Dieu n’est pas comparable à un œuf !

Est-ce que vous avez l’habitude d’expliquer la Trinité en comparant Dieu à un trèfle à trois feuilles ? Ou en montrant que, tout comme l’eau (qui peut être liquide, solide ou gazeuse), Dieu est d’une seule essence mais est en même temps Père, Fils et Saint-Esprit ? Ou en stipulant qu’il peut s’apparenter à un œuf, unique, mais composé du blanc, du jaune et de la coquille ? Quelle est l’image la plus pertinente, la plus biblique ? Aucune… Peut-être bien que nous sommes en train de nous prendre les pieds dans le tapis en essayant d’expliquer quelque chose qui nous dépasse ; peut-être bien que nous devrions tout simplement admettre que Dieu est le Tout-Autre, un Dieu inconcevable…

C’est parce que Dieu est trinitaire qu’il peut nous aimer !

« Le Dieu inconcevable » : voilà le titre d’un admirable petit livre écrit par Michael Reeves (éd. La Clairière), qui nous amène à nous émerveiller avec humilité de ce mystère de la Trinité. Un émerveillement qui ne nous fait pas considérer ce Dieu inconcevable comme infiniment distant de nous, mais au contraire comme extraordinairement proche. Calvin disait que si l’on pense à Dieu sans penser aux trois personnes de la Trinité, « il n’y aura qu’un nom vide de Dieu, sans vertu ni effet, voltigeant dans nos cerveaux ». En revanche, le fait que Dieu soit trinitaire est justement ce qui le rend si proche et si personnel ! C’est tout l’objectif de ce livre de nous le faire comprendre.

Père de toute éternité

C’est parce que Dieu est trinitaire que l’apôtre Jean peut déclarer : « Dieu est amour » (1 Jean 4,8). Ce qui caractérise Dieu, écrit Michael Reeves, ce n’est pas d’abord qu’il est le Créateur, ou qu’il est un Monarque, ou même qu’il « Dieu » dans un sens abstrait ; non, ce qui caractérise Dieu, c’est qu’il est un Père. Et Dieu est un Père… depuis toujours : « Il était de tout temps débordant de vie, source de vie. Il n’a pas donné la vie au moment où il a décidé de créer ; de toute éternité, il était générateur de vie. Avant quoi que ce soit, et de toute éternité, ce Dieu aimait, donnait la vie et prenait plaisir en son Fils. Il n’y a jamais eu un temps où le Fils n’existait pas. Si un tel temps avait existé, alors Dieu aurait été un Etre totalement différent », et il y aurait eu un temps où il n’était pas Père, et donc un temps où il n’était pas amour.

Grégoire de Nysse, s’appuyant sur Hébreux 1,3, comparait le Père à une lampe et le Fils au rayonnement : « Il est impossible que la gloire existe sans rayonnement, tout comme il est impossible que la lampe soit sans éclat ». C’est dans la nature du Père de « rayonner » son Fils, et dans la nature du Fils d’être le rayonnement de son Père.

Un dieu non-trinitaire n’aurait aucune raison de créer

Si « Dieu est amour », de toute éternité, c’est donc parce qu’il est trinitaire. Se suffisant à lui-même, pourquoi at-il donc créé ? Là encore, Michael Reeves montre bien que tout dieu non-trinitaire fait face à un problème lorsqu’il est question de création : « Des dieux solitaires, qui ont passé l’éternité seul, sont inévitablement des êtres égocentriques, et on ne voit pas pourquoi ils appelleraient quoi que ce soit à l’existence ». Et s’ils décidaient de le faire, ce serait non par amour, mais par intérêt personnel, pour être servis par leurs créatures.

« La vraie nature de Dieu s’exprime en donnant »

Le seul vrai Dieu, lui, a créé par amour, comme le remarque l’auteur : « Dieu accorde la vie et l’être en don gratuit, car sa vie, son être et sa bonté débordent de vitalité et se répandent à l’extérieur pour que la vraie bonté surabonde. La vraie nature de Dieu s’exprime en donnant, pas en prenant ». Toute la création nous révèle ainsi l’amour et la générosité de Dieu. L’amour éternel du Père pour le Fils a débordé et s’est exprimé dans la création. Le puritain John Owen écrit que l’amour du Père pour le Fils est « la source et le prototype de tout amour. Tout amour dans la création découle de cette source pour en donner une ombre et une ressemblance ».

La croix, preuve suprême de l’amour de Dieu

Nous connaissons la suite de l’histoire, avec la Chute de l’homme, en Genèse 3. Mais Michael Reeves constate combien la réaction de Dieu, suite à cette rébellion, « permet de pénétrer plus profondément son Etre. Le Dieu qui est amour révèle de façon indubitable son amour au monde en envoyant son Fils aimé de toute éternité pour expier notre péché. Sans la croix, nous n’aurions jamais pu imaginer la profondeur et le sérieux de l’affirmation : Dieu est amour ». L’apôtre Jean déclare : « Voici comment l’amour de Dieu a été manifesté envers nous : Dieu a envoyé son Fils unique dans le monde afin que nous vivions par lui » (1 Jean 4,9).

Aimés du même amour que le Fils

Ce salut ne se limite pas à l’octroi du pardon de nos péchés, mais il implique que nous sommes maintenant appelés enfants de Dieu et aimés du même amour dont le Père aime son Fils (Jean 17,23). Le salut, c’est donc le Fils qui partage ce qui est à lui : « Le Père a envoyé le Fils parce qu’il l’aimait tellement qu’il voulait partager cet amour et cette communion. Son amour pour le monde est le débordement de son amour tout puissant pour le Fils », écrit Michael Reeves.

Par l’Esprit que nous sommes en communion avec le Père et le Fils

Et l’Esprit, dans tout cela ? L’auteur démontre que le rôle de l’Esprit consiste d’abord à donner la vie. C’est par l’Esprit que nous sommes ainsi en communion avec le Père et le Fils, que nous sommes au bénéfice de cet amour du Père. Mais « la vie que l’Esprit donne n’est pas un paquet abstrait de bienfaits », ni quelque chose de seulement temporaire. Le Saint-Esprit ne ressemble à pas à un laitier divin qui déposerait le don de la vie devant la porte d’une maison avant de continuer sa tournée. « En nous donnant la vie, il vient pour être avec nous et demeurer en nous ».

Toujours plus beaux à mesure que nous regardons à Christ

L’Esprit vient ensuite nous « embellir » : il le fait en nous amenant à contempler la gloire du Christ. « L’Esprit a un projet ambitieux : me faire connaître le Fils afin de lui ressembler, et il le fait en fixant mon regard sur lui », écrit Michael Reeves. L’Esprit nous amène à aimer le Père (et ainsi nous ressemblons au Fils) et à aimer le Fils (et ainsi nous ressemblons au Père). Le but de la troisième personne de la Trinité n’est donc pas de nous conduire premièrement à un comportement extérieur, mais de « nous inciter à aimer Dieu et à trouver notre joie en lui. La première tâche de l’Esprit consiste à remettre nos désirs dans le bon ordre, à ouvrir nos yeux et à nous donner le plaisir que le Père éprouve en son Fils, ainsi que le plaisir que le Fils éprouve en son Père ».

Ainsi, nous voyons que la doctrine de la Trinité est d’une importance capitale. Elle nous permet de comprendre la nature de Dieu, de saisir le sens de l’œuvre créationnelle, de mieux pénétrer ce qu’est véritablement le salut et d’appréhender plus justement la sanctification. Voilà un mystère glorieux, que nous serions bien inspirés de ne pas vouloir expliquer en comparant Dieu à une tranche de bacon, à un jardin d’arbustes ou à un œuf…