La simplicité divine
Definition
La simplicité signifie que Dieu n’est pas composé d’éléments ; il n’est pas composite ou un être composé. Il est simple ; tout ce qui est en Dieu est Dieu.
Summary
Dieu n’est pas composé d’éléments, il n’est ni de nature composée, ni composite. Cela signifie qu’il ne possède pas d’attributs, dans le sens où ses attributs seraient une chose et son essence une autre. Au contraire, son essence est ses attributs et ses attributs sont son essence. Dieu est ses attributs. Cela signifie que tout ce qui est en Dieu est simplement Dieu. La simplicité est essentielle car elle permet de faire la distinction entre le Créateur infini, éternel et immuable et la créature finie, temporelle et muable. La simplicité est rejetée par certains philosophes et théologiens d’aujourd’hui, mais elle est affirmée par la grande tradition des confessions protestantes. Plus important encore, elle est présumée dans toute l’Écriture à chaque fois que Dieu est identifié au sens le plus fort avec ses attributs. Elle est déduite dans l’affirmation de l’Écriture de l’immuabilité, de l’éternité et de l’aséité divines.
Introduction
À l’époque de ma formation au séminaire, notre famille vivait à Louisville, dans le Kentucky. L’un des avantages de vivre à Louisville était de pouvoir se rendre de temps en temps chez ‘Homemade Pie and Ice Cream’, qui vendait les tartes les plus succulentes de la ville. Chaque année, des gens de tout le pays, voire du monde entier, se rendent à Louisville pour assister à la célèbre course hippique, la Kentucky Derby. Avant la course, les festivités ne sont pas seulement marquées par des chapeaux flamboyants et des cocktails Mint Juleps, mais aussi par la vente de la Derby Pie dans la plupart des boulangeries à savoir une tarte au chocolat et aux noix qui met l’eau à la bouche et à laquelle personne ne peut résister. J’apprécie la Derby pie classique mais ma préférée est la tarte néerlandaise aux pommes et au caramel qui a gagné un prix.
À vrai dire, le caramel sur la tarte est si épais (trop épais pour les papilles de certains) qu’il faut un couteau de boucher pour le couper. Mais imaginons que vous ayez trouvé votre couteau et que vous commenciez à partager la tarte : une grosse part pour moi, merci, et peut-être des parts plus petites pour tous les autres. Cela me tue de l’admettre, parce qu’un théologien est toujours à la recherche de l’illustration la plus perspicace, mais la tarte néerlandaise aux pommes et au caramel est une pauvre illustration de ce qu’est Dieu. C’est vrai, c’est même une très mauvaise illustration. Et pourtant, c’est ainsi que beaucoup de gens pensent aux attributs de Dieu. En fait, c’est ce qui me rend nerveux lorsque, chapitre après chapitre, j’écris sur les différents attributs de Dieu. C’est comme si nous étions en train de découper la tarte appelée « Dieu ».
Les perfections de Dieu ne sont pas comme une tarte que nous découperions en différents morceaux : l’amour représentant 10%, la sainteté 15%, l’omnipotence 7% et ainsi de suite. Mais c’est malheureusement la façon dont, aujourd’hui, bien des chrétiens parlent de Dieu, comme si l’amour, la sainteté, l’omnipotence étaient différentes parties de Dieu, Dieu étant également divisé entre ses divers attributs. Certains vont même plus loin, croyant que certains attributs sont plus importants que les autres. Cela arrive la plupart du temps au sujet de l’amour divin, dont plusieurs disent qu’il est l’attribut le plus important (la plus grosse part de la tarte).
Mais, comme je le fais remarquer dans mon livre None Greater: The Undomesticated Attributes of God, [Il n’y a pas plus grand: les attributs non domestiqués de Dieu] une telle approche pose un profond problème, puisqu’elle transforme Dieu en une collection d’attributs. On a même l’impression que Dieu est une « chose » et que ses attributs en sont une autre, quelque chose d’ajouté, d’attaché à ce qu’il est. Non seulement cette approche divise l’essence de Dieu, mais elle risque potentiellement d’opposer une partie de Dieu à une autre (par exemple, son amour pourrait-il s’opposer à sa justice ?). Cette erreur est parfois compréhensible ; elle se glisse involontairement dans notre discours sur Dieu. Nous pouvons dire : « Dieu a de l’amour » ou « Dieu possède tout pouvoir ». Nous comprenons tous ce qui est communiqué, mais ce langage peut être trompeur. Il vaudrait mieux dire « Dieu est amour » ou « Dieu est tout-puissant ». En modifiant notre langage, nous protégeons l’unité de l’essence de Dieu. Ce faisant, nous protégeons la « simplicité » de Dieu.
La simplicité et la sagesse de l’équipe des A
La simplicité peut vous sembler un nouveau concept pour votre vocabulaire théologique, mais elle est un de ceux qui ont été affirmés par la majorité des chrétiens qui nous ont précédés durant les deux mille dernières années de l’histoire de l’Église, même par certains des plus anciens pères de l’Église. Et cela aussi pour une bonne raison. Consultons donc l’équipe des A : Augustin, Anselme, et (Thomas d’) Aquin.
Apparemment, je ne suis pas le seul à avoir fait appel à une illustration pour démontrer ce que Dieu n’est pas. Au Ve siècle, le père de l’Église Saint Augustin a fait de même, mais il ne s’agissait pas d’une tarte néerlandaise aux pommes et au caramel. Augustin a plutôt fait appel au liquide, au corps humain et au soleil. La nature de la Trinité est dite simple, car « elle ne peut perdre aucun des attributs qu’elle possède » et parce qu’« il n’y a pas de différence entre ce qu’elle est et ce qu’elle a, comme il y en a, par exemple, entre un récipient [une tasse] et le liquide qu’il contient, un corps et sa couleur, l’atmosphère et sa lumière ou sa chaleur, l’âme et sa sagesse ». Augustin conclut : « Aucun de ces éléments n’est ce qu’il contient ».[1] Une tasse et un liquide, un corps et sa couleur, l’atmosphère et sa lumière ou sa chaleur, l’âme et sa sagesse qu’ont-ils tous en commun ? Réponse : la division.
Il n’en est pas ainsi, cependant, avec Dieu et ses attributs.
Les attributs de Dieu ne sont pas extérieurs à son essence, ils n’ajoutent pas une qualité qu’autrement Dieu ne possèderait pas. Ce n’est pas comme s’il y avait des attributs qui seraient accidentels pour Dieu, susceptibles de lui être ajoutés ou soustraits, perdus puis trouvés, comme si, même, ils ne devaient à exister en tout premier lieu. Au contraire, Dieu est ses attributs. Au lieu de l’addition et de la division, il y a l’unité absolue. Son essence est ses attributs, et ses attributs, son essence. Ou, comme le dit Augustin : « Dieu n’a pas de propriétés, mais il est pure essence…. Elles ne diffèrent pas de son essence et ne diffèrent pas non plus matériellement les unes des autres ».[2]
Augustin n’est pas seul. Prenez Anselme, par exemple. Si quelque chose est « composé de parties, » fait-il remarquer, alors il ne peut être « totalement un ». Là où il y a une pluralité de parties, ce qui est composé de ces parties est susceptible d’être dissout. Quel désastre ce serait pour Dieu ! Au contraire, Dieu est « véritablement un être unitaire », un qui est « identique à » lui-même et « indivisible ». « La vie et la sagesse ainsi que les autres [attributs], donc, ne sont pas des parties de Toi, mais tous sont un et chacun d’eux est pleinement ce que Tu es et ce que sont tous les autres ».[3]
Ou encore considérez Thomas d’Aquin. Puisque Dieu n’a pas de corps (comme nous), il « n’est pas composé de parties étendues », comme s’il était composé de « forme et de matière ». Ce n’est pas comme si Dieu était quelque chose de différent de « sa propre nature ». Ce n’est pas non plus comme si sa nature était une chose et son existence une autre. Nous ne devrions pas non plus supposer que Dieu est une sorte de substance, qui a des accidents, des caractéristiques qui peuvent être éliminées ou cesser d’exister. « Dieu n’est en aucun cas composite. Au contraire, il est entièrement simple ».[4]
Complet, complet, complet est le Seigneur : la perfection singulière
Alors que Thomas d’Aquin fait usage des termes « composite » et « composition » pour expliquer ce que Dieu n’est pas, Irénée, un autre père de l’Église, utilise le mot « composé » pour expliquer ce que Dieu n’est pas. Si quelque chose est composé, cela veut dire qu’on y trouve plus d’une partie, chaque partie étant séparée de l’autre. Par contraste, Dieu, parce que simple, est un « Être non composé » qui n’a pas différents « membres ». Il est totalement « égal à lui-même ». Peut-être est-il approprié, alors, de placer le mot « complet » en face de chacun de ses attributs pour souligner ce point particulier. « Dieu n’est pas comme sont les humains », nous explique Irénée, « car le Père de tout est loin des affections et passions qui sont à l’œuvre parmi les hommes. Il est un Être simple, non composé, qui n’a pas divers membres, et qui est totalement semblable et égal à Lui-Même, puisqu’il est complètement entendement et complètement esprit et complètement pensée et complètement intelligence et complètement raison … complètement lumière et la complète source de tout ce qui est bon ».[5]
Avec l’équipe des A à nos côtés, il convient de conclure que la simplicité n’est pas seulement une déclaration négative : Dieu n’a pas de parts, mais aussi une déclaration positive : Dieu est identique à tout ce qu’il est en lui-même et par lui-même. Au sens le plus pur, Dieu est un : il est la perfection singulière.
Dans l’Écriture, on ne peut pas en dire autant des dieux créés par les humains, des dieux composés de parties. Compte tenu de l’unicité de Dieu, il est donc juste que le peuple de Dieu confesse ensemble, comme le fait Israël, que « le Seigneur notre Dieu, le Seigneur est un » (Deut. 6:4).
Quelle est la gravité d’un déni de simplicité ?
Le déni de la simplicité est une chose sérieuse. Si sérieuse qu’un apologète a dit qu’elle est « équivalente à l’athéisme ».[6] Cela semble extrême. Pourtant, jusqu’au XIXe siècle, la plupart des gens auraient été d’accord.
Malheureusement, trop de chrétiens ont aujourd’hui adopté le monopolythéisme, c’est-à-dire la croyance qu’il n’y a qu’un seul Dieu, mais qu’il ressemble beaucoup aux dieux de la mythologie, qu’il possède des attributs humains mais dans une plus grande mesure. Or, si le monopolythéisme était vrai, non seulement Dieu serait constitué de diverses parties ou propriétés, mais il serait « logiquement dépendant d’une réalité plus globale qui l’engloberait, lui et les autres êtres ».[7]
Bien entendu, dire que Dieu n’est pas personnel comme le sont les dieux finis du paganisme n’est pas dire que Dieu est impersonnel : il est infini, souverain, simple et personnel. Ce dernier attribut apparaît dans de nombreux textes bibliques, mais il doit être protégé contre les hypothèses tirées du monde des dieux finis, sous peine de mettre en péril l’incomparable simplicité de Dieu.
En effet, si Dieu dépendait de quelque chose ou de quelqu’un d’autre, il aurait alors complètement renoncé à sa divinité, car ce dont il dépendrait devrait être quelque chose tel que l’on ne pourrait en concevoir de plus grande, quelque chose de plus complet que lui-même.
C’est grave.
En fin de compte, la simplicité est un attribut tout simplement trop sérieux pour être ignoré.
Les idées ou contenus de cet article adapté de None Greater ont été utilisés avec la permission de Baker Books.
Footnotes
Further Reading
- Matthew Barrett, None Greater: The Undomesticated Attributes of God
- Matthew Barrett, Credo Podcast: The undomesticated attributes of God, part 1
- Matthew Barrett, Credo Podcast: The undomesticated attributes of God, part 2
- Matthew Barrett with James Dolezal, Credo Podcast: What is simplicity and does it matter?
- Matthew Barrett, “Simplicity,” Midwestern Seminary
Cet essai fait partie de la série « Concise Theology ». Tous les points de vue exprimés dans cet essai sont ceux de l’auteur. Cet essai est gratuitement disponible sous licence Creative Commons avec Attribution Partage dans les mêmes conditions (CC BY-SA 3.0 US), ce qui permet aux utilisateurs de le partager sur d’autres supports/formats et d’en adapter/traduire le contenu à condition que figurent un lien d’attribution, les indications de changements et que la même licence Creative Commons s’applique à ce contenu. Si vous souhaitez traduire notre contenu ou rejoindre notre communauté de traducteurs, n’hésitez pas à nous contacter.