Ce n’est pas un scoop, notre société est individualiste. Ce que, par contre, nous pourrions avoir tendance à oublier, c’est que cet individualisme contamine parfois notre vie chrétienne… et donc notre vie de prière. Cette série d’articles serait incomplète si elle ne mettait pas en avant l’importance de prier… ensemble. Un chrétien ne peut pas vivre sa foi seul chez lui, sans Église locale, et il ne peut pas davantage se priver de la beauté de la prière avec des frères et sœurs. Quand l’apôtre Paul écrit « Priez sans cesse ! » (1 Thessaloniciens 5.1), il s’adresse non pas d’abord à des individus isolés, mais à une Église locale. Car Dieu n’est pas venu racheter seulement des individus, mais un peuple, comparé dans la Bible à une famille, à un édifice, à un corps ou encore à une vigne, autant d’images qui ne laissent planer aucun doute quant à l’interdépendance qui existe entre les croyants.
La prière, une marque distinctive du peuple de Dieu
Dans toute la Bible, nous voyons ces croyants prier ensemble. La prière est même une marque distinctive du peuple de Dieu. Les membres de la lignée d’Eve se distinguent des autres par le fait qu’ils se mettent à invoquer l’Eternel, dès Genèse 4.26. Puis le peuple d’Israël est un peuple qui prie : Israël est rassemblé autour de Salomon en prière lors de la Dédicace du temple ; Israël prie avec Esdras ; Israël prie en exil lorsqu’Esther convoque un jeûne et se démarque, une fois de plus, de la société païenne environnante. Quant au livre des Psaumes, il est un recueil de prières chantées en communauté.
Puis que font les premiers chrétiens ? « Ils persévèrent dans l’enseignement des apôtres, dans la communion fraternelle, dans la fraction du pain… et dans les prières » (Actes 2.42). Lorsque Pierre est emprisonné, « sans relâche, la prière montait de l’Église vers Dieu pour lui » (Actes 12.5). Dans le livre des Actes, on trouve en fait plus de vingt mentions explicites que des chrétiens prient.
Des cultes remplis de prières
Si l’Église est un peuple qui prie, il en découle que la prière doit avoir une place importante dans la vie de l’Église, à commencer par les cultes. Il incombe aux hommes qui dirigent le culte de conduire l’assemblée dans la prière, par des prières profondes et ancrées dans la Parole de Dieu, qui vont édifier et nourrir l’Église, et pendant lesquelles l’assemblée, loin d’être passive, est impliquée et peut dire « Amen ! », parce que les pensées et les cœurs sont engagés. Pendant ces temps de prière, le peuple de l’alliance s’approche du saint trône de la grâce, en tant que peuple, famille et corps.
Messieurs, priez-vous en public ?
Mais tous les membres de l’assemblée sont aussi conviés à élever leur voix. Paul, évoquant la vie de l’Église locale où a été placé Timothée, lui écrit ceci : « J’exhorte donc, en tout premier lieu, à faire des requêtes, prières, intercessions, actions de grâces, pour tous les hommes » (1 Timothée 2,1). Et d’ajouter : « Je veux donc que les hommes prient en tous lieux, en élevant des mains pures, sans colère ni contestation » (1 Timothée 2.8). Ici, les hommes en question sont… les hommes de sexe masculin, à qui Dieu a donné une responsabilité particulière de prier publiquement dans l’Église rassemblée. Paul n’exclut pas les femmes, bien entendu, mais rappelle aux hommes la charge qui doit être la leur. Une responsabilité trop lourde ? Pour que ces moments de prières publiques soient à la gloire de Dieu et édifiants, nous avons besoin d’apprendre à prier en privé, puis de simplement nous lancer ! Calvin a écrit : « Celui qui ne pratique pas la prière privée ne saurait faire que des prières légères et inconsistantes dans les assemblées publiques qu’il fréquente ».
Pour que ces moments de prières publiques soient à la gloire de Dieu et édifiants, nous avons besoin d’apprendre à prier en privé, puis de simplement nous lancer !
Réunion de prière = ennui ?
Le culte n’est pas l’unique contexte où il est beau de prier ensemble. Megan Hill dans son livre Praying Together, et Dennis Gundersen dans A Praying Church, insistent tous les deux sur la priorité que les réunions de prière devraient avoir dans la vie d’une Église. Hélas, constate Gundersen, le premier qualificatif qui nous vient souvent à l’esprit lorsqu’on pense à une réunion de prière, c’est le mot « ennui ». La faute notamment à la trivialité des sujets qui y sont abordés, mais aussi au manque de préparation de ceux qui les dirigent et à l’absence de passion chez ceux qui les fréquentent.
Priorité, enthousiasme et profondeur
Mais pourquoi devrait-on en rester là ? Et si, plutôt que d’être assimilées à l’ennui, nos réunions de prières devenaient pour nous synonymes de « priorité », « enthousiasme » et « profondeur » ? Priorité : il a été dit que la réunion de prière de la semaine (au cours de laquelle toutes les générations et tous les « groupes » se rassemblent) est la jauge de la santé spirituelle d’une Église. Douglas Kelly, dans Pourquoi prier si Dieu sait déjà ? estime que la salle de l’Église devrait être aussi remplie lors de la réunion de prière que lors du culte ! « Pourquoi seuls quelques chrétiens porteraient-ils tout le poids de l’assemblée ? », interroge-t-il.
Mais pour qu’une réunion de prière devienne une priorité, nous avons besoin d’enthousiasme et de nous y rendre comme des disciples zélés de Christ, impatients d’apporter à Dieu, en Église, les sujets que nous avons sur le cœur ou qui sont d’une importance capitale pour le royaume de Dieu, et de les adresser à un Dieu dont nous savons qu’il est tout-puissant et plein de bonté. Animés d’un tel état d’esprit, nous prierons avec davantage de profondeur.
Les batailles se jouent à la réunion de prière
Gundersen relève que, selon un sondage, la requête la plus commune chez les chrétiens américains quand ils prient pour leurs missionnaires, est qu’ils soient protégés des animaux sauvages. Est-ce vraiment le sujet le plus profond à apporter quand nous prions pour les missionnaires ? Avons-nous conscience qu’une réunion de prières est une sorte de quartier général de soldats, réunis parce qu’ils sont animés d’un désir profond de gagner la bataille qu’ils sont en train de mener : la gloire de Dieu ? Nous souhaitons par-dessus tout que le royaume de Dieu vienne, que sa volonté soit faite et que son nom soit sanctifié.
La prière change le monde
La prière de l’Église est le nerf de la guerre. D’abord, elle change le monde. James Fraser, missionnaire parmi les Lisu en Chine, au début du 20e siècle, ne cesse de supplier les chrétiens anglais de prier : « Je ne suis pas en train de demander « l’aide » de la prière comme une sorte d’activité secondaire, mais j’essaie de mettre cette principale responsabilité du combat de la prière sur vous. Je veux que vous preniez le fardeau de ces gens sur vos épaules. Je veux que vous combattiez avec Dieu pour eux ».
La prière change l’Église
Ensuite, la prière de l’Église change l’Église. Prier ensemble renforce nos liens. Nous voyons la joie ou la tristesse sur le visage de notre frère. Nous portons ses fardeaux avec lui en priant dans son chagrin, puis nous nous réjouissons avec lui de l’action de Dieu dans sa vie. Des personnes âgées peuvent prier pour des jeunes, et des jeunes pour des personnes âgées. Des personnes en bonne santé prient pour des malades, et des malades pour des gens en bonne santé. Chaque fois que nous prions à haute voix, nous nous faisons du bien les uns aux autres. Notre amour grandit. Si la prière de l’Église change l’Église, c’est aussi parce qu’en priant nous reconnaissons ensemble que nous avons besoin de Dieu pour que notre Église locale demeure dans la sainteté, la maturité, la vérité et l’unité, et pour qu’elle soit protégée.
Si la prière de l’Église change l’Église, c’est aussi parce qu’en priant nous reconnaissons ensemble que nous avons besoin de Dieu pour que notre Église locale demeure dans la sainteté, la maturité, la vérité et l’unité, et pour qu’elle soit protégée.
La prière de l’Église me change
Enfin, la prière de l’Église me change. Quand je suis réuni avec des frères et sœurs pour prier, j’apprends d’eux. Je suis renouvelé dans ma foi par la prière pleine de foi de mon frère, qui trouve les mots que je ne parvenais pas à dire. Je suis renouvelé dans ma compréhension théologique par la prière de ma sœur, qui exprime si bien en prière une facette de la personne de Dieu ou un aspect de l’Evangile. Je suis purifié dans mes désirs et ma vie intérieure, grâce à mes frères et sœurs, qui, dans leurs prières centrées sur Dieu, me rappellent le but et le sens de ma vie, l’importance de la gloire de Dieu… Je ressemble à un canard, illustre Megan Hill dans Praying Together : d’apparence calme en surface, je suis remué intérieurement par les prières d’autrui, comme le canard qui agite ses pattes sous l’eau. Je peux repartir de ce temps de prière en étant restauré, affermi dans ma foi, plus solide théologiquement et en ayant fait des progrès dans ma propre vie de prière.
Prier « avec » et non pas seulement prier « pour »
La vie de l’Église ne se résume pas aux cultes et aux réunions de prière. Nous pouvons aussi appliquer le « priez sans cesse » de l’apôtre Paul en toutes sortes d’occasions. D’ailleurs, lui-même l’a fait à plusieurs reprises, par exemple lorsqu’il prend congé des anciens de l’Église d’Éphèse : « Cela dit, il se mit à genoux pour prier avec eux tous. Tous, avec de grandes lamentations, se jetaient au cou de Paul et l’embrassaient » (Actes 20.26-27). Il est beau qu’un groupe de jeunes prévoie des moments de prières, ou que deux frères s’appellent chaque semaine pour prier, ou que des mamans se réunissent dans leur localité pour prier pour leurs enfants. Il est beau que des chrétiens réunis autour d’un repas prient ensemble avant de se séparer. Nous disons souvent : « Je vais prier pour toi ». Mais finalement, pourquoi ne pas prier avec mon frère ou ma sœur, ici et maintenant ? Dietrich Bonhoeffer a écrit dans De la vie communautaire : « C’est un fait que la chose la plus normale dans la vie commune d’un chrétien est de prier ensemble ».
Il est beau qu’un groupe de jeunes prévoie des moments de prières, ou que deux frères s’appellent chaque semaine pour prier, ou que des mamans se réunissent dans leur localité pour prier pour leurs enfants. Il est beau que des chrétiens réunis autour d’un repas prient ensemble avant de se séparer.
Prier en couple et en famille
Un dernier mot sur la prière en couple et en famille. Voilà un défi supplémentaire ! Timothy Keller, dans son livre La Prière, raconte ce qui s’est passé il y a une vingtaine d’années. Beaucoup de choses allaient mal pour lui et son épouse. « Un jour, ma femme m’a supplié de nous autodiscipliner à faire ce que nous n’avions jamais pu accomplir jusque-là, par manque de volonté. Elle m’a demandé de prier avec elle tous les soirs. Tous les soirs ». Elle a pris une illustration : si je suis atteint d’une maladie grave et que ma seule chance est de prendre un médicament tous les jours, sans un manquer un seul sous peine de mourir, je n’oublierai pas de le prendre. Or, a-t-elle dit, « si nous ne prions pas, on ne s’en sortira pas, à cause de tout ce qui nous tombe dessus ». Les parents ont aussi un beau modèle à donner à leurs enfants en priant pour eux et avec eux, en toutes sortes d’occasions et en particulier lors du culte de famille.
La barre est haute, c’est vrai ! Mais si nous nous souvenons que nous sommes tous à l’école de la prière, nous serons à la fois décidés à travailler pour progresser… tout en restant patients et reconnaissants de la patience de Dieu à notre égard, puisque l’école de la prière dure toute la vie.