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Le roi Saül est un homme plein de qualités. Fils d’un vaillant guerrier, il a la stature d’un leader (1Sm 9.1-2). Sa mort sur un champ de bataille témoigne de son courage, son engagement, sa capacité à diriger par exemplarité. Premier des rois d’Israël, il accepte un rôle encore indéfini avec sa lourde charge. Il a tout à construire, et il commence plutôt bien, il est à l’écoute du prophète Samuel, il montre un sentiment pacifique envers ceux qui le critiquent, endosse son rôle de meneur au combat, et donne la gloire à Dieu pour sa première victoire (1Sa 11.13). Oint du Saint-Esprit, il prophétise à plusieurs reprises et gardera jusqu’au bout une certaine crainte de Dieu et un sens moral. Contrairement au roi David, il n’a pas de harem ; contrairement à Salomon il n’impose pas de lourdes taxes.

Personnalité charismatique utilisée pour exercer de nombreuses délivrances pour le peuple d’Israël, il est difficile de simplement juger Saül comme un « méchant ». C’est beaucoup plus compliqué que cela. Ses motivations sont mélangées, même dans ses pires moments il y a encore du bon. L’éducation de son fils Jonathan est une réussite absolue, le jeune homme est remarquable à tous les niveaux.

Et pourtant, en regardant de près sa biographie, il est clair que Saül est une personne à éviter. D’un point de vue relationnel, c’est une catastrophe. Irraisonnable, il est toxique et destructeur. Plus le temps passe, pire il devient. Malheureusement, nombre de ceux qui ne s’en rendent pas compte paieront cette erreur de leur vie.

La question de son salut est débattue depuis longtemps par les théologiens. C’est compliqué de s’affirmer dans un sens ou un autre, l’œuvre du Saint-Esprit étant différente dans l’ancienne alliance. Dans le bureau d’un pasteur, l’examination de son salut aurait été bien sûr un des premiers points à aborder. Dans tous les cas, il s’affirme comme croyant, porte des signes extérieurs de foi, mais fait plus de mal que de bien.

La toxicité de l’égoïsme

L’attitude de Saül révèle à de nombreuses reprises un cœur égocentrique. Dès qu’il est appelé roi, il se fait chercher. Il ne pense pas au peuple et à sa réjouissance d’avoir un roi comme il l’avait demandé, il se soucie en premier de son sort et de l’inconfort de la situation. Il est souvent en décalage avec les autres et avec la réalité.

L’étendue de son égoïsme est particulièrement révélée lorsqu’il prononce ce vœu extrême et irraisonnable après une longue journée de bataille : « Maudit soit l’homme qui prendra de la nourriture avant le soir, avant que je me sois vengé de mes ennemis ! » (1Sa 14.24). Il n’a pas l’intérêt du peuple à cœur, ni la santé de ses soldats, mais surtout sa propre vengeance. Tout est centré sur lui. À tel point que lorsqu’il s’aperçoit que Jonathan a désobéi à son vœu – même si celui-ci l’ignorait –il est immédiatement prêt à le condamner à mort, par souci de maintenir sa réputation.

Les besoins de sa famille ne sont pas sa priorité. Lorsqu’il apprend que sa fille Mical est amoureuse de David, il utilise cette occasion pour essayer de faire périr celui-ci, exigeant comme gage de fiançailles un nombre démesuré de cadavres ennemis, espérant une mort quasi certaine de David au combat. Peu importe les dégâts collatéraux sur sa fille.

Saül est égoïste tout en se convainquant du contraire. Lorsqu’il partage son désir de mettre David à mort et que son fils Jonathan lui en demande la raison, il répond que c’est dans l’intérêt de Jonathan qu’il fait cela, pour protéger la lignée royale.

L’égocentrisme de Saül le mène à de nombreux comportements destructeurs, dont l’acharnement, la jalousie, la violence, la colère, la manipulation. Pour servir ses propres intérêts, il sacrifie sans hésiter son entourage.

Et alors qu’il sert ses propres intérêts, sa vision du monde devient faussée, il interprète mal les circonstances. Il est rempli de peur à cause de David, alors que son gendre et meilleur soldat est fidèle et inconditionnel dans son engagement (1Sm 18.15).

La toxicité de la manipulation

Les méthodes de Saül semblent fonctionner au début. Pour rassembler le peuple au combat, il le menace : il envoie des morceaux de bœufs dans tout le territoire en assurant que ceux qui ne le suivent pas verront leur bétail traité de la même manière. Peu conventionnel, il surprend, charme, gagne le peuple. Seulement, ce n’est que le début de ses nombreuses manipulations.

Lorsqu’il voit David loué pour ses victoires, plus que lui, il décide d’en faire un soldat de première ligne, avec la carotte d’un mariage avec sa fille Mérab. Mais le moment venu, il la donne en mariage à un autre. Il utilise ensuite sa deuxième fille Mical comme appât pour une nouvelle tentative de manipulation et de trahison.

Sa communication est malsaine et abusive, comme lors de cette réprimande envers son fils : « Fils d’une femme perverse et rebelle, je sais bien que tu as pris parti pour le fils d’Isaï, à ta honte et à celle de ta mère » (1Sa 20.30). Insultes, abaissements, dénigrements, il joue sur les sentiments tout en se posant lui-même en victime.

Il se contredit et même sans s’en rendre compte. Un instant il jure : « L’Éternel est vivant!  David ne mourra pas » et dans la foulée jette sa lance sur lui (1Sa 19.6, 9)

Lorsque David l’épargne dans la grotte, il confesse son indignité et se met à pleurer, appelle même David « mon fils ». Il demande à David de prêter serment pour protéger sa famille, mais lui ne rend pas la pareille. Et dès que l’occasion se présente à nouveau, il repart à sa recherche avec une armée encore plus grande pour le mettre à mort. Il affirme ses remords, mais ne change jamais. Samuel ne se laissera pas prendre à son jeu et coupe les ponts après plusieurs avertissements non reçus.

Saül est aussi habile pour détourner le blâme et le reporter sur les autres. Au début, il désobéit parce que Samuel est en retard, c’est la faute du prophète. Plus tard, il désobéit parce que le peuple le « force » de le faire :

« Saül répondit : Ils les ont amenés de chez les Amalécites, parce que le peuple a épargné les meilleures brebis et les meilleurs bœufs afin de les offrir en sacrifice à l’Éternel, ton Dieu. Le reste, nous l’avons voué à la destruction.» Il blâme le peuple, positionne Samuel comme endetté par son service, mais prend part pleinement à la réussite louable. Quand cela l’arrange, Saül sait faire preuve de moralité, de spiritualité et de sentimentalisme, mais il refuse de se remettre réellement en question pour pratiquer une vraie repentance.

Il est tellement doué dans l’art de la manipulation que même David n’est plus certain d’être innocent ou coupable. Pour se libérer il se confie à Jonathan : « si je suis coupable de quelque chose, enlève-moi toi-même la vie » (1Sa 20.8)

La toxicité de l’orgueil

Saül semble commencer son règne avec humilité. Au lieu de saisir l’attention et la gloire lorsqu’il est choisi par Dieu, il se cache dans les bagages (1Sa 10.22). Et pourtant, c’est bien l’orgueil qui marque son déclin et sa ruine.

Une fois son règne affermi, son ego s’enfle. Cela est particulièrement mit en évidence en 1 Samuel 13, deux ans après le début de son règne. Après quelques petites victoires, ses ennemis les Philistins se rassemblent en grand nombre et l’acculent dos au mur. Il prend alors une place qui n’est pas la sienne, fait les sacrifices que seuls les prêtres sont autorisés à faire, en flagrante désobéissance à Dieu.

Lorsque la réputation de David surpasse la sienne, ça le rend fou. Son identité est tellement attachée à son rang qu’il en est dévasté.

L’orgueil de Saül va croissant, ainsi que son endurcissement, au point qu’à la fin de sa vie il est prêt à consulter une voyante en flagrante rébellion à Dieu, et même si Dieu se manifeste à lui malgré cela, il refuse d’écouter. Ses fils mourront sur l’autel de son orgueil, ainsi que son armée.

Saül, pendant tout son règne, est coincé entre deux attitudes destructrices : protéger sa propre réputation à tout prix, et plaire au peuple à tout prix. Un prix trop élevé : c’est celui de la désobéissance, et sa vie finit en échec.

Pourtant, il était « croyant », appelé de Dieu, doué, et rempli de bonnes intentions. Un rappel que le discernement est indispensable à tous les niveaux. Même dans l’Église, une institution chrétienne ou un mariage « chrétien », les abus et comportements toxiques peuvent prendre le dessus.

Résumé de comportements toxiques et abusifs manifestés par Saül :

  • Violences verbales, violences physiques, intimidations, manipulations, menaces, acharnements.
  • Comportements et raisonnements irréfléchis, imprévisibles et dangereux.
  • Manque de remise en question, de demandes de pardon, et de communication ouverte, justification constante.
  • Jalousies et peurs non fondées.
  • Refus de porter le blâme.
  • La souffrance des autres est minimisée, la sienne amplifiée.
  • Le coupable se présente comme la victime et fait croire à l’autre qu’il est en tort.
  • Manque de cohérence dans les propos selon le moment, écarts entre ce qui est dit et ce qui est fait.
  • Difficulté de voir les besoins et la souffrance de l’autre.
  • Désirs de contrôle excessifs, colères, mensonges, comportements enfantins.
  • Recherche à être au centre de l’attention.
  • Protection exagérée de la réputation.

Conclusion

Malheureusement, les personnes toxiques existent dans l’Église et à tous les niveaux. Leur comportement peut miner des mariages, des familles, des ministères, des assemblées, des amitiés. Comme les motivations sont mélangées, c’est souvent compliqué. Comme les écarts sont souvent accompagnés de bons sentiments ou d’actions morales, tout est subtil. Et malheureusement à cause de cela, les personnes abusées mettent souvent très longtemps à s’en rendre compte.

Le prophète Samuel gère bien la situation : premièrement il confronte, ensuite il accompagne, ensuite il coupe les ponts. Face à une personne abusive il faut se protéger. David de son côté prend la fuite, même si sa loyauté restera inconditionnelle jusqu’au bout.

Que ce soit dans le mariage, dans l’Église ou ailleurs, la Bible ne nous commande pas de supporter indéfiniment le comportement de personnes abusives, même des personnes qui se disent croyantes. Les abus physiques ou émotionnels sont destructeurs et les tolérer n’honore pas Dieu. C’est pour cela que Jésus a mis en place la démarche de réconciliation et de discipline en Matthieu 18 : les relations peuvent perdurer lorsque la confrontation et la repentance marchent de pair. Sans cela, comme nous le voyons avec Saül, les situations vont en s’empirant.

Une personne abusive peut changer par la grâce de Dieu, par une œuvre profonde dans le cœur, si elle réalise la gravité de son péché et pratique la repentance biblique (2 Cor 7.8-11).

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