Cet article fait de nombreuses références à d’autres articles ou statistiques écrits en anglais. Nous avons fait le choix de laisser les liens pour information.
« Prends de ce fruit et tu seras comme Dieu », murmure le serpent à l’oreille d’Ève. Mais Ève était déjà semblable à Dieu – les humains reflètent et représentent de manière unique l’image de Dieu. Bien qu’Adam et Ève aient été créés à l’image de Dieu, cela ne leur suffisait pas. Ils ont été consumés par le désir de repousser les limites de leur ressemblance avec Dieu. Cela les a conduits à croquer le fruit qui, selon la promesse du Serpent, les rendrait encore plus semblables à Dieu.
Le Serpent disait à la fois la vérité et le mensonge. Le fruit a ouvert les yeux d’Adam et d’Ève, leur permettant d’accéder à des connaissances que seul Dieu détenait auparavant. Et pourtant, le fait de manger le fruit indépendamment de l’ordre de Dieu a déformé l’image de Dieu en eux, les rendant moins semblables à lui qu’auparavant.
La révolution numérique de l’ère de l’information fait écho aux promesses trompeuses du serpent dans le jardin. Google permet à n’importe qui d’accéder, juste en tapant quelques mots sur un clavier, à presque toutes les connaissances détenues par l’humanité. Alexa nous permet d’éclairer nos maisons d’un simple mot. Les médias sociaux nous donnent la possibilité de répondre ‘présents’ en permanence à toutes les sollicitations. Et aujourd’hui, avec la prolifération de ChatGPT et d’autres applications telles que l’Intelligence Artificielle, les limites supérieures de la productivité humaine n’ont jamais été aussi élevées. On pourrait même dire que la technologie fait de nous des dieux.
Bien qu’elles soient souvent utilisées à des fins qui honorent Dieu, ces capacités accrues ne risquent-elles pas de ressembler à la tentation du Serpent dans le jardin ? Ces technologies réduisent-elles l’écart entre les capacités de Dieu et les nôtres, tout en élargissant simultanément l’écart entre le caractère de Dieu et le nôtre ? Au fur et à mesure que la technologie nous rend plus semblables à Dieu, son image devient moins claire en nous. Dieu désire que nous lui ressemblions alors que ce que nous désirons, c’est de rivaliser avec lui.
Le pouvoir déformant de la technologie
La technologie ne nous permet pas seulement d’agir sur le monde – elle finit par agir sur nous. Elle n’est jamais neutre.
Lorsqu’Adam et Ève ont pris le fruit défendu pour devenir comme Dieu, l’image de Dieu qu’ils portaient en eux a été déformée. De même, la technologie a le pouvoir de déformer l’image de Dieu dans notre caractère. A partir de Galates 5.22-23, examinons six façons dont la technologie numérique peut nous déformer.
1. L’amour et la bonté déformés : la polarisation, la colère et l’indignation
L’amour et la bonté de Dieu se manifestent par sa disposition et ses actions envers l’homme pécheur (Tite 3.4-5), qui expriment chaleur et compassion pour le « prochain ». Mais les médias numériques et sociaux et leurs algorithmes ne favorisent pas la création de contenus empreints de bonté et ne contribuent pas à faire croître l’amour dans nos âmes.
La technologie ne nous permet pas seulement d’agir sur le monde – elle finit par agir sur nous. Elle n’est jamais neutre.
Lors d’une audience qui s’est tenue au Sénat en 2021 à propos des algorithmes des médias sociaux, un ancien éthicien ayant travaillé à la conception de Google a déclaré que le « modèle commercial de l’entreprise consiste à créer une société dépendante, indignée, polarisée, performante et désinformée ». Facebook a été qualifié d’« une des entreprises les plus polarisantes au monde », dont la plateforme est « optimisée pour que les gens continuent à faire défiler leur fil d’actualité Facebook, en amplifiant les contenus conflictuels et incendiaires et en exagérant les divisions politiques au sein de la société ».
Cela a contribué à la polarisation des États-Unis, marquée par une perte de confiance du peuple envers les normes démocratiques qui ont perdu de leur impact. Notre indignation morale est attisée, et nous sommes devenus plus exigeants et plus en colère. Les médias numériques créent un écosystème favorable à la prolifération des trolls, des théories du complot et de l’antagonisme.
Les sites web que nous utilisons et les médias que nous consommons chaque jour ont la capacité de déformer notre gentillesse et notre amour et de générer les fruits de la polarisation, de la colère et de l’indignation.
2. La joie et la paix déformées : la dépression et l’anxiété
De nombreuses études ont établi un lien entre l’utilisation intensive des technologies numériques et les manifestations de dépression et d’anxiété. Le pourcentage de personnes en souffrance, dépressives et suicidaires est étroitement lié à une utilisation élevée des technologies numériques, tout comme le pourcentage de personnes souffrant d’insomnie, de stress et d’une faible estime de soi.
Une étude a montré que l’utilisation excessive d’Internet pendant la pandémie de COVID-19 et l’exposition à la désinformation qui l’accompagnait étaient des sources importantes de dépression. De nombreuses preuves existent dans la littérature quant au fait que l’utilisation des médias sociaux est corrélée à l’anxiété et contribue à favoriser chez les gens la peur de passer à côté de quelque chose.
La technologie numérique peut être bénéfique à ses utilisateurs, mais si elle n’est pas maîtrisée, elle peut nous ôter notre joie et faire de nous des personnes anxieuses et vides.
3. La patience déformée : l’impatience et la compulsion
Nous nous souvenons tous de l’impatience qui montait dans notre poitrine lorsque nous entendions les bips du modem tandis qu’AOL se chargeait à une vitesse d’escargot au début des années 2000. Nous pourrions penser qu’avec la vitesse des ordinateurs modernes, nous ne serions jamais plus confrontés à ce sentiment d’impatience. Or, c’est le contraire qui se produit. Cette impatience accrue se manifeste par l’utilisation du téléphone portable avec en arrière-pensée le désir de « subvenir à [nos] besoins le plus rapidement possible », ce qui peut se traduire par une irritabilité accrue et des dépenses inconsidérées.
L’origine de notre impatience pourrait être corrélée à des changements neurologiques plus profonds facilités par une consommation accrue des médias numériques. Microsoft a constaté qu’entre 2000 et 2013, notre capacité de concentration était passée de 12 à 8 secondes (à titre de comparaison, la capacité de concentration d’un poisson rouge est de 9 secondes). Mark Ellingsen écrit : « La diminution de la capacité de concentration exigée par Internet met nos aptitudes cognitives à rude épreuve et diminue nos facultés d’apprentissage et de compréhension ».
Dieu est patient, magnanime et engagé sur le long terme. La gratification instantanée et la distraction encouragées par les médias numériques déforment cet aspect de l’image de Dieu en nous au niveau neurologique.
4. La douceur déformée : la violence
Si la douceur de Dieu à l’égard de ceux qui portent son image se traduit par une attitude non blessante à leur encontre, la manifestation opposée dans le caractère humain serait de vouloir blesser quelqu’un intentionnellement. La violence émotionnelle, sous la forme de cyberintimidation, est l’une des conséquences de l’utilisation des médias numériques. L’augmentation de l’utilisation d’Internet s’accompagne d’un désengagement moral accru (voir le point suivant) et d’une plus grande probabilité de se livrer à la cyberintimidation.
Cette agressivité en ligne peut déboucher sur un comportement violent dans la vie réelle. Un sondage du Public Religion Research Institute a révélé que 15% des Américains (soit 50 millions de personnes) pensent que « puisque les choses ont dérapé à ce point, les vrais patriotes Américains devront peut-être recourir à la violence pour sauver notre pays ». Les forums en ligne ont contribué à la radicalisation de terroristes nationaux tels que Dylan Roof et Payton Gendron.
Les internautes n’ont pas tous recours à la violence, mais l’animosité qu’ils suscitent attire les gens dans cette direction et crée des refuges où les fantasmes de violence peuvent s’enraciner.
5. La bonté et la fidélité déformées : l’ambiguïté morale
L’inverse de la bonté et de la fidélité pourrait être qualifié d’ « ambiguïté morale ». Si la bonté consiste à connaître et à aimer ce qui est vrai et bon, la fidélité consiste à agir en accord avec ce qui est vrai et bon.
Dieu est patient, magnanime et engagé sur le long terme. La gratification instantanée et la distraction encouragées par les médias numériques déforment cet aspect de l’image de Dieu en nous.
Cette section peut se regrouper avec les précédentes. La colère, l’hostilité et la violence dirigées contre d’autres porteurs de l’image de Dieu sont tout sauf bonnes et fidèles. Le désengagement moral se définit comme « une prédisposition cognitive selon laquelle les individus réinterprètent leurs comportements immoraux » et a été associé à l’utilisation compulsive d’Internet et à l’utilisation de jeux vidéo violents. L’anonymat en ligne et l’absence apparente de conséquences créent une atmosphère qui facilite la désinhibition et la cyberagression.
Comme cela se passe pour la formation de tout mauvais fruit, l’utilisation de la technologie numérique ne déforme pas automatiquement la perception que chacun a des normes morales telles que la bonté et la fidélité. Mais elle crée un environnement propice à l’éclosion des sombres désirs du cœur.
6. Une maîtrise de soi déformée : l’addiction
Dieu ne prend jamais de décision irréfléchie, ne dit jamais une chose qu’il regrettera par la suite et n’entreprend jamais d’action qui échappe à son contrôle. Les humains reflètent cet aspect du caractère de Dieu en faisant preuve de maîtrise de soi. L’un des fruits pourris de la technologie numérique est l’addiction : l’incapacité à contrôler son utilisation ou sa consommation. L’utilisation désinhibée de la technologie nous enlève le contrôle et commence à nous contrôler.
La sombre réalité est que l’addiction est une conséquence voulue, et non un bug. Les entreprises technologiques « encouragent l’addiction comportementale [par] un renforcement positif intermittent et la recherche de l’approbation sociale » et développent activement des fonctions addictives pour asservir les gens à leurs appareils afin d’augmenter leur chiffre d’affaires. Une fois la dépendance installée, il est difficile de s’en libérer. L’arrêt de l’utilisation d’Internet provoque des effets de sevrage « similaires à ceux observés après l’arrêt de nombreuses substances dépressives telles que l’alcool, le cannabis et les drogues à base d’opiacés ».
Une question à se poser
De nombreuses études ont démontré le pouvoir déformant de la technologie numérique. La technologie peut nous déformer, mais il ne s’agit pas du seul pouvoir à l’œuvre. Outre les effets psychologiques de l’utilisation à long terme de la technologie numérique, nos désirs déchus peuvent nous pousser à nous replier sur nous-mêmes, comme ce fut le cas pour Adam et Ève lorsqu’ils ont désiré le fruit.
La question est de savoir si nous devrions éviter complètement la technologie numérique et, si ce n’est pas le cas, comment nous pourrions fixer des limites pour nous assurer que nous maîtrisons nos outils, et non l’inverse.