Aidez TGC Évangile21 à équiper les croyants pour qu'ils restent fermement attachés à l'Évangile dans une culture qui change radicalement.

×
Parcourir

Madame André avance, le long du canal, petit corps perdu dans sa trop grande gabardine beige.

Lorsqu’elle est assez en forme pour se le permettre, elle sort un peu l’après-midi, même si, comme aujourd’hui, le temps est gris. Le ciel est gris. Et grise aussi l’eau du canal.

Rien ne la distrait. Elle va de l’avant. Elle ne regarde ni à droite ni à gauche. Elle est partie, machinalement, de ce côté-là, en oubliant qu’en remontant le canal, elle serait obligée de passer sous ce pont, qui arrive devant elle.

« Oh ! Non … Le pont des tristes … »
Trop tard pour faire marche arrière…

Madame André prend sa respiration et son courage à deux mains. A vrai dire, c’est son parapluie qu’elle a saisi, comme pour se défendre.

Ah ! Passer sous les arches de ce pont …

Il est beau, ce pont. Enfin, il était beau. A présent, le traverser est devenu une épreuve. Un tunnel noir, surtout un jour comme celui-ci. Ca sent mauvais. Vraiment mauvais. Mais le plus insupportable est pour les yeux. Tous les murs, sous le pont, sont couverts et recouverts, sans cesse, de graffitis et de fresques, que Madame André ne supporte pas. Visions lugubres d’êtres monstrueux, qui semblent jaillir des enfers. Têtes de mort. Signes cabalistiques. Inscriptions désespérées …

Madame André ne comprend pas comment il est possible d’en être arrivé là. Elle soupire une fois passé le pont, devenu pour elle « le pont des tristes ».

Elle a déjà vu, parfois, ceux qui peignent sous le pont, et ils sont jeunes. Comment, si jeune, peut-on être déjà si triste ?

Le pont est derrière elle et elle se sent mieux. D’autant plus qu’un petit rayon de lumière a percé la grisaille, comme un sourire dans le visage.

En passant devant la péniche-librairie de Léa, Madame André la cherche des yeux au travers des hublots. Léa l’a vue. Elle agite la main et sort la rejoindre sur le quai.

« Bonjour Madame André !
– Oh ! Ma petite Léa …
– Ca va bien ?
– Il y a beaucoup de choses que je ne comprends plus, aujourd’hui. »

Madame André s’est décomposée devant Léa.
« Oh ! Léa … que c’est laid ! »

Elle lui explique son horreur du pont.

« Tu sais, lui dit-elle, qu’autrefois, on vendait des fleurs sous ce pont, et que tous les amoureux venaient s’y embrasser … »
Léa sourit et elle lui parle de son ami Tonin, qui est peintre.

Quelques temps plus tard, Madame André repasse sous le pont, avec la même appréhension.
Sa surprise est grande de voir les dessous du pont métamorphosés en impressions florales, douces et fluides, une circulation d’ondes mauves, printanières … Elle en sort étourdie, comme d’un jardin parfumé.

Léa l’attend, là-bas.

« Alors, Madame André ?
Oh ! Léa, c’est merveilleux ! »

Jérémie 31 : 13
« Je changerai leur deuil en gaieté et je les consolerai ; je les réjouirai après leurs tourments. »

 

EN VOIR PLUS
Chargement