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Un voyage dans les montagnes Rocheuses de l’Ouest canadien m’a amené au col Vermilion, un site unique qui sépare deux parcs nationaux et deux provinces. Il sépare également deux bassins hydrographiques, car il se trouve sur la ligne continentale de partage des eaux. D’un côté de ce col, toutes les eaux coulent vers l’ouest et finissent par se jeter dans le vaste Pacifique; de l’autre côté, toutes les eaux coulent vers l’est et finissent par se jeter dans le froid de l’Atlantique. Des deux côtés, on trouve d’innombrables sources, d’innombrables fontes de neige, d’innombrables glaciers, chacun étant la source d’un ruisseau, d’une rivière ou d’un fleuve qui finit par rejoindre d’autres cours d’eau et se frayer un chemin vers l’un de ces deux grands océans.

Au cours des quelques décennies de ma vie chrétienne, on m’a parlé de nombreuses doctrines, de nombreuses convictions et de nombreux mouvements qui, sur le plan théologique, ressemblent à une ligne continentale de partage des eaux. D’un côté, il y a les fidèles et de l’autre les infidèles. D’un côté, il y a l’Église droite et, de l’autre, l’Église en perdition. D’un côté, il y a le reste qui demeure fidèle à Dieu, et, de l’autre, la multitude qui s’écroule à force de compromis. L’enjeu ici est que si nous ne saisissons pas tout à fait un concept de la même manière, cela revient à nous positionner du côté du malin et à se voir éventuellement emportés par la marée de l’iniquité. Et ce n’est pas tout: nous devrions aussi nous éloigner rapidement de ceux qui vont dans la direction inverse.

Je suis de plus en plus sceptique face à de tels clivages. Bien que beaucoup prétendent qu’une question, ou une autre, soit si importante qu’elle doive être à la base de la division, qu’elle marque le point de rupture de la fraternité, j’ai mes doutes. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a rien de vrai et rien de faux. Cela ne veut pas dire que nous devrions vivre dans une sorte de relativisme théologique ou nous contenter d’un entre-deux boiteux. Mais il faut dire que de nombreuses personnes ont un intérêt personnel à faire de telles affirmations. Ce sont ces affirmations, autant que leurs auteurs, qui rendent le scepticisme nécessaire.

Les brutes abondent. L’hyperbole vend. L’exagération suscite l’attention. L’alarmisme est une tactique bien démontrée. Si personne n’est intéressé à acheter un livre ou à assister à une conférence traitant du troisième enjeu le plus urgent de notre époque, nombreux sont ceux qui investiront du temps et de l’argent dans une conférence traitant de l’enjeu qui définira l’ère actuelle. Aucun segment Q&R de conférence n’a jamais porté sur des éléments qui sont parfaitement établis et acceptés par tous les chrétiens, tandis que plusieurs se concentrent sur des éléments marquant le désaccord et la division. Un blog consacré au discernement – qui dénonce et accuse des ministères d’enseigner de fausses doctrines – a toutes les chances de gravir les échelons beaucoup plus rapidement qu’un blog consacré à l’encouragement. De nombreux podcasteurs et YouTubers se sont forgé une carrière en affirmant que telle position, puis telle autre, est celle sur la base de laquelle il faut diviser le petit nombre du grand nombre, séparer les vrais des faux. Même si certains d’entre eux peuvent avoir parfois raison, la majeure partie d’entre eux se trompent la plupart du temps.

De temps à autre, une nouvelle problématique émerge et requiert un examen minutieux et une réflexion approfondie. Certaines questions sont si impératives qu’il est justifié que les chrétiens se réunissent pour en discuter et se mettre d’accord sur ce qui est vrai et ce qui est faux. Mais la plupart des vraies questions de «ligne continentale de partage des eaux» ont été réglées depuis longtemps. Nous faisons donc bien de nous ancrer dans la longue histoire de l’Église chrétienne, de ses credo et de ses confessions. La plupart des positions théologiques qui doivent nous diviser ont déjà été déterminées il y a longtemps et ont fait l’objet d’un accord entre des siècles de croyants. La plupart des autres questions exigent de la patience, du temps et de la persuasion plutôt que de la précipitation, de la censure et de la séparation.

En attendant, la grande question aujourd’hui est de savoir si le peuple de Dieu sera saint et uni: dirons-nous la vérité avec amour, et aimerons-nous conformément à la vérité? Il s’agit de savoir si nous serons conduits par l’Esprit à travers la Parole ou si nous serons conduits par des individus au caractère mal affermi à travers les médias numériques. Nombreux sont ceux qui créeront de nouvelles divisions ou aggraveront celles qui existent déjà au nom du Christ, mais qui agiront plutôt pour leur propre bien en s’enrichissant ou étendant leur influence. Trop de programmes d’églises sont établis par des personnes qui suivent le dessein du diable – son agenda pour instaurer le chaos, la division et la séparation.

Le grand génie de Satan a toujours été de placer ses agents au sein de l’Église. Alors que nous gardons un œil vigilant sur le monde et la culture, ils parviennent souvent à ravager les croyants dans notre dos. L’avertissement de Paul aux anciens d’Éphèse devrait nous faire réfléchir et renforcer notre vigilance: «Il s’élèvera du milieu de vous des hommes qui enseigneront des choses tortueuses, pour entraîner les disciples après eux» (Actes 20.30). Je vous demande, pour votre bien-être spirituel, pour l’unité de l’Église du Christ et pour donner le meilleur de nous-mêmes à la mission que le Christ nous a confiée, de vous attendre à ce que le pire de nos ennemis vienne de l’intérieur. Il est très probable qu’ils se fassent passer pour des anges de lumière… ou pour des experts du discernement (2 Corinthiens 11.14).

 

 



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