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Pourquoi la réforme devrait vous rendre plus catholiques ?

Célébrer la Réforme, comme le 500ème anniversaire nous invite à le faire, n’est pas nécessairement une affaire simple. Même ceux d’entre nous qui ont une confiance solide dans la justesse de la doctrine protestante, qui ressentent une profonde gratitude envers les Réformateurs, et dont la totalité de la vie chrétienne a été vécue dans le sein du bon héritage des églises issues de la Réforme, peuvent néanmoins ressentir que, quelque part, au moment du troisième « hip, hip, hourra, » nous sommes en danger de donner une mauvaise impression.

La mauvaise impression serait celle que nous sommes sectaires, animés d’une mentalité clanique, qui ne salue que son équipe. Il serait bien dommage que notre célébration de la Réforme ressemble à une raison de mettre une frontière entre nous les Protestants et eux les Catholiques. Mais bien pire serait une célébration de la Réforme qui semblerait une raison de placer la frontière entre 1517 et tout ce qui l’a précédé. Il existe une forme d’esprit clanique chronologique qui divise l’histoire du christianisme en quarts et, ensuite, ne célèbre que le quart final.

Les Protestants devraient dire que cette forme sectaire de ségrégation entre les siècles n’est pas catholique : elle manque à être universelle dans son intention et elle ignore le caractère complet de toute la tradition chrétienne. Universel, complet et entier sont, bien entendu, les sens exacts du mot catholique. Aussi, bien que cela semble étrange dans notre système conventionnel de formulation, il n’est pas contradictoire du tout de dire que la Réforme devrait nous rendre catholiques.

 

LE CATHOLIQUE JEAN CALVIN

Pour soutenir mon affirmation et pour montrer qu’elle n’est pas seulement mienne mais aussi une position classique de la Réforme, je veux citer l’échange de lettres de Jean Calvin en 1539 avec le cardinal catholique Jacopo Sadoleto. Sadoleto avait écrit aux Protestants de Genève une lettre pieuse et respectueuse, sur le thème « vous reviendrez ». Ceux-ci, en retour, demandèrent à Calvin de répondre de leur part. Une des charges majeures de Sadoleto contre les Protestants affirmait qu’ils étaient des « innovateurs sur des choses anciennes » et que, en se tournant vers eux, les Genevois se détournaient de l’héritage ancien de l’église vers des nouveautés inventées depuis peu par un petit groupe de jeunes enseignants habiles.

Calvin était favorable à une controverse [avec Rome] au sujet de la question de savoir qui était le plus catholique. Les Réformateurs savaient que c’était la bonne manière de cadrer la controverse, et ils croyaient qu’ils pouvaient la gagner.

Pensez un instant à ce que la réponse proprement protestante devrait être. Je crains que dans notre conception contemporaine, il soit facile de trouver des Chrétiens protestants qui voudraient donner une réponse légère et peu catholique du genre : « Tant pis pour toute l’histoire de la chrétienté jusqu’à 1517 ! » Le récit pseudo-historique de « l’effondrement de l’église », entre la mort de l’apôtre Jean et l’apparition de la Réforme, jette l’ombre des ténèbres du paganisme sur les trois premiers quarts de l’histoire chrétienne.

La légende sectaire qui repère une trace ténue de fidélité tout au long des âges de profondes ténèbres, découvrant des avant-postes protestants anonymes, ici et là au sein des groupes marginaux hérétiques, ne vaut guère mieux. Aucune des deux approches (celle d’un Évangile comme une parenthèse historique ou d’un Évangile semblable à un mince fil) ne peut délivrer les Protestants de l’accusation, et du fait, d’être « non-catholiques ». Les Réformateurs connaissaient une meilleure solution que de choisir une des deux options ci-dessus.

La réponse de Calvin à Sadoleto fut directe : « Notre accord avec les anciens est bien plus étroit que le vôtre. » En tant qu’étudiant des écrits patristiques (et il l’était avec sérieux et dévotion), Calvin acceptait le défi de Sadoleto dans ses propres termes. Il acceptait la controverse pour déterminer qui était le plus catholique. Les réformateurs savaient que c’était la bonne manière de cadrer la controverse, et ils croyaient qu’ils pouvaient la gagner.

Calvin affirmait que « tout ce que nous avons essayé de faire a été de renouveler cette forme ancienne de l’église qui, dans un premier temps, souillée et tordue par des hommes ignorants et de caractère lâche, a ensuite été abominablement massacrée et presque détruite par le pontife romain et sa faction. » Nous ne disons pas souvent aujourd’hui des choses comme « abominablement massacrée » ! Mais il y a toujours besoin de clarifier la différence de principe entre la manière protestante d’être catholique et la revendication catholique romaine, selon laquelle la seule façon d’être catholique est de se soumettre à un régime autoritaire d’innovations post-bibliques, post-patristiques et du Moyen-Âge tardif.

 

RÉFORMER LE PROTESTANTISME SECTAIRE

Cinq cents années ont quelque peu changé l’échelle de temps (le protestantisme ne se sent plus neuf ou jeune de l’intérieur) mais pas la proclamation de la vérité de base. La restauration théologique et liturgique opérée par la Réforme porte sur la question de ce qui est biblique et ancien. Ce que Calvin affirmait de manière quelque peu rapide dans sa lettre à Sadoleto, est ce qu’il développa de manière bien plus ample dans son Institution, et aussi, ce sur quoi toute une phalange de réformateurs insistèrent année après année : le point essentiel de la Réforme est d’être plus catholique que ce que Rome permet, d’être plus patristique que ce que Rome permet, d’être plus biblique que ce que Rome permet.

Le point essentiel de la Réforme est d’être plus catholique que ce que Rome permet, d’être plus patristique que ce que Rome permet, d’être plus biblique que ce que Rome permet.

Je suis tout à fait conscient que, dans certains secteurs du monde protestant évangélique, les gens peuvent expérimenter le message de la Réforme comme une obligation d’être sectaire et de rejeter la catholicité. Cela doit cesser. Ces secteurs ont besoin de réforme ; et pas seulement quelque nouvelle réforme, mais un retour au sens premier de la Réforme que nous célébrons en cet anniversaire.

L’accusation de Sadoleto était : « Vous êtes des innovateurs ; vous avez rejeté l’église ancienne. » La réponse de Calvin était : « Non, nous sommes spécifiquement Protestants aussi nous pouvons avoir l’ancienne église, tandis que vous êtes dans votre propre voie. » La Réforme ne saute pas en arrière par-dessus toute l’histoire chrétienne pour se tenir debout seule et par elle-même sur la Bible. Elle grimpe sur des décombres récents (« contemplez les ruines de l’église, telle qu’elle survit au milieu de vous, » exhorte Calvin à destination de Sadoleto ; « Il n’y a pas si longtemps que sont nés ou, au moins, ont grandi jusqu’à leur taille actuelle, ces monstres d’impiété contre lesquels nous combattons ») pour reprendre le contact avec le grand, l’ample héritage de l’ancienne confession chrétienne des vérités de la Bible. Nous sommes spécifiquement Protestants afin d’être plus catholiques, afin d’éviter la contraction et la réduction que Rome exige.

Nous sommes spécifiquement Protestants afin d’être plus catholiques, afin d’éviter la contraction et la réduction que Rome exige.

Il est vrai que quelques uns des termes sont devenus des pièges aujourd’hui. Les gens de notre époque tendent à associer le mot très précis de « catholique » avec l’église appelée Catholique Romaine, ne mesurant pas l’ironie qu’il y a à utiliser un mot qui veut dire « universel » pour désigner une église qui, avec arrogance, n’est, de manière évidente, pas universelle. De même nos contemporains tendent à fonctionner avec une étymologie largement erronée du terme « Protestant » qui suggère le fait de protester contre quelque chose, alors qu’il y a quelques siècles, même dans le registre de la poésie amoureuse, « protester » signifiait « tenir ferme et confesser une vérité. » Comme résultat d’un glissement sémantique la formule « Les Protestants sont catholiques » semble stupide, et la phrase « Les Protestants devraient être catholiques » semble un appel à la conversion. Mais pour les groupes évangéliques qui ont une façon sectaire et non-catholique de vivre l’église, l’appel à être catholiques est, en fait, un appel à une réforme personnelle et collective, précisément parce que c’est un appel à la Réforme.

Nous n’avons pas à nous installer dans un quart seulement de l’histoire de l’église, et nous n’avons pas à nous contenter d’un enthousiasme limité pour la réforme. Ceux d’entre nous qui chérissent les solas dans leurs cœurs peuvent se joindre à ce troisième « hip, hip, hourra » parce que la Réforme était, est et doit continuer d’être catholique.


Depuis octobre 2013, Evangile 21 publie chaque semaine de nouveaux articles, ce qui constitue aujourd’hui une base de presque un millier d’articles. Nous désirons profiter de l’été pour revisiter nos archives et vous re-proposer quelques articles publiés au cours de ces années.

Article publié initialement le 16 janvier 2018

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