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Mon ami Matthew Lee Anderson a récemment écrit une réflexion dans sa lettre de nouvelles  sous le titre « Abandonner Netflix. » Matt décrit sa décision, il y a cinq ans, d’abandonner Netflix comme « l’un des meilleurs choix, et des plus difficiles, que j’aie faits en tant qu’adulte. »

Mais il ne le regrette pas :

Je ne sais pas si je suis un humain un peu plus intéressant et sanctifié que je ne l’étais dans les jours où j’avais Netflix. Mais, je sais que les émissions qui ont captivé tout le monde à l’époque – l’influence de la série Game of Thrones n’est aujourd’hui plus à prouver – ne m’ont pas rendu meilleur en les regardant. Et cela me donne l’espoir que le fait de renoncer au divertissement autant que possible me permettra de cultiver une vie qui, dans 20 ans, aura suffisamment de profondeur pour fournir ses propres histoires lors d’un dîner.

Quoique l’article de Matt contienne des affirmations exagérées que je pourrais discuter (les films « favorisent nécessairement la passivité » ; la télévision « mine activement les talents mêmes qui sont nécessaires pour être un humain intéressant »), j’apprécie et je respecte ses conclusions.

Moi aussi je crois que les personnes devraient au moins réfléchir à l’idée d’abandonner les services de vidéo en ligne comme Netflix. J’ai écrit auparavant au sujet des problèmes que je vois dans ces plateformes (4 Ways Netflix Perpetuates Modern Anxieties (4 façons dont Netflix perpétue les anxiétés modernes) ), aussi je ne vais pas les reprendre ici. Mais j’ai quelques pensées à ajouter.

Êtes-vous libres de ne pas suivre Netflix ?

La plupart des chrétiens seraient probablement d’accord avec l’idée que les abonnements à des sites de vidéo en ligne comme Netflix tombent dans la catégorie de la « liberté chrétienne. » L’Écriture, évidemment, ne dit pas si on doit regarder Netflix, ni en quelle quantité.

Mais, comme pour tout ce que nous sommes libres de faire en tant que chrétiens, une question cruciale doit toujours être posée : « Suis-je libre de m’abstenir de cette chose ? » Le fait de profiter de toute chose bonne (ou neutre) peut facilement devenir une idolâtrie, après tout, si nous découvrons que nous ne pouvons nous en passer.

J’ai écrit, il y a quelques années sur cette question pour ce qui est de l’alcool, partageant mon souci sur le fait que la liberté de boire qui nous est donnée dans l’ère du post-légalisme peut se transformer en un nouveau légalisme : « Sommes-nous tellement attachés à notre liberté chrétienne de partager de l’alcool qu’elle menace de devenir moins une « liberté » et plus un légalisme qui nous enchaîne – quelque chose sans quoi nous ne pouvons ou ne voulons vivre ? »

La même logique s’applique à Netflix (parmi bien d’autres choses) : Avec un usage modéré cela peut être une bonne chose, mais méfiez-vous si cela devient une habitude que vous ne pouvez pas abandonner. Un bon test décisif pour savoir si quelque chose est devenu une idole c’est de voir si vous voulez (ou êtes capables de) vous en abstenir.

Un bon test pour savoir si quelque chose est devenu une idole c’est de voir si vous voulez (ou êtes capables de) vous en abstenir.

Trop d’une bonne chose

Matt suggère que l’un des problèmes qu’on a avec Netflix, c’est la surabondance de contenu qui nous amène à remplir continuellement notre temps avec ce qu’on nous a dit être des « choses qu’il faut voir » :

On nous a dit dans les dernières années que nous vivons dans l’âge d’or des séries télévisées. Ce qui a commencé avec The Sopranos nous a tout récemment donné Game of Thrones. Le nombre de séries qu’il faut avoir vues pour participer à des conversations intelligentes au sujet de la culture est époustouflant : Breaking Bad, The Wire, Mad Men, The Office . . . et celles-ci ne sont que les émissions auxquelles je peux penser dans mon état de privation de sommeil . Je soupçonne qu’on pourrait apprendre à passablement parler l’allemand, dans le temps que ces séries exigent.

Je suis d’accord. Il est impossible de « suivre » la gamme infinie de contenus de qualité de Netflix (de même pour Hulu, Amazon Prime, HBO et ainsi de suite). Le temps qu’il faudrait passer pour voir des émissions tout à fait recommandables n’en vaut pas la peine. Je préférerais apprendre l’allemand.

Mais voilà le problème : Nous sommes réellement dans l’âge d’or des séries télévisées. Mon problème avec Netflix n’est pas qu’on n’y trouve rien qui a de la valeur : c’est, au contraire, qu’on y trouve trop de choses de qualité. Cela submerge et peut nous insensibiliser.

Mon problème avec Netflix n’est pas qu’on n’y trouve rien qui a de la valeur : c’est, au contraire, qu’on y trouve trop de choses de qualité. Cela submerge et peut nous insensibiliser.

Il est certain qu’il y a une tonne de mauvais contenu aussi : des balivernes qui soutiennent la thèse, émise de longue date, selon laquelle la télévision n’est, pour l’essentiel, qu’un « vaste terrain vague ». Mais il y a aussi toute une quantité d’émissions perspicaces, magnifiquement rendues (et pas seulement Friday Night Lights, même si je suis d’accord avec Matt que c’est la meilleure). On y trouve un nombre illimité de documentaires de qualité dont on peut apprendre bien des choses . Si vous souhaitez que votre usage de Netflix soit sain et nourrissant, c’est possible. On y trouve du brocoli à côté des bonbons.

Mais parfois on peut consommer trop d’une bonne chose. Le choix surabondant  est un réel problème aujourd’hui, qu’on parle des programmes de Netflix ou de la musique digitale  ou même des églises . Plus nous avons d’options, plus nous sommes paralysés par le poids de la liberté de consommer et par la FOMO (fear of missing out – en français : la peur de manquer quelque chose). Allons-nous faire le mauvais choix ? Des 15 émissions dont vos amis parlent sur les réseaux sociaux, laquelle allez-vous regarder ? Ceci peut devenir si débilitant que nous finissons par céder, dangereusement, aux algorithmes qui seront plus qu’heureux de choisir pour nous.

Une addiction nourrie aux algorithmes

Dans les Proverbes, l’opposé de la sagesse est souvent personnifié par le personnage connu comme « la femme étrangère. » C’est une femme aux « paroles doucereuses » (2:16–17) dont les lèvres « distillent le miel » (5:3). Elle est bruyante, séductrice et est assise à la porte de sa maison, invitant tous ceux qui passent devant chez elle (9:13–15). A. W. Tozer la décrit comme « la folie morale personnifiée », qui « œuvre par le pouvoir de suggestion. » Et, comme Tozer le dit, bon nombre d’entre nous « avons le cerveau lavé de neuf heures du matin, voire plus tôt, jusqu’au dernier battement de nos paupières avant le sommeil, du fait de la puissance de la suggestion. »

Dans le monde d’aujourd’hui, je pense que la « femme interdite » est particulièrement active par le « Regarde cette prochaine émission ! » que nous suggèrent les algorithmes conçus pour nous garder accrochés et incapables de résister à leurs chants de sirènes. Toujours prêts avec de nouveaux contenus calqués sur nos centres d’intérêts, les algorithmes de la séduction nous leurrent et nous enferment dans les pièges de la distraction constante. Si nous ne sommes pas vigilants, nous allons devenir des consommateurs passifs et permanents, tout à fait comme le veut la Silicon Valley. Quand nous suggérons à notre conjoint ou à nos amis que nous pourrions allumer Netflix juste pour regarder quelque chose (qui n’est pas précisé), nous ne sommes plus que les rouages d’une machinerie algorithmique toujours plus sophistiquée pour remplir nos moments de loisirs avec du contenu visuel. Nous devenons des flâneurs  numériques et c’est dangereux d’être ainsi.

Un usage responsable et sain de plateformes comme Netflix doit être une utilisation intentionnelle. Il ne faut pas se connecter à moins de savoir quel film ou série spécifique vous voulez regarder – un (ou une) qui vous est recommandé(e) par des êtres humains fiables plutôt que par les algorithmes qui eux ne le sont pas. Ne vous connectez pas à Netflix juste pour regarder quelque chose. Connectez-vous peu, pour un but précis. Si nous n’allons pas quelque part, nous irons n’importe où – et les n’importe où d’internet sont rarement bons pour nous.

Si nous n’allons pas quelque part, nous irons n’importe où – et les n’importe où d’internet sont rarement bons pour nous.

Si vous trouvez que cette sorte de modération et d’intentionnalité est impossible dans votre utilisation de Netflix, il se pourrait qu’il vaille mieux résilier votre abonnement. Il n’y a pas de honte à abandonner Netflix, et vous ne serez pas un idot en le faisant. Mais le mauvais usage de quelque chose n’est pas un argument contre son bon usage (abusus non tollit usum) .

Il est difficile de se servir de Netflix en tant que chrétien de façon qui soit édifiante et enrichissante. Mais est-ce impossible ? Non.

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