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J’entends de plus en plus dire que le monde d’après ne pourra pas être comme celui d’avant. Plus j’entends cela, moins je sais quoi en penser. D’un côté, bien sûr, le monde ne sera pas le même. De toute façon, le monde évolue constamment, mais la pandémie accentuera les changements. Que sera ce monde ? Les plus optimistes pensent que la pandémie fera rejaillir le meilleur dont l’Homme est capable. Les plus pessimistes pensent que l’Homme est très capable de revenir à ce qu’il fait de mieux : ne s’occuper que de lui-même et continuer dans sa course à la consommation. Sur ce point, j’aurais tendance à être avec les seconds, mais le débat n’est pas là. En tous cas, pas dans ces quelques lignes. Certainement, la société ne sera pas la même après la pandémie. Les conditions socio-économiques, culturelles, et politiques ne seront plus les mêmes, c’est certain. Mais que sera le monde ? Tous les prophètes séculiers, malgré leurs efforts, ne peuvent le prédire.

L’Église « comme hier »

L’Église doit continuer d’être ce qu’elle a toujours été : la communauté du Christ ressuscité, l’assemblée du roi qui revient, un peuple en mission d’ambassade.

Mais alors, comment pouvons-nous dire ce que sera l’Église d’après ? Si personne ne peut dire ce que sera le monde post-pandémique, comment préparer l’Église ? Je voudrais donner une réponse qui va un peu à contre-courant. Je ne crois pas que l’Église d’après ne pourra pas être comme celle d’avant. Je crois au contraire que l’Église devra même être encore plus comme celle d’avant. Laissez-moi clarifier cela.

L’Église doit continuer de nourrir, soigner, et proclamer. Elle doit continuer de trouver les moyens nécessaires à la proclamation de la grâce.

Tout d’abord, l’Église doit continuer d’être ce qu’elle a toujours été : la communauté du Christ ressuscité, l’assemblée du roi qui revient, un peuple en mission d’ambassade. L’Église doit continuer de nourrir, soigner, et proclamer. Elle doit continuer de trouver les moyens nécessaires à la proclamation de la grâce. En cela, l’Église doit être « comme avant » tout en répondant à des défis nouveaux. Mais cela ne change rien essentiellement à ce qu’elle est, à ce qu’elle doit faire, et à l’horizon vers lequel elle se dirige : le retour du Roi.

L’Église doit rester une communauté incarnée, promouvant et privilégiant des relations personnelles

L’Église doit rester une communauté incarnée, promouvant et privilégiant des relations personnelles, « en présentiel » selon le terme maintenant consacré. Si les églises ont, avec une créativité étonnante, pu maintenir les liens fraternels pendant les confinements, elles doivent maintenant tenter de revenir à la nature corporelle qui anime l’humain. J’entendais récemment quelqu’un dire que nous ne pouvons pas imaginer dans le « monde d’après » continuer à faire les réunions d’église « comme avant », sur place, tous ensemble, etc. Pourquoi pas ? Je pense même qu’il sera nécessaire de revenir vers des réunions en personne, que nous devrons accompagner, encourager à un retour à ces relations personnelles directes dont nous avons besoin et qui font la communauté chrétienne.

L’Église et la technologie

Ensuite, je ne crois pas que l’Église doive nécessairement prendre « toutes les leçons » de ce que nous avons appris de la gestion de réunions, de cultes, et d’accompagnement à distance. Bien sûr, je suis le premier à reconnaître que les moyens mis en œuvre ont été, pour beaucoup de croyants, salutaires. Le rôle que nous lui avons donné a bien été motivé par des circonstances particulières, mais ces dernières doivent toujours être ré-évaluées. Si les cultes Youtube (live ou enregistrés) étaient rendus nécessaires par les confinements, le sont-ils encore ? J’avoue une certaine admiration pour les églises qui ont décidé d’annuler leurs cultes Youtube après la fin de certaines restrictions.

Cela pose bien sûr de nombreuses questions, surtout pour l’accompagnement de ceux qui ne peuvent pas facilement assister aux divers rassemblements communautaires. La meilleure réponse est-elle d’améliorer notre maîtrise technologique ? Cette question exige que la place de la technologie dans notre vie d’église soit encore plus réfléchie. Nous devons revenir vers les questions techniques (est-ce nécessaire, faisable, et souhaitable), mais aussi théologiques : qu’est-ce que la technologie, ne risquons-nous pas d’adopter l’idole Technique dénoncée par Jacques Ellul ? La technologie, de par son efficacité, ses possibilités, et son attrait, « va de soi ». Qu’en ferons-nous ?

Plus que jamais, l’Église a besoin de discernement et de sagesse.

Ceci est d’autant plus sensible vue l’obsession de certains États, ainsi que des grands réseaux sociaux, à contrôler ce qui « culturellement correct ». Cette observation me fait même penser que, pour les églises qui voudront continuer de prêcher « tout le conseil de Dieu », la discrétion (ou même l’absence) sur les réseaux sociaux sera de mise. Plus que jamais, l’Église a besoin de discernement et de sagesse.

L’Église et la théologie du seuil

Enfin, l’Église doit continuer de déployer ce que le philosophe réformé Jean Brun appelait une « théologie du seuil ». L’Église doit proclamer et vivre les frontières que Dieu a donné à l’Homme : frontières de sa nature, limites de sa finitude, acceptation d’une vie de dépendance de Dieu. La théologie chrétienne, et la vie communautaire, doit se tenir sur le seuil que le monde s’empresse de franchir. Les frontières de l’humain ont toujours été franchies par un Homme qui, ayant perdu Dieu, essaie de s’en recréer un.

Notre monde a franchi la frontière de la mort, en tentant de la repousser, de la justifier, ou de l’ignorer. Comment l’Église, se tenant sur le seuil de notre mortalité, continuera-t-elle de vivre l’espérance introduite par la résurrection de Christ ? Notre monde a franchi la frontière du désir : rien n’est hors de portée à un Homme qui a proclamé sa totale liberté. Comment l’Église, se tenant sur le seuil de notre convoitise, continuera-t-elle de croire que Christ est son seul bien ? Notre monde a franchi la frontière de la personne humaine, identifiant ceux qui sont dignes d’être appelés des personnes, et de continuer de vivre. Comment l’Église, se tenant sur le seuil de la glorification à venir, continuera-t-elle de proclamer la dignité de tous ?

Il y aura bien un monde d’après. Nous nous tenons au seuil de ce dernier. Prions pour que Dieu nous donne la sagesse de l’Esprit de Christ. Nous avons besoin de ce ministère de l’Esprit pour dévoiler ce qui est sagesse aux yeux du monde, afin de mieux annoncer et vivre celui qui est, lui seul, sagesse de Dieu et espérance du monde (1 Co 1.18-25).

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