèbre la force des sages, le verset 10 semble interpeller ceux d’entre nous qui faiblissons quand viennent les difficultés, montrant ainsi que notre force est bien faible. Ce verset fait certainement référence à la force du cœur qu’apporte la sagesse. Les Proverbes révèlent où chercher cette force : auprès de l’Éternel que nous craignons. « Un homme sage est plein de force » (v. 5a).

Ceux qui suivent Dieu peuvent vivre dans cette maison remplie de connaissance et de compréhension, d’où nous sortons parfaitement équipés pour le « jour de la détresse » (v. 10). Il y aura en effet des jours de détresse. Cependant, comme le dit le verset 16, « sept fois le juste tombe, mais il se relève ». Les méchants trébucheront et tomberont (v. 16-17), mais les justes sont décrits comme tombant et se relevant, encore et encore, jamais vaincus.

Parmi tous ces discours sur la guerre, la victoire, la force et la chute des méchants, les versets 17 et 18 nous retiennent de nous réjouir de la chute de nos ennemis. Il est vrai que dans la Bible, on voit de nombreuses réjouissances justifiées à l’occasion des victoires de Dieu sur ses ennemis, mais la réjouissance évoquée ici est proscrite car elle consiste à jubiler devant la chute de notre ennemi, provenant manifestement d’un sentiment de vengeance personnelle. Cela déplaît à Dieu, à tel point qu’il peut détourner sa colère de notre ennemi.

Ce n’est qu’avec un cœur humble qui craint l’Éternel que nous pouvons vraiment faire la différence entre les sages et les fous : les uns ont de l’espoir, les autres n’en ont pas. Comparez ces deux versets très clairs :

Si tu la trouves [la sagesse], il y a un avenir et ton espérance ne pourra pas être brisée.
Proverbes 24.14

Car il n’y a pas d’avenir pour celui qui fait le mal, la lampe des méchants s’éteindra.
Proverbes 24.20

Cette espérance se trouve uniquement en l’Éternel. Le dernier commandement des « paroles des sages » est de « craindre l’Éternel et le roi » (v. 21a). Comme nous l’avons vu, les deux ne sont pas égaux mais ils sont liés : les rois d’Israël ont été établis pour manifester le règne parfaitement juste et équitable de Dieu. Le principe qui en découle est celui du respect de toute autorité gouvernementale parce qu’elle est établie par la main souveraine de Dieu (Romains 13.1-7).

C’est merveilleux de constater que la sagesse empruntée aux écrits égyptiens et adaptée ici nous ramène en fin de compte au commencement : la crainte de l’Éternel. C’est la parole de l’Éternel, sortie de sa bouche.

Autres paroles de sages

Le reste du chapitre 24 se compose de plusieurs proverbes additionnels cohérents, presque comme un post-scriptum aux paroles que nous venons d’examiner. Ils tiennent en deux sujets qui couvrent une bonne partie de notre vie quotidienne : les paroles et le travail.

Regardons d’abord la question des paroles. Voilà un sujet que nous n’avons pas fini d’étudier. Ici, le contexte semble être celui d’un procès ou d’un tribunal. Il s’agit de rendre un jugement (v. 23) et de témoigner (v. 28). Les versets 23 à 26 soulignent l’importance de prononcer des paroles justes et honnêtes qui reflètent la réalité et sont dépourvues de partialité, car « il n’est pas bien d’être partial dans un jugement » (v. 23). Appeler le méchant « juste » suscitera la malédiction des peuples et des nations (v. 24). En revanche, punir le méchant suscitera la joie et la bénédiction (v. 25). Le verset 26 exprime le plaisir et le bienfait d’une réponse franche en la comparant à une embrassade (agréable !).

Ce principe de jugement et de paroles honnêtes s’applique partout, mais il est particulièrement nécessaire dans les affaires juridiques et politiques, hier comme aujourd’hui. Dans ces contextes, les arguments sont souvent entachés de partialité en faveur d’un programme ou d’un autre. Une personnalité qui s’exprime publiquement en toute franchise et honnêteté détonne assurément. Ceux qui suivent Jésus doivent s’efforcer d’encourager et de soutenir de telles personnes honnêtes (car elles rencontreront de l’opposition), et d’être eux aussi, par la grâce de Dieu, des personnes honnêtes.

De même, les versets 28 et 29 parlent de ceux qui sont appelés comme témoins, éventuellement dans le procès d’un voisin. Là encore, tout intérêt personnel est interdit. Si notre prochain nous a fait du tort, nous ne pouvons pas saisir l’occasion de nous venger par des paroles trompeuses. La parole de Dieu est vérité, nos paroles doivent l’être aussi.

Le chapitre se termine en nous ramenant dans le monde du travail. Le verset 27 propose une prudence raisonnable, particulièrement utile pour les jeunes en début de carrière ou de mariage. Le fait de prendre soin de son champ avant de construire une maison, c’est de la planification ! Au lieu de se lancer sans réfléchir, ce verset recommande d’être soigneux et d’établir des priorités judicieuses.

Pour finir, nous rencontrons à nouveau le paresseux (ce n’est pas encore la dernière fois !). Les derniers versets (v. 30-34) sont une sorte de petite fable, avec une morale. Après que le narrateur a décrit sa promenade près du champ du paresseux, qu’il a vu sans soin ni protection, envahi par les mauvaises herbes et les orties, il dit :

J’ai regardé bien attentivement et j’ai tiré instruction de ce que j’ai vu.
Proverbes 24.32

La morale porte sur la folie de la procrastination paresseuse, mais aussi la sagesse de recevoir une instruction sur le chemin de la sagesse. Les Proverbes aident à regarder attentivement et à tirer instruction, tout cela avec un cœur humble, alors que nous apprenons à marcher dans la crainte de l’Éternel.

Réfléchir pour agir

  1. Comment les Proverbes vous interpellent ou vous encouragent sur le sujet de la discipline ?
  2. Comment réagissez-vous aux passages des Proverbes sur la gloutonnerie et l’ivrognerie ? En quoi ces questions ont-elles à voir avec notre cœur pour Dieu ?
  3. Le livre des Proverbes est en définitive un livre d’espoir. Quels passages de cette partie des Proverbes ont suscité l’espoir dans votre cœur et vous ont fait regarder vers Jésus ?

Chapitre onze

Le premier verset de Proverbes 25 introduit les chapitres 25 à 29 :

« Voici encore des proverbes de Salomon rassemblés par l’entourage d’Ézéchias, le roi de Juda ». Le roi Ézéchias a régné de 715 à 687 avant Jésus-Christ, soit plus de 200 ans après le roi Salomon. Pendant son règne, Ézéchias a restauré le culte du temple conformément à la loi (voir 2 Rois 18 à 20 ; 2 Chroniques 29 à 32), et il a apparemment supervisé la constitution de ce recueil additionnel des proverbes de Salomon. Nous examinerons tout d’abord le chapitre 25 en détail, puis les chapitres 26 à 29 de manière un peu plus générale. Ces chapitres offrent une sagesse moins intime que dans les échanges père-fils, mais plus générale, comme à destination d’un groupe qui se forme à prendre des responsabilités.

Humble devant les rois

Visiblement, ce début de chapitre se déroule à la cour ; il y a des rois (25.1-6), des « grands » (v. 6), un prince (v. 7) et un tribunal (vraisemblablement celui du roi, v. 8). Ces proverbes s’adressent donc logiquement à quelqu’un qui doit apprendre à évoluer dans la haute société. La qualité dont il a le plus besoin, c’est l’humilité.

Avant tout, l’humilité est requise devant la gloire de Dieu et celle des rois. Dieu et les rois sont à nouveau liés ; ils l’étaient déjà dans le jugement souverain, ici ils le sont dans la « gloire » (v. 2). Leurs gloires, cependant, sont différentes ; la gloire de Dieu est de « cacher les choses », tandis que la gloire des rois est « d’examiner les choses ». La gloire de Dieu est clairement supérieure en ce que tous les mystères sont cachés dans sa majesté souveraine. Les rois, eux, sont glorieux car Dieu leur accorde le privilège de découvrir ces mystères (comme l’a fait Salomon avec la sagesse).

Pourquoi trouve-t-on ici le nom plus général de « Dieu » (Elohim), par opposition à « l’Éternel » (Yahweh) ? D’habitude, les Proverbes utilisent le nom de Yahweh pour désigner le Dieu de l’alliance d’Israël. Waltke explique que le passage désigne le Dieu transcendant et créateur dont les mystères sont exprimés au verset 3 dans la hauteur des cieux et la profondeur de la terre16. Ces mystères de la création sont toutefois utilisés pour illustrer le cœur insondable non pas de Dieu, mais des rois. Pourquoi ? Peutêtre parce que l’auditeur doit apprendre qu’il ne peut pas plus comprendre le cœur d’un roi qu’il ne peut comprendre les plus grands mystères de la création de Dieu. Du point de vue de Dieu, le cœur du roi n’est pas insondable ; c’est un courant d’eau dans sa main (21.1). Mais du point de vue de celui qui doit craindre humblement l’Éternel et le roi (24.21a), la gloire de l’un reflète celle de l’autre.

Les versets 25.4-5 appellent à l’humilité à travers l’image d’un orfèvre qui enlève les impuretés de l’argent pour en faire un vase. L’idée est que les méchants doivent être retirés de la présence du roi, et ainsi « son trône s’affermira par la justice » (v. 5). Celui qui est en formation doit se demander humblement : « Suis-je juste et digne de servir le roi ? Suis-je zélé pour que la justice remplisse la cour du roi, et pour que la méchanceté soit chassée ? »

Prenons un peu de recul. Il est difficile d’appliquer la « sagesse royale » aujourd’hui, car nous nous efforçons de trouver la gloire et la justice dans nos dirigeants. Était-ce plus facile à l’époque de David et de ses descendants ? Certainement pas. Les Israélites s’accrochaient à la promesse d’un souverain juste et éternel qui descendrait de David, mais David lui-même et tous les rois qui l’ont suivi ont péché aux yeux de Dieu, certains gravement et sans même se repentir. Retirer tous les méchants de la présence du roi risquerait de faire disparaître le roi également ! L’entourage d’Ézéchias, qui copiait ces proverbes, savait comment le royaume avait été divisé et infecté par le péché, de la tête aux pieds.

Mais, à travers le roi, les Proverbes nous permettent toujours de voir l’Éternel. Tout ne dépend pas du roi mais du Dieu glorieux qui a promis un roi parfait. Le prophète Ésaïe a décrit ce roi :

Étendre la souveraineté, donner une paix sans fin au trône de David et à son royaume, l’affermir et le soutenir par le droit et par la justice, dès maintenant et pour toujours : voilà ce que fera le zèle de l’Éternel, le maître des armées.
Ésaïe 9.6, voir Proverbes 25.5b et 29.14

Les leçons des Proverbes sur l’humilité devant les rois prennent tout leur sens grâce à ce Roi promis. Il est venu ; il a manifesté son humilité en prenant la forme d’un serviteur et en mourant pour nous ; il est sorti du tombeau ; et il est monté au ciel. Notre glorieux Roi ressuscité reviendra pour juger le monde et régner avec son peuple dans une justice et une droiture parfaites pour toujours. Ceux qui le servent sont en formation pour la cour universelle du vrai Roi.

Autres leçons d’humilité

Certaines de ces leçons d’humilité ressemblent beaucoup à celles enseignées par Jésus lui-même lorsqu’il était sur la terre, lui qui est le Roi par excellence. Les versets 25.6-7 semblent familiers, sans doute parce que Jésus a donné le même enseignement (Luc 14.7-11). Le message des Proverbes est le suivant : « Ne fais pas l’important devant le roi » ; il vaut mieux être appelé vers le haut que renvoyé vers le bas (v. 6-7). La parabole de Jésus ne se déroule pas à la cour mais à un repas de noces. Le propos reste cependant sensiblement identique : « Toute personne qui s’élève sera abaissée, et celle qui s’abaisse sera élevée » (Luc 14.11).

Être « abaissé » en public, surtout devant un « prince » (Proverbes 25.7b), serait une honte. Cette question de la honte apparaît deux fois dans les versets 8 à 10. Ces versets conseillent de rester humble dans nos relations avec notre prochain et de ne pas se précipiter pour rendre une plainte publique, au cas où l’on pourrait être soi-même déshonoré aux yeux de tous. Dans les cultures non occidentales, beaucoup de gens basent leurs pensées et leurs actions sur la honte ou l’honneur au regard de la communauté. Ils comprendraient sans doute facilement (bien plus que nous en Occident) le poids de la honte et la bénédiction de l’honneur dont il est question ici. L’appel des Proverbes est d’éviter la honte, non pas en s’exaltant ou en s’abaissant, mais en faisant preuve d’humilité, d’abord vis-à-vis de nos propres erreurs puis de celles des autres. Cette attitude ressemble beaucoup à la nécessité d’enlever la poutre de son propre œil avant d’être capable de voir suffisamment pour ôter la paille de l’œil d’un frère (Luc 6.41-42).

Deux paires de proverbes nous enseignent ensuite l’humilité dans notre façon de parler et d’écouter. On cite souvent Proverbes 25.11 ; ce verset offre en effet une image magnifique des paroles dites « à propos ». Ce sont des paroles vraies et belles, offertes par un cœur sage à la bonne personne, au bon moment et au bon endroit :

Des pommes en or décorées d’argent, voilà ce que sont des paroles dites à propos.

Le verset suivant, avec ses bijoux en or assortis, s’y rattache certainement. Les « paroles dites à propos » peuvent désigner la réprimande du verset 12, donnée par un « sage » et reçue humblement par celui qui l’écoute. La beauté de cette parole est comparable à un anneau ou à un collier en or fin. Les paroles de sagesse elles-mêmes sont sublimes. Transmises et reçues humblement, elles deviennent une forme de beauté que l’on peut porter comme les plus beaux bijoux, partout où l’on va. Celui qui reçoit cet enseignement est encouragé à écouter la réprimande et à se parer de sagesse.

Récemment, dans le petit groupe d’étude biblique de mon Église, alors que nous discutions des premiers versets de Jacques sur le fait de se réjouir des épreuves, une des jeunes femmes a exprimé sa frustration face à la difficulté de croire ces versets et de les mettre en pratique. Une des femmes plus âgées, qui ne parle pas beaucoup d’habitude, a pris la parole et a gentiment expliqué comment elle avait appris la vérité de ces versets en persévérant à travers de nombreuses années d’épreuves et comment elle était progressivement et réellement arrivée à trouver la joie dans son Sauveur. Pendant qu’elle parlait, son visage rayonnait de joie et d’une beauté bien plus remarquable que l’absence de rides. J’ai aussi vu cette joie reçue et reflétée sur le visage de la jeune femme. C’était un moment précieux, le genre de moment dont parlent les Proverbes ici.

Les versets 13 et 14 comparent deux types de paroles : celles d’un messager fidèle qui porte un message véridique et celles d’un vantard qui fait de fausses promesses. Des images de la nature relient les deux proverbes opposés : le messager est comme la neige qui rafraîchit les ouvriers transpirant dans les champs pendant la moisson ; le vantard est semblable à « des nuages et du vent sans pluie », promettant des cadeaux qui ne se concrétisent jamais. Le troisième vers du verset 13 (« il réconforte son maître »), plus inhabituel, souligne le bien que procure un messager fidèle et donne une belle perspective à toute personne au service d’autrui. Il devrait nous inciter à nous demander : « Ceux avec qui je vis et travaille diraient-ils que je leur apporte du réconfort ? »

Le dernier proverbe de ce passage à la cour continue de mettre l’accent sur les paroles, préconisant la « patience » et une « langue douce », suffisamment puissantes pour faire fléchir un dirigeant et « briser toute résistance » (v. 15). Il faut de l’humilité pour attendre et écouter, plutôt que de parler et d’agir de manière précipitée ou insistante. Toute cette première section appelle à une humble retenue qui honore les autres, et plus encore, qui honore Dieu, lui qui est si glorieux, qui nous a tous créés et qui règne sur nous tous.

Une humble retenue dans un monde sans retenue

Le reste du chapitre 25 présente un éventail remarquable d’images qui renforcent les arguments des proverbes. Nous ne sommes plus à la cour du roi. La majorité des versets 16 à 28 décrivent des personnes méchantes ou du moins qui posent problème et n’agissent certainement pas de la manière recommandée pour la cour. La sagesse appelle à la même humble retenue que précédemment.

Au milieu de ces proverbes se trouvent deux versets qui se distinguent, non seulement par leur mention de l’Éternel, mais aussi parce qu’ils résument la réponse d’une personne sage face à un monde mauvais :

Si ton ennemi a faim, donne-lui à manger,  s’il a soif, donne-lui à boire,
car ce sont des charbons ardents que tu amasses sur sa tête, et l’Éternel te récompensera.
Proverbes 25.21-22

Il ne s’agit pas seulement d’un appel à la retenue dans la vengeance contre ses ennemis. Plus que cela, c’est un appel à leur faire du bien, en leur donnant à manger et à boire, espérant ainsi éveiller leur conscience qui brûlera en eux, et à attendre que l’Éternel fasse justice. Comme nous l’avons vu, le verset 20.22 recommande de ne pas rendre le mal, mais de compter sur l’Éternel pour être sauvé.

D’autres échos résonnent peut-être dans notre esprit, par exemple l’enseignement de Jésus : « Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous détestent » (Luc 6.27) ou les paroles de Pierre décrivant le Seigneur Jésus qui a souffert pour nous : « Lui qui insulté ne rendait pas l’insulte, maltraité ne faisait pas de menaces mais s’en remettait à celui qui juge justement » (1 Pierre 2.23). En venant sur terre, Jésus nous a montré comment vivre cette sagesse, et nous a en même temps délivrés alors que nous étions pécheurs.

Autour de ce rayon de lumière central se trouvent des versets qui rappellent à quel point nous avons besoin de cette lumière. Certaines des images sont amusantes, le ton est léger. Mais tous les versets montrent un monde entaché par le péché, à l’exception de Proverbes 25.25, qui rappelle le verset 13 :

De l’eau fraîche pour une personne fatiguée, voilà ce qu’est une bonne nouvelle venant d’une terre lointaine.

Ce verset se détache des autres, tout comme la bonne nouvelle dont il parle. Ici, au milieu du péché, nous ressentons la soif d’une bonne nouvelle qui pourra arranger les choses. Et cette bonne nouvelle est en chemin.

En attendant, nous trouvons diverses images, comme celle de manger trop de miel et de vomir (v. 16), qui parle d’elle-même (et qui accompagne le verset 17, où votre voisin en a assez de vous). Un homme qui porte un faux témoignage est comme une arme (v. 18). Un traître qui brise notre confiance au moment où nous avons besoin de lui est comme une « dent prête à se casser » ou un « pied branlant » (v. 19). Celui qui se met à « entonner des chansons pour un cœur attristé », c’est-à-dire qui traite le chagrin d’autrui avec légèreté, est comme le frisson que l’on ressent en se déshabillant dans le froid ou comme la réaction dangereuse de verser du vinaigre sur du salpêtre (v. 20). Une langue cachottière et un visage irrité sont comme le vent du nord (v. 23). Et, au cas où nous l’aurions oublié, partager la maison d’une femme querelleuse est pire que tout : « Mieux vaut habiter à l’angle d’un toit » (v. 24).

Les trois derniers versets du chapitre avertissent l’auditeur de ne pas céder au péché. Le verset 26 utilise des images et des mots assez inquiétants :

Une fontaine trouble, une source polluée, voilà ce qu’est un juste qui tremble devant le méchant.

Ces mots juste et méchant ne sont pas apparus depuis le verset 5, pas plus que le mot gloire, que nous avons rencontré au verset 2 et qui réapparaît maintenant au verset 27. Ces derniers versets, qui clôturent le chapitre, nous rappellent le roi glorieux et l’Éternel Dieu ; nous devons servir humblement dans sa sainte présence et compter sur lui.

Les versets 27 et 28 appellent tous deux à la maîtrise de soi, tout en décrivant ce qui se passe sans elle : manger trop de miel (encore) ne semble pas être un si grand drame (v. 27 ; voir v. 16), mais la vérité qui se cache derrière est tragique. Si vous ne vous maîtrisez pas, vous êtes comme « une ville démantelée, sans murailles » (v. 28).

La maîtrise de soi fait partie de l’humble retenue à laquelle nous sommes appelés tout au long de ce chapitre. Ne te mets pas en avant. Ne t’empresse pas de parler des autres. Écoute les reproches. Ne te vante pas au-delà de ce qui est vrai. Ne réponds pas à ton ennemi, mais offre-lui ce dont il a besoin. Cette sagesse résonne bien différemment des voix qui nous entourent et qui nous appellent à suivre nos impulsions naturelles, à partager rapidement nos pensées pour que le monde entier les entende, et à nous créer des plateformes d’où nous nous vantons souvent un peu trop, comme le font les nuages et le vent sans pluie.

Compte sur l’Éternel, disent les Proverbes, et il te sauvera (20.22).

Réfléchir pour agir

  1. De quelle manière cherchez-vous (ou pourriez-vous mieux chercher) à être un réconfort pour ceux avec qui vous vivez et travaillez ?
  2. Donner à manger à son ennemi… qu’est-ce que cela signifie dans votre vie ? Comment Jésus offre-t-il l’exemple suprême ?
  3. Une humble retenue… qu’est-ce que cela signifie (et ne signifie pas) ? Comment Jésus a-t-il manifesté cette qualité ?

Pleins feux sur l’homme stupide

Proverbes 26.1-16 ne présente évidemment pas l’homme stupide afin que l’auditeur lui ressemble, mais pour qu’il sache comment se comporter avec lui. Les mots « stupide » et « folie » reviennent quatorze fois en tout dans les versets 1 à 12 ; après quoi c’est le paresseux, le plus stupide de tous, qui prend le relais jusqu’au verset 16.

Ces versets expliquent de deux manières comment interagir avec les fous, ceux qui « méprisent la sagesse et l’instruction » (1.7). Premièrement, ces versets précisent ce qui convient à un homme stupide. Le verset 26.1 le dit clairement : « la gloire ne convient pas plus à un homme stupide que la neige en été ou la pluie pendant la moisson » (voir 19.10). Convenir selon quels critères ? Le livre des Proverbes part du principe qu’il existe un ordre créationnel institué par Dieu (ce qui fait écho à la mention des saisons), déréglé par le péché, mais qui est toujours visible autour de nous et qui est tout particulièrement révélé dans la parole de Dieu. Ce qui convient renvoie à l’ordre bon que Dieu a établi. Ainsi, le travail appliqué convient au bon ordre de Dieu, de même pour le mariage d’un homme et d’une femme. Mais les honneurs ne conviennent pas à un homme stupide, car il ne rend pas gloire à Dieu. Il est sens dessus dessous. Ce serait comme attacher une pierre à une fronde au lieu de la lancer (26.8) !

Qu’est-ce qui convient aux hommes stupides ? Le verset 3 répond : « Le bâton pour le dos des hommes stupides » ; en d’autres termes, c’est le châtiment qui lui convient, car il refuse l’instruction ou les reproches. Ne pas tenir compte de ce qui convient à un homme stupide, c’est faire du tort : en faire son messager, c’est comme se couper les pieds (v. 6), et l’engager, c’est être comme un archer qui blesse tout le monde (v. 10).

Deuxièmement, ces versets indiquent comment parler (ou ne pas parler) à un homme stupide, et aussi comment comprendre (ou ne pas comprendre) ces proverbes. Les versets 4 et 5 sont célèbres pour leur apparente contradiction :

Ne réponds pas à un homme stupide suivant sa folie, si tu ne veux pas lui ressembler toi-même ! Réponds à un homme stupide suivant sa folie, si tu ne veux pas qu’il se considère comme sage.

Le principe de la convenance s’applique ici aussi : que vous suiviez le conseil du verset 4 ou du verset 5 dépend de ce qui convient à chaque situation. Dans les deux versets, l’homme stupide répand sa folie. Il faut cependant avoir de la sagesse pour mesurer les dangers : si vous répondez, vous risquez d’être entraîné dans ses propos (v. 4 ; voir 29.9), et si vous ne répondez pas, le risque est de lui faire croire qu’il débite des paroles sages (26.5). Il y a donc une chance que l’homme stupide se rende compte de sa folie et s’en détourne. Dans ce cas, il convient de lui adresser des paroles qui réprimandent sa folie.

Ces instructions en énigmes rappellent la manière dont les Proverbes eux-mêmes invitent à recevoir ces sages paroles : non pas comme des règles ou des promesses, mais plutôt comme une sagesse qui commence par la crainte de l’Éternel et qui grandit au fur et à mesure de notre marche avec lui. Ce fondement est nécessaire pour discerner et appliquer la sagesse des proverbes : par exemple, pour choisir avec sagesse lequel des versets 4 ou 5 est le plus approprié. « Un proverbe dans la bouche d’hommes stupides », dit le verset 7, est comme « les jambes du boiteux », inutile, voire blessant comme une épine (v. 9). Sans la crainte de l’Éternel, il est impossible de recevoir humblement ces paroles avec une compréhension qui affecte réellement notre vie.

En conclusion de cette section sur l’homme stupide, le paresseux fait sa dernière apparition. Commençons par son diagnostic final, donné par le verset 16 :

Le paresseux se croit plus sage que sept hommes qui répondent avec discernement.

Le verset 5 mentionne d’abord l’homme stupide qui risque de se considérer comme sage. Puis le verset 12 dit qu’il y a plus d’espoir pour un homme stupide que pour celui qui « se croit sage ». Ainsi, lorsque nous arrivons au verset 16, nous comprenons que le paresseux est pire qu’un insensé, il est l’exemple extrême de la stupidité.

Pour justifier son immobilisme, il s’écrie de nouveau : « Il y a un lion dans les rues ! » (v. 13 ; voir 22.13). L’image du verset 14 est excellente : le paresseux se tourne et se retourne dans son lit comme « la porte tourne sur ses gonds », il ne va nulle part mais on peut l’entendre grincer. Le verset 15 le montre encore la main plongée dans le plat, trop fainéant pour la porter à sa bouche (voir 19.24). La folie du paresseux peut sembler inoffensive ou même ridicule. Et pourtant, voici un être humain qui refuse toute forme de bon sens, car il se croit plus sage que les autres. Dans ce livre consacré à la sagesse qui vient de Dieu, voilà l’ultime folie.

Une dernière remarque sur le paresseux : nous pouvons le considérer à la fois au sens propre et au sens figuré. Probablement, nous ne connaissons personne qui a littéralement la main coincée dans un plat. Mais nous connaissons sans doute des personnes qui se croient sages, qui sont coincées dans leur vie et qui ne sont pas disposées à accepter un travail ordinaire, trop difficile ou inadapté à leurs dons prétendument extraordinaires. Nous devrions tous regarder attentivement le paresseux et en tirer instruction (24.32).

Les paroles de la folie

Nous continuons à nous intéresser à l’homme stupide, et plus particulièrement aux paroles de sa folie. Les versets 17 à 28 du chapitre 26 sont violents et enflammés, remplis d’images qui nous font prendre conscience de la force des paroles émanant d’un cœur mauvais. Un homme querelleur est comme quelqu’un qui « attrape un chien par les oreilles » (v. 17 ; qui ferait cela ?), ou comme « du charbon pour alimenter un brasier » et « du bois pour alimenter un feu » (v. 21). Celui qui trompe les autres pour ensuite dire qu’il ne faisait que plaisanter (v. 19 ; vous avez déjà fait ça ?) est « pareil à un fou qui lance projectiles et flèches et sème la mort » (v. 18). Les médisances sont comme des « friandises » qui descendent profondément (v. 22). Ces images lèvent le voile même sur des paroles désinvoltes ou irréfléchies, nous laissant entrevoir, à travers des scènes imagées, la vraie nature de ce qui se passe.

Les versets 23 à 26 vont au « cœur » du problème, en opposant des paroles chaleureuses à un « cœur mauvais » (v. 23b), un cœur trompeur (v. 24b) et un cœur avec « sept horreurs » à l’intérieur (v. 25b). Le chiffre sept symbolise la plénitude, ce qui montre un cœur rempli de folie. Le verset 26 se termine par un jugement solennel de ce séducteur :

Il a beau cacher sa haine par l’hypocrisie, sa méchanceté se révélera dans l’assemblée.

L’Éternel n’est pas mentionné dans ce chapitre. Nos pensées se tournent vers lui lorsque nous apercevons l’image de son peuple rassemblé, peut-être pour un culte, où celui qui a « des paroles chaleureuses » et « un cœur mauvais » (v. 23) est mis à nu. Même si l’Éternel n’est pas nommé, en particulier à ce stade du livre, nous percevons sa main souveraine au verset 27, qui décrit une situation se retournant contre tous ceux qui disent du mal dans cette section :

Celui qui creuse une fosse y tombera, et la pierre reviendra sur celui qui la roule.

Tourbillons et bergers

Le chapitre 27 (jusqu’aux cinq derniers versets) offre de parfaits exemples de proverbes qui nous plongent dans le tourbillon de la vie ! Nous nous arrêterons sur quelques-uns d’entre eux, en remarquant en général que ce chapitre traite des relations ordinaires avec des amis, des voisins et des membres de la famille, que nous avons pour la plupart déjà rencontrés dans les Proverbes, notamment la femme querelleuse, au milieu du chapitre (27.15-16). C’est sa dernière apparition. Elle est de nouveau comparée à « une gouttière qui coule sans cesse un jour de pluie » (v. 15a), et il semble que la gouttière ne s’arrêtera jamais, car la retenir revient à retenir le vent ou à saisir de l’huile dans sa main (v. 16). Il est terrible d’entendre parler d’un mari qui abandonne sa femme. Face à de telles situations, il convient de regarder attentivement et d’en tirer instruction (24.32).

Au milieu du tourbillon, Proverbes 27 appelle à l’humilité. Le verset 1 avertit de ne pas nous vanter du lendemain, « car tu ne sais pas ce qu’un jour peut amener » (voir Jacques 4.13-14). Le verset 2, quant à lui, conseille : « Que ce soit un autre qui fasse ton éloge, et non ta bouche ». Plusieurs de ces proverbes reflètent les bienfaits d’une amitié désintéressée : « Les blessures d’un ami prouvent sa fidélité » (v. 6a) ; la « douceur » des conseils d’un ami réjouit le cœur comme l’huile et le parfum (v. 9). La description bien connue de l’amitié comme le fer qui aiguise le fer (v. 17) implique non seulement une proximité, mais aussi une volonté de la part de chacun de reprendre l’autre et de se laisser reprendre humblement à son tour.

La dernière section du chapitre (v. 23-27) se présente sous la forme d’un sermon poétique à destination des bergers, dans lequel il leur est recommandé de veiller attentivement sur leurs troupeaux. En effet, ce sont les agneaux, les boucs et les chèvres qui leur permettent de gagner leur vie, de se vêtir et de se nourrir. Le verset 24 fait apparaître un sens plus profond, en soulignant que les richesses ne durent pas toujours, pas plus qu’une couronne ne se transmet indéfiniment. Ici, c’est le roi qui est interpellé, il lui est conseillé de veiller attentivement sur son peuple, son trésor le plus durable.

Tout au long de l’Ancien Testament, les chefs du peuple de Dieu sont appelés des bergers ; le prophète Ézéchiel fait partie de ceux qui ont condamné les « bergers d’Israël » pour avoir abandonné leurs brebis (Ézéchiel 34.1-10). Dans cette prophétie, l’Éternel déclare qu’il établira sur son peuple « un seul berger […] mon serviteur David », qui « prendra soin » d’eux (Ézéchiel 34.23). Dans la lignée de David, Jésus est venu en annonçant : « Je suis le bon berger » (Jean 10.11). Le Roi Jésus prend véritablement soin de ses brebis, il a même donné sa vie pour elles.

Aujourd’hui, les croyants ne se tournent pas vers les rois pour qu’ils prennent soin d’eux. Nous nous tournons vers l’Éternel qui est notre berger, comme le savait David (Psaumes 23.1). Mais nous nous tournons aussi vers ceux que l’on appelle parfois les « sous-bergers » : les pasteurs et les anciens qui, dans le Nouveau Testament, sont appelés à « prendre soin du troupeau de Dieu » avec une humble conduite (1 Pierre 5.1-5). Le peuple est le trésor durable. « Lorsque le souverain berger apparaîtra », les sous-bergers fidèles recevront la « couronne de la gloire qui ne perd jamais son éclat » (1 Pierre 5.4). Cette couronne traverse toutes les générations (voir Proverbes 27.24).

Se souvenir des deux voies

Les chapitres 28 et 29 forment une dernière section cohérente, qui rappelle la première partie du premier recueil de Salomon. Le parallélisme antithétique fait une réapparition spectaculaire, rétablissant le schéma des contrastes qui dominait les chapitres 10 à 15. Le contenu est cohérent avec la forme car ces chapitres offrent une présentation finale des deux voies : celle de la sagesse empruntée par les « justes » et celle de la folie empruntée par les « méchants ».

Chacun de ces proverbes vaut la peine d’être médité. Cette réflexion sera enrichie au fur et à mesure que les proverbes se font l’écho des précédents et s’y rattachent. Mais ces chapitres peuvent également être abordés de manière plus synthétique, comme une conclusion. C’est ce que nous ferons ici. Cinq observations permettront d’éclairer ces chapitres de conclusion.

  1. Ces chapitres sont marqués par le contraste entre les méchants et les justes. Avec le retour du parallélisme antithétique comme motif dominant, la tension entre les deux voies revient à plusieurs reprises, et trouve sa résolution. Cinq versets-clés se distinguent, articulant cette tension et structurant les deux chapitres :

28.1 établit le contraste entre les méchants et les justes, soulignant dès le départ le cœur des justes et leur plus grande force : ils ont « autant de confiance qu’un jeune lion ».

28.12 initie un refrain qui montre différentes ascensions et chutes. Ici, le triomphe des justes au premier vers (et la gloire qui en résulte) contraste avec le succès des méchants au deuxième vers (et la peur qui en résulte). Lorsque les méchants s’élèvent, tout le monde a envie de se cacher.

28.28 place le second vers du verset 12 en première position, avec le succès des méchants, mais le second vers présente par contraste leur disparition et la multiplication des justes. Il reste de l’espoir !

29.2 reprend la dernière partie du second vers de 28.28 (la multiplication des justes) et montre le peuple qui se réjouit, mais par contraste, le second vers montre le règne des méchants qui provoque les gémissements du peuple. La consternation s’installe.

29.16 est le dernier refrain explicite, et il résout la tension de manière définitive. Le premier vers montre la multiplication des méchants (et avec eux la multiplication des péchés), mais le deuxième vers affirme que « les justes verront leur chute ». Il reste de l’espoir ! Mais la résolution n’est pas encore totale, car la chute des méchants appartient à un futur indéfini. Nous terminons toutefois avec l’image des justes regardant vers les méchants, tombés à terre. En effet, « sept fois le juste tombe, mais il se relève », tandis que les méchants trébuchent et s’effondrent (24.16 – BDS).

Ces refrains rythment les chapitres. Ils évoquent aussi, de manière plus générale, l’ascension et la chute d’individus, de peuples et de civilisations, alors que la lutte entre la justice et le mal se poursuit. Mais ces forces ne sont pas égales. Ces chapitres montrent clairement qu’elles n’ont pas les mêmes chances de victoire.

  1. Ces chapitres mettent l’accent sur la « loi ». Elle est mentionnée au début (4, 7, 9) et à la fin (29.18), et constitue le cadre principal du livre des Proverbes, comme nous l’avons vu à plusieurs reprises. Le prologue (1.1-7) situe ce livre dans le contexte du peuple d’Israël, un peuple choisi par Dieu pour recevoir sa parole et y obéir. Ils appelaient les livres de Moïse la loi (torah en hébreu). Ces cinq livres contenaient également des lois spécifiques selon lesquelles le peuple devait vivre. L’instruction mentionnée dans les Proverbes peut certainement inclure divers enseignements de sagesse, mais l’accent principal est mis sur la sagesse qui vient de la bouche de Dieu (2.6), donnée dans la révélation inspirée de Dieu. Pour le peuple de Salomon, ce sont les livres de Moïse qui constituent cette révélation. Pour nous, elle est maintenant complétée par l’Ancien et le Nouveau Testament, et comprend également les instructions contenues dans le livre des Proverbes.

Nous pouvons donc considérer que le mot « loi » désigne ici la parole de Dieu, et cette compréhension trouve un écho dans les chapitres 28 et 29. Les trois versets relevés au chapitre 28 font de la loi le fondement pour comprendre la justice et la méchanceté, ainsi que l’adoration. Le parallélisme de 29.18 fait correspondre la « loi » à la « révélation divine », c’est-à-dire à la révélation spéciale que Dieu a communiquée aux prophètes (comme Moïse et ceux qui l’ont suivi), qui l’ont ensuite transmise au peuple.

Dans mon enfance, je me souviens avoir entendu ce verset cité ainsi dans des contextes politiques : « Quand il n’y a point de vision, le peuple est sans frein » (DRB). La « vision » devenait la vision préconisée par l’orateur, ce qui illustre le propos du proverbe : sans révélation de Dieu pour nous instruire, nous suivons sans retenue la direction que nous choisissons. C’est ce que disent les Proverbes dès le début : « Écoute… Écoute… » Les paroles de sagesse que nous sommes appelés à écouter sont les paroles de Dieu lui-même.

  1. Ces chapitres mettent l’accent sur la justice. La loi enseigne à marcher sur les voies de la justice, en particulier en ce qui concerne les pauvres et les personnes vulnérables. Les Proverbes insistent de manière croissante sur la justice et sur les questions de richesse et de pauvreté. Ces thèmes se poursuivent jusqu’à la fin de cette section et sont intimement liés aux thèmes généraux de la justice et de la méchanceté (voir en particulier 3, 5, 8, 11, 16 et 29.4, 7, 26).
  2. Ces chapitres mettent l’accent sur la famille et la discipline. Les relations entre les parents et leurs enfants sont déterminantes pour assurer la transmission de la sagesse d’une génération à l’autre. Au milieu de nombreux proverbes qui montrent le penchant des gens pour la méchanceté sans retenue (voir par exemple 10, 11, 20), nous voyons tout particulièrement comment Dieu pourvoit à l’instruction et à la discipline de ses enfants selon sa parole, par leurs parents terrestres (voir en particulier 28.7, 24 et 29.3, 15, 17-19).
  3. Ces chapitres nous conduisent vers l’Éternel. Il est beau de repérer le nom de l’Éternel à travers ces chapitres. Les mentions de son nom sont régulièrement espacées, comme des pavés qui tracent un chemin. Le thème de la justice, par exemple, est lié à la parole de l’Éternel et à l’Éternel lui-même (voir en particulier 5, 25 et 29.13).

Les derniers versets mettent toute la lumière sur l’Éternel. Menacés par la montée de la méchanceté, nous pourrions avoir peur (29.25a). Mais le vers parallèle nous rappelle que « se confier en l’Éternel procure la sécurité ». Menacés par l’injustice, nous pourrions mettre notre foi dans un dirigeant ou une figure politique (v. 26). Mais le vers parallèle nous rappelle que « c’est l’Éternel qui rend justice à chacun ». Le verset 27 clôt le chapitre par une tension entre le juste et le méchant, et pourtant la justice de l’Éternel du verset 26 se dresse au-dessus de « l’homme injuste » du verset 27.

L’entourage d’Ézéchias a dû avoir l’impression d’être lui-même en formation lorsqu’ils copiaient ces proverbes de Salomon. Ce recueil nous invite à travailler et à servir avec une humble retenue, conscients que nous avons besoin d’un sage discernement et, avant toute chose, d’un cœur qui se confie en Dieu et d’oreilles attentives à sa parole.

Réfléchir pour agir

  1. Comment expliqueriez-vous Proverbes 26.4-5 à quelqu’un qui ne sait pas comment comprendre ce passage ?
  2. Connaissez-vous des personnes « coincées dans leur vie », comme le paresseux ? Que pouvez-vous leur apprendre et comment pouvez-vous les aider ?
  3. Quelles sont les vérités de l’Évangile à découvrir et à savourer dans Proverbes 28.13-14 ?

Chapitre douze

Personne ne sait qui est Agur. Il fait une seule apparition dans la Bible, ici même, avec la rédaction du chapitre 30 des Proverbes. Malgré sa présence insolite, Agur offre l’interprétation la plus personnelle du livre de ce que signifie vivre dans la crainte de l’Éternel. Nous examinerons d’abord la relation d’Agur avec Dieu (30.1-9), puis nous entendrons les sages paroles qu’il prononce à propos du monde de Dieu (v. 10-33). Ce que nous allons constater, comme tout au long de la lecture des Proverbes, c’est que la sagesse ne cherche pas à se mettre en avant. Au contraire, c’est avec un cœur humble qu’une personne sage reçoit les dons de Dieu.

Qui est Agur ?

S’il est compliqué de saisir l’identité d’Agur, c’est en partie à cause de la difficulté de traduire le premier verset du chapitre, qui fait justement sa présentation. Les spécialistes ne partagent pas tous le même avis à propos de la deuxième partie de ce verset, comme le prouvent les notes de bas de page dans la plupart de nos Bibles. En effet, selon les différentes traductions, soit Agur exprime sa lassitude, soit il s’adresse à des personnes dont nous ne reconnaissons pas le nom, ou alors une combinaison des deux !

En revanche, tout le monde s’accorde sur le fait qu’Agur est le « fils de Jaké ». Agur et Jaké sont tous deux inconnus et beaucoup supposent qu’ils n’étaient pas Israélites. En effet, certains commentateurs indiquent qu’ils seraient originaires de « Massa », un royaume ismaélite.

De la même manière qu’avec l’adaptation de textes égyptiens plus tôt (22.17 à 24.22), l’inspiration souveraine de Dieu a dépassé les frontières d’Israël pour inclure ces paroles dans le livre des Proverbes. Nous ne savons pas exactement comment cela s’est produit. Agur se serait-il converti au judaïsme en côtoyant des sages d’Israël ? Peu importe, ce qui compte, c’est que nous voyons la main souveraine de Dieu sur le monde qu’il a créé et qu’il aime. Ici, elle est manifestée à travers Agur, un individu sorti de nulle part et dont le message interpelle les lecteurs du monde entier qui peuvent alors s’identifier à sa relation avec l’Éternel.

Un homme qui n’est pas sage à ses propres yeux

Agur parle avec son cœur. En 30.2-3, ce qu’il dit de lui-même peut amener à penser qu’il fait référence à une époque où il ne connaissait pas encore l’Éternel :

Certes, je suis idiot plus que tout autre  et je n’ai pas l’intelligence d’un homme,  je n’ai pas appris la sagesse  et je ne connais pas la connaissance du Saint.

Pourquoi Agur dit-il qu’il n’a pas appris la sagesse, et se dit bête et même sans intelligence humaine ? Imaginez ce que nous pourrions attendre de la fin d’un livre sur la sagesse, en particulier d’un livre qui vise à nous aider à « connaître la sagesse et l’instruction », « comprendre les paroles de l’intelligence », et ainsi de suite (1.1-7). Nous pourrions nous attendre à ce que quelqu’un, à la fin, se lève et dise : « J’ai compris. J’ai appris la sagesse ».

Mais à bien y réfléchir, est-ce que nous nous attendons vraiment à cela ? Nous venons de voir au chapitre 26 la folie ultime qui consiste à être sage à ses propres yeux (26.5, 12, 16). Au fur et à mesure de notre lecture, nous avons pu observer comment les Proverbes associent la crainte de l’Éternel à un cœur humble, par opposition à un cœur arrogant (voir, par exemple, 15.33 ; 16.5-6 ; 21.4 ; 22.4 ; 29.23). Le prologue appelait les sages à écouter et à augmenter leur savoir (1.5 ; voir 9.9). Jamais une personne véritablement sage ne considérerait qu’elle a appris la sagesse.

Alors, que dirait une personne véritablement sage ? Probablement quelque chose qui ressemble à ce que dit Agur au début de ce chapitre. Longman conseille de prendre ces versets comme une hyperbole17, une figure de style qui utilise l’exagération pour faire passer un message. Cela semble tout à fait pertinent. Avec autant de force littéraire que possible, Agur démontre qu’il comprend combien sa sagesse est petite et à quel point sa connaissance du Saint infiniment glorieux est limitée (v. 3 ; voir 9.10).

Agur ne se contente pas de se regarder dans un miroir ou de se comparer aux autres ; il se voit (et voit tous les hommes) à la lumière du Dieu saint. Sa perspective transparaît dans les questions qu’il pose ensuite :

Qui est monté au ciel et qui en est descendu ?
Qui a rassemblé le vent dans le creux de ses mains ?
Qui a serré les eaux dans son manteau ?
Qui a fixé les limites de la terre ?
Quel est son nom et quel est le nom de son fils ? Le sais-tu ?
Proverbes 30.4

Comment répondre à ces questions ? La réponse la plus évidente est : « Personne ». Personne n’a rien fait de tel ; alors comment pourrions-nous prétendre être sages ? En demandant des noms, Agur exige de connaître l’identité de cette personne infiniment sage et celle de son fils. En effet, cette personne a certainement fait ce que font tous les pères qui sont sages : ils instruisent leurs fils et leur transmettent leur sagesse. Qui ne voudrait pas rencontrer quelqu’un d’aussi sage que ce fils ? La dernière question est presque un défi : « Si tu te crois sage, tu devrais le savoir ! » Mais dans l’humanité, un père et un fils de ce genre n’existent pas. Voilà le problème.

En regardant vers Dieu, nous trouvons une autre réponse : « Dieu ». On ne peut passer à côté des résonances avec Job. Par exemple, tout au long du chapitre 38, l’Éternel interroge Job de la même façon qu’Agur interroge ses interlocuteurs :

Où étais-tu quand je fondais la terre ?

Déclare-le, puisque tu es si intelligent !

Qui a fixé ses dimensions ? Tu le sais, n’est-ce pas ?

Ou qui a déplié le ruban à mesurer sur elle ?
Job 38.4-5 Voici ce que Job répond à l’Éternel :

Je ne fais pas le poids. Que pourrais-je te répondre ? Je mets la main sur ma bouche.
Job 40.4

Ce sentiment de crainte et de révérence devant l’Éternel Dieu qui a créé toutes choses est au cœur de la sagesse qu’enseignent les Proverbes (ainsi que tous les autres livres de sagesse de la Bible). Les Proverbes ne dévoilent pas le nom du fils. Nous comprenons qu’il est fait référence au Dieu de la création, et nous nous souvenons de la déclaration de la sagesse personnifiée : « J’étais là » (Proverbes 8.27). Mais la question sur le fils reste en suspens. Agur appelle à l’humilité devant les mystères de Dieu.

Tout en nous, chrétiens d’aujourd’hui, veut crier que nous connaissons le nom du fils : Jésus ! De notre point de vue, le mystère est résolu. L’auteur et théologien Graeme Goldsworthy suggère que Jésus, dans sa conversation avec Nicodème en Jean 3, donne une réponse directe à la première question d’Agur en Proverbes 30.4a18 : « Personne n’est monté au ciel, sinon celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme qui est dans le ciel » (Jean 3.13). Jésus se présente comme la réponse à la question « Qui ? »d’Agur. Il est le seul homme en qui se trouve toute la sagesse du ciel.

Humilité devant la Parole

Après avoir mis en perspective notre petite sagesse humaine, Agur célèbre le Dieu qui nous donne la sagesse par sa parole. Il confirme le message des Proverbes depuis le début, à savoir que « c’est l’Éternel qui donne la sagesse » et que « c’est de sa bouche que sortent la connaissance et l’intelligence » (Proverbes 2.6). Il continue de mettre l’accent sur le lien relationnel observé tout au long du livre. Considérez les deux vers du verset 5 :

Toute parole de Dieu est pure.
Il est un bouclier pour ceux qui cherchent refuge en lui.

Ces deux vers ne sont pas sans rapport l’un avec l’autre. Ils offrent en fait un excellent rectificatif à tous ceux qui auraient tendance à isoler le premier vers et à simplement s’étendre sur sa vérité théologique. En effet, ce n’est pas uniquement le sens général de la Bible qui est vrai, mais chacun de ses mots. Le Saint-Esprit a guidé les auteurs dans leur transcription précise des mots que Dieu a choisis (2 Pierre 1.21). Mais le verset ne s’arrête pas là. C’est à travers la parole parfaitement vraie de Dieu que nous pouvons le connaître et nous réfugier en lui. Le mot « pure » du premier vers a aussi été traduit par « fiable » (BDS), ce qui sous-entend que la vérité de la parole de Dieu a été attestée à maintes reprises. Faire confiance à cette parole, c’est se réfugier en Dieu, il est notre bouclier (voir 2.7). Il s’agit d’une vérité personnelle.

La seule mise en garde d’Agur concernant la Parole, c’est d’y ajouter quelque chose (30.6a). Le risque est personnel : Dieu te reprendra et tu apparaîtras comme un menteur (v. 6b). Mais pourquoi le fait d’ajouter quelque chose aux paroles de Dieu est si important ? Deutéronome 4.2 donne ce commandement : « Vous n’ajouterez ni n’enlèverez rien à ce que je vous prescris ; vous garderez les commandements de l’Éternel, votre Dieu, tels que je vous les prescris ». Ces deux actions, ajouter et enlever, relèvent du mensonge, et toutes deux entraînent la colère de Dieu (voir aussi Apocalypse 22.18-19).

Ajouter des paroles à celles de Dieu est le comble de l’arrogance. C’est chercher à faire entendre sa propre voix et mettre sa propre sagesse au même niveau que celle de Dieu. C’est ne pas se satisfaire de ce que Dieu a donné. C’est exactement ce que faisaient les pharisiens orgueilleux de l’époque de Jésus. Ils ajoutaient leurs propres règles et « annulaient » ainsi la parole de Dieu (voir Marc 7.1-13). C’est l’attitude contre laquelle tout le chapitre 30 met en garde. Et c’est contre cette attitude qu’Agur va maintenant demander à Dieu de le protéger.

Humilité dans nos demandes à Dieu

Proverbes 30.7-9 est la seule prière de tout le livre des Proverbes. Elle complète la première section de ce chapitre qui donne le regard personnel de quelqu’un qui craint l’Éternel. Que dirait une telle personne à propos d’elle-même, ou de Dieu ? Ce chapitre nous l’a montré. Que dirait-elle à Dieu ? Nous avons l’occasion d’écouter ici, non pas une prière complète, mais la partie « demande », la plus pertinente pour le propos de ce chapitre.

La plupart d’entre nous avons de nombreuses requêtes à soumettre à Dieu. Les participants de groupes d’étude biblique dressent souvent des listes de sujets de prière, qui peuvent devenir très longues. Il n’y a rien de mal à cela. Au contraire, c’est encourageant de partager nos requêtes et de savoir que des frères et des sœurs prient pour nous : pour nos cœurs, pour les personnes qui nous sont chères, pour nos problèmes de santé, de finances, d’emploi, etc.

Mais Agur n’a que deux sujets sur sa liste. C’est tout ce qu’il demande à Dieu de lui accorder avant de mourir (v. 7). Agur est un minimaliste : il se contente de l’essentiel. Ses deux requêtes représentent les principales préoccupations qui doivent orienter nos demandes à Dieu. Dans sa prière, Agur utilise le nom Yahweh (v. 9), l’Éternel. Cela montre que ce n’est pas seulement Dieu en général qu’il connaît, mais le Dieu d’Israël, l’Éternel, celui qui se révèle avec miséricorde à son peuple.

Voici sa première requête : « Éloigne de moi la fausseté et le mensonge » (v. 8a). Dans le prolongement des versets précédents (v. 5-6), Agur demande à Dieu d’aligner son cœur et ses paroles sur la vérité de la parole de Dieu. Ainsi, il ne dira pas ce que la parole de Dieu qualifie de mensonge, il n’ajoutera rien à la parole de Dieu, il n’écoutera pas et ne soutiendra pas les voix mensongères qui vont à l’encontre de la parole de Dieu.

Implicitement, Agur reconnaît son péché et sa faiblesse. Il ne dit pas : « Aide-moi à croire et à dire la vérité ». Au contraire, il demande à Dieu d’éloigner le mensonge : le retirer de lui-même, mais aussi loin de lui, car il sait qu’il a tendance à retomber dedans. Il fait preuve d’un cœur humble et repentant devant le Dieu saint, comme le décrit 28.13 :

Celui qui cache ses transgressions ne réussira pas, mais on aura compassion de celui qui les reconnaît et les abandonne.

Cette requête montre également qu’Agur a confiance en la parole de Dieu, qui est pure, et en Dieu lui-même, qui est son bouclier et son refuge contre le mal. Agur connaît sa faiblesse, mais il connaît aussi l’Éternel qui le délivrera. Et c’est exactement ce qu’il demande à Dieu.

Nous pourrions nous attarder davantage sur cette première demande. Dans nos listes de requêtes, les paroles sincères et la vérité en accord avec la parole de Dieu ne figurent peut-être pas en tête. Pourtant ces sujets mériteraient sans doute d’être tout en haut ! Si tous les soirs nous prenons l’habitude de repenser tranquillement aux paroles que nous avons prononcées et reçues, nous aurons beaucoup de choses à confesser et aussi beaucoup de choses pour lesquelles prier.

La deuxième requête d’Agur comporte deux volets : un négatif et un positif. Tout d’abord, « ne me donne ni pauvreté, ni richesse » (30.8b), puis « accorde-moi le pain qui m’est nécessaire » (v. 8c). Le verset 9 explique ensuite les risques qu’il entrevoit dans la richesse et la pauvreté : des risques liés non seulement à son propre bien-être, mais aussi à sa relation avec l’Éternel et à la gloire du nom de l’Éternel. Agur est suffisamment honnête envers luimême et envers l’Éternel pour s’avouer vulnérable. En vérité, nous partageons tous cette vulnérabilité à cause de notre péché. Agur reconnaît que la richesse pourrait l’amener à se sentir autosuffisant et à finalement renier ou oublier l’Éternel. Dans la pauvreté, il risquerait de se mettre à voler, et ainsi, de profaner le nom de son Dieu (v. 9).

Les Proverbes ont abordé tout l’éventail des situations financières et de leurs complexités : les bienfaits mais aussi les dangers de la richesse, la détresse des pauvres, la valeur de l’intégrité quand on est dans le besoin, et le devoir pour ceux qui sont dans l’abondance de se montrer généreux. Aucune situation financière n’est vertueuse en soi, mais Dieu nous appelle tous à le craindre, quelle que soit la situation qu’il nous donne de vivre. En demandant uniquement ce qui lui est « nécessaire », Agur semble parler d’un certain équilibre entre la richesse et la pauvreté. Mais il ne définit pas précisément cet équilibre. Agur exprime, dans sa prière, que seul Dieu sait ce dont il a besoin pour marcher selon sa parole en glorifiant son nom. Nous avons beaucoup à apprendre de la profonde humilité de cette requête. Elle repose en effet sur une confiance totale en Dieu, qui sait mieux que nous ce dont nous avons besoin.

Lorsque Jésus a enseigné à ses disciples à prier « Donne-nous aujourd’hui notre pain quotidien » (Matthieu 6.11), il leur a appris à prier avec simplicité, comme des enfants qui ont besoin que l’on s’occupe d’eux, jour après jour. Dans ma Bible, à côté de ces deux requêtes d’Agur, j’ai écrit : « Lave-moi. Nourris-moi ». Je ne sais plus d’où vient cette formule, si je l’ai entendue de quelqu’un ou si c’est juste une note personnelle. Peu importe. Elle en fait un bon résumé, et c’est assez humiliant, car ce sont les deux besoins les plus fondamentaux d’un petit enfant. Peut-être que nos prières devraient revenir à de telles bases.

Réfléchir pour agir

  1. Aujourd’hui, de quelle manière les gens pourraient-ils être tentés d’ajouter quelque chose aux paroles de Dieu ?
  2. Qu’avez-vous tendance à demander à Dieu en ce qui concerne l’argent ? Que vous apprend la prière d’Agur ?
  3. Agur a une grande vision de Dieu. Qu’est-ce qui nous empêche d’avoir une telle vision, et comment pouvons-nous davantage la partager ?

Voir avec les yeux d’Agur

La première partie du chapitre 30 offre un regard personnel et  unique sur le cœur humble d’un sage. La deuxième partie du chapitre marque un changement, comme si Agur se levait de son lieu de prière et sortait de chez lui. Mais Agur, lui, ne change pas, il garde le même cœur. Dans le reste du chapitre, nous observons le monde avec les yeux d’un homme sage au cœur humble.

Faisons un bref survol de ces versets. En effet, ils ressemblent à des listes aléatoires de diverses « choses » que nous pouvons rencontrer et qui ne sont pas toujours faciles à relier entre elles. Tout d’abord, notons qu’un avertissement apparaît à trois endroits stratégiques du chapitre : le verset 10 commence la seconde moitié du chapitre par un avertissement quelque peu subtil ; le verset 17 donne un avertissement plus sévère ; et les versets 32 et 33 concluent par un avertissement qui clarifie et illustre de manière frappante la pensée principale de toute la section.

Ces trois passages relient entre elles plusieurs listes d’observations. On découvre deux listes entre le verset 10 et le verset 17 :

▶ Les versets 11 à 14 énumèrent quatre types de personnes hautaines.

▶ Les versets 15 à 16 énumèrent d’abord deux, puis trois, finalement quatre choses qui désirent toujours plus.

Entre le verset 17 et le verset 32, il y a quatre listes :

▶ Les versets 18 à 20 énumèrent d’abord quatre choses  merveilleuses, puis une chose terrible.

▶ Les versets 21 à 23 énumèrent quatre personnes trop  ambitieuses.

▶ Les versets 24 à 28 énumèrent quatre petits animaux d’une grande sagesse.

▶ Les versets 29 à 31 énumèrent quatre choses de « belle allure ».

Beaucoup de ces versets sont des proverbes numériques : ils énumèrent un certain nombre d’éléments appartenant à une même catégorie. Le premier exemple d’un ensemble similaire se trouve en 6.16-19, il s’agit d’une liste de sept choses dont l’Éternel a horreur. Souvent (mais pas toujours), une introduction indique le nombre de choses à venir, en mentionnant d’abord l’avant-dernier puis le dernier chiffre (voir 30.15, 18, 21, 29). Ce procédé crée un sentiment d’attente : on a l’impression d’attendre la fin de la liste qui semble ne pas venir, ou dans certains cas, d’attendre le dernier élément qui sera le plus marquant de toute la liste.

Que se passe-t-il dans toutes ces listes ? En règle générale, elles représentent une capacité à organiser la réalité, plutôt que de se laisser emporter par le tourbillon. Par nature, les proverbes font ce genre de classement : ils établissent des comparaisons, notent les similitudes et les différences, distinguent certaines formes de péché et de justice ainsi que leurs conséquences. Cette capacité reflète l’image de Dieu, notre créateur. Au commencement, il a fait naître l’ordre originel à partir du chaos : depuis les planètes et les étoiles qu’il a comptées et disposés dans le ciel, jusqu’aux plus petites créatures vivantes dans la mer et sur la terre.

Chaque fois que nous créons quelque chose avec des mots dont le sens peut être partagé, que ce soit une liste de courses ou un poème, nous reflétons l’image de Dieu en nous. Pensez aux Proverbes. Le style poétique condensé de ce livre traduit de manière particulièrement efficace l’ordre que notre créateur a établi dans ce monde. En craignant l’Éternel et en suivant sa parole, nous comprenons de mieux en mieux comment Dieu a ordonné le monde, et comment le péché a provoqué le désordre. Ici, à la fin des Proverbes, l’organisation minutieuse d’Agur met en évidence cette capacité à contempler l’ordre de Dieu et à transmettre ce que signifie vivre (et ne pas vivre) selon les voies de Dieu.

Des yeux hautains

L’avertissement qui marque le début de cette section concerne le danger de calomnier un serviteur auprès de son maître, au risque d’être maudit par ce serviteur et d’en subir ensuite les conséquences (30.10). La calomnie consiste à employer des paroles mensongères pour nuire à quelqu’un d’innocent. De nombreux proverbes ont déjà traité de ce fléau. Mais ici, l’accent semble être mis sur l’ensemble des relations en jeu : calomnier le serviteur de quelqu’un d’autre ressemble à une tentative pathétique de s’élever en piétinant une personne plus humble, sans défense, et qui travaille pour quelqu’un d’autre. Le calomniateur n’a rien à faire ici. Il essaie peut-être d’étendre son influence en usant de secrets croustillants et, en quelques mots, il détruit cruellement la relation d’un serviteur avec son maître. Pas étonnant que ce serviteur puisse vous maudire si vous agissez de la sorte ! Mais attention : celui qui est sans défense pourrait finalement être défendu, et vous seriez reconnu coupable.

Ainsi commence une série de proverbes sur la folie de l’exaltation personnelle et la sagesse de l’humilité. La prochaine série de quatre observations n’est pas numérotée ; chacune est simplement introduite par : « Il y a une génération » (v. 11-14). Chaque verset semble décrire une catégorie de personnes qui se valorisent à l’excès : les enfants qui maudissent les parents qu’ils devraient honorer (v. 11) ; les personnes sales qui se croient pures à leurs propres yeux (v. 12) ; les personnes qui regardent tout le monde de haut (v. 13) ; et, enfin, ceux qui font violemment disparaître de la terre les pauvres et les malheureux (v. 14). Un simple résumé traduit mal la force de ces versets aux images de souillure, de paupières insolentes, de dents comme des épées et de mâchoires comme des couteaux, dévorant les malheureux. Agur ne commente pas ces images, il se contente de les mettre sous le feu des projecteurs.

Il s’agit d’une série d’images violentes et sombres, particulièrement édifiantes pour ceux d’entre nous aujourd’hui qui observons le monde et pensons qu’il doit être pire qu’il ne l’a jamais été, avec l’effondrement du mariage et de la famille, la pauvreté et l’injustice de toutes parts, la corruption de ceux qui détiennent le pouvoir, et ainsi de suite. Il semblerait qu’Agur comprenne. Il a lui-même observé tous ces maux, les a nommés et catégorisés, et a transmis cette analyse pour que nous puissions apprendre de ce qu’il voit. Cela dépasse votre expérience et la mienne. Le problème est profond et ne concerne pas simplement notre culture actuelle.

Les versets 15 et 16 se penchent sur le monde naturel et y trouvent des reflets de ce que nous trouvons dans les versets précédents : une soif de plus qui n’est jamais satisfaite. Les éléments non humains sont personnifiés, ce qui exprime les effets généralisés de la chute de manière sinistre. La sangsue est citée en premier, en deux vers courts et effrayants qui disent simplement : « La sangsue a deux filles », apparemment nommées « Donne » et « Donne » (v. 15). Une sangsue est un ver plat qui s’attache à la chair et suce le sang. Je n’en ai jamais observé de près, mais les commentateurs s’empressent de souligner que la sangsue possède deux ventouses, une à chaque extrémité, d’où ses deux « filles ». Le texte ne donne aucune explication, seulement cette image et ces noms. C’est bien suffisant.

La sangsue est suivie par une autre liste de quatre choses qui ne disent « jamais assez » (v. 15-16). Les images qui s’accumulent sont funestes et dérangeantes : le séjour des morts, le ventre stérile, la terre desséchée et le feu. Au plus profond de l’être humain et dans toute la création qui l’entoure, depuis que nous avons été chassés de l’Éden, il y a une soif. Une soif de tout ce qui pourrait l’apaiser (rappelez-vous la soif de l’âme du paresseux en 13.4).

Le verset 30.17 vient conclure ces listes de choses insatiables. Il fait référence au verset 11 pour décrire à nouveau des parents déshonorés par leurs enfants. Cette fois-ci, le verset donne un violent avertissement et constitue l’un des « points-clés » du chapitre 30 :

L’œil qui se moque d’un père et qui méprise l’obéissance envers une mère, les corbeaux de la rivière le crèveront et les petits de l’aigle le mangeront.
Proverbes 30.17

Ici, le moqueur méprise avec arrogance le modèle d’éducation si souvent mis en valeur dans ce livre. Il se place au-dessus de ceux qu’il devrait observer et écouter avec humilité. L’avertissement qui lui est donné peut sembler un peu démesuré face aux fléaux des listes précédentes. Et pourtant, dans cette seule scène de mépris envers les parents, se cachent les graines d’un mal à part entière. D’importantes trajectoires de vie peuvent se dessiner lors de moments particuliers où les parents sont trop occupés pour instruire ou discipliner leur enfant, ou bien lorsqu’un enfant lance ce coup d’« oeil » moqueur à son père ou sa mère. En rejetant ce bon modèle des enfants qui honorent leurs parents, on rejette implicitement l’autorité divine que ce modèle reflète.

Nous ne pouvons pas ignorer cet œil moqueur (v. 17), surtout après avoir lu les versets 12 et 13 sur les regards hautains. S’agit-il d’un écho de la folie ultime qui consiste à être sage à ses propres yeux ? Peut-être. Avec une bonne dose d’ironie qui nous aide à prendre du recul et à digérer ce côté sanguinaire, c’est l’œil moqueur qui devient littéralement la cible directe du châtiment.

Agur contraste de manière saisissante avec toutes ces images d’orgueil et d’acharnement, lui qui a demandé à Dieu de ne pas le rendre riche et « rassasié » (v. 8-9). Il a mis en garde contre le fait d’ajouter aux paroles de Dieu, de vouloir toujours plus. Grâce à son humilité, Agur est capable de voir à quoi ressemble le contraire de cette humilité. Ses yeux ne sont pas hautains. Ils savent discerner le mal tout autour. Cette capacité à voir la folie et à comprendre où elle se situe par rapport à la sagesse (voir 24.32) est une très bonne chose.

Encore des listes : le merveilleux et l’affreux

Agur voit également des choses merveilleuses. Peut-être estil capable de les remarquer parce qu’il garde du recul et prend le temps de les contempler, plutôt que de s’en emparer et de les détruire d’une manière ou d’une autre. Son attitude traduit la même humble crainte que ses questions en 30.4, et la même confession de son besoin de compréhension du verset 2. Cette attitude façonne ses observations :

Il y a trois choses qui sont trop merveilleuses pour moi,  même quatre que je ne parviens pas à connaître :

la trace de l’aigle dans le ciel, la trace du serpent sur le rocher, la trace du bateau au milieu de la mer, et la trace de l’homme avec la jeune fille.
Proverbes 30.18-20

Quel est le fil conducteur entre ces quatre « traces » ou chemins ? Est-ce que tous ces mouvements gracieux vont et viennent sans laisser de trace, comme certains le suggèrent ? Peut-être. Tous ces mouvements se déroulent à l’endroit qui leur est donné, et manifestent une progression et une beauté inscrites dans ce cadre. L’aigle est fait pour le ciel, le corps d’un serpent est fait pour glisser sur une surface rocheuse, un bateau est fait pour fendre l’eau, et un homme et une femme sont faits l’un pour l’autre.

Waltke suggère que l’objectif des proverbes numériques et, en général, de préserver l’ordre social en encourageant le lecteur à renoncer à l’orgueil et à la cupidité19. En effet, l’exaltation de soi et la recherche du toujours plus finissent par détruire l’ordre (comme dans les relations familiales). Les versets 18 à 20 soulignent justement la beauté de l’ordre, lorsque tout est à sa place. Dans ce sens, il est tout à fait naturel que la dernière « chose » merveilleuse soit la rencontre d’un homme et d’une femme dans l’union sexuelle du mariage. Le fait que cet élément culminant de la liste soit si bon offre un contraste saisissant avec le mal qui vient ensuite.

Après les quatre « traces » merveilleuses, vient « la conduite de la femme adultère » au verset 20. Celle-ci n’est pas conforme à l’ordre naturel. Son union pécheresse avec un homme n’est pour elle rien d’autre qu’un simple repas après lequel elle s’essuie la bouche et dit : « Je n’ai fait aucun mal ». Elle s’est servie une large part, en dehors du cadre du mariage. Cet exemple négatif renvoie à une liste encore plus négative : celle des quatre personnes trop ambitieuses.

La terre ne peut pas supporter les quatre choses que l’on trouve dans les versets 21 à 23. Ce sont quatre exemples de personnes qui, d’une manière ou d’une autre, changent à tort de statut ou de place, et ainsi la terre elle-même tremble et sort de sa place. Ces versets semblent décrire le succès des personnes qui ne sont pas sages et qui appartiennent toutes à la même catégorie que le fou du verset 22. Elles en voudront toujours plus. Pour illustrer le cas d’une servante qui prend la place de sa maîtresse (v. 23b), on peut citer Agar, la servante égyptienne de Sarah, la femme d’Abraham. Lorsque Agar est tombée enceinte alors que Sarah ne le pouvait pas, elle « regarda sa maîtresse avec mépris » (Genèse 16.4). Le fond du problème, c’est le cœur qui se gonfle d’orgueil.

Rappelons-nous que l’histoire d’Israël est une histoire où les humbles sont élevés : des esclaves sont libérés et deviennent une grande nation ; une prostituée nommée Rahab et une pauvre veuve nommée Ruth intègrent la lignée d’un roi ; des pêcheurs dirigent une Église bâtie sur le fondement du fils d’un charpentier de Nazareth. Le modèle récurrent de l’œuvre de Dieu est que l’humilité précède l’honneur. Comment cela se produit-il ? Regardons maintenant l’exemple des fourmis.

Dernières listes et dernier avertissement

Les deux dernières listes sont fascinantes. Remarquez que la plupart des êtres humains ont quitté la scène. En fait, nous pourrions presque nous sentir offensés que les seules créatures considérées comme « sages » dans cette section soient les fourmis, les damans, les sauterelles et les lézards (Proverbes 30.24-28).

Évidemment, c’est le but recherché. Ce sont des petites choses, mais « particulièrement sages » (v. 24). En quoi consiste leur sagesse ? Nous observons que chacune de ces créatures est limitée : les fourmis sont « sans force » (v. 25a), les damans sont « sans puissance » (v. 26a), les sauterelles « n’ont pas de roi » (v. 27a) et le lézard est si petit qu’il tient dans une main (v. 28a). Cependant, leurs caractéristiques négatives s’accompagnent de remarquables qualités : les fourmis rassemblent toute la nourriture dont elles ont besoin pendant qu’elles le peuvent (v. 25b), les damans se servent des rochers comme un refuge (v. 26b), les sauterelles « sortent toutes en bon ordre », même sans chef (v. 27b) et le petit lézard peut se faufiler dans les palais des rois (v. 28b).

Ces petites créatures « sages » vivent selon l’ordre de la création. Elles sont comme l’aigle et le serpent qui vivent selon ce qui leur est donné, d’une certaine façon en se soumettant à leur créateur. Le destin de ces petites créatures semble bien limité, mais leurs récompenses sont particulièrement remarquables. À travers ses observations sur le monde naturel, Agur parle de l’expérience humaine. Il recommande la voie de la modestie et de l’humilité ; cette voie est celle de la sagesse, fondée sur la crainte de l’Éternel.

C’est cette voie que notre Seigneur Jésus nous a montrée lorsqu’il s’est abaissé, prenant la condition de serviteur, naissant à la ressemblance des hommes, s’humiliant lui-même en faisant preuve d’obéissance jusqu’à la mort, même la mort sur la croix (Philippiens 2.7-8). Assurément, un tel changement de statut a fait trembler la terre. Mais après avoir accompli l’œuvre de notre salut, il est ressuscité et il est monté au ciel en tant que notre Roi éternel. Jésus, notre sagesse venant de Dieu, nous montre la voie de l’humilité qui conduit à l’honneur. Agur, comme Paul (Philippiens 2.5), dit que nous devrions adopter la même attitude.

La dernière liste propose quatre choses qui ont une « belle allure » ou une « belle démarche » (Proverbes 30.29-31), elles avancent pleines d’assurance. Contrairement aux petites créatures que nous venons de voir, ces créatures semblent toutes avoir été dotées d’une sorte de « grandeur » innée, sauf la dernière. Le lion (« le plus puissant des animaux »), le cheval qui marche avec noblesse et même le bouc font tous trois ce pour quoi ils sont faits. Le roi, en revanche, ne rejoint ces créatures majestueuses que lorsqu’il est accompagné « de ses troupes » (v. 31b – BDS).

Aucun jugement n’est formulé, si bien que nous nous demandons quelle interprétation donner à ce roi. Peut-être est-il au sommet du classement : l’exemple humain resplendissant de majesté au milieu des animaux (comme l’homme et la femme du verset 19). Ce serait normal. Nous aspirons à un tel roi. Toutefois, il est tout à fait possible que ce texte serve d’avertissement implicite aux souverains imparfaits (et éventuellement à ceux qui sont en formation), qui pourraient être tentés de parader fièrement, mais qui, livrés à euxmêmes, prendraient vite la fuite.

Cet avertissement est explicité dans les versets 32 et 33 :

Si l’orgueil te pousse à des actes de folie et si tu as de mauvaises pensées, mets la main sur ta bouche.

On retrouve ici, comme en Job 40.4, un appel à l’humilité. En tenant compte de l’ensemble du chapitre (et du livre), c’est un appel à craindre l’Éternel, à écouter sa parole et à marcher humblement dans ses voies. Agur dirait que la voie de l’Éternel est trop merveilleuse pour lui, qu’il ne la comprend pas. Et pourtant, dans son humilité, il a commencé à la comprendre, et il nous l’a communiquée d’une manière qui transperce notre imagination et notre cœur.

Les trois dernières images du verset 33 de Proverbes 30 nous empêchent de conclure de manière sentimentale. Le lait battu, le nez sanglant et les querelles sont les résultats de toutes sortes de pressions. Ces images très terre à terre exposent les résultats de la folie de l’orgueil. Nous voilà donc prévenus.

Réfléchir pour agir

  1. Agur a un don pour les images ! Laquelle (ou lesquelles !) reste dans votre esprit, et pourquoi ?
  2. Comment la culture ambiante nous encourage-t-elle à ne pas être humble et modeste ?
  3. Comment cet appel à ne pas nous élever nous-mêmes rejoint-il l’appel à suivre Jésus ?

Chapitre treize

Le dernier chapitre des Proverbes présente un nouvel inconnu, puis une « femme de valeur » à travers un poème qui constitue l’épilogue bien connu du livre. C’est sur ce célèbre épilogue que nous allons nous concentrer, il nous permettra de conclure toute cette étude du livre des Proverbes. Nous quitterons les Proverbes comme nous y sommes entrés, en étant invités à rechercher la sagesse, qui commence par la crainte de l’Éternel.

Le roi Lemuel

Proverbes 31.1-9 livre un autre message de la part d’un homme qui nous est inconnu (voir 30.1). Mais cette fois, il s’agit d’un roi. C’est le roi Lemuel qui parle, mais il cite des paroles que sa mère lui a enseignées. Quel plaisir de voir, ici à la fin, un fils qui a écouté et appris. Et après avoir vu une mère qui n’était pas bénie (30.11) et une mère méprisée (30.17), quel encouragement de trouver une mère honorée par son fils !

Le message qui nous est transmis contient deux commandements complémentaires. Le premier est négatif : les rois ne doivent pas s’adonner aux femmes et à l’alcool, de peur d’oublier leur devoir de défendre les droits des malheureux (31.2-5). Le second commandement est positif : défendre les droits des malheureux (v. 6-9).

Le fils ne passe pas sous silence les mots plus personnels que sa mère lui a adressés avec passion. Elle l’a peut-être déjà vu échouer dans ces domaines. Quel parent ne peut s’identifier à elle : « Que te dirais-je, mon fils ? » (v. 2). Nous comprenons sa supplication : ne gaspille pas ton énergie et ton temps dans des péchés d’excès (dans ce cas, les femmes et le vin) qui t’empêcheront de remplir la vocation d’un vrai roi (voir 23.29-35). De puissants souverains ont été sérieusement confrontés à ces tentations, le roi Salomon lui-même a désespérément eu besoin de cette sagesse (voir 1 Rois 11.1-2).

Le commandement négatif est fondamental mais ne doit pas occulter le commandement positif qui lui est lié. Nous aurions tendance à nous préoccuper davantage des effets dévastateurs de l’alcool et des femmes plutôt que de la vocation du roi. Pourtant, le cœur du propos concerne bien l’appel spécifique d’un roi à défendre les malheureux. La mère du roi Lemuel l’avertit justement que ce devoir serait négligé à cause de tels excès. C’est là le point essentiel. La mère de Lemuel a enseigné à son fils la vocation d’un roi : défendre les malheureux et les pauvres (Proverbes 31.9), ce qui inclut ici « celui qui va mourir », « celui qui est rempli d’amertume » (v. 6), celui qui ne peut pas s’exprimer et tous les délaissés (v. 8). En tant qu’homme de pouvoir, il doit relever les personnes dans le besoin, ouvrir sa bouche pour parler en leur nom, et trancher « avec justice » en leur faveur (v. 8-9).

En lisant cette impressionnante liste de devoirs royaux envers les plus démunis, quel roi nous vient à l’esprit ? Lorsque Jean-Baptiste a envoyé ses messagers auprès de Jésus pour lui demander s’il était vraiment le Messie promis, Jésus a répondu :

Allez rapporter à Jean ce que vous avez vu et entendu : les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts ressuscitent, la bonne nouvelle est annoncée aux pauvres.
Luc 7.22

La mère du roi Lemuel ne savait pas qu’elle décrivait le roi promis qui devait venir dans la lignée de David. Les prophètes, quant à eux, ont décrit ce roi avec de plus en plus de détails. Ésaïe, par exemple, a précisé la lignée du Roi à venir, sa sagesse (notez la crainte de l’Éternel au centre), son juste jugement en faveur des faibles et des malheureux, et la puissance de sa parole :

Puis un rameau poussera de la souche d’Isaï*, un rejeton de ses racines portera du fruit.  L’Esprit de l’Éternel reposera sur lui :
Esprit de sagesse et de discernement,
Esprit de conseil et de puissance,
Esprit de connaissance et de crainte de l’Éternel.
Il prendra plaisir dans la crainte de l’Éternel. Il ne jugera pas sur l’apparence, n’adressera pas de reproches sur la base d’un ouï-dire.  Au contraire, il jugera les faibles avec justice et corrigera les malheureux de la terre avec droiture. Il frappera la terre par sa parole comme par un coup de bâton, et par le souffle de ses lèvres il fera mourir le méchant.
Ésaïe 11.1-4

Le message du roi Lemuel est la dernière mention des rois dans les Proverbes. Il offre un aperçu de la véritable vocation du roi, de la part d’un roi inconnu. Ce texte nous pousse à rechercher le vrai roi, même si nous sommes entourés de pécheurs qui doivent apprendre à contrôler leur appétit pour les femmes et le vin.

Le bouquet final poétique

Les sages auteurs des Proverbes ont beaucoup parlé des rois, mais encore plus des femmes. Après toutes les figures féminines rencontrées dans les trente chapitres précédents, il semble parfaitement approprié que les Proverbes s’achèvent sur l’exemple d’une femme. Les spécialistes se demandent si ce portrait final fait partie des paroles du roi Lemuel. Peut-être que le chapitre se développe logiquement : tout d’abord un avertissement de ne pas courir après de nombreuses femmes, suivi d’un ordre de trouver cette femme exceptionnelle et de l’épouser ! Cependant, nous allons voir que le poème de Proverbes 31.10-31 constitue une unité littéraire cohérente. Peu importe qu’il ait été écrit ou non par Lemuel, il représente clairement le point final de l’ensemble du livre. Avec un talent artistique remarquable, ce poème sur « la femme de valeur » rassemble tous les thèmes du livre dans cet ultime « portrait-poème » de la sagesse à l’œuvre.

Ces versets forment un poème acrostiche : les vingt-deux versets commencent successivement par les vingt-deux lettres de l’alphabet hébreu. On pourrait presque le surnommer « la sagesse de A à Z ». Plusieurs psaumes utilisent également cette forme poétique, le plus connu étant le psaume 119, qui attribue huit versets à chaque lettre hébraïque. Ce format suggère que le sujet est traité intégralement : dans le psaume 119, c’est la parole de l’Éternel. Le poème de Proverbes 31, quant à lui, aborde de manière exhaustive la sagesse en action, dans la vie d’une épouse.

Ce poème est le bouquet final des Proverbes pour bien des raisons, notamment pour sa complexité et son excellence poétiques. Il serait vraiment dommage de l’extraire de son contexte en tant que dernière œuvre poétique de ce magnifique livre de sagesse. Les Proverbes nous guident vers la sagesse au moyen de paroles habilement composées, tant dans les sections plus fluides de Proverbes 1 à 9 que dans les pépites de petits proverbes condensés auxquelles ces premiers chapitres nous avaient préparés. Le poème du chapitre 31 est un peu comme les octaves et les arpèges qui concluent une symphonie : les thèmes résonnent une dernière fois, accompagnés de motifs grandioses, donnant ainsi un final qui fait honneur à l’ensemble de l’œuvre d’art.

Qui est cette femme ?

Avant de répondre à cette question, prenons le temps d’observer le poème. Tout d’abord, la femme de Proverbes 31 est une femme bien réelle. Les Proverbes ont développé deux catégories de figures féminines. Dans les chapitres 1 à 9, les personnifications féminines de la sagesse et de la folie illustrent les deux voies qui mènent soit à la vie, soit à la mort. Tout au long du livre, des femmes de la vie réelle apparaissent : la femme adultère (parfois appelée « femme étrangère »), la mère, des épouses sages, des épouses folles, etc. La femme de Proverbes 31 appartient à un foyer, à une famille et elle exerce une profession ; nous n’avons aucune raison convaincante de la considérer comme une représentation de la sagesse plutôt que comme une vraie femme qui vit la sagesse dans sa vie quotidienne.

Notre deuxième observation, en tenant compte du reste du livre, est que cette femme est le portrait, selon les Proverbes, de l’épouse qu’un homme devrait rechercher. Le point de vue des Proverbes a toujours été celui d’un fils recevant les instructions de sagesse de son père ou de quelqu’un d’avisé, y compris sur la question des femmes à suivre ou à fuir. Le prologue nous fait comprendre que nous pouvons tous apprendre de cette sagesse. En tant que lecteurs, nous avons partagé le point de vue du fils, car nous devons tous apprendre à nous détourner de la folie et à suivre le chemin de la sagesse. Dans cette perspective, Proverbes 31 ne s’adresse pas uniquement aux femmes pour leur apprendre à devenir de bonnes épouses ; il interpelle aussi les hommes, et chacun d’entre nous, pour nous enseigner ce que nous devons rechercher. Sans aucun doute, les épouses peuvent et doivent apprendre de ce poème. Mais elles ne sont pas les principales destinataires. Nous y reviendrons.

Troisièmement, la femme de Proverbes 31 montre la sagesse en action. Ce poème porte à son apogée l’enseignement des Proverbes sur la sagesse. Lorsque nous lisons les versets 10 et 11, par exemple, nous entendons les versets 3.13-15. Les parallèles sont frappants : l’objectif dans les deux passages est de « trouver » (31.10 et 3.13) cette femme ou cette sagesse, qui est « plus précieuse que les perles » (31.10 et 3.15). Le « bénéfice qu’elle procure » (3.14) est repris au verset 31.11, où le mari est « au bénéfice » de sa femme.

Veillons à ne jamais sortir ce poème du contexte du livre de sagesse qu’il conclut. Nous sommes censés établir ces liens évidents avec les chapitres précédents (et nous en trouverons d’autres encore). Ce poème offre un magnifique tableau vivant de la même sagesse que nous avons appris à connaître depuis le début. Afin de comprendre ce portrait, nous devons y introduire tout ce que le livre nous a enseigné, en commençant par la crainte de l’Éternel telle qu’elle a été présentée, de plus en plus clairement révélée, puis finalement incarnée dans ce poème.

Comprendre la forme

De par sa nature, un poème acrostiche a tendance à passer d’une idée à une autre plutôt que d’avoir un développement logique évident. Les acrostiches ressemblent à des puzzles composés de nombreuses pièces, un peu comme le livre des Proverbes lui-même. Dans celui-ci, on peut néanmoins repérer des sections distinctes. L’introduction (v. 10-12) présente la femme de valeur, le corps du poème (v. 13-27) la montre en action, et enfin, la conclusion (v. 28-31) prend un peu de recul et laisse entendre les louanges qui résonnent autour d’elle.

Certains éléments permettent d’identifier la structure du poème : le mot « valeur » apparaît au verset 10, puis au verset 29 en conclusion du poème. Le mari joue également un rôle-clé dans la structure du poème, puisqu’il apparaît au début (v. 11-12), au milieu (v. 23) et à la fin (v. 28-29). La femme est présentée en relation avec son mari, c’est dans ce cadre qu’elle trouve sa place et qu’elle s’épanouit.

Les Proverbes nous ont montré des choses « convenables » et « non convenables ». Dans le chapitre 30, nous avons observé avec Agur les aigles, les serpents et les bateaux, ainsi que les hommes et les femmes. Leurs voies étaient belles car ils occupaient la place qui leur était attribuée, évoluant gracieusement à l’intérieur de leur cadre (30.18-20). Nous avons aussi vu de petites choses sages qui accomplissaient des exploits étonnants, arrivant même jusque dans les palais. La femme du chapitre 31 en est un exemple, elle accomplit des exploits étonnants en vivant la sagesse dans son rôle d’épouse. Et ainsi, tous ceux qui entourent cette femme célèbrent en chœur sa valeur.

La structure du corps principal du poème est moins apparente. Ces vers rappellent la nature kaléidoscopique du prologue car il n’y a pas de division précise : par exemple, les catégories « à la maison » et « à l’extérieur » se chevauchent sans cesse. Les relations familiales et communautaires se mêlent constamment, comme c’est le cas dans le reste du livre et dans la vraie vie.

La relation fondamentale de cette femme avec l’Éternel n’est mentionnée qu’à la fin du poème (31.30). Cette ultime mention de la crainte de l’Éternel constitue une conclusion, non pas pour ce poème, mais plutôt pour l’ensemble du livre. La crainte de l’Éternel a été présentée comme le fondement de la sagesse (1.7), elle a délimité la première section du livre (9.10), elle a servi de fil conducteur pour relier les proverbes entre eux (par exemple, dans 15.33 à 16.9), et maintenant la crainte de l’Éternel rassemble le livre entier (31.30). Malgré son tourbillon de versets, les Proverbes sont une œuvre littéraire dont la forme est remarquablement cohérente. La crainte de l’Éternel en est le ciment.

Ce poème fort rend hommage à une femme forte, et la structure même du poème reflète sa force. La forme acrostiche crée des blocs solides qui donnent une structure claire et robuste. Les principales sections du poème enveloppent en toute sécurité cette femme dans les relations de sa vie, toutes à leur place, même lorsqu’elles se développent sous nos yeux.

Après avoir observé le contexte et la poésie qui nous amènent à cette femme, nous sommes maintenant prêts à mieux la connaître.

Une Eshet Hayil

Les mots hébreux désignant la femme présentée au verset 10a (eshet hayil) ont été traduits par « femme de valeur » (S21, COL, BDS), « femme vertueuse » (LSG, NEG), ou encore « femme vaillante20 » et « femme noble21 ». Les termes « vaillante » et « noble » renvoient à la force de ce verset et de ce poème (comme nous l’avons vu). On peut même y relever des connotations militaires. Par exemple, Longman traduit le « bénéfice » du verset 11 par « butin », dans le sens technique de butin de guerre22. Cette femme porte littéralement « la force en guise de ceinture », et ses bras sont robustes (v. 17).

Cette description de la sagesse qui se vit avec une force vaillante correspond à ce que nous en avons vu tout au long du livre. Les Proverbes ne présentent jamais la sagesse comme une qualité abstraite, vaporeuse, ou comme un sujet académique et déconnecté des épreuves de la vie. Non, dès le début, la sagesse apparaît dans les rues et sur la place du marché, sans crainte d’interpeller les fous en public, en criant pour que les gens écoutent. La sagesse n’est pas représentée comme étant assise tranquillement mais comme construisant une maison : elle taille ses colonnes, abat son bétail et mélange son vin (9.1-2). La sagesse était le « maître d’œuvre » de la création (8.30) ! La sagesse est forte, au sens le plus concret du terme.

Dans certains manuscrits hébreux de l’Ancien Testament, le livre de Ruth suit le livre des Proverbes. Le poème de Proverbes 31 conduirait donc directement à un véritable exemple historique d’une eshet hayil. À un moment décisif de l’histoire de Ruth, celleci est bénie par Boaz, qui lui dit que toute la ville sait qu’elle est une « eshet hayil » (Ruth 3.11). Ruth, qui est veuve, s’est occupée fidèlement de sa belle-mère Naomi, laissant derrière elle son pays de Moab pour revenir avec Naomi à Bethléem, et déclarant son allégeance à l’Éternel, le Dieu d’Israël (Ruth 1.16). À Bethléem, Ruth a travaillé humblement et durement dans les champs de Boaz, glanant l’orge du matin au soir (Ruth 2). Voilà une eshet hayil particulièrement forte !

Même si Ruth reflète les vérités de l’eshet hayil de Proverbes 31, ses forces se manifestent de manière très différente. Ruth est une veuve pauvre sans enfants, et non une femme aisée avec un mari et des enfants comme la femme de Proverbes 31. Il est essentiel de s’en souvenir lorsque nous nous inspirons de ce poème pour faire face aux différents contextes pratiques de nos vies avec la force de la sagesse.

Réfléchir pour agir

  1. De quelles manières les paroles du roi Lemuel vous parlent-elles aujourd’hui ?
  2. Pourquoi trouvez-vous utile de considérer le poème de Proverbes 31 comme la conclusion de tout le livre ?
  3. Une « femme forte » peut signifier beaucoup de choses différentes ! Comment caractériseriez-vous la force de cette femme de valeur ?

Quel genre de travail ?

Cinq observations concernant la femme de Proverbes 31 nous  permettront de comprendre que ce portrait de la sagesse s’adresse non seulement à ceux qui sont mariés ou qui envisagent de se marier, mais aussi à nous tous, êtres humains, qui entendons l’appel de la sagesse.

Les trois premières observations concernent le travail de cette femme. Premièrement, elle travaille dur. Elle est tout le contraire du paresseux. La thématique du livre sur le travail et ses récompenses (par opposition à la paresse et ses récompenses) se termine avec la description de cette femme. C’est un portrait en action où les versets s’enchaînent pour illustrer la productivité de cette femme : elle fabrique des habits et des tissus de qualité (v. 13, 19, 22, 24) ; elle se procure et prépare la nourriture pour sa famille (v. 14, 15) ; elle achète des biens et plante des vignes (v. 16) ; elle vend des vêtements (v. 24) ; elle instruit les autres (v. 26). Le verset 27 résume parfaitement son activité :

Elle veille à la bonne marche de sa maison, elle ne mange pas le pain de la paresse.

Bel euphémisme ! Et en plus de tout cela, elle se lève avant l’aube pour préparer les repas (v. 15) et « sa lampe ne s’éteint pas pendant la nuit » (v. 18b), ce qui peut vouloir dire qu’elle se couche tard pour travailler ou bien qu’elle a prévu suffisamment d’huile pour que sa lampe reste allumée.

Deuxièmement, la femme de Proverbes 31 travaille volontiers pour servir ceux qui l’entourent : elle « travaille d’une main joyeuse » (v. 13b). Connaissez-vous de telles personnes, qui vous font sentir qu’elles sont heureuses de vous servir ? Je suis sûre que c’était le cas de Ruth pour Naomi. Moi-même, j’ai des fils et des belles-filles qui me donnent ce sentiment : ils sont volontaires pour nettoyer après un repas et ils le font, me semble-t-il, avec des mains joyeuses.

La femme de Proverbes 31 ne travaille pas seulement pour son propre succès et son propre bien. Son foyer est mentionné trois fois (v. 15, 21, 27), et la personne dont elle est la plus proche est son mari. La structure fermée de ce poème (avec le mari au début, au milieu et à la fin) montre que tout le travail de cette femme s’inscrit dans le contexte de son couple et vise à lui faire sans cesse « du bien, et non du mal tous les jours de sa vie » (v. 12). Cette femme vit pleinement son rôle d’épouse. Si vous êtes marié(e), votre conjoint(e) est la personne la plus importante pour vous, celle dont vous êtes le plus proche ; vous ne faites plus qu’un avec cette personne, comme Dieu l’a déclaré dès la création (Genèse 2.24). Dans les chapitres précédents, nous avons discuté de la centralité du mariage dans l’enseignement de la sagesse, du péché d’adultère qui rompt l’alliance du mariage, et de l’enseignement de l’Écriture qui révèle progressivement que le mariage est une image qui représente Christ et son Église.

Lorsque la femme de valeur choisit de vivre pleinement sa qualité d’épouse, alors elle vit aussi pleinement son rôle dans le beau projet de notre créateur et elle se met au travail dans le cadre qui est le sien, en tant qu’épouse. Nous verrons que son activité dépasse largement son cercle familial, mais qu’elle est toujours liée à sa relation avec son mari. Il est présent au centre de son poème, assis parmi les anciens du pays (v. 23). Elle le soutient par tout son travail, lequel est salué non seulement par son époux mais aussi jusqu’aux « portes de la ville » (v. 31).

Troisièmement, cette femme produit des choses dans son travail. Elle ne s’acharne pas à faire les mêmes choses encore et encore sans réfléchir. Son esprit travaille également : elle ne se contente pas d’acheter un champ, mais elle y « pense » puis l’achète (v. 16). Elle tire de l’argent de la vente et c’est sans doute ce « fruit » qui lui permet de planter la vigne. Au verset 18, elle « constate que ce qu’elle gagne est bon ». Cela signifie qu’elle évalue ses dons, leur valeur n’est pas uniquement financière, mais bel et bien financière tout de même ! Par son travail, cette femme crée de nouvelles choses. Elle imite le Dieu créateur qui a fait le monde et nous a créés à son image pour être à notre tour de petits créateurs dans la gestion de sa création.

Nous avons déjà remarqué que la femme de ce poème confectionne des vêtements et des tissus. Le verset 19 décrit ses mains à l’œuvre, alors qu’elle est en train de filer sa laine et de tisser des habits. L’image est celle d’une femme qui interagit de manière créative avec l’œuvre de Dieu. Le verset 14 suggère peut-être une curiosité pour l’exploration de la création, la comparant à « un navire marchand » car « elle rapporte sa nourriture de loin ». Peutêtre que ses différents projets la conduisent à explorer de nouveaux marchés, où elle trouve des aliments intéressants à rapporter à la maison. Et peut-être qu’elle aime élaborer de nouveaux menus de temps en temps !

Nous, les êtres humains, sommes faits pour travailler dur et fabriquer des choses. Cela ne se limite pas forcément aux textiles ou à la cuisine. On peut créer avec des mots, des fleurs ou des plantes, de la peinture, de la musique, et même avec une forme de technologie ou de science… Les possibilités sont infinies ! La femme de Proverbes 31 incarne le défi de l’ensemble du livre des Proverbes, qui est de voir l’action transformatrice de la sagesse lorsqu’elle envahit tous les domaines de notre vie, dans ses moindres recoins. Les multiples apparitions du paresseux nous mettent en garde contre la tentation de rester dans notre zone de confort, sans prendre de risques ou sans trop se fatiguer. Les Proverbes affirment que travailler dur, c’est-à-dire de manière volontaire, serviable et créative, rendra gloire à notre créateur et fera le plus grand bien à tous ceux qui nous entourent.

Le tableau de tout ce travail peut néanmoins paraître épuisant, voire irréaliste ! Dans un sens, c’est vrai. Il est peu probable que nous rencontrions la femme de Proverbes 31 en train de faire tout ce qui est énuméré dans ce poème. Récemment, j’ai assisté à plusieurs funérailles de chrétiennes fidèles, et en lisant chacune de leur nécrologie, j’ai pensé : « Ouah ! Je ne savais pas que cette femme faisait toutes ces choses ! » De tels condensés de vies entières de travail fidèle sont vraiment impressionnants, alors que je n’ai connu ces femmes qu’à certaines étapes ou seulement à certains moments de leurs vies. Ces résumés ne racontent pas tous les moments de loisirs, de repos, les temps de maladie, d’incapacité ou d’échec. Ils énumèrent principalement les divers engagements, relations et réalisations. Les nécrologies de ces femmes ne sont pas extraordinaires, ce n’étaient pas des femmes célèbres ou fortunées. Mais leurs vies ont été remplies de travail pour l’Éternel, de multiples manières, comme nos vies devraient l’être. Ces femmes m’ont encouragée, tout comme la femme de Proverbes 31 devrait nous encourager tous. Voilà une sagesse vécue que nous devrions rechercher.

Une relation au cœur des relations

La quatrième observation concernant la femme de Proverbes 31 est qu’elle prend soin des malheureux. Elle est généreuse. Juste après avoir assisté au travail de ses mains sur la laine, nous voyons à nouveau ses mains :

Elle ouvre ses bras au malheureux, elle tend la main au pauvre.
Proverbes 31.20

Nous avons observé comment les thèmes de la justice et de la générosité envers les plus démunis reviennent avec une insistance grandissante au cours des Proverbes. Plus tôt dans ce chapitre, nous avons entendu l’appel final adressé au roi pour défendre le malheureux et le pauvre (v. 9). C’est ce que fait cette femme : elle ne se contente pas de tendre la main pour donner, mais elle ouvre ses bras, au pluriel (v. 20), peut-être pour donner davantage, ou peutêtre pour relever une personne dans le besoin, la prendre dans ses bras et la réconforter.

Cette femme subvient aux besoins de sa famille proche, mais aussi régulièrement aux besoins d’autres personnes, y compris ses « servantes », c’est-à-dire ses employés. Sa famille est manifestement aisée, mais elle n’est pas avare. Ils ont bien compris la vérité selon laquelle opprimer un pauvre, c’est insulter son créateur, mais « faire grâce au pauvre, c’est l’honorer » (14.31 ; voir aussi 19.17).

Proverbes 14.31 et 19.17 rappellent que toutes ces actions découlent d’un cœur en particulier. Voici notre cinquième et dernière observation : la femme de Proverbes 31 craint l’Éternel. Sa relation avec son créateur, l’Éternel Dieu, est bien plus importante que toutes ses relations humaines.

Le premier signe de sa relation avec l’Éternel se trouve au verset 26, où il est question de sa langue. Après les très nombreux proverbes que nous avons lus sur la parole, voici le seul verset de ce poème qui aborde le sujet, illustrant peut-être la maîtrise de la parole conseillée par tous les proverbes précédents. Cette femme est davantage caractérisée par ses actions que par de nombreuses paroles (voir 20.6).

Cependant, lorsqu’elle parle, la sagesse se manifeste, et « un enseignement plein de bonté est sur sa langue » (31.26). Le mot « enseignement » vient de l’hébreu torah, ou « loi », et le mot « bonté » de l’hébreu hesed, souvent traduit par « bienveillance » ou « amour inébranlable », comme l’amour indéfectible que l’Éternel porte à son peuple. Sur la langue de cette femme, on trouve la parole et l’amour de Dieu lui-même. « L’homme au cœur sage fait bon accueil aux commandements » (10.8a). Elle a manifestement assimilé cette parole qui jaillit de son cœur jusque dans ses mots, rendant son sage enseignement comme une « source de vie » pour ceux qui l’entourent (13.14).

D’où lui vient toute cette sagesse ? Elle craint l’Éternel (31.30). Le poème évoque d’autres types de craintes, au verset 21 par exemple : « Elle ne redoute pas la neige pour sa famille, car chacun y est habillé de cramoisi ». Cette femme ne nourrit pas la moindre crainte pour la sécurité et le bien-être de ses proches, car elle leur a confectionné des vêtements de cramoisi (ce qui signifie, soit des vêtements de grande qualité, soit des vêtements avec double épaisseur, qui tiennent bien chaud).

Faut-il regarder les vêtements dont il est fait mention au sens littéral ou de manière symbolique ? Nous pourrions répondre « symbolique » lorsque nous lisons au verset 25 que « la force et l’honneur, voilà ce qui l’habille ». En effet, ce verset présente clairement ces nobles qualités comme un vêtement métaphorique qui la pare et la protège. Les beaux vêtements bien chauds de la famille font-ils aussi partie de l’image, symbolisant peut-être la sécurité de la protection de la sagesse ? Les vêtements de fin lin et de pourpre de la femme sont-ils mentionnés pour illustrer sa dignité royale et sa force ? Oui et non ! Dans les vers qui ne sont pas directement métaphoriques, ce sont de vrais vêtements que le poète décrit. Toutefois, le sentiment généré par tous ces beaux habits dépasse largement le sens littéral. Ils donnent une impression de richesse et de sécurité qui renvoie à la richesse et la sécurité spirituelles de la sagesse : celles que l’on peut trouver dans les foyers les plus pauvres et les plus simples où l’on ne redoute rien, mais où l’on craint l’Éternel.

La joyeuse sécurité que l’on trouve en l’Éternel est merveilleusement exprimée lorsque cette femme « rit en pensant à l’avenir ». Cette femme vit en relation avec l’Éternel : elle le craint et suit sa parole. Elle a donc confiance en l’avenir, sachant que son espérance ne sera jamais « brisée » (23.18). Cela ne veut pas dire qu’elle pense que rien de mal n’arrivera, mais elle sait que si le juste tombe sept fois, il se relève (24.16). Elle marche sur le sentier des justes, un chemin dont l’éclat grandit de l’aube jusqu’au milieu du jour (4.18). Son regard se porte sur un trésor qui ne disparaîtra pas. Elle a trouvé le commencement de la sagesse et la suit jusqu’au bout :

La grâce est trompeuse et la beauté est illusoire ; c’est de la femme qui craint l’Éternel qu’on chantera les louanges.
Proverbes 31.30-31

Conclusion : la louange !

Le poème de Proverbes 31 se termine par des louanges (v. 28, 30, 31). Les louanges que reçoit cette femme proviennent indirectement de ses enfants, mais aussi directement de son mari, dont les mots font écho au premier vers du poème et qui lui dit que sa valeur est supérieure à celle de toutes les autres femmes (v. 29) ! Ce n’est pas elle qui met en avant ses réalisations, mais les personnes qui l’entourent. Cela correspond tout à fait à l’accent mis par Agur (et par l’ensemble du livre) sur l’humilité de la sagesse.

Le poème s’élargit à la fin : après les louanges de sa famille proche, les œuvres de cette femme sont proclamées jusqu’aux portes de la ville (v. 31). C’est là que nous avons rencontré pour la première fois la sagesse : criant dans les rues, sur les places, à l’entrée des endroits bruyants et « aux portes de la ville » (1.20-21). La boucle est bouclée ! Seulement, nous ne finissons pas sur la personnification de la sagesse qui crie, mais sur la vie bien réelle d’une femme pleine de sagesse qui appelle à la louange. Cherchez et honorez cette eshet hayil pour vivre avec elle comme votre épouse, disent les Proverbes aux jeunes hommes. Recherchez cette vie de sagesse, disent les Proverbes à chacun d’entre nous.

Lorsque j’enseigne sur Proverbes 31, la plupart du temps quelqu’un me demande si ce portrait d’une épouse ne ferait pas allusion aux croyants en tant qu’épouse du Christ. Ma première réponse est toujours de mettre en garde contre ce genre de raccourci. Je conseille plutôt de considérer le texte dans son contexte immédiat, c’est-à-dire comme parlant d’une épouse et d’une vie de sagesse, comme nous l’avons compris. Cependant, nous ne pouvons évidemment pas terminer le livre des Proverbes sans reconnaître à nouveau, comme nous l’avons fait tout au long du texte, que la plénitude de la sagesse nous a finalement été révélée en Christ, notre Sauveur. Il est notre sagesse venue de Dieu (1 Corinthiens 1.24).

Chaque fois que nous, croyants du Nouveau Testament, parlons de « la crainte de l’Éternel », nous avons une meilleure compréhension du sens de ces mots qu’on ne l’avait à l’époque de l’Ancien Testament. En effet, nous avons vu dans le Seigneur Jésus-Christ l’accomplissement de toutes les promesses de Yahweh à son peuple. Lorsque nous voyons l’importance que les Proverbes accordent aux relations, avant tout à notre relation avec l’Éternel, prenons le temps de louer Dieu pour le salut pleinement accompli qui rend cette relation possible, par son Fils. Lorsque nous lisons ce que les Proverbes disent du roi juste, nos pensées devraient se tourner vers le roi Jésus qui est venu manifester cette justice et nous l’offrir, en portant notre péché à notre place, sur la croix.

La vie de sagesse présentée dans les Proverbes est en définitive une vie vécue en Christ : sa parole et son Esprit éclairent toutes les expériences de notre vie quotidienne. Le pasteur Ray Ortlund écrit que « la sagesse est la grâce du Christ embellissant notre vie quotidienne23 ».

Nous ne vivons pas en Christ simplement en tant qu’individus mais en tant que son corps, l’Église, son épouse (Éphésiens 5.22-33 ; Apocalypse 19.6-9). Même si les auteurs des Proverbes ne connaissaient pas l’histoire de la rédemption dans son intégralité, c’est une épouse qu’ils ont choisie comme le portrait final de la sagesse vécue. De très belles résonances apparaissent lorsque nous lisons Proverbes 31 à la lumière de l’Évangile, nous montrant cette épouse en action. Nous, les croyants, avons la grâce de vivre ce grand appel non pas individuellement, mais tous ensemble, en unissant nos dons et notre travail dévoué pour la gloire de celui qui a donné sa vie pour nous racheter. Je dis tout cela avec prudence, sans oublier la première mise en garde contre toute précipitation dans l’interprétation de ce poème.

Que ce livre de sagesse puisse contribuer à éclairer notre chemin à la suite du Christ, en tant que son peuple. Que le Christ lui-même éclaire le sens de ces paroles de sagesse inspirées par Dieu. Que nos cœurs soient remplis de louanges à l’Éternel pour la profondeur de sa richesse, de sa sagesse et de sa connaissance (Romains 11.33), qui nous ont été révélées en Christ. Puissions-nous attendre avec assurance la grande célébration autour du trône céleste de l’Agneau :

Amen ! La louange, la gloire, la sagesse, la reconnaissance, l’honneur, la puissance et la force sont à notre Dieu, aux siècles des siècles ! Amen !
Apocalypse 7.12

Réfléchir pour agir

  1. Quels aspects du travail de cette femme de valeur vous semblent les plus difficiles, et pourquoi ?
  2. Est-ce que vous riez en pensant à l’avenir ? Qu’est-ce que cela signifie ? (Voir aussi Psaumes 112.7).
  3. Avec vos propres mots, comment pourriez-vous résumer la manière dont ce livre vous conduit vers l’Évangile de Jésus-Christ ?

Notes

  1. Voir Lindsay Wilson, Proverbs : An Introduction and Commentary [Les Proverbes : introduction et commentaire], Downers Grove : IVP, 2018, page 4.
  2. Derek Kidner, The Wisdom of Proverbs, Job, and Ecclesiastes, Leicester : IVP Academic, 1985, p. 11 (trad. libre).
  3. Derek Kidner, Le sage et l’insensé : la vie quotidienne dans la pensée des Proverbes, Pontault-Combault : Farel, 2000, p. 32.
  4. Bruce K. Waltke, The Book of Proverbs : chapters 1 – 15 [Le livre des Proverbes : chapitres 1-15], Grand Rapids : Eerdmans Publishing Co., 2004, p. 83 (trad. libre).
  5. Ces divisions correspondent à celles de la Bible d’étude ESV ; voir aussi Lindsay Wilson, Proverbs : An Introduction and Commentary [Les Proverbes : introduction et commentaire], cit., p. 12.
  6. Bruce K. Waltke, The Book of Proverbs : chapters 15 – 31 [Le livre des Proverbes : chapitres 1-15], Grand Rapids : Eerdmans Publishing Co., 2005, p. 256 (trad. libre).
  7. Lindsay Wilson, Proverbs : An Introduction and Commentary [Les Proverbes : introduction et commentaire], Downers Grove : IVP, 2018, p. 79 (trad. libre).
  8. Leland Ryken, Words of Delight : a literary introduction to the Bible, Grand Rapids : Baker Book House, 2003, page 315 (trad. libre).
  9. S. Lewis, Réflexions sur les Psaumes, Tharaux : Éditions Empreinte temps présent, 2020, p. 12.
  10. Lindsay Wilson, Proverbs : An Introduction and Commentary [Les Proverbes : introduction et commentaire], cit., p. 22 (trad. libre).
  11. Derek Kidner, Le sage et l’insensé : la vie quotidienne dans la pensée des Proverbes, Pontault-Combault : Farel, 2000, p. 129.
  12. Wayne Grudem, ESV Study Bible [Bible d’étude ESV], Wheaton : Crossway, 2008, note sur le verset 20.3.
  13. Lindsay Wilson, Proverbs : An Introduction and Commentary [Les Proverbes : introduction et commentaire], Downers Grove : IVP, 2018, p. 4.
  14. Bruce K. Waltke, The Book of Proverbs : chapters 15 – 31 [Le livre des Proverbes : chapitres 15-31], cit., p. 221.
  15. Tremper Longman III, Proverbs [Les Proverbes], Grand Rapids : Baker Book House, 2006, p. 415.
  16. Bruce K. Waltke, The Book of Proverbs : chapters 15 – 31 [Le livre des Proverbes : chapitres 15-31], Grand Rapids : Eerdmans Publishing Co., 2005, p. 311.
  17. Tremper Longman III, Proverbs [Les Proverbes], cit., p. 521.
  18. Graeme Goldsworthy, Proverbs : The Tree of Life [Le livre des Proverbes : l’arbre de vie], Sydney South : Aquila Press, 1993, Loc 2507 de 2736 dans l’édition Kindle.
  19. Bruce K. Waltke, The Book of Proverbs : chapters 15 – 31 [Le livre des Proverbes : chapitres 15-31], Grand Rapids : Eerdmans Publishing Co., 2005, p. 482.
  20. Bruce K. Waltke, The Book of Proverbs : chapters 15 – 31 [Le livre des Proverbes : chapitres 15-31], cit., p. 510 (trad. libre).
  21. Tremper Longman III, Proverbs [Les Proverbes], cit., p. 535 (trad. libre).
  22. Tremper Longman III, Proverbs [Les Proverbes], cit., p. 542543 (trad. libre).
  23. Ray Ortlund, Proverbs : Wisdom that Works [Les Proverbes : la sagesse à l’œuvre], Wheaton : Crossway 2012, p. 17 (trad. libre).

Droits & autorisations

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Proverbes 1

SEGOND 21

A propos de la sagesse 1.1–9.18

Objectif de l’auteur

1 Proverbes de Salomon, fils de David, roi d’Israël, 2pour connaître la sagesse et l’instruction, pour comprendre les paroles de l’intelligence, 3pour recevoir des leçons de bon sens, de justice, d’équité et de droiture, 4pour donner du discernement à ceux qui manquent d’expérience, de la connaissance et de la réflexion aux jeunes.

5Que le sage écoute, et il augmentera son savoir! Celui qui est intelligent gagnera en habileté 6pour comprendre les proverbes et les paraboles, les paroles des sages et leurs énigmes.

7La connaissance commence par la crainte de l’Eternel. Il faut être fou pour mépriser la sagesse et l’instruction. 8Mon fils, écoute l’instruction de ton père et ne rejette pas l’enseignement de ta mère! 9En effet, ce sera une couronne de grâce pour ta tête et un collier pour ton cou.

Les mauvaises compagnies

10Mon fils, si des pécheurs veulent t’entraîner, ne cède pas! 11Peut-être te diront-ils: «Viens avec nous! Dressons des embuscades pour verser du sang, tendons sans raison un piège aux innocents! 12Engloutissons-les vivants, comme le séjour des morts! Oui, engloutissons-les tout entiers comme ceux qui descendent dans la tombe! 13Nous trouverons toutes sortes de biens précieux et nous remplirons nos maisons de butin. 14Tu auras ta part avec nous, il n’y aura qu’une bourse pour nous tous!» 15Mon fils, ne te mets pas en chemin avec eux, écarte ton pied de leur sentier! 16En effet, leurs pieds courent au mal et ils sont pressés de verser le sang. 17Or, il ne sert à rien de poser un piège sous les yeux de tout ce qui peut voler. 18Eux, c’est contre leur propre vie qu’ils dressent des embuscades, c’est à eux-mêmes qu’ils tendent un piège. 19Tel est le sentier de tout homme assoiffé de profit: le gain malhonnête cause la perte de son propriétaire.

La sagesse appelle

20La sagesse crie dans les rues, elle parle tout haut sur les places, 21elle appelle à l’entrée des endroits bruyants. Aux portes, dans la ville, elle fait entendre ses paroles: 22«Jusqu’à quand, vous qui manquez d’expérience, aimerez-vous la naïveté? Jusqu’à quand les moqueurs trouveront-ils leur plaisir dans la moquerie et les hommes stupides détesteront-ils la connaissance? 23Revenez pour écouter mes reproches! Je veux déverser mon Esprit sur vous, je veux vous faire connaître mes paroles.

24»Puisque j’appelle et que vous résistez, puisque je tends la main et que personne n’y prête attention, 25puisque vous négligez tous mes conseils et n’acceptez pas mes reproches, 26moi aussi je rirai quand vous serez dans le malheur, je me moquerai quand la terreur fondra sur vous, 27quand la terreur fondra sur vous comme une tempête et que le malheur vous enveloppera comme un tourbillon, quand la détresse et l’angoisse s’empareront de vous.

28»Alors ils m’appelleront et je ne répondrai pas, ils me chercheront et ils ne me trouveront pas. 29Parce qu’ils ont détesté la connaissance et n’ont pas choisi la crainte de l’Eternel, 30parce qu’ils n’ont pas accepté mes conseils et ont méprisé tous mes reproches, 31ils se nourriront du fruit de leur conduite et ils se rassasieront de leurs propres conseils. 32En effet, l’égarement de ceux qui manquent d’expérience les tue et l’insouciance des hommes stupides provoque leur perte. 33En revanche, celui qui m’écoute habitera en sécurité. Il vivra tranquille et n’aura à redouter aucun mal.»

 Société Biblique de Genève, éd. (2007). La Bible Segond 21 (Pr).

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